Evangile selon Saint Matthieu

analyse du premier paragraphe et de la note A (partie 1/2)
texte original

Evangelium nach Matthaus

1:1 Buch von der Herkunft Jesu Christi.

1 βιβλος γενεσεως, falls überschrift des ganzen Ev. = Buch der geschichte Jesu Christi, ספר תולדות; falls, was das wahrscheinlichere üb. nur der nachfolgenden Genealogie == ספר יוחסיו oder מגלת י' (belege zu Nr. 4), vgl Neh 7:5 ספר חיחש, aram. ספר יחוס.
2 Die prüfung und festellung der herkunft der einzelnen jüdischen familien wird als ein werk Esras gerühmt. Dieser soll nur solche familien in babylonien zurückgelassen haben, deren legitime abstammung nicht anzuzweifeln war (a). Man meinte, die eheliche verbindung zwischen legitimen u. illegitimen familien in lande Israel sicherer überwachen zu können, als in babylonien. So zogen, wie schon Hillel חוקן der alte (um 30 v. Chr), behauptet hat, zehnerlei genealogisch zu unterscheidende familienklassen unter Esra nach Palästina hinauf, über deren eheliche verbindung untereinander die Mischna die näheren bestimmungen fixiert hat (b).

(a) : Qid69B : R. Eleazar (um 270 n. Chr.) hat gesagt : Esra zog nicht eher aus Babel herauf, als bis er B. gleichsam zu reinem feinmehl gemacht hatte (feinmehl == frei von vermischung mit illegitimen familien).
Qid69B u. 71A : Rab Jehuda (t in 299) hat gesagt : Schemuel (in Nehardesa t. 254) habe gesagt : alle länder sind teig dem lande Israel gegenüber, und das land Isr. Ist teig babel gegenüber (welches allein feinmehl ist d. h. bezug auf dem reinheit der abstammung steht die judenschaft babyloniens am höchsten).
Qid 71A : in der tagen rabbis (einl. 133) suchte man Babel zum teig dem lande Isr. Gegenüber zu Machen. Da sagte er zu ihnen : “dornen werft ihr meine augen (R. stammte nämlich von dem aus Bab. Eingewanderten Hillel dem alten ein. 118) R. Chanina b. Chama (R.s schüler) möge sich mit euch befassen. Dieser sprach zu ihnen : so habe ich von jischmael ben Jose empfangen, der in namen seines vaters (b. Chalapta gesagt) : alle länder sind teig dem land Isr. Gegenüber u. das land isr. Ist teig B. gegenüber. In den tagen des R. Pinchas (b. Chama um 360) suchte man B. zum teig dem lande Isr. Gegenüber zu Machen. Er sagte zu seinen dienern : wenn ich zwei aussprüche im lehrhause getan haben werde : dann tragt mich eilends auf dem ruhelager fort. Im lehrhause sagte er dann : das rituelle sclachten des geflügels stammt nicht aus der Tora. Und während sie darüber nachsannen sagte er : alle länder sind teig dem lande Israel gegenüber und das land Israel ist teig babel gegenüber. Da trugen sie ihn eilends auf dem ruhelager fort. Man lief ihm nach, erreichte ihn aber nicht. Sie sassen und prüften (die genealogischen tabellen), bis sie in gefahr kamen (die illegitimität einiger familien an den tag zu bringen); da trennten sie sich.

traduction

Evangile selon Matthieu

1 :1 Livre de l’ascendance de Jésus Christ

1 βιβλος γενεσεως, est soit l’entête de tout l’évangile = livre de l’histoire de Jésus Christ, ספר תולדות; Soit, ce qui est le plus probable sur seulement la généalogie suivante == ספר יוחסיו (évidence dans Nb 4), cf Neh 7:5 ספר חיחש, aram. ספר יחוס.
2 Le test et la détermination de l’ascendance des seules familles juives sera un travail attribué à Esdras. Ceci doit seulement avoir laissé derrière des familles babyloniennes, dont la légitimité de la lignée ne pouvait être mise en doute (a). On pensa, que les mélanges matrimoniaux entre familles légitimes et illégitimes en terre d’Israël étaient plus sûrs à contrôler que dans Babylone. Alors on prit, comme le faisait déjà Hillel l’ancien (traité ‘houqin) (autour de 30 av JC) qui affirma : une dizaine de classes généalogiques distinctes de familles montèrent avec Esdras en Palestine, dont le statut marital était très proche d’avec ce qui est fixé par la Mishna (b).

Kid 69B : R. Eleazar (en 270 ap. JC) a dit : Ezra n’est pas monté de Babylone avant d’en avoir fait de la farine tamisée pure. Alors il est monté (farine tamisée == libre de mélange avec des familles illégitimes).
Kid 69B et 71A : Rab Juda (en 299) a dit : Samuel (à Nehardesa en 254) a dit : tous les pays sont des pâtes en comparaison de la terre d’Israël, et la terre d’Israël est une pâte par rapport à Babylone (une seule farine fine est la référence principale de la pureté de la lignée et c’est la judéité babylonienne)
Kid 71A : Kid 71A : Dans les jours du Rabbi [135-200 ap JC] on voulait présenter Babylone comme de la pâte par rapport à la Palestine. Il leur dit, tu mets des épines entre mes yeux ! [Rabbi était un descendant d’Hillel, un babylonien et cela jetterai une stigmatisation sur sa naissance]. Si vous désirez, R Hanina b. Hama vous joindra. Alors R. Hanina b. Hama les joignit et leur dit : j’ai cette tradition de R. Ishmael fils de R. Jose qui disait de par l’autorité de son père : tous les pays sont comme de la pâte en comparaison avec la Palestine, et la Palestine est comme de la pâte comparée à Babylone. Dans les jours de R. Pinhas, on désirait dire que Babylone était de la pâte comparée à Babylone. Il dit à ses esclaves : lorsque j’ai fait deux déclarations dans le Beth Hamidrash, remontez moi dans mon litière et partez. Lorsqu’il entra, il leur dit : une volaille ne requiert pas d’assassin/assassinat par loi biblique. Pendant qu’ils méditaient cela, il leur dit : tous les pays sont de la pâte en comparaison avec la Palestine, et la Palestine est une pâte relativement à Babylone. Ses esclaves l’ont monté dans son litière et partirent. Ils coururent après mais ne purent le rattraper. Ils s’assirent et examinèrent [leurs généalogies], jusqu’à ce qu’ils arrivent à du danger. Alors ils se refreinèrent.


Commentaire/Analyse

Avant le commentaire proprement dit, une précision : je traduis S&B et pas le Talmud. Ils ont apportés des notions de dates qui n’existent évidemment pas dans le Talmud. Je compulse également le Talmud pour voir s’il y a une grande différence, mais la traduction se rapporte à l’allemand, et pas à l’hébreu.

L’immense commentaire de Strack & Billerbeck commence naturellement par le commencement du NT, à savoir l’Evangile de Matthieu. La première question que se posent les deux auteurs est assez étonnante : la mention “livre des origines” concerne une partie, mais quelle est l’étendue de cette partie ? Sur cette question saugrenue, on peut extrapoler quelque chose que tout orthodoxe devra bien saisir : Strack & Billerbeck connaissent tellement bien la littérature rabbinique, qu’ils sont bien au courant de l’importance de la notion de généalogie dans le monde Juif. Et ils ont donc une notion plus étendue que les “simples” successions de noms et d’âges qui sont le lot des descriptions généalogiques classiques. Ceci doit également nous faire comprendre l’importance de ces notions. Dans les généalogies se dégage de la théologie. Cette étude minutieuse le mettra en lumière. Les auteurs citent le livre des Nombres et le livre de Néhémie. Je préconise également de se replonger dans le livre d’Esdras (parfois appelé Ezra) dont il est question dans le texte allemand et dans les citations talmudiques. On trouve dans ces trois livres la nécessité, l’obsession quasi névrotique de compter, de tracer, de suivre chaque membre du peuple élu. Le contenu théologique le plus intéressant est néanmoins dans les trois références talmudiques.

Ces trois références en note A (ou quatre puisque la 69B et 71A sur la comparaison entre Babylone et Israël se retrouve deux fois à l’identique dans ces deux passages) sont tirées du Talmud de Babylone, traité Kiddushin. Ce traité a pour sujet le mariage et toute la législation rabbinique qui s’y rapporte. Ces passages arrivent tous dans le commentaire de la mishna qui traite la problématique de la classification de famille (classification au sens halakhique) qui est revenue de l’exil de Babylone. Vous allez voir qu’il existe toute une classification très détaillée, avec des capacités de mariage plus ou moins grandes, selon le type halakhique de chaque personne.

Traduction de la mishna Kiddushin : Mishna 4:1

Dix classes généalogiques montèrent de Babylone : prêtres, lévites, israélites, halamim, prosélytes, affranchis, mamzerim, nethinim, shetuki, et les enfants trouvés. Prêtres, lévites israélites peuvent se marier entre eux. Les lévites, les israélites, les halamim, les prosélytes et les affranchis peuvent se marier entre eux. Les prosélytes, les affranchis, les mamzerim, les nethinim, les shetuki et les enfants trouvés, tous sont autorisés à se marier entre eux. Maintenant voici ce qu’ils sont : nethuki : il connaît sa mère mais pas son père. Enfants trouvés : celui qui a été récupéré de la rue et ne connaît ni son père ni sa mère. Le vénérable Saul avait l’habitude d’appeler le shetuki « beduki ».



Quelques précisions sur cette mishna : le premier exil est l’exil de Babylone après la chute du premier temple, construit par Salomon. La défaite est datée en –587. Mamzerim concerne les enfants illégitimes. Ils ont une classification halakhique spécifique pour ce qui est du mariage et dans d’autres domaines particuliers, ici hors-sujets. Les développements talmudiques sur cette mishna concernent différents aspects : comment considérer Babylone par rapport à la terre sainte, et comment penser ces dix classifications ?

La première référence talmudique est le passage de la page 69B, où Rabbi Eleazar donne son interprétation sur l’action d’Ezra à la sortie de l’exil. Première chose qui frappe le lecteur chrétien ici : l’image de la farine, dont la connexion eucharistique est évidente. Ezra a attendu d’avoir la meilleure farine pour partir. L’exil de Babylone entre en résonnance avec l’exil d’Egypte, matrice de tous les exils. L’exil d’Egypte avait servi à préparer le peuple. Il symbolisait les douleurs de l’accouchement. Ce premier commentaire rabbinique nous montre que la préparation pour le Messie est continue. Il ne suffisait pas de sortir d’Egypte pour accueillir le Messie. Il fallait continuer la préparation. Ainsi, même si l’exil de Babylone s’inscrit dans un cadre géopolitique aisé à comprendre (mauvaises alliances, mauvaise gestion politique et militaire), le prisme du plan divin se dévoile également : le premier exil, qui ne répondait à aucune faute (relire Gn 15) avait permis de créer le peuple élu. Ce deuxième exil nous apprend donc que le Messie demande des étapes supplémentaires. La libération a un coût.

Pour saisir le contexte du premier commentaire rabbinique sur la mishna, voici le passage du Talmud dans son contexte avec mon commentaire en italique (c’est à dire en ajoutant un peu du texte du Talmud avant et après) :

AVANT : MONTERENT DE BABYLONE (c’est la portion de Mishna commentée) : voulait-il dire ont migré vers la terre d’Israël ? il en profite pour nous dire quelque chose. Comme il a été dit (Dt 17:8) : “Si une cause relative à un meurtre, à un différend, à une blessure, te paraît trop difficile à juger et fournit matière à contestation dans tes portes, tu te lèveras et tu monteras au lieu que l’Éternel, ton Dieu, choisira.”. Le passage important est le suivant : “alors vous monterez et irez vers l’endroit que le Seigneur a choisi”. Ceci enseigne que le Temple est plus élevé que le reste d’Israël et la terre d’Israël est plus haute que n’importe quelle autre terre. En ce qui concerne le temple comme étant plus haut que toute la terre d’Israël : il est dit …des éléments de controverses concernant les portes : vous devrez vous éléver et monter.[dans tes portes implique n’importe où en terre sainte lorsque l’on doit monter au Temple]. Mais comment savons-nous que la terre d’Israël est plus haute que tous les autres pays ? — car il est écrit : voici que viennent les jours, dit le Seigneur, où ils ne diront plus : le Seigneur est vivant, celui qui a emmené les enfants d’Israël hors du pays d’Egypte, mais ils diront : le Seigneur est vivant, lui qui a guidé la descendance de la maison d’Israël hors du pays du pays du septentrion et de tous les pays d’où il les a guidé [Jer XXIII:7 “C’est pourquoi voici, les jours viennent, dit l’Éternel, Où l’on ne dira plus: L’Éternel est vivant, Lui qui a fait monter du pays d’Égypte les enfants d’Israël!”].

A noter que la citation de Jérémie s’insère parfaitement dans cette vision de nouvel exil et donc de nouvelle préparation. Alors pourquoi dire particulièrement MONTERENT DE BABYLONE : pourquoi n’a-t-il pas dit MONTERENT EN ERETZ ISRAEL ? (terre d’Israël). Ceci va dans le sens de Rabbi Eleazar car Rabbi Eleazar a dit : Ezra (parfois appelé Esdras et qui a un livre assez court à son nom dans la Bible) n’est pas monté de Babylone avant d’en avoir fait de la farine tamisée pure.

Le commentaire du Tanna repris par Strack & Billerbeck semble donc être d’attribuer à Ezra la volonté, en dehors de revenir de Babylone, de purger le peuple, et de remédier à toute la situation engendrée par l’absence de guide. Ainsi, la montée de Babylone, ce qui est assez classique dans la littérature rabbinique et patristique (on a des exemples d’Origène dans ses homélies sur la Genèse) a la signification spirituelle suivante : la montée n’est jamais seulement une problématique purement géographique. Les patriarches, dans cette dynamique herméneutique, sont toujours indiqués montant en Israël, et descendant en Egypte, quelle que soit la réalité topographique sur le terrain. La première référence talmudique rapportée par S&B semble donc nous indiquer clairement qu’aller de Babylone en Israël contient une progression, une amélioration. Nous verrons avec le second passage talmudique choisi, que les choses ne sont pas si simples, car les rabbins vont se poser la question de la meilleure ascendance possible : des familles d’Israël ou des familles de Babylone ?

APRES Abaye a dit : nous avons appris : ILS SONT MONTES volontairement. Raba a dit : nous avons appris : il [Ezra] les a fait monter [contre leur volonté]. Et ils diffèrent à propos de l’enseignement de R. Eleazar : Ezra n’est pas monté depuis Babylone avant d’avoir fait la farine tamisée pure. Ensuite il est monté. Abaye le rejette, Raba l’accepte. Alternativement, tous acceptent l’enseignement de R. Eleazar mais diffèrent en ceci : un maître [Abaye] tient qu’il les a séparés, après quoi ils montent volontairement en eretz Israël. L’autre maître tient qu’il les a guidés contre leur volonté.

suite et fin du commentaire de ce passage en partie 2