Patrologie grecque

traduction de l’introduction patristique : second chapitre du volume de la Patrologie de Migne consacrée à Saint Clément de Rome
Texte original latin

Quod fuerit scriptorum saeculi ingenium, quae studia, occupationes et occasiones ad scribendum.

Extra controversiam est illos eo potissimum omnes ingenii sui nervos contendisse, omneque studium et operam consumpsisse, ut evangelium christi omnibus annuntiarent; ac demonstrata christianae religionis veritate, iis persuaderent eam solam, caeteris omnibus repudiatis, esse amplexandam. hinc judaeos variis convincebant argumentis christum esse illum tandiu, tantoque ardore ab eis exspectatum, messiam, verumque deum, et patris aeterni filium. tunc vero completa quae de illo a prophetis praenuntiata fuerant, oracula; ac moysis legem, caeremonias, et sacrificia ab eo fuisse rescissa et abrogata. Paganis autem et idolorum cultoribus ibant persuasum fieri non posse, ut plures sunt dii, sed unum tantummodo esse deum caeli et terrae, rerumque omnium creatorem; Christum vero unicum ejus esse Filium, ita a Patre genitum, ut unus idemque cum eo sit Deus. Hunc, ut homines redimeret, humanam assumpsisse carnem, ipsumque, quo magis falsorum nominum cultus infandis sceleribus obscenitatibusque abominandis erat conspurcatus, eo puriores sanctioresque et vitae instituendae et adorandae divinitatis leges hominibus constituisse. Porro autem etsi Christus ab impiis perduellibusque judaeis morti fuerit traditus, scriptores tamen nostri luculentissime ostendebant illius divinitatem innumeris, quae ipse ediderat, quaeque ipso nascente, moriente, atque at mortuis resurgente contigerant, miraculis fuisse perquam invictissime demonstratam. His addebant nos post ipsum a mortuis aliquando esse suscitandos, ac secundum vitae nostrae opera aut suppliciis aeternis afficiendos, aut sempiterna donandos felicitate. Quam quidem doctrinam miraculis, a se quoque editis confirmatam, fuso sanguine plerumque consignabant. Quos tandem ad christianam fidem recens adduxerant, hos primis novae legis praeceptis erudiebant, informabantque qua ratione post abjectam judaeorum paganorumve religionem uni deo serviendum. Tum deinde eos docebant quid singulis quibusque esset praestandum, ut genitalibus baptismi undis Christo consepulti et cum eo resurgentes, nova gratiae vita, peccatis amplius non morituri, renascerentur. Post susceptum divinae regenerationis sacramentum, secretiora fidei nostrae adyta eis reserabant clara et accurata eorum omnium, quae alios celabant, sum mysteriorum trinitatis et incarnationis, tum sacramentorum ac praesertim eucharistiae expositione. In primis autem illos hortabantur, ut in tradita fide constantes permanerent, ac pro ea tuenda quaelibet perferrent genera tormentorum. Quibus sane tormentis si vita eis eriperetur, id nonnulli litteris mandabant. Scribebant vero alii aliorum virtute et merito praestantiorum historiam, itinera, pericula, labores, certamina, passiones, supplicia, et omnia eorum martyrii acta. Alii statuta et canones, ab apostolis eorumque successoribus ad doctrinae explicationem, informationemque morum sancita, scriptis tradebant; Alii datis ad quosdam christianos, aut episcopos, aut ecclesias litteris, illos accendebant ad tyrannorum persecutiones patientissime tolerandas; vel graviora quorumdam peccata, vel nascentes jamque irruentes abusus castigatione paterna coercebant, corrigebantque. alii denique ne simpliciores quorumdam animi corrumperentur, in perversas doctrinas, erroresque nefarios, ac nascentes haereses stylum verterunt.

Traduction proposée

Ce qui est caractéristique des auteurs du siècle, ce qui doit être écrit dans les études

En dehors des controverses occasionnelles, la plus puissante de toutes par le caractère fervent qu’elle a provoqué, au-delà de toute œuvre et étude : l’annonce par tous de l’Evangile du Christ ; Celle-ci a démontré la vérité de l’observance chrétienne, et qu’il faut l’embrasser elle seule et répudier toutes les autres. Par elle furent convaincus divers juifs par des arguments qu’il était le Christ si longtemps attendu parmi eux, Messie et vrai Dieu, et Fils du Père éternel. Alors furent accomplies en vérité, le concernant, les oracles qui avaient été annoncés par les prophètes. Et de la Loi de Moïse, les cérémonies et sacrifices furent annulés et abrogés. Or les païens et ceux qui suivent les cultes des idoles ne furent pas tous convaincus, qu’il n’y a pas plusieurs dieux, mais seulement un seul, créateur du ciel et de la terre ; Que le Christ est son véritable Fils unique, engendré par le Père, qu’il est un avec Dieu et qu’il est Dieu ; Qu’ il a racheté les hommes en établissant pour les hommes des lois d’adoration et les institutions de vie les plus propres et les plus sacrées. Qu’il a reçu une chair humaine, et elle-même, avait été trompée, polluée au plus haut point par des cultes innommables, criminels et mauvais. Néanmoins, il a été mis à mort par les impies et les juifs, tandis que nos auteurs les plus brillants montraient à tous sa divinité, et ont prouvé de façon irréfutable sa naissance, sa mort et sa résurrection. Ils ajoutèrent aussi ce qui concerne la résurrection des morts, et comment les œuvres de nos vies nous donnerons les supplices éternels ou la félicité éternelle. Combien ajoutèrent les miracles à la doctrine, que la plupart signaient de leur sang. Ils ont conduit les nouveaux chrétiens à la foi, instruisaient par les préceptes de la loi nouvelle, et formaient les païens, via des explications rejetées par les juifs, à l’observance de Dieu. Ils les instruisaient chacun dans ce qui devait être surpassé, grâce à la naissance offerte dans le baptême d’un Christ enterré mais également ressuscité, vie d’une grâce nouvelle, offrant à ceux qui sont mortels, une nouvelle naissance. Après qu’ait été repris le sacrement de la régénération, ceux qui étaient séparés de notre foi ouvraient le Saint des Saints, célèbre pour tous et que cachaient certains, a été révélé le mystère de la Trinité et les Sacrements, et en particulier l’Eucharistie. Les premiers furent exhortés par elle, dispensant une foi constante.

Des lettres de direction les défendaient quelles que soient les tortures endurées, les secourant vraiment. Elles étaient écrites par des hommes vrais aux mérites excellents, par leurs actes de martyr, leurs voyages, leurs dangers, leur travaux, leurs luttes, leurs souffrances et leurs supplices. Par les canons établis venant des apôtres ou de leur successeurs dans l’explication de la doctrine, ils ont laissé des écrits sur des idées et des pratiques de sanctification. Ces lettres laissées par des chrétiens ou des évêques enflammaient les persécutions qui furent endurées avec la plus grande patience. Celles subies par nos Pères repoussèrent et corrigèrent parmi les plus grands péchés de l’Eglise naissante : en effet, certaines âmes furent aussi corrompues et se tournèrent vers des plumes aux doctrines perverses, aux erreurs néfastes des hérésies naissantes.






Commentaire/Analyse : La théologie de la substitution



Ce sujet est un sujet ô combien épineux. Présentons d’abord ce dont il s’agit : Israël a été remplacé par l’Eglise suite à sa cécité et son rejet concernant le Messie. Je pense que l’on peut ainsi résumer et présenter cette position théologique sans la trahir. Et c’est davantage une opinion théologique qu’un théologie au sens propre. En effet, il n’est pas demandé d’y souscrire pour témoigner d’une orthodoxie de la foi. L’on ne peut pas être chrétien sans croire que le Christ est le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, ainsi que le proclame le premier concile œcuménique de Nicée en 325. On ne peut pas être chrétien sans croire que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob est une Trinité de Personnes, ainsi que le proclame le second concile œcuménique à Constantinople en 381. Et ainsi de suite jusqu’au septième concile à Nicée, encore une fois, en 787 sur tout ce qui est relatif aux icônes et au caractère représentable du Seigneur. Jamais il n’est demandé de considérer à un chrétien qu’il a pris la place d’un juif dans l’organisation du salut, dans ce qui constitue le cœur de sa foi. Il peut le croire, et beaucoup le croient, car les Pères de l’Eglise ont beaucoup annoncé ceci. Dans beaucoup de textes traduits sur ce blog, on trouvera des traces patristiques de cette théologie.

En ce qui concerne la patristique, la meilleure façon de se positionner vis-à-vis des Pères de l’Eglise, est ce qui a été conseillé par Georges Florovsky dans son ouvrage « les voies de la théologie russe » : pas de patrolatrie (suivisme inconditionnel de tout ce que disent les Pères), pas de patrophobie (rejet inconditionnel de tout ce que disent les Pères), mais bien prendre les Pères comme modèles.

Pourquoi pas de patrolatrie ? Parce que les Pères ne sont pas un système. Ils sont souvent contradictoires. Donc on ne peut pas les suivre de façon systématique, même si on le voudrait. Et surtout, ils ont tous fait des erreurs. Ce sont des hommes. Des saints, mais des hommes. Faillibles.

Pourquoi pas de patrophobie ? Parce que nous leurs devons tout (je laisse le Christ et Sa Mère de côté, c’est une autre catégorie). Ce sont des martyrs pour la plupart, et des géants de la spiritualité. Se passer de leurs lumières serait une folie.

La voie médiane est donc bien de les prendre en exemple. Tous lisaient les Ecritures avec passion et assiduité et tenaient en grande estime ceux qui les avaient précédés. Tous avaient une vie liturgique intense. Ils étaient des géants de la prière. Ceci semble donc plus qu’indiqué. Les lire avec respect, mais aussi avec discernement. Et surtout, se familiariser avec leur contexte historique, théologique. On ne lit pas un théologien d’Alexandrie, comme on lit un théologien d’Antioche, ni comme un byzantin. Etc…

Revenons à la théologie de la substitution. A quelques rares et notables exceptions, l’écrasante majorité des Pères a écrit que l’Eglise remplace Israël. Et bien, sur ce point précis, et ce sera probablement un des seuls, je choisis de ne pas suivre les Pères. Je ne serai donc pas traditionnel. Ou au contraire, je serai hyper traditionnel, car je vais me ranger du côté de Paul, qui dans son épitre aux romains anticipe l’erreur de cette position théologique : l’Eglise ne se substitue pas à Israël. C’est un péché d’orgueil que de le croire, et c’est aussi une erreur théologique profonde. L’Eglise est pour Dieu comme un deuxième enfant. Son premier enfant l’a déçu, mais son amour est inconditionnel. C’est ce qu’enseigne le Saint Apôtre dans son épitre aux romains : « Dieu a-t-il rejeté son peuple ? loin de là ! » (Rm 11:1).

Dans ce texte de la patristique de Migne, il y a néanmoins une intuition, qui au-delà des propos polémiques des Pères mérite d’être lue avec attention et subtilité. Cela concerne l’abolition de la Loi. Comment concilier un Christ qui ne vient pas pour abolir, et une tradition chrétienne qui quasi unanimement déclare une abolition ? Quelle liberté inouïe avec le texte et l’enseignement du Seigneur !!!! reprenons ce que dit le patrologue qui rédige l’introduction : « Alors furent accomplies en vérité, le concernant, les oracles qui avaient été annoncés par les prophètes. Et de la Loi de Moïse, les cérémonies et sacrifices furent annulés et abrogés. » Ce point est absolument fondamental, parce que la dialectique d’abolition de la Loi et de substitution d’Israël et de l’Eglise est très particulière : les deux notions sont souvent liées, et cette juxtaposition permanente est en soi un enseignement patristique sur ce qu’est le peuple Juif dans la conscience patristique : c’est le peuple qui observe la Torah de Moïse. Or, si l’observance est abolie, il est logique de conclure que le peuple perd sa définition même d’existence. Bien plus que les turpitudes dont les Pères ont parfois chargés les Juifs dans certains textes, ceci dans des contextes oraux polémiques dont j’ai déjà fait état dans d’autres billets, nous sommes ici dans la théologie pure et cristalline. Si la Loi est abolie alors le peuple est « aboli » lui aussi. Ainsi, si nous écoutons le Christ, ce qui est tout de même un bon point de départ, alors nous pouvons dire : la Loi est accomplie en Christ, et donc le peuple est accompli en Christ. Ce qui devait être fait a été fait, le peuple change donc d’état. La Loi, lorsqu’elle parle d’elle-même semble avoir quatre domaines d’action : Gn 26:5 « parce qu’Abraham a obéi à ma voix, et qu’il a observé mes ordres, mes commandements, mes statuts et mes lois » déclare que la Torah ce sont des lois, des commandements, des ordres et des statuts. En hébreu précisément : עֵ֕קֶב אֲשֶׁר־שָׁמַ֥ע אַבְרָהָ֖ם בְּקֹלִ֑י וַיִּשְׁמֹר֙ מִשְׁמַרְתִּ֔י מִצְוֺתַ֖י חֻקּוֹתַ֥י וְתוֹרֹתָֽי Ici, les patrologues nous disent que les cérémonies et les sacrifices sont abolis. En terme de catégorie rabbinique, les choses étant très précisément structurées, on peut considérer que deux des quatre aspects sont maintenant obsolètes, ayant fait office de pédagogue comme le dit Paul dans Galates. Ce qui semble évident du point de vue néo-testamentaire est que la partie sacrificielle est rendue caduque par le sacrifice du Christ et tout ce qui touche à la pureté est aussi aboli (on le voit dans Act 10 où une nourriture impure devient pure). La partie sacrificielle prend désormais une dimension liturgique, et c’est la Sainte Eucharistie qui va tout récapituler dans l’acte liturgique, sommet de la vie chrétienne.

Donc si seulement deux des quatre aspects de la Torah sont abolis, alors le peuple n’est pas aboli. Il est encore tenu aux deux autres aspects qui perdurent. C’est peut-être ce que voulait signifier Saint Clément de Rome dans sa première aux Corinthiens : « Les commandements et les préceptes du Seigneur étaient écrits sur les tables de votre cœur ». C’est quelque chose qui a toujours été compliqué dans la conscience chrétienne, et dont nous trouvons vestige dans les premiers textes de la patristique justement. Dans le dialogue avec Tryphon, le rabbin demande si le Juif peut continuer à observer la Torah tout en étant dans l’Eglise ? Saint Justin répond que cela est inutile, mais qu’il peut bien entendu le faire du moment qu’il n’y voit pas un instrument de salut. En clair le Juif peut continuer à suivre la Torah s’il ne croit pas qu’elle lui ouvre les portes du monde futur. Les Juifs eux-mêmes dans leur tradition rabbinique actuelle ne disent pas autre chose. Le salut se trouve au-delà de la Loi.

Résumons. La théologie de la substitution fut proférée à une époque de grande rivalité, ce qui permet d’expliquer des définitions blessantes et malheureuses par le contexte. Elle est aussi guidée par un positionnement compliqué vis-à-vis de la Loi de Moïse. Mais au final, plus qu’une abolition, il s’agit ici d’une évolution de la Loi, initiée par le bouleversement messianique. De nombreux rabbins s’attendent à ce que le Messie provoque une modification de l’observance torahique. Ainsi Jésus a provoqué deux choses : fin des sacrifices et fin des règles liées à la pureté. Mais le reste demeure pour les Juifs. L’Eglise est ainsi appelée à une prise de conscience vis-à-vis de la particularité juive et on pourra rendre aujourd’hui un écho au premier concile de Jérusalem décrit dans les Actes qui disait : « il n’est pas obligatoire pour un païen de pratiquer la Loi pour entrer dans l’Eglise. Il doit juste se soumettre à certaines règles prévues par l’Eglise. ». Aujourd’hui, il est temps que l’Eglise dise du point de vue canonique (c’est-à-dire qu’il faut aussi qu’elle fasse des conciles digne de ce nom et non pas des conciles gadgets comme en 2016) : les juifs peuvent entrer dans l’Eglise tout en pratiquant la Loi, sauf les sacrifices et les lois de puretés. Ces dispositions particulières sont abolies par la Passion du Christ et par la nécessité de vivre avec les gentils dans un même ensemble de façon cohérente. Ces dispositions peuvent néanmoins être étudiées puisqu’elles reflètent la pensée divine.