Exégèse biblique : livre de la Genèse chapitre 10 : d'où viennent les peuples du monde ?
D'où viennent les peuples du monde ?
Introduction
Bienvenue au cours de Bible consacré au chapitre 10 du livre de la Genèse. Ce chapitre montre tous les peuples qui sont issus des trois fils de Noé. C’est typiquement le genre de chapitre biblique, à l’équivalent du chapitre 5, qui semble être fastidieux, pénible, inintéressant. Le challenge ici sera de rendre ce cours plaisant, intéressant et instructif. Vous nous direz en commentaires…
La Bible réaffirme ici ce qu’elle avait affirmé en 9:18. Elle redira la même chose dans la généalogie complète du premier livre des Chroniques au verset 4 du premier chapitre. Une petite mention logique : comme il s’agit de généalogies, on parle des hommes. Mais il est bien évident qu’il y a aussi des femmes, sinon les générations ne pourraient ni s’engendrer ni se succéder.
Les fils de Japheth
3 Fils de Gomer: Ascénez, Riphath et Thogorma.
4 Fils de Javan: Elisa et Tharsis, Cetthim et Dodanim.
5 C'est d'eux que viennent les peuples dispersés dans les îles des nations, dans leurs divers pays, chacun selon sa langue, selon leurs familles, selon leurs nations.
La Bible commence par Japhet. Il semble que tous les peuples issus de lui cadrent plutôt harmonieusement avec ce concept historique et linguistique : les indo-européens. Rappelons que le concept d’indo-européen est une hypothèse historique qui est due à la similarité des langages de peuples évoluant aussi bien en Inde qu’en Europe. Nous verrons au chapitre 11 que Dieu, pour empêcher la construction de la tour de Babel, a fait en sorte que les langues des peuples deviennent différentes. Et pourtant ici, au verset 5, on nous dit déjà que les langues étaient différentes. Il se produit ici, pour les chapitres 10 et 11, ce qu’il s’était déjà produit aux chapitre 1 et 2. Le chapitre 2 était le fait de voir en détail ce qui avait déjà été vu au chapitre 1 concernant la création de l’homme. A la fin du chapitre 1, nous avions Adam et Eve déjà créés, mais lors du déroulement du chapitre 2, on avait le récit de la création de la femme. Ici c’est pareil. Dans le chapitre 10, on nous montre comment l’humanité se répand, et quels sont les liens, quel fils de Noé engendre quel peuple, mais le chapitre 10 nous parle déjà d’un monde où les langues sont propres aux peuples. Chronologiquement, le chapitre 11 a donc lieu pendant ce chapitre 10.
Revenons donc aux indo-européens. Ce sont des peuples qui ont certes des langues différentes, mais qui sont voisines. On connait ce phénomène par exemple, entre le français et l’italien. Et bien l’indo-européen c’est cela mais de façon plus profonde, plus ancienne et plus poussée.
Ezekiel 38 fait une part belle dans une prophétie aux peuples listés ici : « La parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots: Fils de l’homme, tourne ta face vers Gog, au pays de Magog, Vers le prince de Rosch, de Méschec et de Tubal, Et prophétise contre lui! Tu diras: Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel: Voici, j’en veux à toi, Gog, Prince de Rosch, de Méschec et de Tubal! Je t’entraînerai, et je mettrai une boucle à tes mâchoires; Je te ferai sortir, toi et toute ton armée, Chevaux et cavaliers, Tous vêtus magnifiquement, Troupe nombreuse portant le grand et le petit bouclier, Tous maniant l’épée; Et avec eux ceux de Perse, d’Éthiopie et de Puth, Tous portant le bouclier et le casque; Gomer et toutes ses troupes, La maison de Togarma, A l’extrémité du septentrion, Et toutes ses troupes, Peuples nombreux qui sont avec toi. » (Ez 18 :1-6). Le contexte de cette prophétie est d’annoncer à Israël que Gog sera l’instrument du jugement d’Israël.
Ce qui est compliqué avec ces noms, et qui va être une constante biblique, est que l’on peut très bien avoir une personne, un peuple ou un lieu. C’est moins ambigu pour les pluriels. Au verset 4, les Cetthim et les Dodanim, prenant la forme pluriel hébraïque « im », il s’agit très certainement de peuples. Mais pour les noms qui précèdent, nous sommes face à la même pluralité de significations que pour Israël : cela peut être une personne, un peuple, un lieu. Le contexte nous permet néanmoins de ne pas considérer le lieu.
Voyons les fils un par un. Gomer est en hébreu, et le grec de la LXX a Gamer. Ce peuple serait allé au nord de l’actuelle Turquie. Les sources juives donnent comme nom alternatif « germamia » ce qui ne manque pas de faire songer à l’actuelle Allemagne. Gomer est également le nom de la prostituée que le prophète Osée épouse. Poursuivons sur Gomer avant de revenir aux autres fils de Japhet. Le verset 3 nous donne ses trois fils : Le grec et l’hébreu s’accordent sur la prononciation du premier Ashkénaze, du second Rifat, et du troisième Togarma. On ne les retrouve nulle part sinon dans les généalogies parallèles des livres des chroniques. Le premier fils de Gomer interpelle : Ashkénaze. Cela fait immanquablement penser au nom donné aux juifs d’Europe centrale, par opposition aux juifs sépharades, davantage liés à la méditerranée. Rachi considère que les juifs Ashkénazes sont ceux qui vivent où l’on parle allemand, ce qui cadre bien avec le « germamia » des sources juives. En effet, la langue distinctive des juifs ashkénazes, est le yiddish, une langue très proche de l’allemand. Par opposition, les séfarades ont un mélange d’hébreu et d’espagnol appelé le judéo-espagnol.
Revenons au verset 3. Le fils suivant est « Magog », qui se prononce ainsi aussi bien en grec (Μαγὼγ) qu’en hébreu (מָג֔וֹג). Nom assez connu pour les amateurs d’eschatologie apocalyptique, Magog se trouve dans les chapitres 38 et 39 d’Ezekiel mais aussi dans l’Apocalypse de Jean. Flavius Josèphe voit chez Magog l’ancêtre des slaves.
Le fils suivant est Madaï (מָדַ֖י) en hébreu et Madoi (Μαδοὶ) en grec. Il s’agit en terme de racine de celui qui donnera le peuple Mède, peuple que l’on retrouve dans de nombreux livres : 2 Rois, Esther, Isaïe, Jérémie et Daniel en plus de la généalogie parallèle du livre des Chroniques. Les Mèdes étaient un peuple de l’actuelle Iran, tenant avec le développement historique de la religion zoroastrienne, qu’il ne faut pas confondre avec les perses. Il s’agit de deux empires distincts. Les Mèdes, à l’apogée de leur empire gouvernaient une zone qui allait de l’Afghanistan à la Turquie.
Le fils suivant est Yavan (יָוָ֣ן) en hébreu, ᾿Ιωύαν (Yo ouan) en grec, et qui est justement le nom donné à la Grèce, et que l’on retrouve comme tel, toujours par le jeu des racines hébraïques dans les livres prophétiques d’Isaïe, Ezekiel, Zacharie et Daniel pour des prophéties concernant la Grèce. La LXX traduit Yavan par Ἕλλην dans les livres prophétiques, ce qui suffira à prouver le point.
Le fils suivant n’est présent que dans la LXX. Ici les sages d’Israël ayant réalisé le portage en grec ont intercalé Ελισὰ. Ce qui est étonnant est que nous verrons un Elisa, fils de Yavan au verset 4. Avançons.
Le fils suivant est Tubal, תֻבָ֑ל (Toubal) en hébreu, Θοβὲλ (sobel) en grec. On le retrouve beaucoup dans les prophéties d’Ezekiel, 5 fois pour être précis, et une fois chez Isaïe. Mais c’est le nom de la Genèse qui est conservé. Certains historiens de l’antiquité tentent un rapprochement avec Tabalu, une cité assyrienne de Cappadoce.
Le fils suivant est מֶ֖שֶׁךְ (méshèrre) en hébreu et Μοσόχ (Mosok) en grec. On le retrouve énormément en Ezekiel, et une fois dans les psaumes. Cette mention disparaît dans le psautier de la LXX, et l’Ezekiel de la LXX ne nous donne pas un peuple plus simple à identifier. Les historiens de l’antiquité penchent plutôt pour l’Arménie.
Le dernier fils de Japhet est תִירָֽס (Tiras) en hébreu et Θείρας (seïrasse) en grec. Les historiens voient une ville égyptienne Turusa. Ce fils n’apparaît que dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques.
Passons au verset 4. Ce verset donne les fils de Yavan, les fils de la Grèce. Le premier de ces fils est אֱלִישָׁה (Elisha) en hébreu et ελισα (élissa) en grec. Je ne saurai dire s’il s’agit du même que celui intercalé au verset 2 parmi les fils de Japhet. De fait, la LXX nous force ici à nous poser la question suivante : sommes-nous dans une généalogie. Auquel cas il y a deux Elisa. Mais la LXX peut aussi vouloir faire de la géopolitique profonde. Je m’explique. Elisa nous fait pointer sur deux possibilités très intéressantes. La première est la Sicile à cause de la ville Elisa. La deuxième vers Carthage à cause de la reine fondatrice Elissa. Je choisis néanmoins la Sicile, car du point de vue historique, l’Italie via l’empire romain est fille de la Grèce. Religieusement, artistiquement, du point de vue des choses structurantes de la civilisation, c’est la Grèce qui enfante Rome. Ainsi, la LXX monte d’un niveau et nous dit que l’empire romain est bien évidemment à compter dans les enfants marquants de Japhet, mais que cet enfant vient par un autre enfant : Yavan, la Grèce. Et on voit ici que la Bible donne finalement les clés structurantes de l’histoire, et pas simplement une généalogie.
Le second fils de Yavan est תַּרְשִׁישׁ (Tarshish) en hébreu et Θάρσεις (sarseis) en grec. Isaïe 23 dans la LXX donne Carthage. C’est pourquoi je l’ai enlevé des candidats possibles pour Elisa. Dans les autres livres prophétiques où il est question de Tarshish dans la LXX, les sages de la LXX ont repris le terme grec. Pour le psautier, Tarshish est une ville avec des navires : « Ils ont été chassés comme par le vent d’orient, Qui brise les navires de Tarsis. » (Ps 48 :7) et probablement au bord de la mer « Les rois de Tarsis et des îles paieront des tributs, Les rois de Séba et de Saba offriront des présents. » (Ps 72:10). Mais la LXX modifie l’orthographe dans le psautier : Θαρσίς à la place de Θάρσεις. La localisation de Tarshish a donné lieu à bien des théories : Sardaigne, Tarsus en asie mineure, Phénicie, sud de l’Espagne. Nous en resterons à ce qu’indique la LXX dans Isaïe 23 qui nous semble être une indication permettant de clore le débat. Cette tradition carthaginoise est complétée par une tradition d’un vieux Targoum juif, Le Targoum Yonatan, targoum très très ancien, datant probablement d’un peu avant le Christ.
Le troisième fils est כִּתִּ֖ים (kittim) en hébreu et Κίτιοι (kitioye) qui est aussi une forme plurielle en grec. Ici, on semble nous donner un peuple. Il y a unanimité des spécialistes pour donner Chypre, ce qui cadre bien avec le contexte des fils de la Grèce.
Le dernier fils de Yavan est דֹּדָנִים (Dodanim) en hébreu et Ρόδιοι (Rodioye) en grec. C’est également un pluriel pour les deux langues, et le grec de la LXX nous fait pointer assez naturellement vers les habitants de Rhodes, ce qui cadre à nouveau parfaitement avec notre contexte grec.
Au paragraphe 124 de son traité sur Noé, saint Ambroise considère normal, au verset 5 de ce chapitre, de constater que l’humanité prend possession de la mer aussi bien que de la terre. Ce qui explique l’établissement de certaines peuples sur les îles dont il est fait mention.
Fils de Cham
7 Fils de Chus: Saba, Hévila, Sabatha, Regma et Sabathaca. Fils de Regma: Saba et Dadan.
La Bible en a fini avec les descendants de Japhet et passe à ceux de Cham, le deuxième fils de Noé. Cham a eu quatre fils. Le premier est koush (כּ֥וּשׁ) en hébreu et kous (Χοὺς) en grec. On retrouve son nom en tout 30 fois dans l’AT. Il désigne soit le peuple soit le territoire éthiopien. Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège consistant à croire que l’Ethiopie actuelle et l’Ethiopie biblique soient absolument équivalentes. Le royaume de Kush est aussi l’appellation donnée par les égyptiens au royaume qui était immédiatement au sud de leur territoire. Ce serait donc davantage le Soudan géographiquement, que l’actuelle Ethiopie. On verra ensuite un descendant de Kush qui est très important dans la Bible, le fameux Nimrod.
Le second fils de Cham est Mitzraïm (מִצְרַיִם) en hébreu et Mesraïn (Μεσραΐν) en grec. C’est le nom hébreu donné à l’Egypte dans le biblique. Etant donné qu’il s’agit de l’Egypte on ne sera pas surpris de constater 614 utilisations de ce mot dans l’AT. On notera que le terme hébreu dénote un pluriel mais qu’il s’agit néanmoins d’une personne, ou d’un territoire.
Le troisième fils de Cham est Pout (פוּט) en hébreu et Foud (Φοὺδ) en grec. Nous avons la certitude par les traductions apportées par la LXX dans les livres prophétiques qu’il s’agit de la Lybie.
Enfin, le quatrième et dernier fils de Cham ici est le fameux Canaan. On prononce cela Kn’aan (כִּנַעַן) en hébreu et Canaanne (Χαναάν) en grec .
Passons à la généalogie de Kush.
8 Chus engendra Nemrod: celui-ci fut le premier un homme puissant sur la terre.
9 Ce fut un vaillant chasseur devant Yahweh; c'est pourquoi l'on dit: " Comme Nemrod, vaillant chasseur devant Yahweh. "
10 Le commencement de son empire fut Babel, Arach, Achad et Chalanné au pays de Sennaar.
11 De ce pays il alla en Assur, et bâtit Ninive, Rechoboth-ir, Chalé,
12 et Résen, entre Ninive et Chalé; c'est la grande ville.
Saba est le premier fils donné par la Bible. Séba (סְבָא) en hébreu et Saba (Σαβὰ) en grec. Ici on va immédiatement penser à la fameuse reine de Saba. Mais il ne s’agit pas de ce Saba là. Il s’agira du deuxième qui vient plus loin dans le verset. Ce Saba là est présent en tout cas 4 fois dans la Bible. On le retrouve dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques mais aussi dans le psaume 72 (71) : « Les rois de Tharsis et des îles paieront des tributs; les rois de Saba et de Méroé offriront des présents. » (72:10) et dans Isaïe 43 où il est cité à côté de son père : « Car moi, YHWH, je suis ton Dieu; le Saint d’Israël est ton sauveur. J’ai donné l’Egypte pour ta rançon; l’Ethiopie et Saba en échange de toi. » (Is 43 :3). Ici, dans ce verset on retrouve bien notre généalogie, car l’hébreu déclare que Dieu a donné Mitzraïm (l’Egypte), Kush (l’Ethiopie) et Saba. Ce qui ne nous aide pas vraiment à savoir où est Saba. Ce verset semble nous guider en Afrique. Le grec des LXX pour Isaïe nous donne Soene (σοηνην) à la place de Saba. Ceci ne me permet pas de placer Seba sur une carte.
Le second fils de Cham est Ravilah (חֲוִילָה) en hébreu et Eouïla (Εὐϊλὰ) en grec. Ce nom est connu par rapport au second chapitre de la Genèse, au verset 11 : « Le nom du premier est Phison; c’est celui qui entoure tout le pays d’Hévilah, où se trouve l’or. » (Gn 2 :11) dans les indications géographiques permettant de localiser le jardin d’Eden. En Gn 25 on trouve une indication fort intéressante : « Voici les années de la vie d’ Ismaël: cent trente-sept ans; puis il expira et mourut et il fut réuni à son peuple. Ses fils habitèrent depuis Hévilah jusqu’à Sur qui est en face de l’Egypte, dans la direction de l’Assyrie. Il s’étendit en face de tous ses frères. » (Gn 25 :17-18). On verra un peu plus loin qu’il est aussi le fils d’un certain Joktan qui pour sa part descend de Sem ce qui rend tout ce chapitre assez déroutant du point de vue logique. Nous verrons plus tard pour essayer de résoudre ce mystère biologique. Autre question : où Havilah s’est-il installé ? Les spécialistes de la Bible et de l’antiquité sont très partagés : les théories nous emmènent en Inde, en actuelle Ethiopie, dans le golfe persique. Aucune certitude ici.
Le troisième fils de Cham est Sabta (סַבְתָּא) en hébreu et Sabassa (Σαβαθὰ) en grec. Cette fois, ce sont les sources profanes qui peuvent nous donner une indication : Strabon, l’historien grec donne une ville Sabassa comme une vieille ville commerciale du sud de l’Arabie. On ne retrouve nulle parte Sabta dans la Bible à part dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques.
Le quatrième fils de Cham est Rama (רַעְמָה) en hébreu et Regma (Ρεγμὰ) en grec. Il ne s’agit pas du Rama de la prophétie de Jérémie (en 31 :15) que saint Matthieu reprend après le massacre des saints innocents à Bethleem. Le livre d’Ezekiel est le seul qui puisse nous donner un indice pour localiser Rama : « Les commerçants de Saba et de Rééma faisaient commerce avec toi; avec tous les meilleurs aromates, avec toute espèce de pierres précieuses et avec de l’or ils payaient tes marchandises. » (Ez 27 :22). Les géographes de l’antiquité donnent une ville Rigma au sud du golfe persique qui peut éventuellement être un candidat, mais sans certitude.
Le cinquième et dernier fils de Cham donné ici est Sabtera (סַבְתְּכָא) en hébreu et Sabassaka (Σαβαθακά) en grec. Il n’apparait que dans la généalogie des Chroniques. Rien ne nous permet de le localiser.
Et enfin le verset nous précise deux fils de Rama, le quatrième fils que nous venons de voir. Les deux fils sont Sheba (שְׁבָא) et Dedan (דָּדָן) en hébreu, Saba (Σαβὰ) et Dadan (Δαδάν) en grec. En grec il n’y a pas moyen de différencier les deux Saba de ce verset. En hébreu, ce n’est pas le même S qui est utilisé, et ainsi le premier s’appelle Seba et ici le second s’appelle Sheba. Et c’est bien ce Sheba qui fait référence à la fameuse reine de Saba que nous connaissons nous français. On retrouve 24 fois Sheba dans l’AT en hébreu. Bien évidemment dans les passages relatifs à la reine de Saba, mais aussi dans le livre de Job, pour les Sabéens qui attaquent les enfants de Job dans le premier chapitre du livre. On retrouve également Sheba dans les psaumes et chez les trois grands prophètes. Grâce à cette identification des Sabéens avec Sheba (grâce aux racines en hébreu) nous pouvons localiser Sheba dans le sud-ouest de l’Arabie. Dedan quant à lui est assez mystérieux car il se retrouve dans les prophéties d’Ezekiel : « Les fils de Dédan faisaient commerce avec toi; le trafic d’îles nombreuses était dans ta main; elles te donnaient en paiement des cornes d’ivoires et de l’ébène. » (Ez 27:15 TM), ce que la LXX traduit par « Les fils des Rhodiens étaient tes marchands ; des îles ils multiplièrent tes marchandises, jusqu’aux dents d’éléphants, et à ceux qui entraient tu rendais tes prix, » (Ez 27 :15 LXX). Donc nous voyons qu’à un endroit de la Bible, Dedan devient descendant de Japhet et non plus de Cham. Les spécialistes de la LXX optent pour une faute de manuscrit dans la LXX qui aurait voulu dire « les fils des [mention illisible] » avec ici la mention d’un autre peuple. Je préfère dire que je n’ai pas de réponse à cette mystérieuse traduction d’Ezekiel.
Nimrod
Passons au descendant le plus connu de Cham après Canaan : Nimrod. Voyons déjà ce qu’en dit la Bible.
9 Ce fut un vaillant chasseur devant Yahweh; c'est pourquoi l'on dit: " Comme Nemrod, vaillant chasseur devant Yahweh. "
10 Le commencement de son empire fut Babel, Arach, Achad et Chalanné au pays de Sennaar.
11 De ce pays il alla en Assur, et bâtit Ninive, Rechoboth-ir, Chalé,
12 et Résen, entre Ninive et Chalé; c'est la grande ville.
C’est donc Kush qui engendre ce fameux Nimrod. On dit Nimrod (נִמְרוֹד) en hébreu et Nebrod (Νεβρώδ) en grec. On sait très peu de choses par l’Ecriture sur ce Nimrod. Il est mentionné à nouveau dans une prophétie de Michée, mais c’est pour dire le pays de Nimrod, ce qui n’aide pas beaucoup à définir qui il est. Par contre il est intéressant de voir que cette prophétie de Michée parle du Messie d’Israël et nous parle d’une sorte d’affrontement avec un ennemi nommé « l’Assyrien ». Voici la prophétie dans son entièreté : « Et toi, Bethléem Ephrata, petite pour être entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit être dominateur en Israël, et ses origines dateront des temps anciens, des jours de l’éternité. C’est pourquoi il les livrera, jusqu’au temps où celle qui doit enfanter aura enfanté; et le reste de ses frères reviendra aux enfants d’Israël. Il se tiendra ferme, et il paîtra ses brebis, dans la force de Yahweh, dans la majesté du nom de Yahweh, son Dieu; et on demeurera en sécurité, car maintenant il sera grand, jusqu’aux extrémités de la terre. C’est lui qui sera la paix. Quand l’Assyrien viendra dans notre pays, et que son pied foulera nos palais, nous ferons lever contre lui sept pasteurs, et huit princes du peuple. Ils paîtront le pays d’Assur avec l’épée, et le pays de Nemrod dans ses portes; Il nous délivrera de l’Assyrien, lorsqu’il viendra dans notre pays, et que son pied foulera notre territoire. » (Mi 5 :1-5)
Flavius Josèphe consacre un passage important à Nimrod dans ses antiquités juives, au point 1.4 les chapitres 1 à 3. Il y affirme que Nimrod est celui qui a poussé tout le genre humain dans la révolte contre Dieu. La révolte s’est matérialisée dans la tour de Babel que nous verrons dans l’étude du chapitre 11. Selon Flavius Josèphe, l’idée première de la tour était d’offrir une protection en cas de nouveau déluge.
Historiens et archéologues ont essayé de voir si Nimrod ferait référence à un souverain antique particulièrement puissant et cruel. Par consonnance aucun ne fonctionne, mais comme Nimrod est très proche du mot rebelle en hébreu, qui se dit mored, on a effectivement la racine sur MRD qui évoque la rébellion. Au niveau des candidats possibles de l’antiquité, ceux qui semblent le mieux coller sont Sargon d’Akkadie et Hammurabi de Babylone.
Sargon est le fondateur de l’empire akkadien qui couvre bien la zone géographique en question donnée par la Bible. Il vient d’une ville appelée Kish. C’est le premier empereur connu de l’histoire antique par l’ampleur de ses conquêtes. C’est une sorte d’Alexandre le Grand pour cette époque. Son empire va pour les appellations modernes du golfe persique jusqu’à la Turquie. Le second candidat possible si Nimrod fait référence à un souverain sur lequel nous avons des données historiques autres que bibliques, est le fameux Hammurabi. Ce souverain babylonien a réussi à rassembler Sumer, Akkad et Assur et constitue donc un empire un peu plus petit que celui qu’on attribue à Sargon. Il est l’auteur du fameux code qui porte son nom.
En tout cas, on voit que Nimrod est à l’origine de deux empires qui ont apporté de grands problèmes à Israël : l’Assyrie et Babylone. Chacun de ces deux empires est à l’origine d’un désastre pour Israël, désastre suivi d’un exil.
La tradition juive est très riche et très intéressante concernant Nimrod. Elle reconnait Nimrod en Amrafel, l’un des rois faisant la guerre au chapitre 14. Elle valide ainsi cette possibilité de voir chez Nimrod l’incarnation de la rébellion mais pas forcément son nom. Plutôt un surnom, ou une sorte de titre. Ensuite elle voit en lui l’opposant principal d’Abraham dans la séquence assez longue qui va s’ouvrir concernant Abraham à partir de la fin du chapitre 11 et de l’appel du chapitre 12 de la Genèse. Par exemple, lorsqu’Abraham, essayant de sauver Sodome de la colère divine déclare à Dieu : « Abraham reprit et dit: “ Voilà que j’ai osé parler au Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. “ » (Gn 18 :27) la lecture traditionnelle juive demande de comprendre ainsi les choses : « Et Abraham reprit et dit: J’ai maintenant voulu parler au Seigneur alors que j’aurais [déjà] été [réduit en] poussière [par les rois] et cendre [par Nimrod]. ». Les mots entre crochets sont les sous-entendus à comprendre dans ce que dit Abraham. Il parle ici de sa guerre contre les rois et de cet épisode célèbre pour ceux qui connaissent le corpus midrashique, le fameux midrash de Gn 11:28 : « Et Haran mourut en présence de son père Terach. Rabbi Hiyya a dit : Terach était un fabricant d’idoles. Une fois, il est parti quelque part et a laissé Abraham les vendre à sa place. Un homme est entré et a souhaité en acheter une : « Quel âge as-tu ? Abraham a demandé à l’homme. “Cinquante ans”, a-t-il dit. “Malheur à un tel homme, qui a cinquante ans et adorerait un objet vieux d’un jour !” dit Abraham. À une autre occasion, une femme entra avec une assiette de farine et lui demanda : « Prends ceci et offre-le-leur. Alors il prit un bâton et les cassa, et mit le bâton dans la main du plus grand. Quand son père revint, il demanda : « Qu’est-ce que tu leur as fait ? “Je ne peux pas vous le cacher. Une femme est venue avec une assiette de mets raffinés et m’a demandé de la leur offrir. L’une a dit : “Je dois manger d’abord”, tandis qu’une autre a dit : “Je dois manger d’abord”. Là-dessus, la plus grande s’est levée, a pris le bâton et les a cassés.” «Pourquoi vous moquez-vous de moi ? Savent-elles quoi que ce soit ? dit Terach. « Vos oreilles ne devraient-elles pas entendre ce que votre bouche a dit ? dit Abraham. Sur ce, Terach le saisit et le livra à Nimrod. « Adorons le feu », dit Nimrod. “Adorons plutôt l’eau qui éteint le feu”, a déclaré Avraham. «Adorons l’eau », dit Nimrod. “Adorons plutôt les nuages qui portent l’eau”, a déclaré Avraham. « Alors adorons les nuages », dit Nimrod. “Adorons le vent qui disperse les nuages”, a déclaré Avraham. «Adorons le vent », dit Nimrod. “Adorons les êtres humains qui peuvent résister au vent”, a déclaré Avraham. “Vous ne faites que proférer des paroles, et nous n’adorerons que le feu. Voici, je vais vous y jeter, et que votre Dieu que vous adorez vienne vous en sauver!” dit Nimrod. Haran se tenait là, indécis. “Si Avraham est victorieux, je dirai que je suis de la croyance d’Avraham, tandis que si Nimrod est victorieux, je dirai que je suis du côté de Nimrod”, pensa-t-il. Quand Avraham est descendu dans la fournaise ardente et a été sauvé, Nimrod lui a demandé: “De quelle croyance êtes-vous?” « D’Abraham », répondit-il. Alors il le saisit et le jeta au feu ; ses entrailles ont été brûlées et il est mort en présence de son père. C’est pourquoi il est écrit: “Et Haran mourut en présence de son père Terach.” »
Ce midrash est généralement cité pour montrer le monothéisme d’Abraham. C’est ici la fin du midrash qui nous intéresse. Il nous montre un Nimrod qui est garant d’un ordre religieux et social basé sur l’idolâtrie et le culte des idoles. Et le père d’Abraham, tant cet ordre est puissant livre son propre fils à Nimrod en personne. Nimrod commence par le feu. Mais devant la réponse astucieuse d’Abraham il était tout aussi prêt à adorer l’eau. L’important pour Nimrod est que Dieu ne soit pas adoré. Adorez ce que vous voulez du moment que ce n’est pas Dieu serait le slogan de Nimrod. Abraham, refusant est jeté au feu et Dieu intercède pour sauver son champion.
Les Pères de l’Eglise parlent peu de Nimrod, mais quand ils en parlent, ils sont unanimes. Saint Ambroise de Milan, Origène ou son disciple le célèbre Dydime d’Alexandrie le voient tous comme un géant. Le grec des LXX dit quelque chose de passionnant si on sait l’écouter. Le verset 9 dit très littéralement en hébreu « il commença à être un guibor sur la terre » et en grec « il commença à être un gigas sur la terre ». L’hébreu guibor (גִּבּוֹר) donne une idée de force, de puissance, mais certainement pas de gigantisme. Dans les livres historiques, le mot est utilisé pour désigner les guerriers d’une armée. On peut comprendre un mécanisme pour devenir un guerrier de plus en plus redoutable et puissant. Mais cela est incompréhensible dans le cas d’un géant pour un mécanisme. Comment devient-on un géant au sens physique ? A noter que le terme grec utilisé ici, à savoir gigas (γίγας) est devenu équivalent de diable dans la tradition chrétienne. Pour preuve, on pourra parler du codex gigas, une Bible connue pour une enluminure du diable à une des pages de l’ouvrage. Elle est aussi appelée Bible du diable. Non pas parce qu’elle aurait un contenu particulièrement satanique, mais à cause de la représentation du diable dans une des illustrations de l’ouvrage. C’est une Bible du XIIIème siècle, et il a semblé naturel aux chrétiens de l’appeler la bible gigas. Donc on peut comprendre cette phrase de la LXX de plusieurs façons : Nimrod est devenu un guerrier puissant, c’est le sens de l’hébreu. Nimrod est devenu diabolique. Nimrod est devenu géant. Certain pourront voir ici le bâtisseur d’empire. Le gigantisme serait un gigantisme géographique. Il a uni sous sa domination un vaste territoire. Je propose de ne pas laisser de côté le fait qu’il soit devenu géant en terme de taille. C’est ce vers quoi nous demandent de regarder les Pères. Nous ne pouvons pas ne pas regarder là où il regardent, surtout en cas d’unanimité. Les Pères ne parlent pas de processus pour devenir géant. Ils disent qu’il était géant.
Et d’ailleurs, sans que nous soyons sûrs du comment, nous savons qu’en repartant de Noé, sa femme et sa famille, l’humanité qui s’est repeuplée a été de nouveau peuplée par les géants. Nous en avons la certitude, ne serait-ce que par les descriptions des explorateurs hébreux en terre sainte, ou par le fameux Goliath qu’affronta le jeune David. Les géants d’avant le déluge s’expliquaient bien par les unions entre les anges rebelles et les femmes du chapitre 6. Mais les géants d’après le déluge ont une origine toute mystérieuse. On ne nous dit pas comment cela s’est passé, mais il est possible que la Bible nous indique que quelque chose commence avec Nimrod. Si on prend la Bible dans son ensemble, on ne peut pas faire remonter les géants post déluge uniquement à Nimrod. D’un point de vue généalogique, cela remonte à Cham. En effet, il y a des géants aussi dans la descendance de Mitsraïm et de Canaan. Donc on ne peut même pas dire que la malédiction de Noé a eu une sorte d’effet maléfique. Il y a quelque chose dans la descendance de Cham. La Bible nous le fait constater, mais il me semble qu’elle ne nous l’explique pas. En tout cas, une chose que l’on voit également : c’est avec les peuples dans lesquels on constate à nouveau la présence de géants que Dieu demande à Israël des actes d’une grande violence. Ainsi, si on regarde les choses en considérant que ces peuples voués par Dieu à l’extermination étaient humains, on est très mal à l’aise. Si on regarde les choses sous un angle d’une nouvelle corruption génétique révélant une phase renouvelée d’infestation, de parasitage, de possession démoniaque, choisissez le mot qui convient le mieux, alors Dieu a demandé à Israël d’être sur terre son champion pour que celle-ci ne soit peuplée que par des hommes. Israël doit terminer de façon localisée ce que le déluge a accompli de façon globale.
Voyons les dernières informations sur Nimrod. Au verset 10 on nous donne des villes.
La première est la fameuse Babel (בָּבֶל) en hébreu et Baboulone en grec (Βαβυλών). Pas de mystère pour les LXX, Babel est Babylone. Babel sous sa forme hébreu est présente 262 fois dans la Bible en hébreu. Le terme grec est aussi beaucoup présent dans le NT. Saint Jean met cette ville à l’honneur dans son apocalypse. Les spécialistes de l’antiquité nous expliquent que dans la langue sumérienne, Babili, qui était le nom de la ville signifiait « portail vers Dieu » ou « portail de Dieu ». Hérodote (480-425 av JC) nous parle des dimensions de Babylone : 22,5 kilomètres de circonférence, avec des remparts de 55m de haut et 23 m de large. En hébreu, balal, le verbe le plus proche en terme de racine signifie « confondre ». Je garde les développements sur Babel pour le chapitre suivant, avec la fameuse tour de Babel.
La seconde ville est Erere (אֶרֶךְ) en hébreu et Orek (᾿Ορὲχ) en grec. Il n’y a rien dans la Bible qui nous donne d’indication. Les archéologues disent qu’il pourrait bien s’agir d’Uruk. Cette ville est connue car c’est dans ses vestiges que l’on a découvert le plus ancien artéfact avec une écriture humaine. D’où cette affirmation que l’on rencontre souvent : « c’est à Uruk que fut créée l’écriture » que l’on devrait probablement reformuler de façon plus modeste : « c’est à Uruk que l’on a découvert le plus ancien artefact écrit d’origine humaine » ce qui n’est pas exactement la même chose.
La troisième ville est Akkad (אַכַּד) en hébreu et Arkad (᾿Αρχὰδ) en grec. Bibliquement parlant on a rien non plus. Aucun vestige d’une ville nommée Akkad n’a été découvert. On connait une langue akkadienne, qui est une sorte de proto-araméen. Les linguistes classent l’akkadien comme langue sémitique. Mais il ne faut surtout pas tracer des égalités sans preuves ici.
La quatrième ville est Kalnéh (כַּלְנוֹ) en hébreu et Kalané en grec (Χαλάννη). Isaïe et Amos prophétisent sur cette ville en hébreu. Les LXX rendent Kalané chez Isaïe, ce qui ne nous aide pas franchement, et chez Amos la mention disparait purement et simplement. Il y a certaines théories archéologiques mais elles ne présentent pas assez de solidité pour être mentionnées ici.
Il est fait mention de la terre de Shinar (שִׁנְעָר) en hébreu et Sénaar (σεννααρ) en grec. Le sens du verset est que les quatre cités en question était dans cet espace géographique, la terre de Sénaar. On retrouve le Shinar hébreu à plusieurs endroits. Déjà en Gn 14, ce qui permet de déduire qu’Amrafel et Nimrod ne font qu’un, puisqu’en Gn 14, Amrafel est le maître de ce pays. En Zacharie 5:11 l’hébreu massorétique donne terre de Shinar et le grec de la LXX traduit par terre de Babylone. Il y a donc une forme d’amalgame entre Shinar et Babylone.
Le verset suivant, le verset 11, est davantage centré sur l’Assyrie. Il a été rendu en Ashour (אַשּׁוּר) en hébreu et Assour (᾿Ασσοὺρ) en grec. Ceci désigne clairement l’Assyrie, car celle-ci signifie ‘pays d’Ashur’ en langue assyrienne. A l’apogée de son empire, l’Assyrie a dominé une zone géographique allant sur l’Irak, le Liban, la Turquie, l’Iran et l’actuelle Syrie. Le verset nous dit que l’Assyrie est une sorte de production babylonienne, sur un mode particulier, rappelant un peu comment Rome était parente avec la Grèce. La première cité dont on nous parle dans cette extension assyrienne de Babylone sous l’impulsion de Nimrod est Ninive. On se souvient tous de l’épisode où Jonas va prêcher la repentance à Ninive. Par contre il faut faire attention entre l’endroit géographique Assour, et la personne Assour qui va venir un peu plus loin. Ce sont de parfaits homonymes mais ils n’ont à priori pas de lien. Le pays d’Assour est lié à Nimrod, à Babylon et est donc plutôt négatif, tandis que la personne nommée Assour est un des descendants de Sem et est donc dans quelque chose de plutôt positif, sans vouloir être simpliste et manichéen.
Passons à Ninive. On le dit Ninevé (נִינְוֵה) en hébreu et Niveuï (Νινευῒ) en grec. C’est la première cité bâtie par Nimrod d’après le récit biblique. On la trouve de nombreuses fois dans la Bible, en tant que capitale d’un empire très hostile au royaume d’Israël. Ninive sera détruite par les Mèdes et les babyloniens. Il est donc intéressant de voir que ceux qui l’ont initié vont également la détruire plus tard. Les fouilles archéologiques menées par les britanniques au XIXème siècle montrent que Ninive était un haut lieu de l’idolâtrie avec une préférence pour les dieux Ishtar et Nabu.
Les deux villes suivantes s’appellent Rérovot-Ir (עִיר רְחֹבוֹת) et kélar (כֶּלַח) en hébreu, Roovot Polin (Ροωβὼθ πόλιν) et Kalak (Χαλὰχ) en grec. A noter que la partie Ir en hébreu et Polin signifie ville. Rérovot-Ir se traduit littéralement Rérovot ville, ce qu’a gardé le grec. Il est étrange pour une ville de signifier qu’elle est une ville. Le plus souvent dans la Bible, cela signifie ville fortifiée sans que cela soit systématique. Rérovot serait donc une ville fortifiée. Nous ne savons pas où elle se trouvait. Le chapitre 36 de la Gn parle d’un Rérovot sur une rivière, dans le chapitre consacré à la descendance d’Edom. Certains conjecturent que cette rivière est l’Euphrate. Rien ne permet de l’affirmer. Isaac a nommé ainsi un puit en terre sainte au chapitre 26 de la Gn, mais cela ne nous aide pas davantage. Pour Kélar c’est encore plus direct : aucun verset ne nous permet d’échafauder la moindre théorie.
Le verset suivant introduit une autre ville qui ne fait qu’épaissir le mystère. Il s’agit de résen (רֶסֶן) en hébreu et Dassi (Δασὴ) en grec. Le verset nous précise qu’il s’agit de la grande ville. Elle se trouverait entre Ninive et Kélar. Voilà pour Nimrod. Un dernier mot avant de reprendre la descendance de Cham. Ce Nimrod est tout de même un bâtisseur époustouflant. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible de bâtir autant de choses, mais c’est tout de même tout à fait hors norme. Le nom qui nous vient à l’esprit est celui d’Alexandre le Grand, qui au travers d’une épopée qui dura moins de 15 ans a changé la face du monde, mais d’un monde déjà construit. Il a contribué à l’hellénisation de tout le monde qui deviendrait plus tard chrétien. Il a énormément bâti de choses également. Donc cela est possible. C’est peut-être aussi à cause de ce caractère hors norme que Nimrod est dans la Bible. Mais la Bible ne nous parle de l’histoire que sous un angle religieux. Donc Nimrod pose un problème religieux. Nimrod est très clairement un personnage historique, mais c’est aussi une force de l’histoire qui a trouvé une forme d’incarnation en Nimrod. N’oublions pas que Nimrod signifie rébellion. Et en ce cas, on peut aussi lire que c’est le phénomène de rébellion contre Dieu qui est à l’origine des empires assyriens et babyloniens.
Passons aux descendants de Mitzraïm, l’Egypte.
14 les Phétrusim, les Chasluim, d'où sont sortis les Philistins, et les Caphtorim.
On voit ici qu’on ne parle plus de personne, mais directement de peuples. C’est le pluriel qui nous indique cela.
Les loudims (לוּדִ֧ים) en hébreu et Loudièmes (Λουδιεὶμ) en grec sont le premier peuple donné comme issu de Mitzraïm. Par le grec de la LXX et le livre de Jérémie qui les cite (en 46 :9) nous pouvons déduire qu’il s’agit des libyens.
Les ananims (עֲנָמִים) en hébreu et Enémétièmes (᾿Ενεμετιεὶμ) en grec sont le second peuple donné comme issu de Mitzraïm. Ils ne se trouvent nulle part autre qu’ici. Impossible donc de savoir où et qui ils sont.
Les Lehavim (לֶהָבִים) en hébreu et les Labièmes (Λαβιεὶμ) en grec sont le troisième peuple et nous n’avons pas non plus de moyen de trouver une quelconque information.
Enfin pour les Nafturims (נַפְתֻּחִים) en hébreu ou Nephtalièmes (Νεφθαλιεὶμ) en grec, c’est la même chose. Pas la moindre information.
Le peuple au verset suivant est Patrussim (פַּתְרֻסִ֞ים) en hébreu et Patrosonièmes (Πατροσωνιεὶμ) en grec. Aucune information non plus sur eux.
Le peuple suivant à être issu de Mitzraïm sont les Kaslourims (כַּסְלֻחִים) en hébreu et les Kasmonièmes (Χασμωνιείμ) en grec.
Ensuite viennent deux peuples issus « d’eux » nous dit la Bible. Est-ce que ces deux peuples sont issus du dernier, les Patrussims ou bien de tous les peuples précédemment cités par une sorte de mélange. Aucune donnée historique ou géographique ne permet de l’affirmer.
Le premier peuple issu de Mitzraïm mais au second degré donc sont les Pélishtims (פְּלִשְׁתִּ֖ים) en hébreu et les Phulistèmes (Φυλιστιείμ) en grec. Vous les avez reconnus par la consonnance : il s’agit des Philistins. Ils seront des adversaires d’Israël pendant des siècles.
Le second peuple issu de Mitzraïm au second degré est beaucoup plus inattendu : il s’agit des Caphtorims (כַּפְתֹּרִֽים) en hébreu et des Gafsorièmes (Γαφθοριείμ) en grec. Par un verset du Deutéronome, le verset 2:23 pour être précis, ils sont donnés comme cappadociens. Les cappadociens sont les habitants de cette région de Turquie actuelle qui a donné des grands noms à la théologie chrétienne, comme Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse. Evidemment on n’imagine pas un instant qu’il s’agisse du même peuple.
Finissons la descendance de Cham avec la partie de l’humanité issue de Canaan :
16 ainsi que les Jébuséens, les Amorrhéens, les Gergéséens, les Hévéens,
17 les Aracéens, les Sinéens, les Aradiens, les Samaréens
18 et les Hamathéens. Ensuite les familles des Chananéens se répandirent dans le pays,
19 et le territoire des Chananéens alla depuis Sidon, dans la direction de Gérare, jusqu'à Gaza; et, dans la direction de Sodome, Gomorrhe, Adama, et Séboïm, jusqu'à Lésa.
20 Tels sont les fils de Cham selon leurs familles, selon leurs langues, dans leurs divers pays, dans leurs nations.
Le premier fils engendré par Canaan est Tsidon (צִידוֹן) en hébreu et Sidona (Σιδῶνα) en grec. En tant que lieu, Sidon est connu comme une grande ville portuaire Phénicienne, aujourd’hui situé à 50 kms au sud de Beyrouth au Liban. Mais Tsidon est aussi un autre lieu, et c’est à lui que fera référence la Bible dans plusieurs livres, lieu situé en terre sainte. Le livre de Josué et des Juges fait référence à une ville Sidon, située en terre sainte et habitée par des cananéens. Il est donc plus que probable que Tsidon le fils de Canaan a établi une ville en terre de Canaan. La Bible fera également mention de la ville Tsidon au Liban. Il faut donc bien faire attention à bien voir selon le contexte de laquelle il est question.
Le second fils est RRèt (חֵת) en hébreu et Xétaïon (Χετταῖον) en grec. Les fils de ce Heth reviennent plusieurs fois dans la Bible : en Genèse 23, c’est à eux qu’Abraham achète un tombeau pour sa femme. Déduction logique : ils habitent donc en terre de Canaan. Les chapitres 25 et 49 nous confirment qu’Abraham a bien acheté le caveau de Marpelah aux fils de Heth. Les historiens imaginent le plus souvent que Heth est l’ancêtre des fameux Hittites. Historiquement les Hittites sont connus pour avoir fondé un empire plutôt basé en Anatolie, c’est-à-dire en actuelle Turquie. Les fils de Heth sont centrés sur la terre sainte. On retrouve aussi les filles de Heth aux chapitres 27 et 28 de la Genèse. Esaü a épousé des filles de Heth et pour ne pas reproduire cette erreur, Jacob est envoyé loin de leur lieu de résidence pour trouver une femme qui soit pure. On voit donc que pour les descendants de Sem, la lignée issue de Canaan pose un véritable problème car l’union avec eux est vue comme impossible.
Puis vient le Jébusite, Yévoussi (יְבוּסִי) en hébreu, et le Iébusaïon (᾿Ιεβουσαῖον) en grec. Jébusite est un adjectif pour quelqu’un nommé Jébus. On retrouve ce Jébus dans le livre des Juges comme un lieu qui sera plus tard appelé Jérusalem. C’est confirmé par le premier livre des Chroniques. Le Jébusite fait partie de la fameuse énumération de Genèse 15 faite à Abraham. Sa descendance héritera la terre de plusieurs peuples, dont les Jébusite. Promesse confirmée dans le livre de l’Exode où Dieu confirme à Moïse que le peuple d’Israël aura la domination sur la terre de 6 peuples dont le Jébusite. Dieu leur est extrêmement hostile et Dieu déclare vouloir les exterminer. Les livres bibliques ultérieurs montrent que ce terme d’extermination n’était pas littéral, puisqu’on trouve des Jébusite à Jérusalem même, sans que Dieu ne demande d’acte qui leur soit hostile. Il s’agit donc d’une formule hyperbolique comme disent les rhétoriciens et il fallait voir dans cette extermination une victoire militaire définitive et totale.
Puis vient l’Amorite, émori (אֲמֹרִי) en hébreu et Amaraïon (᾿Αμορραῖον) en grec. On retrouve beaucoup l’amorite, ou les amoréens dans la Bible. On déduit du livre des Nombres qu’ils habitent à l’est du Jourdain. Ils eurent pour roi le fameux Sihon tel que rapporté par le psaume 135/136. Ce peuple fait partie de la liste dont j’ai parlé précédemment avec le Jébusite. Il sera dépossédé de sa terre au profit d’Israël. La Bible montre également qu’ils ne vivaient pas exclusivement à l’est du jourdain, mais aussi à l’ouest de cette rivière et il en est fait mention aussi dans le sud. Bref, soit les amoréens s’étaient installés un peu partout, soit la Bible l’utilise un peu comme un nom générique, interchangeable avec cananéen. Dieu parle de l’iniquité des amoréens comme étant pour Lui le déclencheur de l’exode et de la conquête de la terre sainte.
Puis vient le Girgashite, Girgashi (גִּרְגָּשִׁי) en hébreu et Gergésaïon (Γεργεσαῖον) en grec. Moins cité que les précédents, il fait partie de la liste des peuples qui doivent être dépossédés de la terre de Canaan. Il est difficile de savoir où ils étaient géographiquement. On voit qu’ils combattent les hébreux, sans succès, dans le livre de Josué, sans plus d’informations précises.
Puis le vient le Hivite, RRivi (חִוִּי) en hébreu et Euaïon (Εὐαῖον) en grec. Comme pour le Girgashite, il est sur la liste des peuples que Dieu ne veut plus voir en terre sainte. Le premier livre des Rois et le second livre de Samuel témoignent qu’ils n’ont pas été exterminés, mais que les imprécations des premiers livres de la Bible les concernant étaient une fois encore ce langage hyperbolique.
Puis vient le Arquite, le Arqui (עַרְקִי) en hébreu et le Aroukaïon (᾿Αρουκαῖον) en grec. Ce terme n’apparait nulle part ensuite dans la Bible, sinon dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques. Impossible donc d’en dire quoi que ce soit.
Même chose pour le fils suivant, à savoir le Sinite, Sini (סִינִי) en hébreu et Asenaïon (᾿Ασενναῖον) en grec.
Le même phénomène se produit également pour les trois fils suivant : l’Arvadite, Arvadi (אַרְוָדִי) en hébreu et Aradïon (᾿Αράδιον) en grec, le Samarite, Tsémari (צְמָרִי) en hébreu et Samaraïon (Σαμαραῖον) en grec, et enfin le Ramatite, Ramati (חֲמָתִי) en hébreu et Amassi (᾿Αμαθί) en grec. A noter néanmoins une présence possible du Samarite dans une prophétie d’Ezekiel au chapitre 27, qui fait mention des fils d’Arvad, mais sans vraiment donner un indice sur leur localisation. Et cela peut très bien être un homonyme. Il y a une ville Arvad, qui semble être proche ou alliée de Sidon, mais justement Sidon du Liban vu le contexte.
Donc lorsque le verset 19 dit « et le territoire des Chananéens alla depuis Sidon, dans la direction de Gérare, jusqu’à Gaza; et, dans la direction de Sodome, Gomorrhe, Adama, et Séboïm, jusqu’à Lésa. » il semble évident de postuler qu’il s’agit du Sidon à l’intérieur de la terre de Canaan, et pas celui au Liban. Gérare est un lieu qu’on trouve plusieurs fois dans la Genèse. Abraham qui passe le désert du Negev s’arrête un temps à Gérare. On apprend à ce moment que le roi de Gérare s’appelle Abimélek. Ceci se passe au chapitre 20. Au chapitre 26 on voit Isaac y résider également. On peut déduire de tout cela que Gérare se trouve à l’extrême sud de Gaza.
Gaza justement, ‘Aza (עַזָּה) en hébreu, Gazan (Γαζάν) en grec, peut être considérée dans la Bible comme une grande ville philistine. Atteinte par Josué, elle sera conquise dans le livre des Juges par Judah. Elle sera ensuite historiquement prise par Sargon d’Assyrie puis par Alexandre le grand. Une note importante, relativement à la géopolitique moderne. Aujourd’hui, Gaza est une terme connu, comme une bande de terre entre Israël et l’Egypte, sous autorité palestinienne, qui est souvent le lieu d’opérations militaires entre israéliens et palestiniens. Le Gaza antique n’est pas celui-là.
Ensuite vient une énumération de cinq villes qui commence par la fameuse ville de Sodome. En hébreu on dit Sdom (סְדֹם֙) et Sodoma (Σόδομα) en grec. C’est une ville très connue, dont nous verrons la destruction par le feu divin au chapitre 19 de notre étude sur la Genèse. La ville de Sodome est présente de nombreuses fois dans la Bible, dans les premiers livres, mais aussi chez les prophètes, et dans le NT.
La ville de Gomorrhe est connue car très souvent associée à Sodome. Elle fut associée dans sa destruction. On dit ‘Amorah (עֲמֹרָ֔ה) en hébreu et Gomora (γομορρα) en grec.
La ville suivante est Admah (אַדָמָה) en hébreu et Adama (αδαμα) en grec. C’est la troisième des cinq villes de la plaine, plaine sur laquelle Lot lèvera les yeux et choisira de se diriger en se séparant de son oncle Abraham. Puis vient la ville de Tseboyim (צְבֹאִים) en hébreu et Séboïm (Σεβωΐμ) en grec. Quatrième ville de la plaine, elle apparait dans quelques textes des prophètes. Et enfin dernière des cinq villes de la plaine, Lésha (לֶשַׁע) en hébreu et Dasa (Δασά) en grec. Il est possible, au vu de leur proximité avec Sodome et Gomorrhe, que Admah, Tséboyim et Lésha furent détruites en même temps. On a du mal à imaginer une si grande proximité sans qu’il n’y ait corruption des mœurs. Le dernier verset concernant les fils de Cham fait, comme pour Japhet, état de langues différentes, de terres différentes et de nations différentes. Ce qui confirme que nous sommes ici déjà après ce qui sera décrit au chapitre 11.
Les fils de Sem
22 Fils de Sem: Elam, Assur, Arphaxad, Lud et Aram.
23 Fils d'Aram: Us, Hul, Géther et Mes.
24 Arphaxad engendra Salé, et Salé engendra Héber.
25 Et il naquit à Héber deux fils: le nom de l'un était Phaleg, parce que de son temps la terre était partagée, et le nom de son frère était Jectan.
26 Jectan engendra Elmodad, Saleph, Asarmoth,
27 Jaré, Aduram, Uzal, Décla, Ebal,
28 Abimaël, Saba, Ophir, Hévila et Jobab.
29 Tous ceux-là sont fils de Jectan.
30 Le pays qu'ils habitèrent fut la montagne d'Orient, à partir de Mésa, dans la direction de Séphar.
31 Tels sont les fils de Sem, selon leurs familles, selon leurs langues, dans leurs divers pays, selon leurs nations.
Le verset 21 met en avant un descendant : Eber. Ever (עֵבֵר) en hébreu et Eber (῞Εβερ) en grec. Plusieurs autres hommes auront ce nom dans la Bible. En hébreu, il signifie « au-delà », « de l’autre côté », et certains y voient l’origine du mot « hébreu » qui désignerait donc ceux qui sont allés au-delà, au-delà de l’Euphrate dans une vision littérale géographique. Mais c’est un au-delà plus riche que cela que véhicule le nom.
Le premier fils de l’énumération suivante est Elam (עֵילָם) en hébreu et également (᾿Ελὰμ) en grec. C’est une appellation que l’on retrouve plusieurs fois dans la Bible sans pour autant que cela soit toujours en référence à ce fils de Sem. La première fois, en Gn 14, l’un des royaumes engagés dans le conflit est Elam. C’est probablement la nation des descendants de ce fils de Sem. Les peuples nommés ainsi chez Isaïe et Ezekiel sont aussi probablement le même Elam. Mais les noms comme celui du prêtre dans le livre de Néhémie est obligatoirement un autre Elam. Rien ne nous permet de conclure au lieu qu’Elam a choisi pour s’y établir.
Le second fils est Ashour (אַשּׁוּר) en hébreu et Assour (᾿Ασσοὺρ) en grec. Nous avons déjà rencontré ce mot lorsque la Torah nous a décrit Nimrod s’y rendant pour fonder les villes de Ninive, Rehovot-Yr et Calah. On peut donc en déduire que Nimrod est venu conquérir un territoire qui appartenait aux sémites.
Le troisième fils de Sem est Arpkasad (אַרְפַּכְשַׂד) en hébreu et Arphaxad (᾿Αρφαξὰδ) en grec. On le retrouvera au chapitre suivant, dans la généalogie qui nous conduit de Sem à Abraham. On ne sait pas vraiment grand-chose de plus sur lui.
Le quatrième fils est Loud (לוּד) en hébreu et également (Λοὺδ) en grec. La façon dont Ezekiel positionne les Loudims avec les éthiopiens et les lybiens, donne à penser que Loud s’est installé quelque part au nord de l’Afrique.
Et enfin le cinquième fils est Aram (אֲרָם) en hébreu et également (᾿Αρὰμ) en grec. Beaucoup considèrent que c’est lui qui a donné la langue araméenne. En ce cas il est aussi beaucoup à l’origine de ce qu’est la Syrie. En effet le syriaque est une langue dérivée de l’araméen. D’ailleurs la LXX franchit le pas en 2 Sm 8 :5 ou l’Aram hébreu est rendu par Syrie (συρια) en grec.
Le verset suivant nous donne les fils d’Aram.
Le premier est Utz (עוּץ) en hébreu et Ouz (Οὒζ) en grec. Le premier renvoi le plus connu en terme biblique sera dans le livre de Job. On nous dit en hébreu qu’il habite le pays d’Utz. Mais dans le livre de Job des LXX on a un autre pays : Ausitidi (Αὐσίτιδι). Ainsi, c’est le pays fondé par le premier fils d’Aram, mais uniquement en hébreu et pas en grec. Une personne de la généalogie de Nahor en Gn 22 aura ce nom, mais il n’y a pas de rapport entre les deux.
Le second est Rrul (חוּל) en hébreu et Oul (Οὒλ) en grec. Aucun moyen de savoir ce qu’il a fait. Il n’apparait nulle part dans la Bible sinon dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques.
Il en est de même pour le troisième, Guéter (גֶּתֶר) en hébreu et Gater (Γατὲρ) en grec, et pour le quatrième fils, Mash (מַשׁ) en hébreu et Mosok (Μοσόχ) en grec.
Le verset suivant nous redonne l’ascendance d’Eber.
Arpaxad a engendré un fils nommé Shélar (שֶׁלַח) en hébreu et c’est Shélar qui est le père d’Eber, vous vous souvenez, celui qui a probablement donné son nom aux hébreux. Sauf qu’en grec, on a une génération supplémentaire. Et d’autres noms. Cette différence est très étonnante. Arpaxad engendre Caïnan (Καϊνᾶν) et celui-ci engendre Sala (Σαλά), et c’est ce Sala qui est père de Eber. On peut facilement tracer une égalité entre le Shélar hébreu et le Sala grec. Le NT donne une généalogie du Christ qui répond à la question : mais quelle version est donc la bonne ? L’évangéliste Luc donne au chapitre 3 une généalogie à l’envers, qui part du Christ pour remonter jusque Adam. Et cette généalogie à un Kaïnan entre Sala et Arpaxad. Nous reviendrons plus en détail sur ce point-là au niveau du chapitre 11 qui donne la généalogie complète entre Noé et Abraham. Mais nous avons déjà traité de la raison profonde de ces différences. Je vous invite donc à revoir le cours sur le chapitre 5. C’est la LXX qui a raison.
Le verset suivant nous donne les deux fils de Eber. Le premier est Peleg (פֶלֶג) en hébreu et Faleg (Φαλέγ) en grec. Le verset est étonnant pour des non hébraïsants car on nous dit qu’il s’appelle Péleg justement parce que dans ses jours la terre a été divisée. Le verbe diviser en hébreu a pour racine « palag ». le « a été divisé » du verset donne ici « niplaga » ou « niflaga » par les règles de la conjugaison. Ainsi un hébraïsant entend tout de suite le jeu de mot par consonnance. Ce n’est pas la première fois que la Bible montre des gens qui sont nommés pour les raisons contextuelles à leur naissance. On se souvient des cas de Caïn ou de Seth. Je vous invite à consulter les cours précédents si cela n’est plus frais à votre esprit. En grec, on a pas la même évidence consonnantique : Faleg pour le nom de la personne et diémérissti (διεμερίσθη) pour le « a été divisé ». En français, il faudrait que la personne soit nommé d’un prénom qui sonne un peu comme « diviser » pour donner une équivalence. Imaginons un prénom qui existerait et qui serait « dividian ». Le verset serait consonnantique en français sur ce modèle : « son nom était dividian parce que de son temps la terre fut divisée ». La Bible nous dit donc que c’est lorsque Peleg vécut que Dieu divisa les nations par le moyen des langues.
Le deuxième fils d’Eber est Yoqtan (יָקְטָן) en hébreu et Yéktan (᾿Ιεκτάν) en grec. Les versets suivants sont consacrés à sa descendance. Mais on ne sait rien sur lui.
Les quatre premiers fils de Yoqtan sont Almodad (אַלְמוֹדָד) en hébreu et Elmodad (᾿Ελμωδὰδ) en grec, Shélaph (שֶׁלֶף) en hébreu et Salesse (Σαλὲθ) en grec, Ratsarmavèt (חֲצַרְמָוֶת) en hébreu et Sarmosse (Σαρμὼθ) en grec, Yérare (יֶרַח) en hébreu et Yarak (᾿Ιαρὰχ) en grec. On ne sait rien sur aucun des quatre. Le verset suivant donne trois autres fils qui sont Hadoram (הֲדוֹרָם) en hébreu et Odora (῾Οδορρὰ) en grec, Ouzal (אוּזָל) en hébreu et Aibil (Αἰβὴλ) en grec, Diqla (דִּקְלָה) en hébreu et Dekla (Δεκλὰ) en grec. Le seul sur lequel nous pouvons avoir une petite information est Ouzal, le second. C’est un lieu donné en Ezekiel 27 :19, probablement vers l’Arabie vu le contexte de la prophétie, qui est donné un peu différemment en grec, mais sans que cela puisse nous permettre de savoir précisément où Ouzal a choisi de résider. Un historien arabe du dixième siècle a nommé Sanaa, l’actuelle capitale du Yémen Azal, ce qui nous permet de conjecturer sans certitude que Ouzal est parti pour l’actuel Yemen.
Le verset suivant montre trois fils. Le premier est Oval (עוֹבָל) en hébreu et Eoual (Εὐὰλ) en grec. On ne sait rien de lui, mais il n’est même pas repris dans la généalogie parallèle du livre des Chroniques. C’est un Eval (עֵיבָ֥ל) qui est mentionné à la place. Certes les noms sont proches, mais Chroniques avait toujours repris les noms parfaitement à l’identique. En grec aussi le nom est changé pour un Gemian. C’est très étonnant mais on ne peut rien en conclure. Le fils suivant est Avimael (אֲבִימָאֵל) en hébreu et Abimael (᾿Αβιμαὲλ) en grec. Rien de spécial à noter sur lui, sinon que la forme de son nom signifie « Père de Mael » mais nous ne connaissons pas de « Mael ». Et nous terminons le verset avec Shebah ou Sheva (שְׁבָא) en hébreu et Saba (Σαβὰ) en grec. Nous avions déjà rencontré un Sheba/Saba plus haut : il s’agissait du Sheba fils de Regma et frère de Dedan. C’était le Sheba qui donnait la reine de Saba. Il est bien évident que les deux Sheba sont des homonymes, mais bien des personnes différentes. On sait que le Sheba des Ecritures est bien celui qui descend de Cham, car il est souvent nommé avec son frère Dedan, ce qui permet de le différencier de ce Sheba, descendant de Sem.
Le verset suivant montre encore trois fils. Le premier est Ofir (אוֹפִיר) en hébreu et Oufèr (Οὐφεὶρ) en grec. Le livre de Job donne ce lieu comme ayant un or d’une qualité particulière. Salomon en a également envoyé ses navires pour commercer . Nous savons donc qu’en tant que lieu c’est une ville maritime probablement au sud de la terre sainte. Certains ont fait des spéculations Ophir/Saphir pour imaginer un lieu en Inde.
Le second fils est Ravila (חֲוִילָה) en hébreu et Eueila (Εὐειλὰ) en grec. A ne pas confondre avec Havila le fils de Kush dans la brache de Cham bien que ce soit le même nom en hébreu, le grec les différencie très légèrement. La LXX est ici plus précise ou disons distinctive que l’hébreu. Tous les versets faisant mention de Ravila autre part dans la Bible font logiquement mention du fils de la branche de Cham.
Le troisième fils est Yovav (יוֹבָב) en hébreu et Yobab (᾿Ιωβάβ) en grec. Un roi d’Edom portera le même nom, ce qui fait qu’il y a des occurrences de son nom dans la Bible. Mais il n’y a rien sur lui précisément. Nous ne savons pas ce qu’il a fait ni où il a vécu.
La Torah nous donne néanmoins une indication de nature géographique au verset 30 : ils se sont installés entre Mesha et Sephar. Le problème de ces deux endroits est qu’ils nous sont aujourd’hui inconnus. Meshar peut être selon les spéculations Messène, la ville antique de Grèce connue pour ses murailles ou un lieu noté Mashu dans les inscriptions assyriennes à notre disposition. Sephar est vu par beaucoup par le lieu nommé Qafar présent en actuelle Arabie saoudite. Puis la Torah conclut pour les fils de Sem comme elle a conclu pour les fils de Japhet et de Cham : chacun était divisé selon sa langue, sa famille, sa nation.
Conclusion
Et le chapitre se conclut sur ce nouveau portrait de l’humanité après le déluge.
En hébreu on a 70 noms et en grec on en a 72. Les évangiles, alignés avec le grec de la LXX sont à l’unisson de cela. 72 ici va représenter toute l’humanité. C’est pour cela que Jésus va envoyer 72 disciples pour répandre son enseignement, au chapitre 10 de l’Evangile de Luc. Le but est de peupler la terre avec des disciples du Christ.
Voilà pour ce chapitre qui aura pu sembler un peu fastidieux. Si Dieu nous a donné ce tableau d’ensemble, c’est qu’il n’est pas inutile. Il permet de situer qui vient de qui, et où réside untel ou untel. Le but ici est de nous montrer quels sont ceux qui sont touchés par la malédiction que Noé a lancé dans le chapitre précédent. Et on verra dans les livres bibliques suivants que les descendants de Canaan vont être poursuivis de la colère divine pour leur extrême désobéissance. Qu’il n’en soit pas de même pour nous. Je vous donne rendez-vous pour le prochain cours sur la Genèse, qui traitera du chapitre 11 et donc principalement de la tour de Babel.