Le Jésus des esséniens et autres gnostiques - partie 3



Bible, réalité et traditions orales (42:04 à 42:35)

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Effectivement la Bible, ce ne sont que des fragments par rapport à la réalité, par rapport à la totalité de la vie des gens qui y sont décrits. Effectivement, on ne sait rien de la vie d’Abraham avant que Dieu ne l’appelle. On sait très peu de choses sur Isaac. Concernant Jésus, il y a aussi plein de choses qui ne nous sont pas connues si nous nous en tenons à la Bible. Par exemple, entre le moment où il parle, enfant, avec les docteurs de la loi, et le début de son ministère, nous ne savons rien. Et il y a des traditions orales qui ont la prétention de pouvoir répondre à certaines questions, de donner des précisions sur la Bible. Une tradition orale et une seule est crédible : celle de l’Eglise bien évidemment. La tradition dont parle ce naturopathe essénien ; quelle crédibilité ? Comment savoir que cela ne provient pas de son imagination ? De sa lecture personnelle et donc subjective des écritures ? Tout ceci est plus que douteux…



Les sociétés primitives et le péché originel (42:35 à 43:40)

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Souvent, dans les milieux new age, car ceci est finalement une sorte de new age particulier, une déclinaison parmi d’autres, on a une fascination pour le bon sauvage, avec une naïveté rousseauisante. Les explorateurs et anthropologues qui connaissent ces tribus brossent un portrait moins idyllique. Ces sociétés, la plupart du temps pratiquent des rituels shamaniques et parfois même pratiquent des sacrifices humains. Ce n’est pas systématique bien sûr, mais cela n’est pas non plus jamais. Certains sont violents, voire pratiquent certaines formes de cannibalisme. Il faut donc savoir sortir des fantasmes et des réductions. Ce n’est pas parce que notre monde est malade du progrès que leur monde est exempt de problèmes. La Bible explique le drame de la chute, le drame du péché originel. Ces deux cataclysmes cosmiques les concernent aussi bien que nous. Comme nous ils ont besoin du Christ, de l’Eglise. Certains peuvent admirer la simplicité et la rigueur de leur existence. Mais cette simplicité et cette rigueur ne sont pas la réponse à la grande tragédie humaine.



Akhénaton comme envoyé et victime d'un complot (43:40 à 48:50)

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Bon là, on nage en plein délire. Même au niveau de l’histoire officielle, qui est effectivement parfois sujette à caution, car en opposition avec la Bible, on y est pas du tout. Le pharaon qui affronte Moïse est à priori Ramsès II. C’est ce qui est le plus souvent admis. Partons de cette hypothèse. Akhenaton monte sur le trône égyptien vers -1355 et meurt vers -1338. Environ. Il est effectivement marié à Nefertiti, dont la légende veut que la beauté fut absolument renversante. Et d’après les spécialistes de l’Egypte antique, effectivement, Akhenaton a mené une réforme religieuse assez audacieuse par rapport aux habitudes passées. Il a mené une forme d’exclusivisme sur un des dieux du panthéon égyptien. De là à dire qu’il était monothéiste, il y a un grand pas, que certains franchissent. Mais bien évidemment, voir en lui un envoyé, c’est tordre l’histoire pour la faire rentrer dans les cases de cette croyance essénienne un peu délirante. Car ensuite, et c’est là que les esséniens semblent vivre dans un univers parallèle, aucun égyptologue, à notre connaissance ne dit que Nefertiti n’a trahi Akhenaton pour se mettre en couple avec Ramsès 2. Déjà au niveau des dates, cela ne colle pas du tout. Ramsès 2 nait en -1304. Je rappelle que Akhenaton meurt en -1338. C’est compliqué. De même pour Nefertiti la diabolique traitresse, qui meurt en -1333. Difficile de faire un complot avec quelqu’un qui n’est même pas encore né. Autre problème pour le délire historico-religieux de notre essénien : Akhenaton, d’après ce que rapportent les égyptologues, semble s’être positionné comme image terrestre de ce dieu Aton, et seul intermédiaire (en duo avec Nefertiti) de ce dieu avec les hommes. Donc on est pas trop dans le retour à l’intériorité, à ce fleuve de spiritualité dont on nous parle…

Ensuite, concernant Moïse, il faut s’arrêter quelques instants pour digérer cette assertion absolument folle quand on y pense : « Moïse n’a pas voulu dire tout ça », et l’a donc caché dans la Bible. Ok. Pourquoi n’a-t-il pas voulu le dire ? Quel est le danger à le dire ? puisque je le rappelle, le but à la fin est d’avoir une relation personnelle avec Dieu, de manger cru, des graines germées, et de courir nus dans les pré si vous êtes dans le bon état d’esprit. Comment sait-il que Moïse a caché cela ? Comment sait-il que Moïse a créé un récit qui est donc faux, pour dire autre chose et que ce serait exactement ce qu’il dévoile dans cette conférence ? Que fait-il de la mémoire collective du peuple hébreu qui lui, reste sur cette histoire ? Pourquoi ont-ils tous adhéré à une histoire fausse ? Comment les a-t-on fait passer de l’histoire vraie à l’histoire fausse ? Qui ? Où ? On voit bien que tout ceci est absurde.



Monothéisme, polythéisme, panthéisme et anges rebelles (48:50 à 51:46)

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Au-delà des délires sur Moïse qui maudit l’Egypte, il y a ici une réflexion intéressante sur le monothéisme qui s’oppose au polythéisme. Sauf qu’ici, le conférencier fait une confusion entre le polythéisme et le panthéisme animiste. Certaines cultures et civilisations étaient panthéistes et d’autres étaient polythéistes et ce n’est pas la même chose. Le panthéisme a tendance à voir Dieu en tout, tandis que le polythéisme postule plusieurs dieux, parfois en concurrence. Et il est vrai que dans ces deux visions religieuses de la réalité, il y a une part de vérité, que le monothéisme mosaïque vient corriger. En postulant un Dieu lointain et distinct du monde, Moïse déclare que le panthéisme se trompe. Le monde n’est pas Dieu. Il est la création de Dieu. En désignant les dieux des autres religions comme des anges en rébellion, ce qui est plus clairement exprimé dans le grec des LXX que dans l’hébreu massorétique, Moïse déclare que les dieux des panthéons antiques sont des supercheries, des mensonges et des chemins opposés au vrai Dieu. Derrière Apollon, Osiris ou Jupiter, se cachent en fait des démons, des anges rebelles à Dieu. Ces religions antiques sont la voix des anges rebelles, qui veulent être Dieu à la place de Dieu. La théologie chrétienne viendra ensuite préciser ce qui pourrait être mal compris. Bien que Dieu et le monde soient totalement distincts et différents, le monde est en permanence soutenu, maintenu et transpercé par les énergies divines incréées que Dieu émane, tel un soleil avec ses rayons. Le monde manifeste en quelque sorte le divin, renvoie au divin, dévoile le divin, mais n’est pas divin. C’était cette intuition que le panthéisme exprimait de façon erronée. La théologie chrétienne viendra également préciser que toute l’histoire du monde, et la vie de chacun, est une gigantesque arène entre des forces du mal, et donc en clair les faux dieux du polythéisme, qui veulent perpétuer et accentuer la cassure originelle, et les forces fidèles à Dieu qui s’inscrive dans la réunion finale, inévitable et annoncée, la réunion des mondes céleste et terrestre. La vie n’est pas une recherche d’un bien être intérieur que pourra tout aussi bien vous donner un faux dieu, mais bien le fait de se déterminer dans cette lutte, où nul ne peut être neutre, et où chacun à un rôle à jouer, même si tout ceci semble le dépasser ou le faire se sentir dérisoire. S’inscrire dans la vérité, c’est déjà participer à cette réunion eschatologique. Suivre ce genre de fable des esséniens prolongateurs d’un message caché que tout le monde connait depuis toujours, c’est délibérément s’inscrire dans la perpétuation de la division.



Monothéisme, polythéisme, panthéisme et anges rebelles (51:46 à 53:17)

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La Theotokos serait donc une carmélite, ordre fondé par le prophète Elie. Cette assertion montre bien comment, d’un détail de la réalité, ces gens échafaudent toute une théorie. Les carmélites reconnaissent Elie (et aussi son disciple Elisée) comme maîtres spirituels. C’est-à-dire que ce sont des exemples. Nous avons également des traces du fait que des gens, avant même l’ère chrétienne vivaient parfois de façon érémitique au mont Carmel, à l’exemple d’Elie. La tradition de l’Eglise rapporte que les grottes du mont Carmel étaient fréquentées par une communauté dédiée à la Theotokos. Un monastère byzantin fut détruit par les perses au septième siècle. Puis c’est au douzième ou treizième siècle que les catholiques romains ont fondé l’ordre que l’on connait aujourd’hui et qui porte ce nom.

De ces bribes historiques, de ces quelques informations éparses et imprécises, notre essénien invente son ordre initiatique du mont Carmel. Ce qui est intéressant dans cette démarche de reconstruction fictionnelle, c’est que notre essénien est en fait dépendant de la version de l’Eglise pour bâtir son fantasme. Une fois de plus, aucun historien, aucun document, aucun artéfact historique d’aucune sorte ne vient confirmer l’existence d’un ordre essénien carmélite fondé par Elie. De plus, le choix d’Elie pour incarner une paix et une sérénité est plutôt comique quand on connaît le personnage. On peut tout souhaiter à notre essénien, mais certainement pas de rencontrer Elie sur le Carmel et de lui dire ce qu’il dit dans cette conférence…



Christologie : ce que le Christ a reçu de Marie (53:17 à 54:21)

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Le Christ n’aurait rien reçu de sa mère en terme de traumatisme passé, ce qui constituerait sa particularité. Le conférencier, et je ne sais pas s’il s’en rend même compte, soulève un point de Christologie. La théologie chrétienne a une part importante sur la Christologie, c’est-à-dire ce que nous savons et pouvons affirmer sur le Christ. Et au cours de l’histoire de l’Eglise, on peut remarquer une constante : au Christ de l’Eglise et des Ecritures, les hérétiques ont toujours voulu enlever quelque chose, de ce Christ vrai-homme, vrai-Dieu. Parfois c’était la nature humaine de Jésus qui était amputée de quelque chose. Les monothélites le voyaient sans volonté humaine. Les iconoclastes le voyaient non représentable à cause de sa divinité. Parfois c’était la nature divine de Jésus qui était attaquée : les ariens refusaient qu’on le dise de la même substance que le Père. Ici, notre essénien me semble appartenir à la première catégorie. Il enlève à Jésus, le fait d’avoir reçu la plénitude de ce que Marie avait à lui offrir. Pourtant, si tout ce qui était avant Marie n’avait aucune importance, pourquoi les évangélistes se sont échignés à rapporter les généalogies de Jésus ? Au contraire, dans la vision chrétienne, Jésus reçoit l’entièreté du péché humain sur lui, et se fait péché pour nous. Les généalogies sont, entre autre, la manifestation de cet héritage particulier. Un adage patristique permet de bien comprendre la dynamique biblique des généalogies : « ce qui n’est pas assumé n’est pas sauvé ». Pour l’Eglise, il n’y a qu’une seule chose dont Jésus soit exempt : le péché. Le péché de la nature humaine de Marie n’est pas transmis à Jésus lors de sa conception par l’Esprit-Saint dans la matrice de la toute pure. Saint Jean Damascène, dans l’exposé de la foi orthodoxe précise : « Selon le gré de la sainte Vierge, le Saint- Esprit, comme l’Ange le lui avait divinement annoncé, survint en elle, la purifia, et lui donna de concevoir et de mettre au monde la divinité du Verbe . Alors, comme une divine semence, le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, sagesse hypostatique et vertu du Très- Haut, la couvrit de son ombre; et Il se forma de son sang pur et virginal un embryon de notre nature, une chair vivifiée par une âme raisonnable et pensante; et Il se la forma non de semence, mais en Créateur, par l’Esprit Saint. » (Exp foi orth III 2). Vous aurez remarqué comment Marie est purifiée à cet instant précis, et qu’il n’y a donc pas besoin du dogme catholique romain de l’immaculée conception de Marie pour que Jésus soit sans péché.

Donc au contraire, si le Christ ne reçoit pas le péché en tant que souillure et incapacité, il est évident que cette mémoire collective et charnelle dont parle le conférencier, elle fut complète en Christ. C’est l’inverse ici qui se produit, et il se trompe complètement. Etant pur de tout péché, le Christ avait une conscience aigüe et une connaissance complète du péché.



Mimétisme et influence (54:21 à 57:12)

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Le conférencier ne peut pas avoir tout intégralement faux. Il faut qu’il dise parfois un peu de vrai. Il est dans le vrai deux fois dans cette vidéo. La première fois est ici dans ces quelques minutes, lorsqu’il explique comment une personne peut en influencer des multitudes. Je vous invite à lire René Girard qui explique comment une personne peut influencer une autre personne par les phénomènes mimétiques d’imitation. C’est absolument passionnant à découvrir. Mais notre essénien n’aborde jamais le pourquoi des déterminations : pourquoi César veut être dieu ainsi, et pourquoi le Christ est tel qu’il est ?



Pierre et Jean (57:12 à 59:29)

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Le conférencier repart ici dans des constructions totalement fantasmagoriques. Il créé une opposition totalement factice entre Pierre et Jean pour ses besoins artificiels de dichotomie exotérique et ésotérique. Il nous présente Pierre comme si la Résurrection et la Pentecôte n’avait pas eu lieu. Tout ce que Pierre dit et fait après. Ce qu’il écrit. Tout ça n’existe pas. Dans ces deux épîtres, peut-on discerner quoi que ce soit qui colle à ce portrait mégalomaniaque dépeint ici ? Rien ne colle. Voici un extrait de la second épitre de Pierre : « Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus Christ, à ceux qui ont reçu en partage une foi du même prix que la nôtre, par la justice de notre Dieu et du Sauveur Jésus Christ: que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur! Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu, lesquelles nous assurent de sa part les plus grandes et les plus précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise, à cause de cela même, faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l’amour fraternel, à l’amour fraternel la charité. » (2 Pi 2 :1-7). Sont-ce vraiment les paroles d’un créateur psychopathe et mégalomaniaque d’une religion toute puissante ? Lorsque l’on met en place ce genre de chose, c’est pour en profiter soi-même. Pas pour voir arriver quelque chose pour dans 4 siècles. La position de Pierre serait absurde autrement. Le conférencier est ici prisonnier des catégories romaines, d’un Vatican qui se prétend l’héritier de Pierre pour dominer et contrôler. Mais il ne faut pas blâmer notre merveilleux apôtre sous prétexte des hérétiques et schismatiques romains. Le pauvre Pierre n’y est pour rien.

Ensuite il nous dit que Jean serait plus subtil, plus délicat, méditatif, profond. Comme s’il cherchait à s’adresser à un public féminin. Pour voir à quel point Jean était subtil, et loin des visions binaires je vous propose ce petit texte de sa première épitre : « Bien-aimés, n’ajoutez pas foi à tout esprit; mais éprouvez les esprits, pour savoir s’ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu: tout esprit qui confesse Jésus Christ venu en chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà dans le monde. Vous, petits-enfants, vous êtes de Dieu, et vous les avez vaincus, parce que celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. Eux, ils sont du monde; c’est pourquoi ils parlent d’après le monde, et le monde les écoute. » (I Jn 4 :1-5). Vous voyez donc que Jean comme Pierre n’étaient pas subtils lorsqu’il s’agissait d’appeler un hérétique un hérétique. Il n’y a aucune délicatesse à appeler quelqu’un antechrist. Nous avons des témoignages de l’Eglise primitive qui montrent que Jean était tout aussi fanatique que ce que le conférencier présente du tempérament de Pierre. Jésus a choisi des hommes entiers, qui n’avaient peur de rien pour être apôtres. Il n’a pas choisi des gens mièvres, tolérants, compréhensifs. Quand il s’agissait de doctrine ils étaient impitoyables, comme le Christ. Sur la doctrine, il n’y avait aucune discussion. Ils étaient bons et doux en ce qui concerne le péché, et le pardon du péché, du moment qu’il ne s’agissait pas d’un problème de doctrine. Il est vital de le comprendre. Regardez le Christ avec la femme adultère et regardez le Christ avec les saducéens et les pharisiens.



To be continued….