Patrologie grecque

Saint Clément de Rome : première aux corinthiens - chapitre 5

Texte original (dans la patrologie de Migne) :

Ἀλλ᾿ ἵνα τῶν ἀρχαίων ὑποδειγμάτων παυσώμεθα, ἔλθωμεν ἐπὶ τοὺς ἔγγιστα γενομένους ἀθλητάς· λάβωμεν τῆς γενεᾶς ἡμῶν τὰ γενναῖα ὑποδείγματα. διὰ ζῆλον καὶ φθόνον οἱ μέγιστοι καὶ δικαιότατοι στύλοι ἐδιώχθησαν καὶ ἕως θανάτου ἤθλησαν. λάβωμεν πρὸ ὀφθαλμῶν ἡμῶν τοὺς ἀγαθοὺς ἀποστόλους· Πέτρον, ὃς διὰ ζῆλον ἄδικον οὐχ ἕνα οὐδὲ δύο, ἀλλὰ πλείονας ὑπήνεγκεν πόνους καὶ οὕτω μαρτυρήσας ἐπορεύθη εἰς τὸν ὀφειλόμενον τόπον τῆς δόξης. διὰ ζῆλον καὶ ἔριν Παῦλος ὑπομονῆς βραβεῖον ὑπέδειξεν, ἑπτάκις δεσμὰ φορέσας, υγαδευθείς, λιθασθείς, κήρυξ γενόμενος ἔν τε τῇ ἀνατολῇ καὶ ἐν τῇ δύσει, τὸ γενναῖον τῆς πίστεως αὐτοῦ κλέος ἔλαβεν. δικαιοσύνην διδάξας ὅλον τὸν κόσμον, καὶ ἐπὶ τὸ τέρμα τῆς δύσεως ἐλθὼν καὶ μαρτυρήσας ἐπὶ τῶν ἡγουμένων, οὕτως ἀπηλλάγη τοῦ κόσμου καὶ εἰς τὸν ἅγιον τόπον ἀνελήμφθη, ὑπομονῆς γενόμενος μέγιστος ὑπογραμμός.

Traduction fluide

Mais cessons avec les anciens exemples, et passons aux champions les plus proches ; prenons les authentiques exemples de notre génération. C'est par l'envie et la jalousie que les plus grands parmi les colonnes furent persécutés et on combattu jusqu'à la mort. Plaçons les apôtres devant nos yeux. Pierre, endura les souffrances d'une injuste jalousie, non pas une ni deux fois, mais plusieurs fois, rendit ainsi témoignage et son mérite le guida vers le lieu de sa gloire. C'est par la jalousie et la querelle qu'il montra la récompense de la persévérance, sept fois enchaîné, exilé, lapidé, héros aussi bien au levant qu'au couchant, et reçut la gloire de la foi authentique, a enseigné la foi au monde entier, a témoigné devant les autorités aux frontières du levant, et a ainsi quitté le monde pour rejoindre le lieu saint, devenant le plus grand exemple de persévérance.




Commentaire/Analyse : Sainteté et Autorité





Clément de Rome fut évêque de Rome, et son œuvre fait partie de ce qui est classé dans la patristique ante-nicéenne (c’est à dire avant le concile de Nicée de 325). Nous avons ici un document très important pour répondre à la folie académique, universitaire et moderniste qui veut dater toute cette littérature le plus loin possible du Christ. Quel enjeu ? Pouvoir déconnecter le Christianisme du Christ. Pouvoir jouer cette petite musique : il y a tellement d’écart entre les faits et les textes parlant des faits que les choses sont mystérieuses, imprécises… On verra dans un texte de Clément qu’il parle du Temple de Jérusalem comme s’il existait encore. C’est saisissant !! c’est aussi très gênant pour le consensus académique. Ici, nous avons un indice, moins fort il est vrai, mais assez frappant si on veut bien l’entendre : il appelle Pierre et Paul les « exemples de notre génération ». D’habitude, on nous place Saint Clément de Rome comme écrivant son épître aux Corinthiens en 96. C’est la date qui revient dans le consensus académique, date variant entre 70 et 140. Mais personne ne semble vouloir considérer que l’écriture avant 70 ait un sens quelconque.

Deux facteurs à mon avis :
1) Clément venant après les Évangiles, il faut bien que son texte vienne encore après. Le décalage du premier entraîne mécaniquement le décalage du second.
2) On imagine pas Clément écrivant sans l’autorité du siège romain. Pourtant, il ne se présente pas comme presbytre, ou avec le moindre titre. Il adresse un message à l’Église de Corinthe avec comme entête l’Église de Rome. Rien de plus. Etait-il évêque lorsqu’il écrivit ? Essayons d’imaginer que non.

La tradition de l’Église n’est pas unanime pour savoir si Clément fut le second, le troisième ou bien le quatrième évêque de Rome après Saint Pierre. Le fait qu’il invoque les géants de la génération, implique qu’il les a connu, et qu’il s’adresse aux corinthiens comme si cela évoquait quelque chose de bien vivace, de bien présent. Il ne s’agit pas de considérer que Paul et Pierre ne sont pas morts, mais plutôt qu’ils le sont de façon très récente. Mais le plus intéressant est qu’il écrive cette lettre, non pas avec l’autorité de la juridiction, mais avec celle de la sainteté. Essayons d’imaginer un instant que c’est la sainteté de son comportement, de ses paroles et de ses actes qui lui confère son autorité. Nous sommes face à des gens qui ont connu les apôtres. Ils ont connu des gens qui faisaient des miracles. Nous sommes au temps des persécutions. Elles sont bien réelles et terribles. Un Clément « apparatchik » ou « fonctionnaire » comme le sont bon nombre d’évêques aujourd’hui est impensable. Nous sommes au moment où la hiérarchie de l’Église est sainte. Nous n’avons pas encore basculé dans la période terrible où les saints sont des moines dans les monastères, mais pas des évêques.

Il y a Dieu merci, des exceptions à cette règle terrible. Saint Jean Maximovitch par exemple. Ceci devrait être un critère de choix pour un patriarcat ou un synode : les gens devraient choisir des synodes où il n’y a pas de radicale coupure entre épiscopat et sainteté. Cela évite ainsi la schizophrénie spirituelle d’une église sainte mais avec une « tête » pourrie.