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Cet article se vet la suite, plus pratique d’un article précédent, sur le même sujet, publié il y a environ 2 ans. Le sujet est vaste et complexe. Passons déjà en revue les prérequis indispensables. Vous devez avoir une vie spirituelle une vie de prière, une intériorité. Il ne s’agit pas d’accumuler des savoirs qui soient déconnectés de votre vie de chrétien orthodoxe. Vous connaissez très probablement cette règle de l’Eglise : lex orandi, lex credandi. On prie ce qu’on croit, on croit ce qu’on prie.

Second prérequis : ne vous inscrivez pas dans une démarche académique. Tout ce qui offre des cursus avec des équivalences, des diplômes dans un cadre LMD, fuyez les de préférence. L’enseignement y est parfois de qualité, mais étant donné qu’il est sous la coupe des sergianistes, des œcuménistes et des modernistes, vous pouvez être sûr qu’on vous y mentira. Tout n’y est pas faux, bien évidemment, mais le mensonge y côtoie la vérité aussi sûrement que le bien et le mal étaient tous deux présents dans le fruit qu’Adam et Eve ont mangé. A vous de discerner.

Passons maintenant aux différentes matières de la science théologique : Bible, Patristique, Histoire de l’Eglise, Droit Canon, Hagiologie, Liturgie, Dogmatique.

Bible

Pour la Bible, vous pouvez faire sans bien sûr, mais c’est vraiment mieux avec : il vous faudra idéalement apprendre le grec et l’hébreu pour la Bible, et ajouter le latin pour le champ patristique. C’est de loin la partie la plus exigeante en temps, en courage, en énergie. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Alors il ne s’agit pas de devenir bilingue et savoir parler couramment dans ces langues. Le but est de comprendre comment elles fonctionnent, et de vous en sortir avec des dictionnaires ou outil de traduction en ligne. Revenir au texte original et ne pas passer par la traduction proposée offre deux avantages ; premier avantage, vous ne dépendez plus des choix du traducteur. Même s’il est le plus neutre, le plus honnête possible, n’importe quel traducteur fait des choix. Et en choisissant un terme plutôt qu’un autre, il vous ferme la porte à un champ de compréhension que vous ne soupçonniez pas. Deuxième avantage : vous pourrez faire des découvertes qui vous seraient inaccessibles sans cela. Un exemple : dans le NT, dans les textes que nous a laissé saint Jean, il y a deux termes qui se traduisent par le mot vie en français. Au début de sa première épitre, saint Jean écrit « Ce qui était dès le commencement ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Verbe de vie, car la Vie a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle, qui était dans le sein du Père et qui nous a été manifestée » (1 Je 1 :1-2) et d’autre part il écrit « N’aimez point le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde, la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux, et l’orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais du monde. » (1 Je 2 :15-16). Donc nous avons plusieurs références à la vie, mais dans les deux citations, il ne s’agit pas du même mot grec. Si vous ne passez pas par le grec, vous n’avez pas de moyen de le découvrir. Et une bonne étude biblique complète ne fait pas l’impasse sur une étude linguistique. Ceci peut vous permettre de comprendre pourquoi Jean a une appréciation positive de la vie, et une appréciation négative de la vie quelques lignes plus tard…

Outils lexicologiques

Les références Strong sont un outil très appréciable pour avoir une approche lexicologique du texte : où se trouvent les autres occurrences d’un mot, d’une même racine ? Chaque mot en grec ou en hébreu a un numéro, la référence Strong qui permet immédiatement de voir une autre occurrence du terme. Je ne connais pas de site français qui les répertorie, et je me sers d’outils anglophone. Si vous connaissez l’anglais, cela vous aidera considérablement dans l’utilisation d’outils de type dictionnaire, lexiques et autres. Les deux sites que je recommande sont https://www.blueletterbible.org/ et https://biblehub.com/ pour les références strong et l’interlinéaire.

Langues saintes

Pour l’hébreu, si vous voulez arriver à un niveau plus avancé, je recommande de ne pas rester uniquement sur l’hébreu biblique, mais de passer par l’hébreu actuellement parlé en Israël. Une méthode assimil fera parfaitement l’affaire. Cela vous donnera la mécanique de la langue, qu’on ne saisit pas forcément, en étant uniquement sur le texte biblique. Le site d’étude talmudique https://daf-yomi.com/ vous permettra de traduire l’araméen de la littérature rabbinique en hébreu moderne, si jamais, comme Origène ou Jérôme vous allez puiser des informations dans ce champ d’études. Je trouve la plupart des textes rabbiniques sur mechon mamre. Pour les verbes hébreu, le site http://www.pealim.com est excellent et répertorie toutes les conjugaisons.

Pour le grec, il semble correct de dire que si vous ne devez vous attaquer qu’à une seule des trois langues qu’il faudrait idéalement connaître, c’est le grec qu’il faudra choisir. Blue letter Bible a la LXX et le système Strong fonctionne dessus, ce qui permet de pivoter depuis le NT vers l’AT en restant dans le monde grec. Le site https://studybible.info/ est également de très bonne qualité. Pour les dictionnaires, le wiktionary anglophone est davantage fourni que le wiktionaire francophone. En terme de dictionnaire papier grec-français, le bailly est probablement la référence absolue.

Pour le latin, il y a un enjeu supplémentaire pour nous autres orthodoxes d’occident. Il ne faut pas tomber dans cette fausse dichotomie d’une orthodoxie grecque et d’un catholicisme latin. Il n’y a pas de hiérarchie à faire entre les géants du monde latin et les géants du monde grec. Le wiktionary anglophone est un très bon dictionnaire en ligne. En terme de dictionnaire papier le gaffiot est vraiment de qualité.

Si ce sont les manuscrits de la Bible qui vous passionnent, je ne connais rien de mieux que http://www.csntm.org.

Patristique

Une dernière chose pour la Bible : ne faites pas l’impasse sur les commentaires patristiques et les grandes conclusions théologiques conciliaires. L’interprétation des écritures n’est pas une science libre où chacun peut dire ce qu’il veut. Bien évidemment, chacun est libre d’interpréter comme il le souhaite, mais on ne peut ensuite plus prétendre à l’orthodoxie, si l’on interprète les écritures dans un sens contraire à ce qu’enseigne l’Eglise. Et cet enseignement de l’Eglise, c’est justement très principalement du côté des Pères qu’on le trouve. C’est donc le bon moyen pour éviter les sorties de route, si vous me permettez l’expression.

Les écrits patristiques justement, que ce soit les commentaires bibliques, ou les grands traités, sont les plus facilement accessibles dans les patrologies latines et grecques de Migne. Vous pouvez trouver tous les centaines de livres numérisés, gratuitement disponibles en téléchargement via n’importe quel bon moteur de recherche. Voici les liens vers tous les volumes latins https://patristica.net/latina/ et grecs https://patristica.net/graeca/. Pour les patrologies syriaques, je n’ai rien trouvé de satisfaisant et systématique sinon ce site http://www.patristique.org/Patrologia-orientalis.

Il n’y a pas vraiment de méthode pour aborder la patristique. Il faut juste bien faire attention à prendre en compte deux choses. Comme n’importe quelle discipline, il ne faut pas aborder tout de suite ce qu’il y a de plus complexe. Commencer immédiatement par du Saint Grégoire Palamas ou du Saint Maxime le Confesseur c’est très probablement s’assurer un rapide découragement. On ne peut pas sérieusement débuter le piano en voulant immédiatement jouer un concerto de Rachmaninov. Il est toujours bon, avant d’aborder un texte patristique de bien connaître la vie de l’auteur et les circonstances historiques de la rédaction, le contexte, les enjeux.

Histoire de l'Eglise

Pour cela, la discipline suivante, vitale, est l’histoire de l’Eglise. Les écrits du Père Wladimir Guettée sont inestimables. Il y a également de très bonnes ressources plus académiques, ou émanant des milieux romains. Il faut juste savoir qui parle, et d’où il parle, pour discerner.

Droit canon

Presque consubstantiel de l’histoire de l’Eglise, le droit canon. Les orthodoxes du monde officiel sont tellement irrespectueux du droit canon, qu’il est presque un devoir sacré pour nous, d’en faire une spécialité.

Hagiologie

L’Hagiologie est une discipline tout aussi fondamentale. Il s’agit de la connaissance de la vie des saints. Pendant longtemps en occident, avant que le rationalisme ne change radicalement les réflexes de pensée, la légende dorée, qui était une anthologie de la vie des saints, était très appréciée et populaire. Nombreux sont les recueils qui permettent de revenir aux sources d’un christianisme incarné dans l’histoire. Grâce à ce trésor ecclésiastique, vous pourrez alors comprendre ce qui a poussé l’Eglise à reconnaître comme saint telle ou telle personne. Il est toujours très agréable de connaître certains détails de la vie d’un ou d’une sainte que le prêtre mentionne parfois à la fin de la liturgie.

Liturgie

Parlons liturgie justement. Il est important de ne pas considérer que la liturgie de Saint Jean Chrysostome et de Saint Basile de Césarée sont l’alpha et l’oméga de l’acte liturgique. Première chose à découvrir, pour rester dans le monde byzantin : les offices de matines, de vêpres, selon les huit tons, avec les richesses des ménées, c’est-à-dire les textes relatifs aux saints de chaque jour ainsi que les prières particulières liées aux grandes fêtes du cycle liturgique. Il est important de savoir composer un office pour une date donnée afin d’avoir une pratique liturgique à la fois riche et autonome. De plus, en tant qu’occidentaux, il est important de connaître, voir de faire vivre si vous êtes prêtre, le patrimoine liturgique occidental qui est orthodoxe. Les ouvrages de théologie liturgique, souvent romains seront intéressants dans cette démarche.

Dogmatique

Terminons par la dogmatique. Le Père Wladimir Guéttée dont j’ai parlé pour l’histoire de l’Eglise a également des ouvrages qui abordent spécifiquement les erreurs dogmatiques romaines. Mais l’ouvrage de référence dans le champ de la dogmatique orthodoxe est incontestablement la dogmatique en deux volumes de Macaire Boulgakov, à ne pas confondre avec Serge Boulgakov, le premier doyen de l’institut Saint-Serge de Paris. Cette dogmatique est disponible en français et gratuitement sur le web, via deux fichiers pdf (pdf1 et pdf2). Vous pourrez y découvrir tout ce qui fonde une sorte de duperie lorsque vous aborderez le leg théologique de ce qui fut appelé « l’école de Paris », c’est-à-dire les théologiens qui ont gravité autour ou dans l’institut Saint-Serge à Paris justement. La légende que l’on aime y colporter est celle de la néo-patristique, le retour aux pères de l’Eglise, trésor perdu par une forme de décadence de la théologie russe d’avant la révolution de 1917. En effet, ces gens qui ont redécouverts les Pères devraient nous expliquer comme ils ont redécouverts ce qui ne fut jamais perdu. Lorsque vous lirez la dogmatique de Macaire Boulgakov vous pourrez constater une érudition et une connaissance en patristique absolument phénoménale. Vous pourrez constater également la parfaite orthodoxie de la doctrine du péché originel, contrairement aux sornettes qu’on enseigne dans cet institut. Pour que tout le monde soit servi à la même enseigne, précisons que l’institut « concurrent », Dumitru Staniloae enseigne les mêmes hérésies sur la non orthodoxie de la doctrine du péché originel. L’arnaque est ici peut-être encore plus importante puisque Dumitru Staniloae lui-même dans sa dogmatique enseigne le péché originel dans le chapitre du baptême.

J’espère que ce vaste programme ne vous aura pas découragé et que votre ardeur pour attaquer la reine des sciences est intacte. Vous pourrez constater au fur et à mesure de votre progression dans la connaissance de cette science merveilleuse, que nos positions sont correctes et orthodoxes. Bienvenue dans les catacombes.