Philocalie volume 1

Les Apophtègmes de Saint Antoine le Grand

texte original roumain

Am primit de la Dumnezeu puteri virtuoase și foarte mari : înfrînarea, suferirea răului, neprihănirea, stăruința, răbdarea și cele asemenea, care ne ajută să ne împotrivim și să luptăm împotriva celor rele. Avînd la îndemînă puterile acestea și punîndu-le la lucru, socotim că nimic nu ni se mai întîmplă neplăcut, dureros sau nesuferit. Credem atunci că toate-s omenești și se biruiesc de virtuțile noastre. Nu se gîndesc la aceasta însă cei neînțelegători ; de aceea ei nici nu pricep că toate ni se fac spre bine și precum se cuvine pentru folosul nostru, ca să strălucească virtuțile noastre și să ne încununăm de la Dumnezeu.

traduction proposée

J’ai reçu de Dieu des puissances vertueuses et très grandes : la tempérance, le maintien du mal, la droiture, la persévérance, la patience et celles également, qui nous aident pour nous opposer et combattre contre les mauvaises (puissances). Ayant à portée de main ces puissances et les mettant au travail, nous considérons qu’il ne se passe plus rien de désagréable, douloureux ou odieux. Nous croyons alors que toutes sont humaines et que la victoire provient de nos propres vertus. Il n’y a que les êtres déraisonnables qui pensent ceci ; De cela, ils ne comprennent pas que nous faisons tout en direction du bien, et par exemple il convient pour notre utilité, que brillent nos vertus et que nous nous couronnions de Dieu.


Commentaire/Analyse





Je ne vais pas commenter plus avant le fait que Saint Antoine mette la personne réalisant un travail spirituel en garde contre la tentation de croire à l’exclusivité du mérite. Il est évident que la croissance de ces « puissances » comme dit Le père des moines n’est pas une œuvre exclusivement humaine, et elle ne saurait être considérée comme une œuvre exclusivement divine. L’orthodoxie insiste toujours sur la synergie entre l’homme et Dieu. L’homme ne se sauve pas tout seul et Dieu ne sauve pas un homme qui ne veut pas être sauvé. Dieu sauve les hommes qui veulent être sauvés et qui se donnent le mal nécessaire pour cela. Ceci est maintenant suffisamment connu et commenté dans d’autres billets pour les lecteurs de ce blog. Cette notion est néanmoins importante pour l’analyse qui suit.

Ce qui est très intéressant à commenter ici, est l’expression « en direction du bien » (qui est ma traduction du « spre bine » de Staniloae). Antoine ne dit pas qu’il fait tout bien, mais qu’il fait tout pour le bien. Il réalise tout en direction du bien. Et cette nuance est d’une profondeur abyssale. Elle aide d’ailleurs à mieux comprendre ce que fait Dieu, et la présence du mal dans le monde, malgré les actions divines. Puisque l’homme et Dieu travaillent de concert, en synergie, si l’homme travaille pour le bien, il est évident que Dieu aussi travaille pour le bien. La grâce de Dieu doit être vue comme une retenue de Sa justice, effet de Sa miséricorde. La grâce divine est aussi le fait qu’il s’adapte à notre pas, à notre allure, et avance avec nous, comme un père se met au pas de son jeune enfant, pour l’accompagner, alors qu’il a les capacités pour aller bien plus vite. Se mettre au pas d’une créature qui pèche, qui n’a pas toujours conscience de ce qui est bien ou mal, qui met parfois une existence entière à découvrir ce qui est bien ou mal, à surmonter ce qui est cassé en lui, aura pour Dieu la conséquence suivante : il ne pourra pas toujours agir dans le bien absolu divin, mais va devoir agir dans le bien relatif transitoire humain. Ainsi, l’homme, étant donnée sa condition d’auto-réalisation, incapable de réaliser immédiatement le bien de façon continue, va agir « pour le bien ». Ainsi, les actions de l’homme deviennent une eschatologie à son propre niveau, et une eschatologie unifiée au niveau de toute l’humanité. Les uns pouvant contribuer au bien des autres. Ainsi, ce que fait Dieu n’est pas bien, mais pour le bien. Ce n’est pas bien dans le sens temporel, dans l’immédiateté du bien, dans son absoluité. Le bien devient une notion eschatologique. Ce que fait Dieu est bien dans Son éternité, mais pour nous, dans la réalité temporelle, il ne s’agit que de quelque chose en préparation du bien final, qui lui a une dimension eschatologique et éternelle.