ésotérisme chrétien : préambule

Les régimes totalitaires et l’ésotérisme

A moins que les chefs de l’état ne soient eux-mêmes initiés, ce qui était le cas des pharaons et des hauts dignitaires égyptiens, cette voie initiatique est incompatible avec une religion d’état.

Les États n’aiment pas les secrets auxquels ils ne peuvent pas participer. C’est la principale raison pour laquelle le Christianisme, en devenant religion d’état de l’empire romain, se devait de refuser toute trace d’ésotérisme. Seules restaient acceptables les initiations accessibles au plus grand nombre, comme le baptême. Jusque vers le IVème siècle, le rituel du baptême est resté un secret inaccessible aux catéchumènes.

Les responsables politiques attendent des responsables religieux un soutien à leur pouvoir, à leurs décisions, à la paix sociale plus qu’une élévation spirituelle des sujets ou des citoyens.

Les États entendent désigner ou agréer les responsables religieux selon les critères de fidélité et d’allégeance et non selon un degré d’élévation spirituelle.

Seules les démocraties les plus évoluées acceptent la critique de la politique qu’ils entendent mener. Un initié dira toujours « Tu ne tueras pas » ou « Aimez vos ennemis ».


Commentaire/Analyse





On pourra aisément dire que je focalise mon propos sur la franc-maçonnerie tandis que celui du livre est l’initiation. Ceci serait une réponse casuistique, car la maçonnerie est une société initiatique, et j’ai rencontré son auteur dans mon parcours maçonnique, en loge. La maçonnerie est incompatible avec le pouvoir, sauf si le pouvoir est lui-même dans une démarche initiatique nous dit l’auteur. Quel aveu incroyable de maladresse et de vérité tout en même temps !!! Avez-vous vu récemment des persécutions anti-maçonniques en France ? les temples sont-ils fermés ? Les listes des maçons sont-elles transmises aux auxiliaires de police et de justice ? Non, bien évidemment. Donc… le pouvoir en France, si on en croit les catégories de notre auteur serait donc compatible avec la maçonnerie. On répondra que le pouvoir n’est pas compatible. Il est neutre, grâce à la laïcité (sujet que l’auteur aborde ensuite). Mais la laïcité ne signifie neutralité que pour les gens qui sont stupides, aveugles, ou bien ouvertement opposés à la voie chrétienne. Comme la maçonnerie est une société secrète, elle aura plutôt comme objet d’être secrètement opposée à la voie chrétienne. Son opposition est multiforme bien entendu. Pour l’auteur, il s’agit de prendre un enseignement judéo-chrétien et de le travestir en enseignement extrême oriental de type yoga. Pour d’autres, il s’agissait de quelque chose de plus politique, sociétal. Peu importe, du moment que la France quitte le Christianisme, car voilà le but au final.

Mais l’auteur pose aussi la question du problème posé par la religion d’état. Le Christianisme peut-il rester lui-même tout en étant religion d’état ? Peut-il garder son côté profondément rebelle tout en siégeant dans les instances de pouvoir ? La réponse demande de la subtilité. La pratique liée à la laïcité, introduit l’idée fallacieuse que l’Église n’a cessé de se mêler de politique, influençant sans cesse les lois, les décisions, les arbitrages. Or, pour ceux qui ont étudié l’histoire de l’Église, il s’agit du simple opposé. L’état, en la personne de l’empire romain, n’a cessé d’interférer dans les affaires de l’Église. C’est l’empire romain qui n’a eu de cesse d’exiler les évêques et patriarches qui lui posaient problème (comme Saint Jean Chrysostome), d’imposer des synthèses théologiques pour construire une unité politique au mépris de la réalité religieuse, d’introduire des hérésies suite aux égarements des divers empereurs qui se sont fourvoyés théologiquement. Il est évident que l’Église a aussi influencé la société dans l’autre sens. Mais pas la politique directement. Elle a influencé les individus qui composaient la société et a donc eu une influence profonde. Alors, si la cohabitation entre Église et pouvoir était toujours défavorable à l’Église, pourquoi donc vouloir cette séparation si l’on est hostile à l’Église ? La séparation de la laïcité française est toute autre. Il s’agissait de déchristianiser la France, et donc d’enlever au catholicisme romain les moyens d’exercer une influence. Il s’agissait donc de prendre les bâtiments, et d’établir une forte divergence (de façon symbolique ou pas), tout en faisant croire que l’influence néfaste venait de l’autre côté.

Après tous ces préambules de recadrages nécessaires, répondons maintenant point par point, aux mensonges, approximations et erreurs de l’auteur (à vous de choisir) : il n’y a pas d’ésotérisme dans le Christianisme, car l’ésotérisme est une escroquerie spirituelle liée à la démarche gnostique. Ce n’est pas le goût exclusif de l’état pour le secret qui explique ainsi l’absence d’initiation dans la pratique chrétienne. C’est ce qu’est ontologiquement le Christianisme qui explique cette absence. Depuis que Dieu a parlé à Adam, aux patriarches et depuis le ministère du Christ, il n’y a jamais rien eu de secret.





Le baptême prend parfois le nom d’initiation chrétienne, mais il ne s’agit en rien de quelque chose de secret. Le secret lié au baptême dont parle l’auteur, qui serait resté secret jusqu’au quatrième siècle est une pure fiction. Ce n’est validé par aucun historien. Vous remarquerez qu’il n’y a aucune note de bas de page pour venir étayer le propos. On est une fois de plus dans l’approximation, l’à peu près qui caractérise ce travail plus que médiocre. Le baptême avait un aspect parfois secret jusqu’au quatrième siècle à cause des persécutions. La plupart des chrétiens gardaient secrète leur foi. Ceux qui la rendaient publique risquaient la mort. Ceux qui l’ont effectivement rendue publique sont maintenant dans le synaxaire (textes liturgiques sur la vie des saints). A partir du moment où les persécutions ont disparu, le secret entourant le baptême a également disparu. C’est aussi simple que cela.

L’auteur a raison lorsqu’il dit que les responsables politiques voient tout au travers du prisme de l’allégeance et de la fidélité. Mais cela n’empêche pas parfois, d’avoir de véritables évêques et patriarches. C’est malheureusement très rare. Nous avons la plupart du temps, des gestionnaires… Et si les hommes au pouvoir voient tout sous ce prisme, et si la maçonnerie ne craint rien, alors qu’en est-il de son allégeance et de sa fidélité ? Tout propos servant à juger les religions, doit également servir à juger la maçonnerie. C’est là que ce petit jeu devient intéressant.

Dernière révélation involontaire que fait l’auteur en se trahissant dans ce court texte très éclairant : il cite le pouvoir égyptien comme représentatif de ce que donne un pouvoir totalement éclairé par les bienfaits des initiations qu’il défend. Très bon choix ! Que dit la Bible sur l’Égypte ? Qu’il s’agissait de ce qu’il y a de pire, de l’impureté portée à son paroxysme… être relié à l’élection divine, c’est précisément sortir de ce qu’était ce modèle d’après notre auteur. Une conclusion en forme de pied de nez : pour vivre une spiritualité en relation au divin, il convient de sortir de tout ce qui est présenté comme initiatique. L’élection survient lorsque l’on sort de l’initiatique.