Saint Antoine le Grand - Apophtegme 8

texte original roumain

Intrebat-a avva Pamvo pe avva Antonie : ce voi face ? Zis-a lui batranul : sa nu fii nadajduindu-te spre dreptatea ta, nici sa te caiesti pentru lucrul trecut; si stapaneste-ti limba si pantecele.

traduction proposée

Père Pamvo a demandé à Père Antoine : que faire ? L’ancien lui a dit : n’espère pas en ta justice, et ne te repens pas pour une chose passée ; et domine ta langue et ton ventre.


Commentaire/Analyse

Avant de démarrer le commentaire, une note au lecteur assidu : j’ai déjà traité l’apophtègme 8 d’après l’organisation de mon blog, mais de fait c’était le huitième de la série philocalique de Dumitru Staniloae. Voici le véritable huitième du recueil égyptien.

L’apophtègme est intéressant dans sa forme. Pamvo, présenté comme un père, doit déjà certainement savoir quoi faire. Et pourtant il demande : « que faire ? ». Nous sommes ici dans la reconstruction d’une conversation pour le lecteur du texte. En plaçant Antoine, le Père des moines dans la posture de l’ancien, et Pamvo dans celle du Père qui demande, on nous dit la chose suivante : celui qui sait quoi demander, qui sait à qui le demander, qui ne se perd pas en questions futiles, va demander la chose centrale à celui qui a acquis suffisamment de recul pour pouvoir y répondre. Et cette chose centrale est toute simple et d’une grande amplitude « que faire ? ».

La réponse d’Antoine peut un peu dérouter. N’espère pas en ta justice illustre bien la difficulté de la vie chrétienne. Nous devons bâtir une vie digne, dans le respect des règles fixées par le Christ. Mais pourtant, cette justice qui est donc personnelle, il ne faut rien baser dessus. Ce serait avoir l’illusion de se sauver soi-même. C’est Dieu qui nous sauve. La seconde proposition est encore plus étonnante : ne te repens pas pour une chose passée. Que devient le sacrement de la confession ? Et bien, il semble ici, de façon sous-entendue ici, que grâce au sacrement de la confession justement, nous puissions réellement aller de l’avant. Ce qui est passé est passé. Ce qui est l’éternel présent du combat chrétien : la domestication de la langue et du ventre. La langue domestiquée est celle qui ne parle pas pour ne rien dire, ni bien entendu pour dire du mal, serait-ce même la vérité. Le ventre a une double connotation sexuelle et alimentaire qu’il faut avoir à l’esprit pour bien comprendre la lutte ici. Il s’agit de canaliser ses instincts sexuels tout comme sa gourmandise. Vaste programme !!