Exégèse biblique : livre de la Genèse chapitre 6 : le déluge et ses causes
les causes du déluge
Dans ce billet nous allons couvrir l’entièreté du sixième chapitre du livre de la Genèse, mais je tiens à attirer particulièrement votre attention sur les quatre premiers versets du chapitre 6. Ces quatre versets contiennent la raison du déluge. Joseph de Maistre écrivait que la faute des hommes de cette génération avait dû être absolument colossale mais que le texte n’était pas forcément très clair sur la nature de cette faute. Nous voudrions aujourd’hui montrer, qu’au contraire, la Bible expose les choses plus que clairement si on la laisse s’exprimer. Ces versets peuvent alors servir véritablement de pierre de rosette pour toute la sainte écriture. Voyons ces quatre premiers versets :
2 les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu'ils choisirent.
3 Alors l'Éternel dit: Mon esprit ne restera pas à toujours dans l'homme, car l'homme n'est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans.
4 Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu'elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l'antiquité.
Dans le chapitre 4 nous avons vu tout un progrès civilisationnel. Le chapitre 6 nous rappelle que ce progrès n’a rien d’automatiquement moral. Ici un grand progrès technologique a accompagné un grand progrès de l’immoralité.
Dans le chapitre 5 nous voyons que malgré la mort, la bénédiction de la procréation et de la perpétuation de la vie existe. Mais le chapitre 6 vient nous apprendre que cette bénédiction a été attaquée : on ne concevait plus des humains, mais des hybrides de démons. C’est en effet le sens premier de ces quatre versets. C’est parce que l’humanité était corrompue génétiquement par le démon, que Dieu a choisi d’éliminer ceux qui n’étaient plus complètement humains. Disons immédiatement qu’il s’agit ici d’une théorie qui ne bénéficie pas de consensus patristique. Elle a même des noms tout à fait prestigieux parmi ses opposants, tel que Saint Jean Chrysostome. La théorie alternative des Pères, que nous essaierons de réfuter en tremblant et toujours emplis d’une piété filiale indiscutée, est la théorie de l’union des lignées caïnites et sethites. Macaire Boulgakov, qui réfute l’idée de l’union entre démons et femmes, la décrit de la sorte dans sa dogmatique (tome1 p 493-494) : « Quelques docteurs voyaient le péché des Anges dans des liaisons contre nature qu’ils auraient eu avec les filles des hommes, alléguant à l’appui de leur idée ce que dit l’historien sacré : ‘les enfants de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, prirent pour leur femmes celles qui leur avaient plu’. Mais d’abord les paroles de Dieu même, qui suivent immédiatement : ‘mon esprit ne demeurera pas toujours avec l’homme, parce qu’il n’est que chair, et le temps de l’homme ne sera plus que de six vingt ans’ prouve que c’était des hommes dont il était question. Ensuite l’évènement dont parle Moïse eut lieu avant le déluge, tandis que les Anges étaient tombés bien auparavant puisque le Diable parut déjà comme tentateur du premier homme. D’ailleurs suivant ce que dit le Sauveur, les Anges n’ont point de femmes ni de maris (Mt XXII 30), et en général, comme êtres incorporels, ils ne sont points sujets aux entrainements de la chair. Enfin ce ne sont pas seulement les Anges que l’Ecriture nomme enfants de Dieu, ce sont aussi les hommes pieux, les adorateurs du vrai Dieu (Deut XIV 1, Prov XIV 26, Jean I 22). Ainsi le nom d’enfants de Dieu peut être donné aux descendants du pieux Seth, « qui commencèrent à invoquer le nom du Seigneur » (Gn IV 26) par opposition avec les fils des hommes, c’est-à-dire des descendants de l’impie Caïn, qui, ayant oublié Dieu ne marchaient que selon les convoitises du cœur humain. Du mélange de ces enfants de Dieu avec les filles provint, avant le déluge, l’impiété générale, qui attira sur la terre ce châtiment du Ciel ». Macaire Boulgakov précise en note que ceci est la position de Saint Jean Chrysostome, Saint Augustin, Photius et Theodoret de Cyr.
C’est ici qu’il convient de savoir comment se positionner par rapport aux Pères de l’Eglise dans l’Eglise orthodoxe. Lorsqu’il y a consensus sur une question, ou mieux encore lorsqu’un canon est édicté relativement à un sujet (comme le péché originel et le baptême des enfants pour effacer cette souillure), alors il ne faut plus débattre de cette question. Ici, ce n’est pas le cas. Comme le dit Macaire Boulgakov, « quelques docteurs » ont une position. On citera ici Ambroise de Milan ou Irénée de Lyon. Augustin et Jérôme sont en fait très prudents, car, comme ils le rappellent, le terme « ange » signifie messager et peut s’appliquer à des hommes ou à des anges.
Voyons ce que dit Saint Ambroise de Milan : « L’auteur de l’Ecriture divine ne veut pas que ces géants soient compris, selon la coutume des poètes, comme des enfants de la terre, mais il affirme plutôt qu’ils ont été engendrés d’anges et de femmes, et les appelle par ce nom pour exprimer la grandeur de leurs corps. ». Car, et c’est là le premier problème de la théorie des deux lignées humaines : comment leur progéniture peut-elle se voir dotée d’une taille anormale ? Augustin et Chrysostome abordent la problématique mais penchent pour des gens plus grands que la moyenne. Il est tout de même étonnant que lorsque les sethites s’accouplent avec les caïnites, alors les tailles moyennes augmentent. Pour que la Bible parle de géants, il faut bien plus que quelqu’un qui aurait pu s’illustrer de nos jours sur les terrains de basket.
Dans la prédication apostolique, Irénée explique : « Mais le mal en se répandant envahit toute l’humanité. Cela est si grave qu’il ne reste que très peu de bien parmi les êtres humains. En effet, des unions criminelles ont lieu sur toute la terre. Des anges s’unissent aux filles des hommes et elles mettent au monde des fils. À cause de leur taille extraordinaire, on les appelle géants. Ces anges transmettent à leurs femmes des pratiques et des pensées tordues, très mauvaises. Avec de mauvaises intentions, ils leur enseignent les qualités des racines, des plantes, des teintures, des poudres pour le visage, la découverte de matières précieuses. En un mot, tout ce qui peut servir à la magie. Ils leur enseignent la haine, les pensées mauvaises, la manière de séduire les autres, les actes de sorcellerie. Enfin, ils leur transmettent tout ce qui concerne les manières d’annoncer aux gens leur avenir et leurs faux dieux, ce que Dieu a particulièrement en horreur. Quand toutes ces horreurs entrent dans le monde, les pratiques du mal débordent et celles de la justice diminuent. ». Ce qui gêne les docteurs n’adhérant pas à cette doctrine, est qu’ils ne peuvent pas concevoir une union charnelle entre l’homme et l’ange, et c’est donc finalement une différence de vision sur les natures humaine et angélique.
Pourtant, nous avons deux passages du NT qui laissent à penser que les Anges se sont livrés à des actes impudiques, ce qui n’a aucun sens si l’union charnelle est impossible. Premier passage, dans la seconde de Pierre, chapitre 2 : « Car, si Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché, mais s’il les a précipités dans les abîmes de ténèbres et les réserve pour le jugement; s’il n’a pas épargné l’ancien monde, mais s’il a sauvé Noé, lui huitième, ce prédicateur de la justice, lorsqu’il fit venir le déluge sur un monde d’impies; » (2 Pi 2 :4-5). Ces deux versets semblent liés : la faute des anges semble liée au déluge et non pas à la révolte angélique du chapitre 3. Macaire Boulgakov part du principe qu’il n’y a qu’une seule rébellion angélique. Nous postulons que l’Ecriture en rapporte plusieurs.
Second passage, dans l’Epitre de Jude : « qu’il a réservé pour le jugement du grand jour, enchaînés éternellement par les ténèbres, les anges qui n’ont pas gardé leur dignité, mais qui ont abandonné leur propre demeure; que Sodome et Gomorrhe et les villes voisines, qui se livrèrent comme eux à l’impudicité et à des vices contre nature, sont données en exemple, subissant la peine d’un feu éternel. » (Ju 6-7). Comment peut-on expliquer le « comme eux » du verset 7 autrement que par un accouplement contre nature entre anges et femmes ? Nous voyons ici, si nous laissons la Bible parler, que cette union était tout à fait claire pour deux apôtres. En terme d’autorité, c’est tout de même quelque chose.
Autre preuve, oblique cette fois : Jude cite un peu plus loin dans son épître le livre d’Enoch. C’est un livre qui ne fait pas partie du canon biblique mais il est tout de même cité dans la Bible par cette épitre. S’il est cité, c’est qu’il s’agit d’une source tout de même fiable et qui ne véhicule pas d’hérésies au sens large. Que dit le livre d’Enoch ? Et bien, entre autres, car il ne dit pas que cela, que des anges en rébellion contre Dieu sont descendus sur terre et se sont unis à des femmes pour produire une descendance hybride mi humaine mi démoniaque, et que c’est pour mettre fin à cela que Dieu a envoyé le déluge. Cette histoire est reprise selon ces exacts termes par toute la littérature juive intertestamentaire et par la littérature qui a été retrouvée à Qumran, dans ce qui est généralement appelé, les manuscrits de la mer morte. Bref, dans toute la tradition juive d’avant le Christ, c’était quelque chose de connu et d’acquis : les démons avaient séduits des femmes, et l’existence de leurs unions et de leur descendance hybride avait provoqué la fureur divine et la réponse du trône divin avait été le déluge. Et je le répète, plus nous nous approchons du Christ chronologiquement chez les Pères, plus ils sont au diapason avec cette version. D’après les patrologues, le premier à sortir de la lecture littérale et à aller vers une lecture allégorique fils de Seth, filles de Caïn, c’est Julius Africanus. Avant, nul disciple des apôtres ne contredit la littéralité du texte.
L’argument de Mt XXII 30 ne tient pas non plus : Jésus ne dit pas que les Anges ne sont pas capables de s’unir avec des femmes. Le passage dit que les Anges de Dieu, au ciel, ne se marient pas. Ce n’est pas exactement la même chose. Il est bien évident que les Anges restés fidèles à Dieu, au Ciel, ne se marient pas, puisque le mariage est une institution créée pour l’homme et la femme. Ces Anges ne sont pas concernés par le mariage le moins du monde. Mais que des anges rebelles, dont le but est d’altérer la création divine soient dans un autre état d’esprit est ma foi tout à fait plausible.
Une fois ce grand préalable expliqué, passons maintenant à l’étude verset par verset, avec l’hébreu, et le grec quand nécessaire. Une traduction littérale du premier verset serait :
Il semble évident que le terme Adam précédé de l’article défini doive s’entendre pour humanité, ou l’homme avec un grand H. Le moyen de perpétuation de l’humanité, à savoir la reproduction sexuée fonctionne, mais ce chapitre va nous apprendre que la survie de l’humanité ne dépend pas uniquement de cela. La bénédiction divine est un facteur tout à fait important que les hommes commencent à ignorer.
Les « fils de Dieu » des traductions sont ce « Bnei HaElohim ». Bnei est le pluriel génitif pour Ben, et c’est donc fils d’Elohim du point de vue littéral, et pas fils de Seth dont il s’agit ici. Quand trouve-t-on fils d’Elohim dans la Bible ? Il s’agit d’une expression pour les anges dans le livre de Job dans un contexte de création. C’est l’expression que Dieu utilise pour sermonner Job dans le livre qui porte son nom : « Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l’intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? Ou qui a étendu sur elle le cordeau ? Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Ou qui en a posé la pierre angulaire, alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse, et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? » (Job 38 :4-7). Cette dernière expression « les fils de Dieu » est équivalente : ce sont les bnei Elohim, les fils d’Elohim. Le grec de la LXX reste calé sur ce sens littéral : υἱοὶ τοῦ Θεοῦ.
Du côté rabbinique la lecture traditionnelle est celle d’hommes puissants : des souverains, des notables, des magistrats, etc. Non pas que l’union entre anges et humains soit vus comme impossible, puisque Rachi en personne a de nombreux commentaires où il imagine que le Diable dans le jardin voulait Eve pour lui, avec tout ce que cela implique. Les rabbins interprètent donc ces unions comme des viols légalisés, et nous verrons que ce n’est pas ce que le texte véhicule au sens littéral.
Les filles d’Adam, dans la foulée du premier verset, sont les filles des hommes, les femmes humaines au sens large. Comme elles sont qualifiées d’épouses au sens large, ce sont donc des femmes en âge de se marier. Le verbe utilisé ici « prendre » laisse sous-entendre que les femmes humaines n’ont pas été forcées, contraintes, ou quoi que ce soit du genre. Elles n’ont pas été dupées quant à la nature profonde de leur conjoint dans cette union. Elles ont choisi d’aller sciemment avec un ange. La corruption est connue, volontaire, acceptée, encouragée même. C’est une corruption avant tout morale et spirituelle, qui a une traduction génétique ensuite. C’est pourquoi je récusais la lecture rabbinique précédemment.
Examinons une dernière fois cette notion de « fils de Dieu » pour voir si elle peut néanmoins s’attribuer à des hommes, comme le pensent les Pères de l’Eglise à partir du quatrième siècle. Si on regarde Dt 14:1 « Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre Dieu. Vous ne vous ferez point d’incisions et vous ne ferez point de place chauve entre les yeux pour un mort. » ou Jn 1:12-13 « Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » on voit bien que les Pères ne sont pas fous. Le concept humain d’enfant de Dieu est biblique et donc totalement traditionnel. Mais il est ici conditionné à une obéissance. C’est là le paradoxe pour eux d’avoir lu des hommes et non pas des anges, car pour les hommes, l’on est enfant de Dieu si l’on obéit à Dieu. Le chapitre 6, Noé mis à part est le lieu de la grande désobéissance.
Plus compliqué, le fait de faire coller les filles des hommes avec des femmes caïnites. Là, il n’y a vraiment aucune base scripturaire d’aucune sorte.
Un autre verset rempli de difficultés exégétiques. « souffle de moi » que toutes les traductions rendent « mon esprit » car l’esprit est le souffle en hébreu. La LXX rend bien évidemment pneuma. Tétragramme déclare que son esprit ne peut plus résider dans l’homme, et l’on comprend le plus logiquement que cette hybridation avec le démon rend impossible pour l’homme le fait d’accueillir l’esprit divin en lui. On retrouve cette dimension particulière de l’homme, temple du Saint-Esprit chez Saint-Paul qui appelle à conserver le corps dans un état de pureté certain. Une des propriétés de l’homme est d’avoir un corps qui puisse accueillir l’esprit de Dieu, mais ceci peut cesser si le corps se corrompt. On comprend aisément que l’hybridation génétique avec des démons puisse poser quelques problèmes à cette capacité humaine merveilleuse.
Par contre, le fait que Dieu parle de l’homme ici plaide plutôt pour la théorie patristique tardive. Pourquoi Dieu blâmerait-il les hommes pour cette corruption d’origine angélique ? J’ai déjà répondu partiellement. Les femmes accueillent volontairement ces anges rebelles. Ici, il y a une faute humaine qui, pour un Dieu infiniment juste, se doit aussi d’être punie. De plus, le terme hébreu utilisé est Adam, et on peut très bien utiliser Adam pour signifier ce qu’est devenu Adam. Si on part de l’anthropologie humaine standard, l’homme est corps et âme, et capable d’accueillir l’Esprit de Dieu. Et ici Dieu fait l’amer constat que l’homme a perdu sa dimension spirituelle : il n’est plus que chair.
On peut interpréter de plusieurs façons cette durée exprimée de 120 ans. L’Ecriture semble nous indiquer qu’il s’agit d’une période de grâce : « il est allé prêcher aux esprits en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l’arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est-à-dire huit, furent sauvées à travers l’eau. » (I Pi 3:19-20). Dieu a laissé à Noé 120 ans pour construire l’arche, au vue et au su de tout le monde, pour que chacun prenne bien conscience du péril imminent et de la nécessaire repentance. Ainsi, le pseudo-Basile de commenter dans son homélie sur Noé et l’arche : « Noé a passé cent ans à travailler sur l’arche et le peuple ne se détournait pas de ses péchés. Même lorsqu’il est arrivé à sept jours et qu’il a essayé une fois de plus de les avertir, car ils auraient peut-être acquis une perspicacité, mais ils ne l’ont pas fait du tout. Mais je pense que s’ils avaient montré de la repentance pendant ces sept jours, la colère ne serait pas venue sur eux. »
L’interprétation de ce verset est peut-être la plus complexe de tout ce chapitre. Qui sont ces néphilims ? Qui sont ces hommes puissants ? ces hommes de renom ? Tentons de répondre à la première question. La plupart des exégètes modernes ou des connaisseurs de l’hébreu vont faire le rapprochement entre le substantif « néphilims » et le verbe hébreu dont la racine est nafal et qui signifie tomber, chuter. Avec le contexte d’une nouvelle chute angélique il est très tentant de conclure que néphilims est le substantif de ce même verbe, et que les néphilims sont les tombés, les tombeurs. Le problème de cela est que pour prendre le substantif il faudrait avoir nophélims, et ici nous avons néphilims. Par contre si on fait la jonction avec l’araméen naphila, on a quelque chose qui fonctionne beaucoup mieux, et qui signifie grotesque, difforme, corrompu et gigantesque. On ne sera donc pas surpris de voir la LXX proposer non pas anges déchus mais bien géants, γίγαντες. Une fois de plus, la LXX nous permet d’y voir clair dans les riches et complexes ambiguïtés du texte hébreu. Là où l’hébreu est intéressant est qu’il véhicule non pas un gigantisme de puissance et d’importance, mais plutôt un gigantisme hideux et abject.
Il semble qu’il faille comprendre de ce verset, que ces géants sont le fruit de ces unions entre des femmes et des anges rebelles. Mais le verset peut aussi vouloir dire que les géants étaient les contemporains de ces unions, sans pour autant y être lié d’aucune façon. Regardons les autres occurrences de nephilims dans la Bible pour voir si on peut choisir entre les deux sens. La seule autre occurrence est en Nb 13:33 : « et nous y avons vu les nephilims, enfants d’Anak, de la race des nephilims: nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles. ». La remarque finale semble indiquer le gigantisme. Mais ce verset ne nous aide pas à comprendre si les nephilims sont le produit d’unions illégitimes ou bien des créatures qui vivaient à cette époque. En tout cas si vous vous souvenez du commentaire de Saint Irénée de Lyon que je ramenais précédemment, pour lui il n’y a pas de doute : les géants sont le produit de ces unions contre nature. Et c’est justement parce que leur ascendance est particulière qu’ils sont des géants. Sinon, il n’y a pas de façon alternative pour l’expliquer.
Donc, si on reformule ce verset pour le rendre davantage compréhensible pour nous aujourd’hui, on pourrait donner la formulation suivante : « et les géants étaient sur la terre dans ces jours lorsque les anges rebelles s’unirent aux filles des hommes ; et elles leurs enfantèrent ces héros puissants et reconnus des temps jadis ».
Flavius Josèphe déclare ceci dans ses antiquités juives : « Beaucoup d’anges de Dieu s’unirent à des femmes et engendrèrent une race d’hommes violents, dédaigneux de toute vertu, tant était grande leur confiance dans leur force brutale. Les exploits que leur attribue la tradition ressemblent aux tentatives audacieuses que les Grecs rapportent au sujet des Géants » (livre I chap 3). Le célèbre historien juif nous donne ici une clé de compréhension des mythologies antiques. Ces mythologies ne sont en fait pas uniquement dues à l’imagination de quelques conteurs. La Bible ici ne fait que nous rappeler que les dieux des mythologies sont des anges rebelles, et que certaines créatures fantastiques comme les titans ont bels et bien existé. D’ailleurs les dénominations pour les enfers dans le monde mythologique grec et dans le biblique utilisent le même terme : Hadès. Homère, dès son premier chant de l’Iliade nous parle de cette colère d’Achille qui va envoyer des héros dans l’Hadès. Si les deux places n’avaient rien à voir, les écrivains hébreux des anciennes et nouvelles alliances n’auraient pas utilisé les mêmes termes, pour éviter toute confusion. Ainsi, dans la mythologie grecque, tout n’est pas faux : l’Hadès est bien réel. Bien évidemment, tout ce qu’en explique Hésiode dans sa théogonie doit être pris avec des pincettes. C’est la version des anges rebelles. C’est la version de ceux qui idéalisent les géants issus de ces unions. Cela peut aussi nous permettre de voir la gnose sous un nouveau prisme : ce courant religieux voit toujours d’un bon œil les unions entre les créatures célestes et terrestres. Il n’y a que le biblique pour condamner de telles unions. Toutes les religions sumériennes, akkadiennes, ou autres dont on nous rebat sans cesse les oreilles pour nous dire que la Genèse n’est qu’une copie plus tardive sans originalité, partagent toutes le fait de voir positivement des unions entre anges et femmes. Les civilisations les plus glorieuses naissent de ces unions. Les héros les plus intrépides et les plus grands fondateurs viennent de ces unions. Moïse réalise un coup de tonnerre littéraire dans ce chapitre 6 : ces unions furent mauvaises, et elles ont conduit l’humanité au bord du gouffre.
Un dernier mot avant de poursuivre le texte biblique et de nous approcher du déluge. Depuis quelques décennies, on met en avant ce qui est appelé les super héros, les mutants. On nous montre sous un jour positif, où l’on nous demande d’accepter comme une extension de l’humanité des gens dont l’ADN a été modifié, ce qui leur octroie des super pouvoirs. Les plus grands succès du cinéma sont bâtis sur ce genre de narratif. Mais qu’est-ce que nous montre Hollywood au final ? Une version actualisée du clash des titans de l’antiquité, et nous montre un salut au travers d’une évolution scientifique maîtrisée de l’humanité, appelée transhumanisme. Nous devons ici bien avoir en tête ces paroles du Christ sur les temps de la fin : « Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même à l’avènement du Fils de l’homme » (Mt 24:37). Nous savons qu’il n’y aura pas de nouveau déluge, Dieu l’a promis. Ainsi, quelque chose s’étant produit à ce moment-là doit de nouveau prendre place. S’agit-il de la corruption génétique de l’humanité ? Les forces rebelles ont bien compris que les unions entre anges et hommes étaient punies avec la plus extrême sévérité par Dieu. Mais elles ne cessent de conspirer, et elles doivent finalement vouloir parvenir au même but par d’autres moyens. Ainsi, un orthodoxe soucieux et prudent devra se méfier comme de la peste de tout ce qui pourrait amener son code génétique à être modifié.
la décision divine
6 L'Éternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé en son cœur.
7 Et l'Éternel dit: J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé, depuis l'homme jusqu'au bétail, aux reptiles, et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits.
8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l'Éternel.
Les Pères de l’Eglise expliquent unanimement que le texte prend ici des images humaines pour faire comprendre la pensée divine. Bien évidemment Dieu ne se repent pas. Saint Jean Chrysostome précise que le but de Moïse est ici de nous faire comprendre l’ampleur du péché qui avait lieu sur terre à cette époque. Imagine-t-on comment devait être le monde lorsque toutes les pensées de tous les hommes étaient exclusivement tournées vers le mal ? Notre monde aujourd’hui est dans un état lamentable, et les gens alternent entre des bonnes et des mauvaises pensées. Ceci nous laisse quelque peu stupéfait sur le degré de mal qui était à l’œuvre.
Les anges avaient vu la beauté des femmes. Dieu voit le péché. Il y a un effet de miroir. Il y a même une ironie tragique lorsque l’on se souvient de Dieu regardant sa création et n’y voyant que du bien, chaque jour. On voit ici le décalage de la vision du monde sur lui-même : les héros de renom où le monde devait très probablement s’auto apprécier et Dieu dont le jugement est ici tout à fait négatif. Le contraste est total entre le cœur de l’homme rempli de mal et le cœur de Dieu rempli de tristesse. Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où l’Ecriture fait dire à Dieu qu’il se repent : « Je me repens d’avoir établi Saül pour roi, car il se détourne de moi et il n’observe point mes paroles. Samuel fut irrité, et il cria à l’Éternel toute la nuit. » (1 Sm 15:11). Ces versets nous apprennent un peu mieux à connaître Dieu. Notre Dieu n’est pas un grand concept abstrait. Dieu n’est pas un grand principe philosophique : c’est un Dieu personnel. Même s’il est totalement transcendant, il engage cette relation avec sa création et on voit que le péché de sa créature l’affecte. Cela ne change rien à sa divinité. Voir Dieu éprouver des émotions humaines comme l’amour, la colère ne signifie pas que les émotions humaines et divines soient absolument équivalentes. L’amour divin n’est pas l’amour humain et la colère divine n’est pas la colère humaine. Mais ces figures de correspondance de l’Ecriture nous permettent de percevoir un peu plus clairement ce grand mystère divin.
Dieu prend la parole pour la grande sanction du déluge. La terre avait été impactée par la faute de l’homme et s’était retrouvée maudite. Ici maintenant les animaux sont également impactés. On retrouve cette dimension où tout avait été fait pour l’homme dans la création divine, et donc tout ce que fait l’homme a un impact bien au-delà de sa personne. Une autre possibilité ici aussi, puisque Dieu veut empêcher des hybridations; il est possible que les animaux en question aient été hybridé avec des hommes pour créer des abominations du type centaure et autre. N’oublions pas que ce que le démon nous présente comme progrès n’est jamais qu’une affreuse subversion du monde voulu par Dieu, où l’homme est porteur de l’image divine. Qu’est-ce que le démon ne ferait pas pour avilir cette image en nous ? Comme le rappelle l’Apôtre la création attend avec nous la fin de toute cette lutte contre le démon : « Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, -non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, - avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Rm 8 :19-21)
Comme toujours dans le biblique, la colère divine trouve une délivrance. Ici c’est en la personne de Noé. Son nom se prononce Noa’h en hébreu et s’écrit avec deux lettres composants le mot grâce (mais à l’envers). Noa’h s’écrit noun ‘heth, et grâce, s’écrit ‘heth noun. Noa’h est fait de ce qui compose la grâce. Mais c’est aussi une grâce inversée, ou tout du moins non immédiate. Si Noé est une des premières figures messianiques de la Bible, il convient de voir tout ce qui le sépare du Christ : là où le Christ s’offre en sacrifice pour que les autres vivent, Noé vit et ce sont les autres qui meurent.
L'intégrité de Noé
10 Noé engendra trois fils: Sem, Cham et Japhet.
La Bible nous pousse à nous interroger. Pourquoi préciser qu’il était juste dans son temps ? Est-ce qu’à une autre époque nous ne l’aurions même pas remarqué par ses valeurs morales et spirituelles ? Sort-il du lot parce qu’il est entouré de criminels au cœur rempli de malice ? Est-ce facile d’être un être droit lorsque le monde entier va de travers ? Commentant ce passage, Saint Jean Chrysostome écrit « C’est une façon étrange de commencer une généalogie. La Sainte Écriture commence par dire : ce sont les générations de Noé ; elle éveille notre attention comme si elle allait raconter sa généalogie, dire qui était son père, d’où venait sa famille, comment il était venu au monde, enfin tout ce qu’on trouve habituellement dans les généalogies. ; mais elle laisse tout cela de côté, et, se mettant au-dessus des usages reçus, elle dit : Noé était un homme juste, accompli en son temps ; Noé a plu à Dieu. Voyez quelle admirable généalogie ! Noé était un homme. Remarquez que le nom qui nous est commun à tous est utilisé ici pour glorifier les justes. Car tandis que les autres, plongés dans la volupté charnelle, avaient perdu la qualité d’hommes, Noé seul, au milieu d’un si grand peuple, gardait la vraie condition d’homme. C’est donc un homme parce qu’il cultive la vertu. En effet, avoir l’apparence d’un homme, les yeux, le nez, la bouche ; les joues et tout le reste n’est pas ce qui fait l’homme, car tout cela appartient au corps. Nous appelons homme celui qui garde intact le type de l’homme. Mais comment le définir ? On dit que c’est un être raisonnable. Quoi ! Les méchants n’avaient-ils pas aussi raison ? Si, mais cela ne suffit pas : il faut aussi rechercher le bien et fuir le mal, dominer les mauvaises passions et obéir aux ordres du Seigneur : voilà l’homme ! » Superbe programme n’est-ce pas ? Le prophète Ezechiel avait levé nos doutes dans le verset suivant « Fils de l’homme, lorsqu’un pays pécherait contre moi en se livrant à l’infidélité, et que j’étendrais ma main sur lui, -si je brisais pour lui le bâton du pain, si je lui envoyais la famine, si j’en exterminais les hommes et les bêtes, et qu’il y eût au milieu de lui ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, ils sauveraient leur âme par leur justice, dit le Seigneur, l’Éternel. » (Ez 14 :13-14). Ainsi Noé était un homme droit non pas dans cette génération maudite du déluge, mais dans l’absolu.
Un adjectif mérite qu’on s’y attarde dans la description que Moïse nous fait de Noé. Il nous dit qu’il était juste et intègre. La précision est une indication. La Bible portant la pensée divine, chaque mot a son importance. Si on nous avait dit que Noé était juste, cela nous aurait suffit. Juste dans un monde d’injustice, c’est déjà bien assez. Mais il est intègre. Il est tsadik et tamim. Tsadik est rendu par juste et la traduction se passe de commentaire. C’est tamim sur lequel j’aimerai m’étendre un peu. Dans tous les passages sacrificiels des livres suivants, tamim va être un terme beaucoup utilisé. Il signifie sans défaut. On va sacrifier des animaux tamim, sans défaut, intacts. Noé est tamim. Si on reste dans cette logique d’union illicites entre anges et femmes, et par rapport à la corruption génétique qui s’en suit, le texte nous précise que Noé était intact. Sa généalogie était pure. Son code génétique était intact. Il n’y avait pas en lui de traces d’hybridation démoniaque. Il était porteur sans défaut de l’image divine. Dieu pouvait donc repartir de lui. Il engendra trois fils, tel un nouvel Adam : Sem, Cham et Japhet. On nous dit aussi, comme pour Enoch que Noé marcha avec Dieu, ce qui marque la proximité avec Dieu.
Le chapitre 10 montre en détail les généalogies des trois fils de Noé, et nous verrons également au chapitre 9 les équilibres et relations que la Bible veut nous montrer entre les trois frères.
La corruption de la terre
12 Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre.
Sur ces deux versets nous avons trois mentions de corruption. Nous avons également trois mentions de la terre. Les destins de l’humanité et de la terre sont ainsi tout à fait reliés. Dans le biblique, les actions impures des habitants de la terre la profane, en tout cas pour la terre promise : « Le pays en a été souillé; je punirai son iniquité, et le pays vomira ses habitants. Vous observerez donc mes lois et mes ordonnances, et vous ne commettrez aucune de ces abominations, ni l’indigène, ni l’étranger qui séjourne au milieu de vous. Car ce sont là toutes les abominations qu’ont commises les hommes du pays, qui y ont été avant vous; et le pays en a été souillé. Prenez garde que le pays ne vous vomisse, si vous le souillez, comme il aura vomi les nations qui y étaient avant vous. » (Lv 18:25-28). Autre exemple chez le prophète Jérémie : « Je vous ai fait venir dans un pays semblable à un verger, Pour que vous en mangiez les fruits et les meilleures productions; Mais vous êtes venus, et vous avez souillé mon pays, Et vous avez fait de mon héritage une abomination. » (Jr 2:7). Pour un cas de meurtre par exemple, la terre est souillée si un meurtre a lieu et que le sang du coupable ne vient pas pour en réaliser l’expiation : « Vous ne souillerez point le pays où vous serez, car le sang souille le pays; et il ne sera fait pour le pays aucune expiation du sang qui y sera répandu que par le sang de celui qui l’aura répandu. Vous ne souillerez point le pays où vous allez demeurer, et au milieu duquel j’habiterai; car je suis l’Éternel, qui habite au milieu des enfants d’Israël. » (Nb 35:33-34).
La construction de l'arche
14 Fais-toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l'enduiras de poix en dedans et en dehors.
15 Voici comment tu la feras: l'arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur.
16 Tu feras à l'arche une fenêtre, que tu réduiras à une coudée en haut; tu établiras une porte sur le côté de l'arche; et tu construiras un étage inférieur, un second et un troisième.
17 Et moi, je vais faire venir le déluge d'eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra.
Dieu annonce ici à Noé son intention de détruire les hommes et les animaux non marins via un déluge d’eaux. Les modernistes considèreront évidemment que ceci est mythique, que cela n’a pas pu avoir lieu, que Dieu est amour, etc. Pourtant, les spécialistes des mythes enseignent que le mythe du déluge est commun à toutes les civilisations. Les noms, les détails varient bien évidemment, mais il y a le plus souvent des divinités irritées par l’homme et la volonté de destruction par le déluge, un survivant et une arche. Ce sont les éléments récurrents de tous ces mythes. Le mythe de déluge le plus connu et dont les ennemis conscients ou inconscients de l’Eglise se servent souvent pour attaquer la Bible est l’épopée de Gilgamesh. Gilgamesh est le nom du souverain babylonien de l’époque de rédaction. Noé dans cette légende s’appelle Utnapishtim. La colère divine est due au fait que les hommes, créés pour être des esclaves laborieux, sont en fait trop bruyants. Le méchant Dieu Enlil décide donc de les éliminer via un déluge. Mais une déesse, Ea choisit d’aider l’humanité. En lisant le récit babylonien, on peut lister les ressemblances suivantes entre les deux récits :
- Une arche est construite en suivant un décret venant d’un dieu.
- Le dieu donne les dimensions précises (l’arche biblique est encore plus grande que dans le récit babylonien)
- Des animaux purs et impurs y trouvent refuge
- La figure de Noé ainsi que sa famille sont sauvés grâce à l’arche
- Le bateau en question termine sur une montagne
- Un corbeau et une colombe sont envoyés au dehors de l’arche pour voir l’état du monde
- La séquence se termine avec des sacrifices rendus à la divinité
- Un serment est passé avec la divinité, serment matérialisé par un signe : l’arc en ciel dans la Bible, un collier chez Gilgamesh.
Ce qui est fascinant avec le monde académique, est que toutes ces proximités entre les mythes n’aient engendré que des suspicions de copies, d’inspiration depuis la Bible vers des textes réputés plus anciens. Jamais, Ô grand jamais, ces gens ne se posent la question de savoir : peut-être ces mythes sont-ils très proches parce qu’ils viennent d’une source commune, relatant la vérité de notre monde ? La science géologique vient immédiatement à leur secours, leur permettant de déclarer que ce que dit la Bible est faux. Mais il faut savoir que la géologie est incapable de dater les roches avec certitude. Certaines expériences ont été menées, et elles sont dévastatrices pour les méthodes de datation : la même roche envoyé à plusieurs labos sortant avec des dates variant de plusieurs centaines de milliers d’années. La science utilise un raisonnement circulaire : un fossile a telle ancienneté parce qu’il est dans telle couche géologique. La couche géologique a tel âge parce qu’elle contient tel fossile. Tout ceci est tout sauf sérieux et scientifique. La science géologique part toujours du principe que les couches sédimentaires s’empilent et marquent la succession des différentes ères géologiques. La Bible enseigne tout autre chose : un cataclysme absolument prodigieux a modelé notre monde et sa géologie en très peu de temps. La géologie refuse même de partir de ce postulat : ce serait valider la Bible !!! Une seule solution pour nous : révoquer cette science, puisqu’elle affirme sans pouvoir prouver.
Intéressons-nous à cette arche à qui nous devons d’être là aujourd’hui : on nous dit qu’elle doit être faite de bois de Gopher. C’est la seule fois que ce bois est mentionné dans l’Ecriture. Difficile donc de savoir ce que c’est. La LXX repart sur un terme très vague ξύλων qui signifie bois. Les spécialistes de l’hébreu indiquent qu’il s’agit d’un résineux de type pin, cèdre servant à la construction de navires à l’époque antique. Le terme utilisé pour poix est très mystérieux. En hébreu il est polysémique et signifie aussi bien la poix des navire que le prix d’une rançon en échange d’une vie. Il signifie aussi village. On reconnait mieux le bitume dans le grec ἀσφάλτῳ (asphalto).
Moïse nous précise ensuite ses dimensions. 300 coudées de long, 50 de large et 30 de haut. Ainsi nous avons à faire à une sorte de boite, un parallélépipède nous préciserait des mathématiciens. Dans des unités de mesure actuelle, cela équivaut environ à 144.6 mètres de long, 24.1 mètres de large et 14.46 mètres de haut, donc un bâtiment tout à fait impressionnant tout de même. L’homme a depuis construit des choses plus grandes bien évidemment. Cela a la taille d’un petit cargo actuel. C’est un peu moins de la moitié du Titanic.
Les Pères de l’Eglise ont répondu aux sceptiques qui à leur époque déjà doutaient que sur un bâtiment de cette dimension puisse entrer un couple de chaque espèce d’animal. Augustin par exemple d’expliquer : « On se demande aussi comment, avec ses dimensions telles que décrites, l’Arche de Noé pouvait contenir tous les animaux qui y pénétraient, et leur nourriture. Cette question a été résolue par Origène (Hom. 2 in Gen.) au moyen de coudées géométriques ; car il a soutenu que l’Écriture ne dit pas sans raison que Moïse était orné de toute la sagesse des Égyptiens, (Actes 7:22) qui avaient en grande estime la géométrie. La coudée géométrique, selon Origène, est égale à six de nos coudées. Or, en prenant cette grande mesure comme base de notre calcul, il n’y a aucun problème à admettre que l’arche avait une capacité suffisante pour contenir tout cela. ». On pourra ajouter qu’il suffisait à Noé de ne prendre que des spécimens non adultes pour la taille…
Dieu demande la construction d’une seule fenêtre et d’une seule porte. La présence de cette fenêtre est importante pour la viabilité de l’expédition et des passagers de l’arche . C’est également important pour la narration, pour les futurs épisodes du corbeau et de la colombe. Noé expérimente ici du point de vue architectural, avant Moïse et la construction du tabernacle, les précisions divines qui sont sources de survie.
Instructions de Dieu pour Noé
19 De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l'arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle.
20 Des oiseaux selon leur espèce, du bétail selon son espèce, et de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie.
21 Et toi, prends de tous les aliments que l'on mange, et fais-en une provision auprès de toi, afin qu'ils te servent de nourriture ainsi qu'à eux.
22 C'est ce que fit Noé: il exécuta tout ce que Dieu lui avait ordonné.
Verset 18 : Le « Mais » divin indique que tout n’est pas perdu. Malgré la corruption du monde, malgré la situation qui semble désespérée, Dieu a un plan. Dieu ne renonce pas. Dieu vient d’annoncer un terrible cataclysme à Noé, et en même temps Dieu lui indique comment y échapper. Il y a même une alliance en vue. A noter que ce verset est la première mention du concept d’alliance. Il est très clair ici que Dieu est à l’initiative, de façon purement gratuite, de cette alliance qui se concrétisera en chapitre 9, avec l’arc en ciel comme signe. En commentant ce verset, Saint Jean Chrysostome rappelle tous les péchés, toutes les désobéissances de l’homme, depuis Adam, de façon à contraster avec la grâce qui est donnée par Dieu au travers de cette promesse d’alliance, à ce moment précis de l’histoire du monde. On notera que cette alliance est entre Dieu et Noé seul.
Versets 19 à 21 : Dieu demande au verset 19 que rentre un couple de chaque espèce. Ce qu’il avait considéré bon et très bon à la création du monde monte dans l’arche et y assure sa survie. Tout ce qui vit aujourd’hui sur la terre provient de ce qui était dans l’arche de Noé. Le verset 20 précise que ce sont vraiment les espèces terrestres qui sont concernées. Les poissons au sens large, pour des raisons évidentes, n’ont pas à être protégées du déluge qui s’annonce. Les Pères ont voulu répondre à des questions de logistique qui se posent inévitablement lorsqu’on songe à la réalisation de cette tâche herculéenne. Alcuin d’York par exemple précise que pour éviter que le lion ne dévore l’antilope pendant le séjour dans l’arche, la nourriture que Noé a mis de côté a aussi servi à nourrir le lion. Le verset 21 fait cette précision « ainsi qu’à eux ». Ensuite Alcuin se pose la question : mais comment leur-a-t-on donné à boire, et apporte une réponse qu’on retrouve assez facilement dans les commentaires patristiques, et nous verrons cela dans la vidéo consacrée au déluge lui-même : « Mais cessons les conjectures incertaines et laissons la puissance divine faire ce qu’elle veut de ses créatures. ». Les Pères ne considèrent pas que ce qu’il s’est produit dans l’arche puisse intégralement s’expliquer par les simples lois physiques et naturelles. Pour le dire autrement, vis-à-vis des pères, les arguments rationalistes du genre « l’arche était trop petite », « cela n’est pas crédible », « comment ont pu survivre les animaux dans un environnement clos pendant une période aussi longue » n’ont absolument aucun effet. Ils voient la vie dans l’arche comme quelque chose d’absolument providentiel et totalement dépendant de la grâce divine. Mais ils lient à ce caractère miraculeux une action humaine dans les limites de ses capacités : Noé doit construire une arche, stocker de la nourriture, organiser cette survie. Ce passage en soi est révélateur de beaucoup de choses dans la coopération entre Dieu et l’homme. Dieu fait pratiquement tout. Dieu fait les choses gratuitement. Dieu réalise des choses qui sont hors de notre portée. Mais la seule chose que Dieu refuse de faire, est de réaliser quelque chose contre sa créature. Noé est ici sauvé parce qu’il veut être sauvé. Il agit en conséquence.
Verset 22 : Noé est ici montré en modèle d’obéissance et de foi. Noé a l’absolue certitude des événements à venir. Lorsque Pierre déclare à ceux qui disent « Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création. Ils veulent ignorer, en effet, que des cieux existèrent autrefois par la parole de Dieu, de même qu’une terre tirée de l’eau et formée au moyen de l’eau, et que par ces choses le monde d’alors périt, submergé par l’eau, tandis que, par la même parole, les cieux et la terre d’à présent sont gardés et réservés pour le feu, pour le jour du jugement et de la ruine des hommes impies. Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance. Le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée. » (2 Pi 3 :4-10) il reprend cette image où chacun est appelé à agir comme un Noé, certain du cataclysme à venir. La foi de Noé en la parole divine l’a préservé. La foi du chrétien dans les enseignements du Christ peut le sauver s’il vit en accord avec eux. Et Chrysostome de commenter « Et Noé, dit le texte, accomplit tout ce que le Seigneur Dieu lui avait commandé, il l’accomplit ainsi. Voyez maintenant, ici, la plus belle des louanges : Noé accomplit tout ce que le Seigneur Dieu lui avait commandé. Il n’a pas accompli une telle chose, il n’a pas négligé une telle chose, mais tout ce qui avait été commandé, il l’a fait. Et il le fit comme il lui avait été commandé. Il n’omet rien; il accomplit tout, et il prouve, par ses œuvres, que c’est avec raison que Dieu l’a jugé digne de sa bienveillance. Quelles couronnes ne méritent pas le témoignage que l’Ecriture divine décrète décemment ? Quel homme pourrait être plus heureux que celui qui a fait toutes les œuvres que Dieu lui avait commandées, qui a montré tant d’obéissance à ses ordres ? »
Conclusion
Voilà pour ce chapitre 6, si riche. Dans le prochaine billet biblique, nous verrons le déluge passer de projet divin à réalité concrète pour notre monde. J’espère que ces enseignements servent votre édification et vous donne rendez-vous pour le prochain cours. Les eaux du déluge s’étant depuis longtemps retirées, nous ne pouvons que vous donner rendez-vous dans les catacombes.