Le concile de Nicée : les 20 canons du concile
Le premier concile oecuménique
Canon 1
Texte : « Si quelqu’un a été mutilé par les médecins durant une maladie, ou bien par les barbares, qu’il reste dans le clergé ; mais si quelqu’un étant en bonne santé s’est mutilé lui-même, qu’on l’exclue du clergé dont il fait partie et à l’avenir on ne devra pas ordonner celui qui aura agi ainsi. Mais comme il est évident que ce qui vient d’être dit ne regardent que ceux qui ont agi avec intention et qui ont eux-mêmes voulu se mutiler, ceux qui l’auront été ou par les barbares ou par leur maître pourront, conformément au canon, rester dans la cléricature, s’ils en sont dignes par ailleurs ».
Commentaire : Le cas d’Origène est le plus connu des cas d’auto-mutilation, mais il n’est pas le seul. Avant tout, de quoi s’agit-il pour ceux qui ne connaissent pas cette particularité d’Origène. Ce grand théologien d’Alexandrie, qui vécut au troisième siècle, pour contenir les assauts de la chair et obéir à une vision très stricte de la chasteté, avait conçu de se faire castrer et ceci avait été réalisé par un médecin d’Alexandrie. Athanase, Socrate et Théodoret racontent que Léontius, un phrygien, évêque arien, vivait à Antioche avec une concubine. Pour ne pas se séparer d’elle et qu’elle ne le quitte, il s’était également mutilé de la sorte. Plus tard, l’empereur Constance fit de Léontius l’évêque d’Antioche et il fut l’un des adversaires les plus acharnés d’Athanase dans toute la phase d’après Nicée. On notera au passage que ceci reprend les canons apostoliques 21 à 24, qui traitent des eunuques par mutilation ou par auto-mutilation.
Canon 2
Texte : « Soit par nécessité, soit à cause des instances de quelques personnes, plusieurs choses contraires à la règle ecclésiastique se sont produites ; ainsi, on a accordé le bain spirituel et avec le baptême la dignité épiscopale ou sacerdotale à des hommes qui avaient à peine passé de la vie païenne à la foi, et qui n’avaient été instruits que très peu de temps ; il est juste qu’à l’avenir on n’agisse plus ainsi, car il faut du temps au catéchumène (en vue du baptême) et après le baptême une plus longue épreuve (en vue des ordres). Elle est sage la parole de l’Apôtre disant que l’évêque ne soit pas néophyte, de peur que par orgueil il ne tombe dans le jugement et dans le piège du démon. Si dans la suite un clerc se rend coupable d’une faute grave, constatée par deux ou trois témoins, il doit cesser d’appartenir au clergé. Celui qui agit contre cette ordonnance et qui se montre désobéissant à l’égard de ce grand concile est en danger de perdre sa cléricature »
Commentaire : Ce canon fait écho au canon 80 des apôtres : « Celui qui est venu à l’Église de la gentilité et fut baptisé ou bien celui qui fit retour d’une conduite dépravée, il n’est pas juste de le promouvoir sur-le-champ à l’épiscopat; il est en effet injuste que se fasse maître des autres celui qui n’a point fait ses preuves; à moins que cela n’arrive par une grâce divine. ».
Ce canon est plein de bon sens : il faut s’assurer que le contenu le plus profond de la foi orthodoxe soit connu avant de passer par le baptême, dans le cas d’un adulte bien sûr. Et donc d’autant plus, il faudra que celui qui est destiné à la prêtrise ou à l’épiscopat ait démontré un certain nombres de charismes. On peut juger après pratiquement deux millénaires de l’importance de ce canon, puisque nous constatons que la majorité des personnes portant soi-disant le titre d’évêque n’en sont pas dignes à cause de leurs multiples violations canoniques sur l’œcuménisme, le modernisme ou le sergianisme. Inutile d’en rajouter pour tous les prêtres qui sont en communion avec ces évêques et qui, chaque année, prient avec les hérétiques dans des cercles œcuméniques abominables au ciel.
Un dernier détail amusant : il est un exemple historique où l’on sait où ce canon n’a pas été respecté, pour l’élection de Saint Ambroise de Milan. Son élection épiscopale a été très très rapide, puisqu’au moment où la foule exige qu’il devienne évêque, il n’est même pas encore baptisé. C’est pourquoi le canon apostolique avait ajouté très sagement une mention de la grâce divine.
Canon 3
Texte : « Le grand concile a défendu absolument aux évêques, aux prêtres et aux diacres, et en un mot à tous les membres du clergé, d’avoir avec eux une sœur-compagne, à moins que ce ne fût une mère, une sœur, une tante, ou enfin les seules personnes qui échappent à tout soupçon. »
Commentaire : Il convient de bien comprendre ce canon, non pas comme une interdiction du mariage, mais d’une pratique qui fut une occasion de chute pour certains : une sorte de mariage spirituel que certains réussissaient à conjuguer avec une cohabitation tout à fait chaste. Certains réussissaient à ne pas succomber, mais tout le monde n’avait pas cette force. Le terme grec, dans le texte du canon, pour ces compagnes-concubine très particulière est συνεισακτοι, qui a donné beaucoup de débat chez les linguistes. En tout cas, le concile tranche de façon protectrice : le canon interdit à tous de réitérer cette expérience qui ne fut positive que pour une toute petite minorité de personnes aux passions maitrisées.
Certains, surtout dans les milieux catholiques romains ont vu dans ce canon un équivalent d’un canon du concile d’Elvire légiférant pour le célibat du clergé. Pourtant, Paphnuce, célèbre évêque égyptien de ce temps, fit la déclaration suivante, lors de la discussion sur ce même sujet au conseil, afin que justement aucun canon équivalent à Elvire ne fut édicté : « on ne doit pas imposer aux clercs un joug trop rude, car le mariage et les rapports des époux dans le mariage sont par eux-mêmes quelque chose de digne et sans tâche ; il ne faut pas nuire à l’Eglise par une sévérité outrée, car tous ne peuvent pas également vivre dans une continence absolue ; de cette manière (en n’édictant pas un tel canon) on gardera bien mieux la vertu de la femme ». On voit ici l’acuité pastorale de cet évêque, car lui-même était absolument continent et n’avait rien connu d’autre que les rigueurs des monastères d’ascètes égyptiens. Paphnuce avait une telle stature dans l’Eglise, de par son parcours sous les persécutions romaines, que le débat fut clos immédiatement. Il est probable que cette discussion fut ouverte par Osius, qui avait été présent au concile d’Elvire. La pratique orthodoxe sera la suivante : l’homme marié ordonné doit rester vivre avec son épouse et sous aucun prétexte la renvoyer pour des motifs de recherche de piété. Par contre, s’il est ordonné avant le mariage, il doit rester célibataire. Le prêtre marié qui se retrouve veuf, ne peut pas se remarier. Au septième siècle, l’Eglise légiféra de façon absolue sur le célibat des évêques. L’évêque ne pouvait pas être marié, même si l’Eglise primitive donne des exemples d’évêques mariés.
Canon 4
Texte : « L’évêque doit être avant tout choisi par tous ceux de la province; mais si une nécessité urgente ou la longueur de la route s’y opposait, trois évêques absolument doivent se réunir et procéder à la chirotonie (sacre épiscopal), munis du consentement écrit des absents. La confirmation de ce qui s’est fait revient de droit dans chaque province à l’évêque métropolitain. »
Commentaire : Ce canon va nous aider à retracer la trajectoire historique des évêques. Au tout début de la prédication apostolique, les apôtres choisissaient eux-mêmes les évêques. Puis, comme le témoigne Saint Clément de Rome, ce sont les disciples des apôtres qui procédèrent à ces choix, sur lesquels la communauté avait également un assentiment à donner. Ceux que ces considérations historiques intéressent trouveront tout ceci dans l’épître de Clément aux Corinthiens. Mais après la disparition des apôtres et de la première génération apostolique, il fallu recourir à une autre pratique, car plus personne n’était muni d’une autorité suffisante. Saint Cyprien de Carthage témoigne de cette évolution et de comment l’Eglise s’est adaptée. Il écrit « dans presque toutes les provinces les choses se passent de la manière suivante : les évêques de la province les plus proches se réunissent dans la ville dont le siège est vacant. L’évêque est élu en présence du peuple ; il faut que le peuple assiste à l’élection et connaisse pleinement la vie de l’individu. La dignité épiscopale est alors conférée avec la fraternitas de tous, via le vote et avec validation des évêques. ». Ce concept de fraternitas regroupe le peuple et le clergé du lieu. En résumé, le peuple et le clergé s’entendent sur un candidat, votent et les évêques procèdent au sacre. Ce que le concile de Nicée vient ici préciser, est qu’il faut non pas un seul évêque d’une province voisine pour procéder au sacre, mais bien trois. Le cadre le plus important de ce canon est finalement de reconnaître la division métropolitaine dans le cas de la nomination et ordination des évêques.
C’est probablement Mélétius qui est à l’origine de ce canon. Non pas lui personnellement, mais il s’agit d’une réponse à ses funestes actions. On se souvient comment il avait, seul, procédé à des ordinations épiscopales dans une province voisine, sans l’approbation de l’évêque métropolitain d’Alexandrie, et avait provoqué un schisme. Ce canon poursuit également l’idée déjà initiée par les apôtres dans leur tout premier canon demandant à ce qu’un évêque ne soit sacré que par deux ou trois évêques.
Un des dangers de ce canon est d’exclure totalement le peuple des élections épiscopales, car le canon ne mentionne pas l’usage rappelé par Saint Cyprien, sur l’importance du peuple dans ce procédé.
Canon 5
Texte : « Pour ce qui est des excommuniés clercs ou laïcs, la sentence portée par les évêques de chaque province doit avoir force de loi, conformément à la règle prescrivant que celui qui a été excommunié par l’un ne doit pas être admis par les autres. Il faut cependant s’assurer que l’évêque n’a pas porté cette sentence d’excommunication par étroitesse d’esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment de haine. Afin qu’un tel examen puisse avoir lieu, il a paru bon d’ordonner que dans chaque province on tint deux fois par an un synode, afin que tous les évêques de la province étant réunis, on fasse toutes les enquêtes nécessaires; ainsi ceux qui de l’avis commun auraient désobéi à leur évêque seront justement considérés par tous comme excommuniés, jusqu’à ce qu’il plaise à l’assemblée des évêques d’adoucir leur sentence. Ces conciles devront se tenir l’un avant le quarantième jour pour que, ayant éloigné tout sentiment pusillanime, l’on puisse présenter à Dieu une offrande pure, et le second pendant l’automne. »
Commentaire : Ce qui a été fait par un évêque ne peut être défait par un autre. Le sujet est ici l’excommunication des clercs et des laïcs. On voit que ce canon, dans la foulée du précédent, positionne le synode local ou provincial comme instance de gouvernement de l’Eglise, et prescrit déjà un des sujets qui devra y être traité. Un canon apostolique gérait déjà ce cas : « Si un clerc ou un laïc excommunié ou exclu de l’Église, s’en va dans un autre diocèse et y est reçu quoique n’ayant point de lettres testimoniales, que soient excommuniés celui qui a reçu comme celui qui fut reçu. » (Canon apostolique 12). Le concile de Nicée introduit donc un usage synodal dans le suivi de ces excommunications.
Canon 6
Texte : « Que l’ancienne coutume en usage en Égypte, dans la Libye et la Pentapole soit maintenue, c’est-à-dire que l’évêque d’Alexandrie conserve la juridiction sur toutes ces provinces, car il y a le même usage pour l’évêque de Rome. On doit de même conserver aux Églises d’Antioche et des autres diocèses leurs anciens droits.
Commentaire : Il est bien évident que si quelqu’un est devenu évêque sans l’approbation du métropolitain, le concile décide qu’un tel n’est même pas évêque. D’autre part, l’élection ayant été faite par tous avec discernement et d’une manière conforme aux règles de l’Église, si deux ou trois font de l’opposition par pur esprit de contradiction, la majorité l’emportera. »
Ce canon scelle dans le marbre la juridiction métropolitaine particulière de l’évêque d’Alexandrie. Contrairement aux autres métropolites, l’évêque d’Alexandrie a plusieurs provinces sous son autorité : Egypte, Lybie, Cyrénaïque (encore appelée Pentapole), Thébaïde (Haute Egypte). En fait, à cette époque, le titre de patriarche n’existe pas encore, mais le but de ce canon est d’expliquer, sans le nommer, le rôle de patriarche d’Alexandrie, qui est archevêque d’Alexandrie, et ayant autorité sur les métropolites de ce diocèse particulier. Il y avait ainsi un métropolite en Lybie, un métropolite pour la Thébaïde et un pour la Pentapole. Il semble que le titre de patriarche apparaisse au concile de Chalcédoine, en 451. Le canon stipule, sans l’organiser directement, que les évêques de Rome et d’Antioche sont également dans des positions de type patriarches. Nous verrons ceci dans certains canons à suivre. On notera que ce simple canon détruit toute prétention à la juridiction universelle de l’évêque de Rome et institue de fait le système qui sera connu plus tard sous le nom de Pentarchie. Les commentateurs byzantins Zonaras et Balsamon voient d’ailleurs dans ce canon la confirmation de l’autorité du patriarche de Rome sur tout l’occident. C’est énorme, mais non universel. C’est l’empereur Justinien qui officialise ce découpage pentarchique dans une de ses lettres, quelques décennies plus tard.
Canon 7
Texte : « Comme la coutume et l’ancienne tradition portent que l’évêque d’Aelia doit être honoré, qu’il obtienne la préséance d’honneur, sans préjudice cependant de l’autorité qui revient à la métropole. »
Commentaire : Aelia est le nom de Jérusalem dans l’organisation romaine. On parle donc ici de l’évêque de Jérusalem. En 70 la destruction de la ville n’avait pas concerné que le Temple, mais bien l’ensemble de la cité. Titus avait fait détruire jusqu’aux fondations les plus grands édifices civils de Jérusalem. Il avait laissé quelques vestiges pour montrer l’ampleur de sa victoire et de son emprise. Si quelques juifs et chrétiens étaient venus la repeupler de façon anecdotique dans des tentes de fortunes ensuite, ce n’est qu’à partir de l’empereur Hadrien que la ville commença à être reconstruite, en l’an 122. C’est lui qui renomme la ville Aelia Capitolina, et il fait venir des colons, mais interdit formellement aux juifs toute présence dans la ville. Jusqu’au concile de Nicée de 325 (jusqu’en 313 si l’on veut être précis, avec l’édit de Milan), il faut se souvenir que l’Eglise fut persécutée, et qu’humilier Jérusalem, c’était pour les romains faire d’une pierre deux coups : humilier les juifs et humilier les chrétiens. Jérusalem avait donc toujours été développée de façon à n’avoir rien de commun avec avant 70. La ville de Césarée était beaucoup plus importante. Il était donc logique dans l’organisation diocésaine et administrative de l’Eglise, calquée sur celle de l’empire, que l’évêque d’Aelia, l’évêque de Jérusalem donc, soit moins importants que celui de Césarée.
Ce canon 7 vient donc ici valider l’organisation ecclésiastique calquée sur l’organisation administrative de l’empire, en faisant de Jérusalem une exception notable. Ceci est un formidable contre-argument à la papauté : Rome avait obtenu sa position première non pas à cause des martyrs de Saint Pierre et de Saint Paul, mais bien en qualité de capitale de l’empire romain. Le canon suivant sera aussi un formidable contre-argument. Les chrétiens eux-mêmes avaient toujours considérés Jérusalem comme une notable exception à l’organisation métropolitaine et diocésaine de l’Eglise. Ainsi, Eusèbe de Césarée rapporte dans un écrit « Dans un concile tenu au sujet des discussions sur la fête de Pâques au temps du Pape Victor, Théophile de Césarée et Narcisse de Jérusalem ont exercé la présidence ». On observe ensuite tout au long de l’histoire une lente ascension de Jérusalem aux dépends de Césarée, mais ceci est une autre question.
Canon 8
Texte : « Au sujet des clercs de ceux qui s’appellent eux-mêmes les cathares le grand concile décide, si jamais ils veulent entrer en groupe dans l’Église catholique et apostolique, qu’on leur impose les mains, et qu’ils restent ensuite dans le clergé; mais avant tout ils promettront par écrit de se soumettre aux règles disciplinaires de l’Église catholique et apostolique, et d’y conformer leur conduite, c’est à dire qu’ils devront communier avec ceux qui se sont mariés en secondes noces et avec ceux qui ont failli pendant la persécution, mais font pénitence de leurs fautes; pour lesquels on a justement établi un temps d’épreuve et on en a fixé la modalité, afin qu’ils puissent être admis à toutes les pratiques de l’Église catholique et apostolique. Par conséquent, lorsque dans les villages et dans les villes il ne se trouve que des clercs de leur parti, ceux-ci gardent leur rang; mais si un prêtre ou un évêque catholique se trouvait là pour recevoir l’un ou l’autre d’entre eux, il est évident que l’évêque de l’Église catholique conservera la dignité épiscopale, tandis que celui qui a été décoré du titre d’évêque par les cathares n’aura droit qu’aux honneurs réservés aux prêtres, à moins que l’évêque ne trouve bon de le laisser jouir de l’honneur du titre; s’il ne le veut pas, qu’il lui donne une place de chorévêque ou de prêtre, afin qu’il paraisse faire réellement partie du clergé, sans qu’il y ait deux évêques dans une ville. »
Commentaire : Les cathares dont il est question ici sont les novatiens, et bien évidemment pas les cathares qui subirent les foudres de l’inquisition plusieurs plus tard, en occident. Cathare signifie « pur ». Les novatiens, très rigoureux, voulaient exclure à perpétuité de l’Eglise tous ceux qui avaient faibli durant les dernières persécutions, avant que la liberté religieuse ne soit octroyée par l’empereur Constantin. Les novatiens apparaissent historiquement à l’époque de la persécution de Dèce, au milieu du 3ème siècle donc, et tirent leur nom d’un prêtre romain, Novatien, qui accusa son évêque, Cécilien, une fois la persécution terminée, d’être trop doux en acceptant la pénitence des lapsi, du nom de ceux qui avaient flanchés et qui se repentaient de cette faiblesse. Novatien fut un temps pressenti pour être évêque de Rome mais ce fut Corneille qui fut élu en 251. Ceci causa un schisme car Novatien se fit élire évêque par trois évêques convaincus de ses positions et il se proclama évêque de Rome en parallèle à Corneille. Son point de doctrine principal était que l’apostasie était un péché irrémissible. Ses partisans se nommèrent les kataroi, les purs, en opposition avec une église véritable qu’ils voyaient comme corrompue et déchue de la grâce. Leur doctrine se durcit ensuite en considérant que tout péché commis après le baptême ne pouvait être pardonné. La confession devenait alors une sélection entre ceux qui étaient exclus de l’Eglise selon la nature du péché, et ceux qui étaient admis dans un état permanent d’excommunication pénitentielle (ils n’étaient pas formellement exclus de l’Eglise novatienne mais privés à tout jamais de communion). L’Eglise, la vraie, n’était pourtant pas ce qu’on peut appeler laxiste : tout péché grave ne permettait de rentrer en pénitence qu’une seule fois. Un deuxième péché grave vous excluait de l’Eglise pour toujours. Montanistes et Novatiens s’influencèrent mutuellement, et les novatiens adoptèrent les vues montanistes contre les secondes noces.
Le canon ici doit se comprendre sur le fait que les novatiens étaient au final schismatiques mais pas formellement hérétiques concernant les points fondamentaux de la foi chrétienne. Leur doctrine de la grâce était déficiente, mais cela n’est pas pour autant une hérésie fondamentale comme l’arianisme. Cela eut été absurde pour l’Eglise de reconnaître les faiblesses humaines, mais pas celles de ceux qui ne reconnaissent pas les faiblesses humaines. Il est donc logique que les novatiens puissent revenir dans l’Eglise. Pour l’anecdote, le schisme novatien perdura jusqu’au 5ème siècle. Au concile de Nicée l’évêque novatien du lieu, l’évêque Acesius fut convoqué par l‘empereur comme représentant des novatiens, et Sozomène l’historien de l’Eglise rapporte qu’il avait été traité avec beaucoup d’égards.
On notera dans la finale du canon, une précision importante, qui n’a pas de canon en propre, tant la chose est logique : il n’y a qu’un évêque par diocèse. La définition du diocèse est la découpe administrative où siège un évêque. Nous sommes donc ici au niveau de la tautologie. Il n’y a qu’un évêque par diocèse.
Ceci m’amène à faire une digression sur l’état actuel de l’orthodoxie en occident. Autant, dans les patriarcats historiques orthodoxes, cette organisation est respectée, autant en occident les orthodoxes sont soumis à un autre système. En France, vous avez l’AEOF, l’assemblée des évêques orthodoxes en France. L’AEOF fonctionne beaucoup moins bien depuis l’affaire ukrainienne de 2018 et la guéguerre entre Constantinople et Moscou. Mais le principe de l’AEOF reste inchangé. Vous avez dans cette organisation différents évêques mais dont les diocèses se superposent de fait. L’évêque bulgare s’occupe sur toute la France des paroisses bulgares. De même pour le roumain, le grec, le serbe, etc. La logique de Nicée voudrait qu’il y ait un découpage diocésain normal : l’évêque serbe par exemple aurait la région sud-ouest, et s’occuperait de tous les orthodoxes dans cette région, fussent-ils bulgares, roumains, grecs ou français. L’évêque grec aurait une autre région, et ainsi de suite. Mais alors pourquoi l’orthodoxie française n’est-elle pas organisée de la sorte ? A cause de l’œcuménisme et des accords de Balamand. Ces accords, signés en 1993 au Liban, entre les orthodoxes et les catholiques romains stipulent que : les catholiques romains doivent cesser l’uniatisme, c’est-à-dire de convertir des orthodoxes dans les territoires aujourd’hui culturellement orthodoxes. De façon réciproque, les orthodoxes ne doivent pas faire de mission dans les pays culturellement catholiques romains. Chacun va simplement s’occuper de ses minorités à l’intérieur du territoire de l’autre, mais ces minorités ne doivent pas s’étendre. Ainsi les catholiques vont pouvoir gérer les petites minorités dans les pays orthodoxes, et les orthodoxes vont faire de même en occident. La particularité côté orthodoxes, est qu’il y a plusieurs minorités, en fonction des nationalités. C’est pourquoi les russes s’occupent des russes issus de l’immigration russe, les roumains s’occupent des roumains issus de l’immigration roumaine, etc. Chacun s’occupe ethniquement de sa diaspora. La cessation de la mission a été faite sur l’autel de l’œcuménisme, puisque le dialogue pour pouvoir avoir lieu dans de bonnes conditions doit se dérouler sans que l’autre se sente agressé. Vous voyez comment catholiques romains et orthodoxes se partagent les gens comme on partage un gâteau. Il n’y a pas d’expression profonde de la foi ici. Un orthodoxe devrait considérer le catholicisme romain comme une hérésie et chercher à faire de la mission en France et dans tous les pays catholiques romains. C’est un commandement du Christ : nous devons faire des disciples. Si on ne fait pas de mission, on désobéit au Christ ou bien on considère qu’au final, catholicisme romain et orthodoxie sont équivalents en terme de salut. Et c’est cela le fond de cette fausse orthodoxie œcuméniste, relativiste et moderniste. Elle mérite donc d’être appelée fausse. Elle s‘aveugle sur elle-même en se croyant Nicéenne parce qu’elle confesse un Christ homoousios au Père. Mais être Nicéen ce n’est pas que cela. L’orthodoxie c’est un bloc. Ce n’est pas quelque chose dans lequel nous picorons pour choisir ce qui nous plait. Être orthodoxe c’est considérer le Fils homoousios au Père et fonctionner avec un évêque par diocèse. Les gens en communion avec l’AEOF ne sont pas nicéens. Pas pleinement. CQFD.
Canon 9
Texte : « Si quelques-uns ont été sans enquête élevés à la prêtrise, ou si au cours de l’enquête ils ont avoué leurs fautes et malgré cet aveu des hommes désobéissant au canon leur ont imposé les mains, le canon n’admet pas de tels sujets dans le clergé; car l’Église catholique exige d’être irrépréhensible. »
Commentaire : Les fautes dont il s’agit ici, sans qu’elles soient mentionnées sont l’hérésie, l’idolâtrie, ou les interdits sexuels (homosexualité, adultère, etc). Si ce canon semble marqué au coin de l’évidence, il faut le contextualiser et voir la profonde sagesse qui en émane. Depuis peu le christianisme est légal. L’empereur est lui-même très favorable au christianisme. Ainsi, en quelques années il y a un retournement complet. Le christianisme est devenu quelque chose de positif, enviable, utile, alors qu’il y a peu il était ce qu’il ne fallait surtout pas être (dans une optique mondaine bien entendu). Ainsi, tout naturellement, si avant ce retournement, on ne pouvait douter de la sincérité des chrétiens, à partir de maintenant dans l’Eglise se côtoieront les chrétiens sincères et les chrétiens opportunistes. Il est probable que cette rencontre a été pour beaucoup dans l’émergence du monachisme, derrière des Saint Antoine le Grand. Les vrais chrétiens ne supportant pas ces nouveaux chrétiens se sont réfugiés au désert. Le prêtre est devenu une place enviable. Il était donc normal qu’apparaissent des canons pour durcir les modalités d’accession à la prêtrise et à l’épiscopat.
Canon 10
Texte : « Les lapsi qui auront été ordonnés, soit que ceux qui les ont ordonnés aient ignoré leur chute, soit qu’ils l’aient négligée, ne sauraient réclamer d’une prescription en faveur de leur appartenance au clergé; ils seront déposés dès qu’on aura connu leur faute. »
Commentaire : Ce canon est dans la logique du précédent. On durcit les conditions d’accès au clergé. Être lapsi n’était pas impardonnable. Mais c’était néanmoins grave d’avoir apostasié. La figure du prêtre et de l’évêque se devant d’être exemplaire, il devenait logique que les lapsi ne puissent accéder à des fonctions dans le clergé. Le concile de Nicée considère donc qu’être lapsi est quelque chose qu’on peut dépasser par la pénitence. Mais cette pénitence une fois accomplie ne permet pas pour autant d’être dans le clergé. Celui-ci doit être irréprochable. Exemplaire. C’était déjà la position de Saint Cyprien de Carthage, dans sa lettre LXVII : accueillir les lapsi repentants dans l’Eglise, mais leur interdire la cléricature et le sacerdoce.
Canon 11
Texte : « Quant à ceux qui ont failli pendant la tyrannie de Licinius sans y être poussés par la nécessité ou par la confiscation de leurs biens ou par un danger ou rien de pareil, le concile décide qu’on les traitera avec ménagement, quoique, à la vérité, ils ne s’en soient pas montrés dignes. Ceux d’entre eux qui sont véritablement repentants et qui sont déjà baptisés, feront pénitence pendant trois ans parmi les audientes, et sept ans avec les substrati; et les deux années suivantes ils participeront avec le peuple fidèle aux prières, sans prendre part à l’offrande. »
Commentaire : J’ai parlé auparavant de Licinius. L’ultime grande persécution anti-chrétienne est connue sous le nom de persécution de Dioclétien. Licinius était le responsable de la persécution dans la partie orientale de l’empire. Celle-ci avait pris fin temporairement lors de sa défaite contre Constantin et la publication de l’édit de Milan sur la tolérance religieuse en 313. Il avait eu une occasion de reprendre ses persécutions en se révoltant contre Constantin et en perdant cette fois définitivement en 323. Le zèle de Licinius dans la persécution avait fait chuter de nombreux chrétiens. Le canon veut distinguer ceux qui ont fléchi immédiatement et ceux qui n’ont abdiqué qu’après de longues et inhumaines tortures.
L’antiquité connaissait quatre degrés de pénitents en fonction de la gravité de leur faute.
- Le pleurant (flentes) : il reste à la porte de l’église avec de la cendre sur la tête.
- L’auditeur (audientes) : il peut entrer dans l’église pour assister à la liturgie de la parole, mais doit ressortir pour la liturgie eucharistique.
- Le prosterné (substrati) : il peut rester toute la liturgie à l’intérieur mais doit être en permanence à genoux
- Le connisant (consistentes) : il peut rester toute la liturgie, à l’intérieur, debout mais doit recevoir une imposition des mains à la fin de sa période de pénitence pour pouvoir à nouveau communier.
Si on applique le canon à ces catégories, un lapsi baptisé et repentant de la persécution de Licinius doit rester « audientes » trois années puis sept années en tant que « substrati ». On comprend enfin qu’il sera « consistentes » deux ans. Une pénitence graduelle d’en tout douze années.
Canon 12
Texte : « Ceux qui appelés par la grâce et obéissant au premier mouvement ont déposé leur ceinturon, mais qui ensuite semblables à des chiens sont revenus à leurs vomissements, au point que certains ont même donné de l’argent et des présents pour être réintégrés dans le service public, ceux-là devront rester trois ans parmi les audientes et dix ans parmi les substrati. Mais pour ces pénitents il faut avoir soin d’étudier leurs sentiments et leur genre de contrition; en effet, ceux d’entre eux qui avec crainte et des larmes accompagnées de soumission à la pénitence et de bonnes œuvres, montrent ainsi par des faits la sincérité d’un retour réel, après avoir accompli le temps de leur pénitence parmi les audientes, pourront être admis à prier avec les fidèles, et il dépend même de l’évêque de les traiter avec quelque plus d’indulgence. Quant à ceux qui supportent avec indifférence la pénitence imposée et pensent que cette sorte d’admission à l’Église suffit à leur retour, ceux-là seront tenus de faire tout le temps prescrit. »
Commentaire : Ce canon poursuit le précédent car le cas est ici celui des chrétiens qui sont retournés dans l’armée après l’avoir abandonnée pour être chrétien, justement à cause de cette persécution de Licinius. En effet, Licinius avait mis en place une cérémonie d’apostasie pour les chrétiens qui revenaient dans l’armée, avec une participation active à des sacrifices païens dans les camps militaires. Il ne s’agit donc pas d’un canon « anti militaire » mais bien d’un cas particulier, avec une pénitence adaptée plus dure pour ce cas spécial, probablement parce que les militaires participaient ensuite aux persécutions anti-chrétiennes. Licinius s’était positionné comme un champion du paganisme et il était donc particulièrement mal vu d’avoir participé à cette persécution de façon active. Mais cela n’était pas du domaine de l’impardonnable, bien évidemment.
La séquence de pénitence était donc de trois années comme « audientes » et dix années comme « substrati ». Comme il n’y a aucune mention du stade final (consistentes), on peut conjecturer que cela était laissé à la discrétion de l’évêque, ou qu’on appliquait par défaut les deux années du canon 11.
Canon 13
Texte : « On doit observer à l’égard des mourants l’antique et traditionnelle loi de ne pas priver du dernier et si nécessaire viatique celui qui est près de mourir. Si après avoir été dans un état désespéré et admis à la communion, il revient à la vie, il doit être placé parmi ceux qui ne participent qu’à la prière, jusqu’à l’accomplissement du temps fixé par ce grand concile œcuménique. En règle générale l’évêque doit donner l’eucharistie après enquête à toute personne qui, étant sur le point de mourir, la demande. »
Commentaire : Même si ce canon institue (ou plutôt confirme) un usage universel (celui de ne repousser personne qui serait à l’heure de la mort), il est probable qu’il faille le voir dans la logique en articulation avec les canons précédents. L’idée ici est de voir le cas particulier de quelqu’un qui est dans sa période de pénitence (pour avoir apostasié ou pour avoir carrément rejoint l’armée de Licinius) et qui va mourir avant d’avoir pu achever cette pénitence. Ainsi, tout excommunié provisoire qu’il soit, un mourant peut recevoir la communion s’il est sur son lit de mort. Et ensuite, si finalement il ne meurt pas, il doit demeurer dans un stade pénitentiel, et reprendre le décompte comme si rien ne s’était passé.
Canon 14
Texte : « Le saint et grand concile ordonne que les catéchumènes qui ont failli soient seulement audientes pendant trois ans; ils pourront après cela prier avec les autres catéchumènes. »
Commentaire : Le texte du canon ne permet pas de savoir de quelle faute il est question. Le fait de faillir pourrait tout aussi bien être dans la continuité de la persécution de Dioclétien et Licinius, que dans les autres chutes possibles pour un chrétien, les plus classiques étant les fautes charnelles. En tout cas, on voit que l’usage d’avoir le catéchumène n’assistant qu’à la liturgie de la parole était suivi avec rigueur dans l’antiquité. Les assidus à la liturgie connaissent cette phrase charnière, avant la grande entrée, le Cherubikon et le Credo « Que tous les catéchumènes se retirent. Catéchumènes, retirez-vous ! Que tous les catéchumènes se retirent. Qu’aucun catéchumène ne reste ». Ceci était très concret à cette époque. Les catéchumènes et les audientes sortaient donc et restaient dehors.
Canon 15
Texte : « Les troubles et les divisions nous ont fait juger bon d’abolir la coutume qui, contrairement au canon, s’est établie dans certains pays; en sorte qu’il est défendu aux évêques, aux prêtres et aux diacres de passer d’une ville à une autre. Si quelqu’un ose après le présent décret du saint et grand concile faire pareille chose ou s’y emploie, ses machinations seront frappées de nullité et il devra revenir dans l’église pour laquelle il avait été ordonné évêque, prêtre ou diacre. »
Commentaire : Ce canon est dans le prolongement des canons apostoliques 14 et 15. Le canon apostolique 14 concerne l’évêque : « l n’est pas permis à l’évêque d’abandonner son diocèse pour s’emparer d’un autre, même s’il est contraint par un grand nombre de personnes, à moins qu’il n’existe une raison plausible, qui le force de le faire, parce qu’il pourrait procurer un plus grand gain dans la vraie foi à son nouveau troupeau; cependant, ce n’est pas à lui d’en juger, mais à un grand nombre d’évêques, qui en décideront et l’en prieront. »
Le canon apostolique 15 concernait le prêtre spécifiquement : « Si un prêtre ou un diacre en général quelqu’un du clergé abandonne son diocèse et se rend en un autre, et s’étant complètement séparé du sien réside dans un autre diocèse contre l’avis de son évêque, nous ordonnons qu’il cesse toute fonction liturgique, surtout s’il refuse d’obéir au rappel de son évêque, persistant dans son désordre. Cependant il pourra y recevoir la communion comme les laïcs. ».
Il est donc très clair que l’usage de l’Eglise primitive était un évêque par diocèse, et l’évêque reste dans son diocèse. Le prêtre, est prêtre d’un évêque et officie où lui dit son évêque, dans les limites du diocèse.
Pourtant, on a constaté des écarts. Le fameux Eusèbe de Nicomédie était auparavant évêque de Béryte (nom qui évoluera en Beyrouth, capitale de l’actuel Liban). Eusèbe avait donc quitté le Beyrouth antique pour aller en actuelle Turquie, à Izmir pour rester dans la géographie moderne. Autre exemple : Eustathe, l’évêque d’Antioche était auparavant évêque dans une ville de Syrie, Béroé. Le concile de Nicée interdit donc une bonne fois pour toute ces translations. Au-delà du lien mystique qui doit exister entre l’évêque et son diocèse, on imagine aisément les conflits engendrés par les changements de siège. Malheureusement, ce canon ne fut pas plus observé que ceux des apôtres après le concile de Nicée. Il y eut tellement d’écarts que Saint Grégoire de Nazianze déclare même en 382 que la coutume a abrogé le canon.
Canon 16
Texte : « Les prêtres ou les diacres ou en général ceux du clergé qui audacieusement, sans considérer la crainte de Dieu et, ignorant la discipline ecclésiastique, abandonnent leur église, ne doivent en aucune façon être reçus dans une autre église; on doit les forcer de toutes manières à revenir dans leur diocèse, et s’ils s’y refusent, on doit les excommunier. Si quelqu’un ose, pour ainsi dire, voler un sujet qui appartient à un autre évêque, et s’il ose l’ordonner pour sa propre église sans la permission de l’évêque, au clergé duquel ce clerc appartient, l’ordination sera nulle. »
Commentaire : Ce canon prolonge en quelque sorte le précédent. Il a une double facette. Un diacre ou un prêtre ne doit pas chercher un autre évêque dans un autre diocèse. Et un évêque ne doit pas recevoir chez lui un clerc ayant été ordonné dans un autre diocèse par un autre évêque. Ceci n’est pas exactement le cadre du schisme mélétien, puisque Mélèce ordonnait des clercs dans des diocèses étrangers, et pas dans le sien pour les garder ensuite. Notons, pour l’anecdote, le cas fameux d’Origène, qui vécut avant que ce canon soit édicté, mais qui était sujet de Démétrius d’Alexandrie et qui fut ordonné prêtre en terre sainte par les évêques de Césarée et de Jérusalem. Origène n’était pas clerc à Alexandrie mais juste sujet et Démétrius fit grand bruit de cette ordination, mais pas seulement pour la dimension géographique, mais aussi et avant toute chose pour les auto mutilations d’Origène, qui devaient le rendre inapte au sacerdoce. Origène fut excommunié par Démétrius et ne put revenir à Alexandrie qu’après la mort de celui-ci. Autre cas de scandale dans l’Eglise, plus proche de notre canon, rapporté dans les documents du concile de Carthage : l’évêque Epigonius s’était plaint que l’évêque Julien ait élevé au diaconat un lecteur à lui. Le concile décida que le diacre fut considéré lecteur et renvoyé chez Epigonius.
Canon 17
Texte : « Comme plusieurs de ceux qui sont inscrits sur le rôle du clergé, remplis d’avance et d’esprit d’usure, oubliant la parole sacrée, qui dit : “Il n’a pas donné son argent à intérêt”, prêtent et exigent des centièmes, le saint et grand concile a jugé juste d’ordonner que si quelqu’un après la publication de ce décret prend des intérêts pour un prêt ou pour n’importe quel motif, ou bien retient la moitié du prêt, ou invente autre chose en vue de réaliser un gain honteux, il sera exclu du clergé et son nom rayé du typikon.»
Commentaire : La citation est du Psaume 14. Les Pères de l’Eglise ont été nombreux à lire dans l’AT une prohibition du prêt à intérêt. Tertullien pour réfuter Marcion ou Clément d’Alexandrie dans ses Stromates abordent ce sujet. Les empereurs romains ont plusieurs fois encadrés cette pratique qui entraîna souvent des excès. Certaines législations par exemple empêchaient les sénateurs romains de prêter au-delà d’un certain taux. Mais le prêt, dans le monde profane de cette époque ne fut jamais interdit en tant que tel. Le souci aussi est d’avoir des clercs ou des évêques, censés donner aux pauvres et qui se trouvaient dans la situation de leur prêter avec intérêt. Un canon apostolique déclare la même chose, et le concile d’Arles de 314 renouvelle cet interdit. Il ne faut pas beaucoup extrapoler pour imaginer que si ce genre de canon a dû être édicté, certains clercs et évêques se sont laissés aller à ce genre d’indignité.
Canon 18
Texte : « Il est venu à la connaissance du saint et grand concile que dans certains endroits et dans certaines villes les diacres distribuent l’eucharistie aux prêtres, ce qui est contraire au canon et à la coutume, de faire donner en communion le corps du Christ à ceux qui l’offrent en sacrifice par ceux qui ne peuvent l’offrir; il a été mandé également que certains diacres se communiaient même avant les évêques. Tout cela doit cesser; les diacres doivent se tenir dans les limites de leurs attributions, se souvenir qu’ils sont les serviteurs des évêques, et inférieurs aux prêtres. Ils ne doivent recevoir la communion qu’après les prêtres, ainsi que l’ordre l’exige, que ce soit un évêque ou un prêtre qui la leur distribue. Les diacres ne doivent pas non plus s’asseoir parmi les prêtres, cela est contre la règle et contre l’ordre. Si quelqu’un refuse d’obéir aux présentes prescriptions, il sera suspendu du diaconat. »
Commentaire : Le canon légifère ici avec un usage très ancien, et qui n’était pas forcément litigieux dans l’Eglise primitive. Le philosophe Justin Martyr, dans son apologie relate comment le diacre distribue les saints dons à tous. Les constitutions apostoliques précisent que l’évêque ou le prêtre distribuent le pain et le diacre s’occupe du calice. Les historiens estiment plausible que pendant la persécution de Dioclétien, l’absence d’évêque ou de prêtre pouvait avoir poussé quelques diacres à outrepasser leur fonction, afin de permettre la communion eucharistique. Il faut également se souvenir de la position éminente des diacres dans l’antiquité. Certains avaient une position particulière, et parfois plus d’influence que les prêtres, car en vue pour l’épiscopat. La conjonction des deux a peut-être occasionné quelques débordements. Le canon ici veut remettre de l’ordre et faire respecter l’usage que les apôtres ont voulu imposer. Concernant l’orgueil des diacres, tout ne fut pas réglé par un seul canon, car Saint Jérôme raconte « avoir vu à Rome un diacre qui avait pris sa place parmi les prêtres, et qui à table avait donné sa bénédiction aux prêtres ».
Canon 19
Texte : « À l’égard des paulianistes qui reviennent à l’Église catholique, une ordonnance fut édictée, portant qu’ils doivent absolument être rebaptisés. Si quelques-uns d’entre eux étaient auparavant membres de leur clergé, ils seront rebaptisés, puis ordonnés par l’évêque de l’Église catholique, à la condition toutefois qu’il aient eu une vie sans tache et irréprochable; mais si l’enquête montre qu’ils sont indignes, on doit les exclure du clergé. On agira de même à l’égard des diaconesses, et en général la même règle sera observée pour tous ceux qui sont inscrits sur les rôles du clergé. Nous mentionnâmes celles, qui chez les paulianistes sont inscrites comme diaconesses, parce qu’elles n’ont pas reçu d’imposition des mains et qu’elles doivent absolument être comptées parmi les laïcs. »
Commentaire : Le terme de paulianiste pourra surprendre celui qui ne connaîtrait pas la situation de l’Eglise au quatrième siècle. Il ne s’agit en rien de quoi que ce soit lié à l’apôtre Paul. L’autorité de cet apôtre n’a jamais été discutée. Au contraire, sachez que dans les textes des Pères, lorsque l’expression « l’apôtre » est employée, sans plus de détail, sans donner de nom, c’est toujours de Saint Paul dont il s’agit. Les paulianistes sont les disciples de Paul de Samosate. J’avais évoqué ce triste sire en introduction du concile de Nicée, car c’est un de ses prêtres, Lucien d’Antioche qui avait grandement influencé Arius. Il avait une théologie anti-trinitaire, mais il avait malheureusement été élu évêque d’Antioche en 260 puis déposé par un concile en 269. Le canon demande ici de baptiser, considérant donc le baptême paulianiste invalide, bien qu’étant réalisé avec l’invocation trinitaire. Saint Athanase explique dans un texte contre les ariens que l’invocation trinitaire n’est pas acceptée par l’Eglise car les termes de Fils et d’Esprit Saint étaient détournés de leur sens véritable. A l’unissons, le patriarche de Rome Innocent I : « ils ne baptisent pas au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Le concile d’Arles en 314, avait statué que le baptême des hérétiques était recevable s’il avait bien été fait au nom de la Trinité. Paul de Samosate était hostile à la Trinité, il ne faut donc pas voir ici une opposition artificielle entre Arles et Nicée.
Une fois que l’Eglise a considéré leur baptême invalide, il était donc normal que les ordinations soient également vues comme invalides. On notera l’intelligence pastorale voulant que le clerc paulianiste puisse être considéré dans sa position de clerc une fois réellement baptisé. Il devra bien évidemment repasser par une ordination sacerdotale, puisque tout était invalide pour lui. C’est sa droiture personnelle qui parle alors pour lui. Le fait qu’il ait manifesté le désir de venir dans l’Eglise véritable plaide évidemment pour lui.
Le passage sur les diaconesses est quelque peu ambigu. En effet, dans le contexte, il semble qu’il faille considérer qu’il s’agit du cas des diaconesses paulianistes. Les mentions des diaconesses était les suivantes dans l’antiquité. On parle d’une imposition des mains dans les constitutions apostoliques, et le concile de Chalcédoine parle bien d’une ordination. Le paradoxe est que ce canon semble considérer que les diaconesses paulianistes ne sont pas ordonnées et donc on doit évidemment les considérer comme des laïques. On ne comprend pas pourquoi le canon traite spécifiquement des diaconesses. Pourquoi ne pas mentionner les diacres, les lecteurs ? La solution vient peut-être du fait que les diaconesses n’étaient pas véritablement ordonnées, à la différence des clercs, mais recevaient une bénédiction. Les termes grecs utilisés dérivent χειροθονία, aussi bien dans ce canon que dans le canon 15 de Chalcedoine. Mais ceci est une hypothèse basée sur l’analyse du grec. Il faudrait alors comprendre la fin du canon ainsi : pour les diaconesses, puisqu’elles ne sont pas formellement ordonnées, mais simplement bénies pour une fonction, les diaconesses paulianistes doivent être considérées comme des laïques. Le canon n’invite pas vraiment à la continuation de la fonction de diaconesse en passant du paulianisme à l’Eglise véritable.
Canon 20
Texte : « Comme quelques-uns plient le genou le dimanche et aux jours du temps de la Pentecôte, le saint concile a décidé que, pour observer une règle uniforme dans tous les diocèses, tous adresseront leur prières à Dieu en restant debout. »
Commentaire : Le terme grec ici fait davantage référence à la période liturgique allant de Pâque à la Pentecôte, et non pas uniquement le jour de la Pentecôte. Saint Basile de Césarée parle ainsi des sept semaines de Pentecôte. Tertullien témoigne qu’à son temps les chrétiens répugnaient à plier le genou à cette période. Il explique très naturellement que cette attitude symbolisait la résurrection du Christ, et donc leur propre résurrection anticipée.