Saint Antoine le Grand - Apophtegme 7

texte original roumain

Acelaşi a zis: nimeni neispitit nu va putea să intre în Împărăţia Cerurilor. Că ridică, zice, ispitele, şi nimeni nu este care să se mântuiască.

traduction proposée

Le même a dit : quiconque n’aura pas été tenté ne pourra pas entrer dans le Royaume des Cieux. Qu’il suscite, dit-il, les tentations et nul ne pourra être sauvé.


Commentaire/Analyse

le texte est court mais d’une densité et d’une ambiguïté folle. « ispitit » en roumain signifie « tenté », « soumis à la tentation ». Le préfixe « ne » devant un adjectif revient à dire « non », donc on comprend « non tenté », « non soumis à la tentation ». Donc, philologiquement, si l’on est pas tenté, on ne peut pas entrer dans le Royaume des Cieux. Cela se complique avec la deuxième phrase, qui ne vient pas finalement en appui, mais semble dire le contraire. Le verbe « ridica » signifie « augmenter », « susciter » et n’a pas de sujet évident. Il y a donc quelqu’un qui suscite les tentations. Cette seconde phrase semble se terminer par une conclusion très négative, très pessimiste : nul ne peut être sauvé. Donc, il semble que la signification de la première phrase est que la tentation est nécessaire au salut, tandis que la signification de la seconde phrase est que la tentation rend le salut impossible. Donc, si on résume : il faut être tenté pour être sauvé et si on est tenté on ne peut pas être sauvé. Donc, à première vue, la citation semble être totalement absurde.
Mais partons du principe que Saint Antoine n’enseigne pas des absurdités mais des vérités éternelles. Comment comprendre ? le pivot me semble est dans le verbe que j’ai choisi de rendre par « susciter » (ridica dans l’original roumain). Il faut être tenté pour entrer dans le Royaume des Cieux, mais si le niveau des tentations est trop élevé, alors l’homme succombera à la tentation. Mais qui suscite la tentation ? Qui pourrait changer le niveau de la tentation ? Il semble évident qu’il est question de Dieu ici. Posons les bases immédiatement : Dieu ne tente pas. Il permet la tentation et accompagne pour aider dans la tentation. Voyons les deux phases dont il est question en détail.

Pourquoi ne peut-on pas être sauvé sans être tenté ? On ne peut pas comprendre les failles des autres si l’on est pas soumis soi-même aux mêmes problèmes. La meilleure aide pour un alcoolique est très certainement un ancien alcoolique. Quelqu’un qui ne boit jamais pourra-t-il aider un alcoolique à combattre le démon de la boisson ? Probablement pas. Ici, les tentations servent non pas à gagner le ciel en tant que tel, mais bien à exercer la miséricorde au travers de la compréhension de la difficulté liée à la tentation. On comprend mieux autrui si on a les mêmes épreuves.

Pourquoi ne peut-on pas être sauvé si les tentations sont trop grandes ? Parce que nous sommes pécheurs. S’il est des péchés que nous pouvons combattre, il existe toujours un niveau où nous tomberions. Même les plus grands saints. C’est ce dont témoigne Antoine ici. Et cette déclaration est magnifiquement antipélagienne. Nous ne pouvons pas nous sauver par nos propres mérites, mais simplement parce que Dieu ne permet pas le Diable de nous tenter au-delà de nos forces. Mais si Dieu ne limitait pas la puissance de la tentation, le ciel serait vide. C’est ainsi que nous sommes.

Conclusion : Antoine ici nous explique que la grâce de Dieu se manifeste aussi dans la limitation de la puissance de la tentation. Elle existe pour nous enseigner la miséricorde vis-à-vis du péché d’autrui. Mais la grâce de Dieu « sait » que nous ne pouvons pas nous sauver par nos propres forces.