Exégèse biblique : livre de la Genèse, cinquième (& sixième) jour : la création des animaux
Les billets précédents suivaient un découpage relatif aux jours de la Création. Un billet par jour. Il m’a semblé plus approprié de dédier un cours complet à la création du règne animal, ce qui se produit sur les jours 5 et 6. Le prochain post de cours biblique sera donc intégralement dédiée à la création d’Adam. Si vous vous souvenez bien, les animaux véritablement terrestres, sauvages ou domestiques, sont créés le sixième jour, et tous les autres, lors du cinquième jour.
Ce cinquième jour offre un parallèle parfait avec le second jour. J’avais montré la correspondance que l’on peut établir entre les jours 1 et 4, 2 et 5, ainsi que 3 et 6. Vous vous souvenez que le second jour avait vu la création du raquia, ce firmament permettant de séparer les eaux en deux. Ce cinquième jour va voir se remplir de vie les eaux du dessous, ainsi que l’espace disponible entre l’eau et ce firmament qui forme la limite de notre monde.
La correspondance du sixième et du troisième jour est également évidente, puisque les deux sont liés à cette terre émergée qui voit ici la vie végétale, ici la vie animale. La première servira d’ailleurs de source d’alimentation à la seconde. Leur relation est donc même ici encore plus forte.
Voyons les versets en français courant de la création du règne animal :
20 Dieu dit: Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l’étendue du ciel.
21 Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux produisirent en abondance selon leur espèce; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon.
22 Dieu les bénit, en disant: Soyez féconds, multipliez, et remplissez les eaux des mers; et que les oiseaux multiplient sur la terre.
23 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le cinquième jour.
24 Dieu dit: Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi.
25 Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.
Hébreu massorétique :
20 וַיֹּ֣אמֶר אֱלֹהִ֔ים יִשְׁרְצ֣וּ הַמַּ֔יִם שֶׁ֖רֶץ נֶ֣פֶשׁ חַיָּ֑ה וְעוֹף֙ יְעוֹפֵ֣ף עַל־הָאָ֔רֶץ עַל־פְּנֵ֖י רְקִ֥יעַ הַשָּׁמָֽיִם׃
21 וַיִּבְרָ֣א אֱלֹהִ֔ים אֶת־הַתַּנִּינִ֖ם הַגְּדֹלִ֑ים וְאֵ֣ת כָּל־נֶ֣פֶשׁ הַֽחַיָּ֣ה׀ הָֽרֹמֶ֡שֶׂת אֲשֶׁר֩ שָׁרְצ֨וּ הַמַּ֜יִם לְמִֽינֵהֶ֗ם וְאֵ֨ת כָּל־ע֤וֹף כָּנָף֙ לְמִינֵ֔הוּ וַיַּ֥רְא אֱלֹהִ֖ים כִּי־טֽוֹב׃
22 וַיְבָ֧רֶךְ אֹתָ֛ם אֱלֹהִ֖ים לֵאמֹ֑ר פְּר֣וּ וּרְב֗וּ וּמִלְא֤וּ אֶת־הַמַּ֙יִם֙ בַּיַּמִּ֔ים וְהָע֖וֹף יִ֥רֶב בָּאָֽרֶץ׃
23 וַֽיְהִי־עֶ֥רֶב וַֽיְהִי־בֹ֖קֶר י֥וֹם חֲמִישִֽׁי׃ פ
24 וַיֹּ֣אמֶר אֱלֹהִ֗ים תּוֹצֵ֨א הָאָ֜רֶץ נֶ֤פֶשׁ חַיָּה֙ לְמִינָ֔הּ בְּהֵמָ֥ה וָרֶ֛מֶשׂ וְחַֽיְתוֹ־אֶ֖רֶץ לְמִינָ֑הּ וַֽיְהִי־כֵֽן׃
25 וַיַּ֣עַשׂ אֱלֹהִים֩ אֶת־חַיַּ֨ת הָאָ֜רֶץ לְמִינָ֗הּ וְאֶת־הַבְּהֵמָה֙ לְמִינָ֔הּ וְאֵ֛ת כָּל־רֶ֥מֶשׂ הָֽאֲדָמָ֖ה לְמִינֵ֑הוּ וַיַּ֥רְא אֱלֹהִ֖ים כִּי־טֽוֹב׃
traduction la plus littérale possible
20 et dit Elohim que grouillent les eaux d’une vermine d’âme vivante, et que le volatile vole sur la terre, sur la face du raquia des cieux !
21 il créa Elohim les monstres grands et toute âme vivante [qui] se meut, dont grouillent les eaux, selon leurs espèces, et tout vol d’aile, selon son espèce. Il vit Elohim que bon.
22 Il bénit eux Elohim disant : fructifier et multipliez, et remplissez les eaux dans les mers et volatile se multiplie sur la terre
23 il fut soir il fut matin jour cinq
24 Il dit Elohim : que fasse sortir la terre âme vivante selon son espèce : animal et reptile, et animal de la terre selon son espèce et il fut ainsi
25 Il fit Elohim l’animal de la terre selon son espèce et l’animal selon son espèce et tout ce qui rampe (sur) le sol selon son espèce. Il vit Elohim que bon.
A noter que le grec de la LXX est moins négatif que le terme vermine, car le terme grec rend en fait le mot reptile là où l’hébreu propose vermine.
Nous voyons déjà ici des choses très riches. La notion de nephes ‘haya, qu’on pourra traduire comme âme vivante. Le grec de la LXX donne psychon zwswn (ψυχῶν ζωσῶν), qui rend donc âme vivante de façon littérale. On voit aussi un ordre indirect de Dieu aux eaux, mais finalement, il réalise lui-même l’acte créateur. Souvenez vous toujours que nous sommes définitivement dans la complète déconstruction de l’idolâtrie. Je vous renvoie si nécessaire au cours sur le quatrième jour. Les eaux ne sont pas divines. Elles n’ont rien créé par elles-mêmes. Elles ne sont pas capables de créer quoi que ce soit sans que Dieu ne leur en donne l’ordre. Toute la vie provient avant tout, de Dieu. Gifle magistrale à tous les tenants de l’évolution darwinienne. Pas de soupe primordiale sur des temps immémoriaux d’où sortirait la vie à la faveur de quelque réaction chimique complexe et improbable. Non, un acte souverain, créateur, absolu d’appel à la vie animale.
Allusion directe aux religions polythéistes idolâtres et démoniaques des voisins du peuple hébreu, les grandes créatures marines, malgré leur gigantisme vis à vis de l’homme, sont comptées ici parmi les créatures : ce sont des être créés. Les plus grands monstres marins sont comptées avec les sardines, les anchois, et Dieu est véritablement à part. Dieu déclare même dans le livre de Job 41:1 que ces monstres terrifiants pour l’homme, c’est bien lui qui les a conçus. Le Roi et Prophète David les appelle à louer le créateur, et ainsi reconnaître leur rang de créature : ps 148:7 Louez l’Éternel du bas de la terre, Monstres marins, et vous tous, abîmes.
Les catégorisations d’animaux purs et impurs viendront beaucoup plus tard dans l’histoire sainte, dans le livres du Lévitique (chapitre 11) et du Deutéronome (chapitre 14). Mais ici, avant la chute d’Adam et d’Eve, tout est bon.
On voit ici la première bénédiction. Dans l’herméneutique biblique, le premier moment où l’on voit un mot apparaître, c’est le moment de sa définition. Toutes les autres occurrences seront ensuite des développements, des précisions, des variations, mais renvoyant toutes à cette première bénédiction. Ainsi, les bénédictions réalisées par Dieu sur les patriarches, ou que le prêtre vous donne le dimanche matin à l’Église renvoient pareillement à cette première bénédiction inaugurale de Dieu sur son monde : il l’a adressé aux créatures vivantes, pour la perpétuation de la vie, pour la multiplication de la vie, pour l’explosion de la vie dans le monde. C’est ce qu’est profondément une bénédiction : une sollicitation en relation avec Dieu, pour la multiplication et l’éclosion de la vie.
La bénédiction fait partie de ces concepts un peu mystérieux, un peu flous : en quoi se différencie-t-elle de la sanctification ? Nous verrons lors du septième jour ce qu’est une sanctification, puisque Dieu fera une sanctification, pour la première fois. Mais retenons ceci : la bénédiction a toujours à voir avec la multiplication de la vie.
Cette première bénédiction montre toute la supériorité divine. D’un mot, il appelle les créatures à la vie. D’une bénédiction il leur permet de perpétuer cette vie qu’ils ont reçu. La bénédiction présuppose, et surtout pour nous humains, une relation à Dieu pour opérer. On pourra alors se demander quelle est la signification de ces prières de la divine liturgie dans son expression byzantine « Béni soit le Règne », « Béni soit notre Dieu », etc ? Avec tout le développement des formulations liturgiques au long de l’histoire, des raccourcis assez foudroyants ont été opérés, dont nous n’avons pas forcément conscience, et qui nous cache la signification profonde des choses. La bénédiction a pour effet de reconnaître Dieu comme source. D’ailleurs le mot source et bénédiction en hébreu sont quasiment interchangeables. Bénir quelque chose c’est reconnaître que Dieu est source de la vie de cette chose, et c’est reconnaître que si la croissance de la vie de cette chose est dans son plan, alors cette chose va recevoir la vie en abondance. Bénir le Règne, c’est reconnaître que ce règne ne se fera que comme et quand Dieu le veut, et que nous y participons de façon négligeable. Bénir Dieu, c’est le reconnaître comme source de tout dans notre vie. Bénir une paroisse, c’est dire à Dieu : si cela est dans ton plan divin que cette paroisse avec ces gens, avec ce prêtre, avec cet évêque, avec ce chœur, avec ce lieu grandisse et bien c’est toi seul qui peut en décider. Le prêtre pourra être le plus pastoral, le chœur le plus efficace et professionnel, les paroissiens les plus soudés, c’est Dieu qui décide de la vie de cette paroisse, et nous y participons de façon négligeable. Bénir sa nourriture c’est dire à Dieu : je sais que cette nourriture vient de toi. Le fait de gagner sa vie et ce genre de contingence, ce n’est que la façon dont la providence divine s’habille dans le monde. C’est renouer avec l’évidence de la manne dans le désert.
Les animaux sont un sujet biblique en soi. On verra dans l’épisode du déluge que Dieu fait en sorte que tous les animaux survivent. Lorsque nous prions les vêpres, le psaume 103 rappelle comment Dieu surveille aussi les animaux
« 25 Voici la grande et vaste mer: Là se meuvent sans nombre Des animaux petits et grands;
26 Là se promènent les navires, Et ce léviathan que tu as formé pour se jouer dans les flots.
27 Tous ces animaux espèrent en toi, Pour que tu leur donnes la nourriture en son temps.
28 Tu la leur donnes, et ils la recueillent; Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens. »
Le livre de Job, au chapitre 12, nous enseigne sur cette dimension de Dieu qui s’occupe des animaux :
« 7 Interroge les bêtes, elles t’instruiront, Les oiseaux du ciel, ils te l’apprendront;
8 Parle à la terre, elle t’instruira; Et les poissons de la mer te le raconteront.
9 Qui ne reconnaît chez eux la preuve que la main de l’Éternel a fait toutes choses? »
Dieu manifeste sa dimension créatrice chez eux, nous dit Job.
Le Christ nous rappelle, via les animaux, que Dieu prend tout en charge
« Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux? » (Mt 6:26)
Passons aux commentaires de nos Saint Pères sur la création des animaux.
Saint Jean Chrysostome explique pourquoi Dieu a créé des animaux qui n’auraient finalement pas d’utilité pour l’homme, tels que les grands monstres marins :
«Et cependant il se rencontre quelques insensés qui, après ces belles instructions, osent encore se dire incrédules, et qui ne veulent pas reconnaître que Dieu a créé le monde ! ils disent, les uns que le hasard a tout fait, et les autres qu’une matière préexistante a tout produit. Mais voyez combien cette illusion du démon est dangereuse, et comment il abuse de la simplicité de ceux qui se laissent séduire! c’est pour nous préserver d’un semblable malheur que le saint prophète, inspiré par l’Esprit-Saint, nous raconte avec tant d’exactitude tout l’ensemble de la création, en sorte que nous en connaissons manifestement l’ordre et la suite, et que nous savons comment chaque créature a été produite. Mais si Dieu n’eût pas eu un soin aussi spécial de notre salut, et s’il n’eût dirigé lui-même la langue de son prophète, celui-ci se fût contenté de dire : Dieu créa le ciel et la terre, la mer et les animaux ; et il n’eût pas jugé nécessaire de distinguer les jours de la création, ni de marquer séparément les œuvres de chacun d’eux. Mais pour ôter toute excuse aux hommes ingrats et aveuglés par leurs préjugés, Moïse distingue clairement l’ordre des faits et le nombre des jours; et il nous instruit avec tant de soin qu’il nous est comme impossible de méconnaître la vérité, et de tomber dans l’erreur des païens. Ceux-ci ne débitent que les rêves de leur imagination, tandis que nous savons combien le Seigneur, notre Dieu, est grand et puissant.
Il avait dit : Que les eaux produisent des animaux vivants qui nagent dans l’eau, et des oiseaux qui volent sur la terre, sous le firmament du ciel; et soudain l’élément, docile à la parole du Créateur, accomplit son commandement. Aussi Moïse ajoute-t-il : Et il fut fait selon que Dieu l’avait ordonné. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, que les eaux produisirent chacun selon son espèce; et il créa aussi des oiseaux, chacun selon son espèce. Et Dieu vit que cela était bon; et il les bénit en disant : croissez et multipliez, remplissez la mer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre. Considérez, je vous prie, quelle est la sagesse de l’Esprit-Saint. Déjà Moïse avait dit : et il fut fait ainsi; et voilà qu’il lui inspire de nous révéler tous les détails de cette œuvre. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, que les eaux produisent chacun selon son espèce; et il créa aussi des oiseaux, chacun selon son espèce ; et Dieu vit que cela était bon. Ces paroles répriment de nouveau une téméraire critique. Et en effet, afin que nul ne puisse dire: pourquoi les monstres marins ? quelle est leur utilité , et quels avantages l’homme peut-il retirer de leur création ? Moïse nous apprend d’abord que Dieu créa, avec les grands poissons, tous les animaux qui ont la vie et le mouvement, ainsi que les oiseaux; et puis il ajoute : que Dieu vit que cela était bon.
C’est comme s’il nous disait : parce que vous ignorez la raison des œuvres divines, ne vous hâtez point de blâmer le Créateur. Vous avez entendu la parole du Seigneur, parole qui proclame qu’elles sont bonnes; et, pleins d’une folle témérité, vous osez demander pourquoi elles existent, comme si elles n’étaient dans la création qu’une superfluité ? Et toutefois si vous étiez doués d’un sens droit, elles vous feraient connaître la puissance et l’ineffable bonté du Seigneur. Sa puissance paraît en ce qu’il lui a suffi d’une parole et d’un commandement pour produire ces monstres marins, et sa bonté en ce qu’après les avoir créés, il les a relégués dans le vaste abîme de l’Océan, en sorte qu’ils ne peuvent nuire à l’homme. Ainsi ces géants des mers nous font admirer la puissance suréminente du Créateur, et ils sont inoffensifs. Cette double utilité n’est-elle donc pas une grande preuve de la bonté divine, puisque la vue de ces monstres conduit tout esprit sage à la connaissance du Seigneur, et que lui-même, par un prodige de bienveillance, les empêche de nous faire aucun mal? Car toutes les créatures n’ont pas été produites pour la seule utilité de l’homme; et quelques-unes sont destinées à publier la magnificence du Créateur. Oui, les unes ont été faites pour notre usage, et les autres pour manifester la grandeur de Dieu, et proclamer sa puissance. Aussi lorsque vous entendez l’écrivain sacré vous dire que Dieu vit que tout cela était bon, n’ayez pas la témérité de contredire l’Écriture, ni d’émettre curieusement cette imprudente parole : pourquoi Dieu a-t-il fait telles ou telles créatures? Et Dieu les bénit, en disant: Croissez et multipliez, remplissez la mer; et que les oiseaux se multiplient sur la terre. »
Ainsi, pour le saint docteur, certains animaux manifestent la majesté divine. Cela nous renvoie aujourd’hui, avec la problématique écologique au ressort profond de ce qui pousse l’homme à maltraiter le règne animal : c’est une forme subtile de sacrilège et de blasphème. Chrysostome poursuit dans cette logique de relation entre l’homme et le monde créé par Dieu :
« L’effet de cette bénédiction a été l’accroissement prodigieux des poissons et des oiseaux. Et parce que Dieu voulait qu’ils se perpétuassent en leurs générations, il les bénit, en disant : croissez et multipliez. C’est ainsi qu’ils se sont conservés jusqu’aujourd’hui, et qu’à travers tant de siècles nulle espèce n’a péri. Car par la bénédiction de Dieu, et par cette parole : Croissez et multipliez, il leur a été donné de se multiplier et de subsister toujours. Et du soir et du matin se fit le cinquième jour. L’Écriture nous apprend ainsi quelles espèces parmi les animaux furent créées le cinquième jour. Mais attendez un peu, et vous verrez de nouveau éclater la bonté du Seigneur. Car il n’a pas seulement rendu les eaux fécondes pour produire les poissons et les oiseaux, mais il a commandé aussi à la terre d’enfanter les animaux terrestres. C’est pourquoi la suite du récit nous engage à aborder l’œuvre du sixième jour.
Et Dieu dit : Que la terre produise des animaux vivants, chacun selon son espèce : les animaux domestiques, les reptiles et les bêtes sauvages de la terre, selon leurs différentes espèces. Et cela se fit ainsi. Considérez donc quel nouveau service nous rend la terre, et comment elle obéit à ce second ordre du Seigneur. D’abord elle avait produit les germes de toutes plantes, et maintenant elle enfante les animaux vivants, les quadrupèdes et les reptiles, les animaux domestiques et les bêtes sauvages. Mais ici se confirme ce que je vous avais déjà déclaré, à savoir, que dans les œuvres de la création, le Seigneur s’est proposé tantôt notre utilité et tantôt sa propre gloire : il a voulu que la vue de tant de créatures nous fît admirer la puissance du Créateur, et nous révélât que sa bonté et sa sagesse infinies les ont faites pour l’homme, qu’il devait bientôt créer.
Dieu fit donc les bêtes de la terre selon leurs espèces; les animaux domestiques et tous ceux qui rampent sur la terre, chacun selon son espèce. Et il vit que cela était bon. Où sont aujourd’hui ceux qui osent demander pourquoi Dieu a créé les bêtes sauvages et les reptiles dangereux? Qu’ils écoutent cette parole de l’Écriture : Et Dieu vit que cela était bon. Quoi ! le Créateur lui-même loue son œuvre, et vous oseriez la blâmer ! Mais n’est-ce pas une extrême folie? Tous les arbres que la terre nourrit ne produisent point des fruits, et nous comptons parmi eux des espèces sauvages et stériles; toutes les plantes elles-mêmes ne sont point utiles: il en est qui nous sont inconnues, et d’autres qui sont malfaisantes. Et cependant, qui oserait les condamner? car elles n’ont point été créées au hasard et sans intention. Oui, elles n’auraient point été louées par le Créateur lui-même, si elles eussent dû être entièrement inutiles. Outre les arbres fruitiers, nous en possédons un grand nombre qui, quoique stériles, nous sont aussi utiles que les premiers, parce qu’ils servent aux différents usages de la vie et aux besoins de l’homme. Et, en effet, nous les employons ou dans la construction des bâtiments, ou dans la confection de meubles nécessaires et commodes. Ainsi, nulle créature n’a été faite sans raison, quoique l’esprit de l’homme ne puisse en découvrir toute l’utilité. Mais ce que je dis des arbres s’applique également aux animaux, dont les uns servent à notre nourriture, et les autres à nos travaux. Il n’est pas jusqu’aux bêtes féroces et aux reptiles qui ne nous soient utiles; et, quoique depuis la désobéissance de nos premiers parents nous ayons perdu sur eux l’empire et l’autorité, quiconque y réfléchira sérieusement se convaincra que nous en retirons encore de précieux avantages. Et, en effet, les médecins en tirent plusieurs remèdes pour la guérison de nos maladies. Au reste, en quoi la création des animaux féroces pouvait-elle être blâmable, puisqu’ils devaient, comme les animaux domestiques, être soumis à l’homme, que Dieu allait créer? Et c’est ce sujet que j’aborde.
Mais d’abord, considérons dans son ensemble la bonté du Seigneur à l’égard de l’homme. Il étendit les cieux, créa la terre, et plaça le firmament pour diviser les eaux supérieures d’avec les eaux inférieures; il réunit ensuite les eaux dans un bassin qu’il appela mer; il nomma terre l’élément aride, et l’orna d’arbres et de plantes; il passa ensuite à la formation de ces deux grands corps de lumière et de cette multitude d’étoiles qui embellissent le ciel; enfin, il acheva l’œuvre du cinquième jour en ordonnant aux eaux de produire les poissons qui nagent dans leur sein, et les oiseaux qui volent sur la terre, au-dessous du firmament. Mais, parce qu’il convenait que la terre elle-même fût peuplée, il créa les divers animaux, tant ceux qui servent à notre nourriture que ceux qui nous aident dans nos travaux, et même les reptiles et les bêtes féroces. C’est ainsi que Dieu, après avoir produit toutes les créatures, chacune en son rang et sa perfection, dressa l’univers comme une grande table chargée de toutes sortes de mets et resplendissant d’un luxe princier et d’une magnificence vraiment royale. C’est alors aussi qu’il créa l’homme, qui devait jouir de toutes ces richesses. Il lui donna autorité sur toute la création visible; et, pour montrer combien il surpassait en dignité toutes les autres créatures, il les soumit à son empire et à sa puissance. »
Ainsi, le concept de « mauvaise herbe » n’existe pas pour Saint Jean Chrysostome. Il n’y a que des herbes dont nous ne saisissons pas le but dans la création.
Saint Basile se sert des comportements que l’on peut observer chez les animaux pour en tirer des enseignements sur le juste comportement que se doit d’observer un chrétien :
« Chaque espèce de poisson a sa nourriture particulière. Les uns se nourrissent de limon, les autres d’algue , d’autres se contentent des herbes qui naissent dans l’eau. La plupart chez eux se dévorent les uns les autres, et le plus petit sert d’aliment au plus grand. S’il arrive quelquefois que celui qui en a dévoré un plus petit devienne la proie d’un autre, ils sont engloutis tous deux dans le ventre du dernier. Font-ils autre chose les hommes, lorsqu’abusant de leur puissance ils oppriment ceux qu’ils dominent? en quoi diffère du dernier poisson l’homme qui , affamé de richesses, engloutit les faibles dans le goulue d’une cupidité insatiable ? Tel homme possédait les biens du pauvre; vous avez envahi ses possessions pour grossir votre opulence : vous vous êtes montré plus injuste que l’injuste, plus cupide que le cupide. Prenez garde d’éprouver le sort des poissons, et de vous trouver enfin pris à l’hameçon, dans la nasse ou dans le filet. Si nous nous permettons une foule d’injustices, nous ne pourrons nous soustraire aux peines les plus rigoureuses. Je veux aussi, en vous apprenant les ruses et les artifices d’un faible animal, vous engager à fuir les exemples des méchants. Le crabe aime beaucoup la chair de l’huître. Mais cette proie n’est pas facile à prendre, parce que l’huître est couverte d’une très-dure écaille dont la nature a muni sa chair si tendre. Et comme deux cavités appliquées l’une sur l’autre l’enferment exactement , les pinces du crabe deviennent nécessairement inutiles. Que fait-il donc ? Lorsque, dans un lieu paisible, il voit l’huître étaler au soleil ses écailles ouvertes, et se chauffer à ses rayons, il y jette adroitement un petit caillou, les empêche de se refermer , et par-là obtient ce qu’il désire en suppléant à la force par l’adresse. Quelle est la ruse d’animaux qui n’ont ni la raison ni la parole ! En admirant l’habileté des crabes à se procurer leur nourriture, vous devez vous abstenir de faire du tort à votre prochain. Celui-là ressemble au crabe qui emploie la ruse avec son frère, qui profite des contre-temps de son prochain, qui tourne à son avantage les malheurs d’autrui. Craignez d’imiter ceux que tout le monde blâme. Contentez-vous de ce que vous avez. La pauvreté, pourvu qu’on ait le nécessaire, est préférable pour le sage à toutes les richesses. Je ne dois pas ici omettre la ruse du polype pour saisir sa proie. Comme il prend la couleur du rocher où il s’attache, beaucoup de poissons en nageant vont tomber sur lui sans y faire attention , et deviennent la proie de cet animal rusé. Tel est le caractère de ceux qui, bassement soumis aux puissances, en s’accommodant aux conjonctures, changent aisément de système et de conduite, honorent la sagesse avec ceux qui sont sages, sont intempérants avec les intempérants, et agissent et ne pensent que pour plaire à ceux qu’ils veulent flatter. Il est difficile d’éviter ces personnes et de se garantir du mal qu’elles peuvent faire, parce qu’elles ont grand soin de cacher leurs mauvaises intentions sous le masque de l’amitié. Ce sont de tels hommes que le Seigneur appelle des loups ravisseurs qui se montrent sous la peau de brebis. Fuyez les caractères doubles et trompeurs; recherchez la vérité, la sincérité, la simplicité. Le serpent est plein de dissimulation; aussi a-t-il été condamné à ramper. Le juste est simple et sans fard comme Jacob; aussi le Seigneur fait-il habiter dans sa maison ceux qui ont un cœur droit et simple»
Ceci va devenir un grand classique patristique, à savoir que Dieu a laissé dans son monde, en plus de son emprunte créatrice, tout un ensemble de choses qui servent de leçons spirituelles à l’homme. En plus de cela, Basile va nous donner un enseignement sur l’âme, puisqu’il est question ici des âmes animales.
« Que la terre produise une âme vivante. Pourquoi la terre produit-elle une âme vivante? c’est afin que vous appreniez la différence qu’il y a entre l’âme de la bête et celle de l’homme. Je vous dirai ci-après comment l’âme de l’homme a été formée; écoutez maintenant ce qui regarde l’âme des bêtes. Comme, d’après l’Écriture, l’âme de tout animal est son sang, que le sang épaissi se change ordinairement en chair, que la chair corrompue se résout en terre, les bêtes sans doute n’ont qu’une âme matérielle et terrestre. Que la terre produise une âme vivante. Voyez l’affinité qu’il y a de l’âme avec le sang, du sang avec la chair, de la chair avec la terre ; et ensuite revenant, par un ordre inverse, de la terre avec la chair, de la chair avec le sang, du sang avec l’âme, voyez, dis-je, cette affinité, et vous trouverez que la terre constitue l’âme des bêtes. Ne croyez pas que leur âme soit plus ancienne que leur corps, et qu’elle reste après la dissolution de la chair. Fuyez les délires des orgueilleux philosophes, qui ne rougissent pas de confondre leurs âmes avec celles des animaux. Ils disent qu’ils ont été autrefois femmes, arbrisseaux, poissons de la mer. Je ne puis dire s’ils ont été autrefois poissons, mais je soutiens hardiment que, lorsqu’ils écrivaient ces absurdités, ils avaient moins de raison que des poissons. »
L’attaque contre les conceptions philosophiques grecques est ici très violente. En effet, Pythagore, ou Platon croyaient en la métempsychose. Il s’agit de la transmigration des âmes dont on peut résumer ainsi le postulat : lorsque vous vous comportiez vertueusement vous montiez les degrés de l’échelle de la vie. Par contre, en cas de mauvais comportement, vous descendiez sur cette échelle. Quels en étaient les différents degrés, en portant du plus bas : minéral, végétal, animal, femme, homme, créature spirituelle, métaphysique, divine… Que tous ceux qui sont fasciné par les religions à mystères, les sociétés initiatiques antiques, le sache : c’est ce genre d’idioties qu’on y entendait, ainsi que dans leurs avatars modernes comme la franc-maçonnerie.
Basile a produit dans son hexameron, trois homélies sur la création du règne animal. Dans celle dédiée aux animaux terrestres du sixième jour, il donne une leçon d’herméneutique patristique. Vous pourrez y renvoyer ceux qui considèrent que ce récit de la Création est une allégorie, et qu’il ne se lit pas de façon littérale :
« Je connais les règles de l’allégorie, non pour les avoir trouvées par moi-même, mais pour les avoir remarquées dans certains livres. Ceux qui n’admettent pas les sens les plus simples de l’Écriture, ne regardent pas l’eau comme de l’eau, mais comme un être d’un autre genre. Ils expliquent, d’après leur imagination, poisson et plante. La création des reptiles et des bêtes sauvages, ils l’interprètent d’après le système qu’ils adoptent, d’après le but qu’ils se proposent, comme les interprètes des songes expliquent les rêves de la nuit. Pour moi, quand je lis herbe, j’entends herbe; plante, poisson, bête sauvage, animal domestique, je prends tout cela comme il est écrit : car je ne rougis pas de l’Évangile. Des physiciens qui ont traité du monde, ont beaucoup parlé de la figure de la terre, ils ont examiné si c’est une sphère ou un cylindre, si elle ressemble à un disque, et si elle est arrondie de toutes parts , ou si elle a la forme d’un van , et si elle est creuse au milieu; car telles sont les idées qu’ont eues les philosophes, et par lesquelles ils se sont combattus les uns les autres : pour moi , je ne me porterai pas à mépriser notre formation du monde, parce que le serviteur de Dieu, Moïse, n’a point parlé de la figure de la terre, qu’il n’a point dit qu’elle a de circonférence cent quatre-vingt mille stades; par-ce qu’il n’a point mesuré l’espace de l’air dans lequel s’étend l’ombre de la terre lorsque le soleil a quitté notre horizon; parce qu’il n’a pas expliqué comment cette même ombre, approchant de la lune cause des éclipses. Quoi ! parce que l’Écriture se tait sur des connaissances qui nous sont inutiles, préférerai-je une sagesse insensée aux oracles de l’Esprit-Saint ? ne glorifierai-je pas plutôt celui qui n’a pas occupé notre esprit de vains objets, mais qui a fait tout écrire pour l’édification et pour la perfection de nos âmes ? C’est ce que paraissent n’avoir pas compris ceux qui, tirant de leur imagination des sens détournés et allégoriques, ont voulu relever la simplicité de l’Écriture en lui donnant un air plus auguste. Mais c’est-là vouloir être plus habile que l’Esprit-Saint lui-même, et , sous prétexte d’expliquer ses oracles , ne donner que ses propres idées. Que les choses soient donc entendues comme elles sont écrites. »
Qui est attaqué ici ? Basile ne connaît pas tous les modernistes et les traîtres qui vont enseigner les écritures dans les académies de théologie de nos jours. Il attaque ici Origène et ceux qui souscrivent à sa lecture allégorique. L’attaque est valide à une seule condition : si l’on considère que l’allégorie est la seule lecture possible. Les modernistes, les concordistes et autres orthodoxes de carton pâte sont dans cette ornière. Se prosternant devant les mensonges du scientisme, devant les fantaisies des évolutionnistes, ils congédient la lecture littérale et se réfugient dans l’allégorie, et dans la poésie. Ils ont honte de l’Écriture. Par contre Origène et les allégoristes sont vraiment coupables s’ils souscrivent au même postulat : l’allégorie comme seule lecture possible. Mais, si la lecture littérale est acceptée, et que pour l’enrichissement du sens on accepte de lire, en plus, de façon allégorique, il n’y a alors rien de mal. Pour que vous puissiez vous faire une opinion de ce que disait Origène, voici un exemple d’explication qu’il donnait :
« Selon la lettre, les poissons et les oiseaux sont créés par les eaux et le commandement de Dieu, et nous reconnaissons par quoi ces choses ont été faites. Mais voyons aussi comment ces mêmes choses sont venus à l’être dans le firmament des cieux, qui est le firmament de notre esprit ou de notre cœur. Je pense que c’est notre esprit qui est illuminé par le Christ, notre soleil, qui reçoit l’ordre de donner l’être depuis ces eaux, aux poissons qui nagent et aux oiseaux qui volent, de façon à ce que nous puissions ouvertement distinguer entre les bonnes et les mauvaises pensées, les deux procédant de notre cœur, comme des eaux. Que par la parole et les commandements de Dieu nous obtenions la vision et le jugement de Dieu, pour que par cette illumination, nous puissions distinguer entre le bien et le mal ». (Homélies sur la Gn)
Vous voyez que c’est une lecture stimulante, mais finalement, si l’allégorie n’est pas enracinée dans la littéralité, l’on peut allégoriser sur tout, pour faire tout dire au texte, ou se baser sur n’importe quel texte. On pourrait rendre la Bible non chrétienne, et un texte non chrétien pourrait le devenir par les contorsions allégoriques de l’exégèse.
Saint Augustin, de son côté, réalise tout un ensemble d’analyses et de précisions qui font qu’il n’a à rien à envier à Basile, sur ce plan, qui avait également montré un savoir éthologique assez captivant. Il répond à quelques questions que peuvent se poser certains : POURQUOI LA BÉNÉDICTION DIVINE N’A-T-ELLE ÉTÉ DONNÉE QU’AUX ANIMAUX TIRÉS DES EAUX ET A L’HOMME ?
« On se demande aussi par quel privilège les animaux tirés des eaux partagent seuls avec l’homme le bienfait de la bénédiction du Créateur. Il est bien vrai, en effet, que Dieu les a expressément bénis, en disant : « Croissez et multipliez-vous, et remplissez les eaux de la mer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre». Si on avance qu’il suffisait de prononcer ces paroles sur une seule espèce de créatures, et qu’il était naturel de les suppléer pour tous les autres êtres destinés à se reproduire, pourquoi cette bénédiction n’a-t-elle pas été adressée aux arbres et aux plantes, qui, dans cet ordre, furent créés les premiers ? Dieu aurait-il jugé les végétaux indignes de recevoir ces paroles de bénédiction, parce qu’ils n’ont ni sensibilité ni conscience de l’acte par lequel ils se reproduisent ? Aurait-il attendu, pour les prononcer, le moment où il créait les êtres sensibles, afin qu’on les appliquât ensuite à tous les animaux de la terre ? Un point incontestable, c’est que cette bénédiction devait se répéter pour l’homme, afin qu’on n’accusât pas de péché l’union conjugale, principe de la famille, et qu’on ne l’assimilât pas à la débauche à l’adultère et à l’abus même du mariage. »
Augustin précise avec justesse, que la bénédiction de multiplication de la vie animale diffère de celle de l’homme en ceci qu’elle n’intègre pas le mariage. Un mâle et un femelle d’une espèce animale ne se marient pas pour perpétuer leur espèce : ils s’accouplent. Je vous laisse conclure ce qu’il faut penser des gens vivants en union libre.
Augustin pose plus loin une question qui renvoie à la fameuse épine de la rose pour Saint Basile de Saint Césarée : les insectes issus de la mort ont-ils été créé lors de ce qui est retracés par ces versets ?
« Les insectes provoquent une question qui n’est pas sans importance. Ont-ils été produits au début de la création, ou sont-ils nés de la corruption des êtres périssables ? La plupart, en effet, doivent leur naissance aux maladies qui altèrent les corps vivants, aux immondices, aux émanations empestées des cadavres ; d’autres se forment dans les végétaux qui se détériorent ou dans les fruits qui se gâtent : cependant tous ces êtres ont nécessairement Dieu pour créateur. Chaque créature, en effet, a son genre de beauté, et, à bien examiner, les insectes ont une structure plus merveilleuse et prouvent plus pleinement la toute-puissance de l’ouvrier, qui a tout fait dans sa sagesse et qui étendant son action d’un bout à l’autre du monde, y dispose tout avec harmonie. Loin d’abandonner à leur laideur les corps épuisés, quand ils se décomposent selon la loi de leur nature, et provoquent en nous l’horreur, par la dissolution qui nous rappelle la mortalité attachée au péché, il en fait sortir des êtres dont les organes presque imperceptibles recèlent les sens les plus vifs ; aussi voit-on avec une surprise plus profonde le vol agile d’une mouche que la marche pesante d’une bête de somme, et l’industrie des fourmis excite plus l’étonnement que la force du chameau. Mais la question importante, comme je l’ai dit, est de savoir si les insectes ont été formés comme les autres êtres dans la période des six jours, ou s’il sont nés dans la suite de la décomposition des corps. On peut soutenir que ceux qui naissent de la terre et des eaux furent créés d’abord; on peut même y ajouter les animalcules qui se forment avec la végétation dont la terre est le principe ; car cette végétation avait précédé la création des animaux et même celle des luminaires; en outre, elle fait presque partie de la terre où ses racines s’enfoncent et d’où elle sortit le jour même que parut le globe nu et aride, plutôt pour achever de le rendre habitable que pour le peupler. Quant aux vers qui se forment dans le corps des animaux et surtout dans les cadavres, il y aurait folie à prétendre qu’ils furent créés en même temps que les animaux, à moins qu’on ne veuille dire que dans l’organisme de ces animaux étaient déposés les principes, et pour ainsi dire, les germes enveloppés des insectes futurs, destinés à naître, selon leurs espèces, de leurs corps corrompus, d’après les lois mystérieuses du Créateur, qui donne à tout le mouvement sans cesser d’être immuable. »
Conclusion
Il produit le même raisonnement sur les animaux venimeux et les espèces ennemies. Tout ceci nous renvoie immanquablement au péché originel et à sa conséquence colossale sur l’ordre de la création. L’homme n’a pas seulement nui à lui-même, mais il a entraîné le monde entier dans sa chute. La nature s’est emplie de violence, de prédation et de danger. C’est une des choses les plus structurantes pour repousser la théorie de l’évolution.
En effet, chez Darwin, la mort est un élément incontournable, qui sert à perfectionner, génération après génération les organismes qui sont soumis à cette évolution aveugle et hasardeuse. Ainsi, pour Darwin, la mort est créatrice. Chaque organisme transmet son patrimoine avec parfois une variation génétique, et la mort est un élément indispensable du processus d’évolution. Nous verrons plus en détail lors des cours dédiés lors du chapitre 3, à la rébellion au péché et à la mort, quelle est la vision orthodoxe de la mort. Mais il y a bien évidemment un totale incompatibilité. Nous ne pouvons ici que lancer un appel à la cohérence. On ne peut pas croire Moïse et Darwin. En tout cas on ne peut pas lire Moïse de façon patristique, telle que nous l’a enseigné Basile, et croire en Darwin.
De même, ce récit répond à cette fascinante question enfantine de l’œuf et de la poule. Moïse répond : la poule. Dieu a créé un poule capable de pondre des œufs. Ceci ne peut plus être un doute pour vous.
Voilà, pour ce cours sur la création du règne animal. A bientôt.