Le concile d’Antioche de 341

Cet exposé va couvrir la période qui sépare l’immédiat après concile de Nicée en 325 jusqu’à la tenue du concile d’Antioche en 341. Vous verrez que l’histoire de l’Eglise est une histoire tourmentée et qu’Athanase n’a pas eu une existence de tout repos sur cette période. Celle-ci nous enseigne également, si cela était nécessaire de le rappeler, que l’Eglise a eu ses pires adversaires à l’intérieur, et que lorsque vous voyez un évêque orthodoxe, vous êtes en droit de vous demander si vous ne voyez pas quelqu’un qui ne travaille qu’à son ambition personnelle et non à la construction du Royaume.

De Nicée 1 jusqu'au concile d'Antioche

Arius réhabilité - Athanase persécuté

Il serait naïf de croire que le concile de Nicée permit immédiatement d’en finir avec l’arianisme. Certes, l’empereur Constantin se fit l’ardent défenseur de la foi nicéenne. Il fit brûler tous les écrits d’Arius. Le simple terme « arien » comme partisan de cette doctrine fut interdit, et avoir chez soi les écrits d’Arius était passible de mort. Certes Constantin fit bannir également Théognis, évêque de Nicée, et le fameux Eusèbe de Nicomédie, reprochant en plus à ce dernier, d’avoir participé à la persécution de Licinius. Pourquoi Constantin fit-il bannir deux évêques ayant pourtant signés les décrets du concile de Nicée ? Et bien parce qu’une fois rentrés dans leurs diocèses, ils n’eurent de cesse d’attaquer les conclusions du concile. Ils reprochaient au fameux terme omoousios d’apporter des ambiguïtés, de susciter des problèmes doctrinaux. La condamnation ne tarda pas, car les deux furent expulsés en Gaule et remplacés dans les trois mois qui suivirent le concile de Nicée.

En 328, Alexandre d’Alexandrie mourut et c’est tout naturellement Athanase qui lui succéda sur le trône d’Alexandrie. Le plus grand adversaire de l’arianisme était sacré à l’endroit même où était née l’hérésie. Il ne faudrait pas croire que le parti arien était pour autant détruit. Constantia, sœur de Constantin et veuve de Licinius avait une foi arienne. Elle intercéda avec succès auprès de l’empereur Constantin qui s’adoucit sur le sujet. Arius put revenir d’exil. Eusèbe et Théognis regagnèrent leurs diocèses la même année, en 328. Pourquoi ce revirement de Constantin ? Il faut bien comprendre que l’empereur cherchait davantage la paix dans l’empire plutôt que d’incarner un champion de l’orthodoxie, plaçant la vérité au-dessus de tout, tel un Athanase d’Alexandrie. Eusèbe de Nicomédie, fin diplomate, défendit insidieusement sa doctrine partiellement arienne, en menant une lutte acharnée contre les omoousiens, les orthodoxes nicéens. Il proposa à l’empereur de réunir tout le monde sur une déclaration différente, sans ce mot omoousios, si clivant selon lui. Ayant en Athanase un adversaire acharné, il chercha à semer le doute sur son sacre épiscopal. Il est toujours savoureux de voir un évêque en violation canonique flagrante (je rappelle qu’il avait abandonné son siège de Beryth pour aller à Nicomédie) chercher des poux à un saint Athanase. Voyant qu’il avait à faire à trop forte partie, Eusèbe de Nicomédie s’attaqua à Eustathe d’Antioche, fervent partisan de l’omoousios. Eusthate avait par exemple durement attaqué Eusèbe de Césarée, soupçonné d’être arien, ou du moins crypto arien, car partisan d’un juste milieu entre Athanase et Arius, qu’ils voyaient comme deux extrémistes. Eusèbe de Nicomédie organisa un concile à Antioche, en 330, pour démêler la situation. Eustathe fut victime d’une cabale, et fût accusé d’avoir entretenu une relation avec une femme et de l’avoir mise enceinte. La cabale réussit et Eustathe se retrouve déposé et exilé en Illyrie (actuelle Albanie). Le patriarcat d’Antioche entra dans une période d’instabilité qui dura des décennies.

Eusèbe de Nicomédie se retourna de nouveau contre Athanase d’Alexandrie. Pour cela, il s’allia avec les mélétiens d’Egypte. Bien qu’orthodoxes sur la doctrine du Verbe à l’époque de Nicée, les mélétiens se donnèrent comme guide un certain Jean Arpach, qui contrairement à Mélèce, par haine d’Athanase préféra s’allier aux ariens, et les rallia sur leurs vues hérétiques. Eusèbe envoya ensuite une lettre menaçante à Athanase, demandant la réintégration d’Arius et son autorisation à la communion eucharistique. Athanase se rangea derrière les conclusions du concile de Nicée. Eusèbe adressa alors une lettre à l’empereur pour qu’Arius puisse être reçu à la communion. Constantin, gravement malade et affaibli à l’époque, demande à Arius de signer une profession de foi nicéenne. Arius rédigea un texte d’une grande fourberie, que nous possédons encore. Eusèbe plaidât pour Arius. Constantin, malade et abusé fit envoyer une lettre à Athanase, plaidant pour la réintégration d’Arius. L’évêque d’Alexandrie refusa la demande de l’empereur, justifiant qu’il est impossible pour l’Eglise, d’accepter les hérétiques à la communion. Constantin demanda donc qu’un concile auditionne Arius, pour tester son orthodoxie. Une cabale fut alors organisée contre Athanase, pour faciliter la réintégration d’Arius. Trois prêtres mélétiens l’accusèrent d’innovations liturgiques. L’accusation était subtile, car on accusait Athanase d’avoir introduit un linge liturgique particulier, mais surtout de financer sa fabrication avec un nouvel impôt, ce qui était un privilège impérial. Athanase se retrouva convoqué à Nicomédie pour s’expliquer sur ce point. On l’accusa en outre d’avoir dans son équipe le prêtre Macaire qui aurait brisé un calice des mélétiens. Enfin, Athanase fut accusé d’avoir donné beaucoup d’argent à un certain Philomène, accusé de haute trahison. Athanase fut retenu dans une sorte de semi-liberté, mais parvint à se disculper et revint à Alexandrie avec les honneurs impériaux. Ceci dura toutefois longtemps, puisque nous avons des lettres pascales de la main d’Athanase, écrites en 331 et 332, émanant de la résidence de l’empereur à Nicomédie.



Athanase déposé - mort d'Arius

Les adversaires d’Athanase passèrent alors au cran supérieur. Ils firent accuser l’archevêque d’Alexandrie de meurtre et de sorcellerie. Jean Arpach fit courir ce bruit, comme quoi Athanase aurait tué Arsénius, un évêque égyptien. Athanase dut à nouveau se dédouaner de cela. Il dut faire chercher le fameux Arsénius partout, qui fut finalement découvert dans un couvent. Les adversaires d’Athanase résolurent d’organiser un concile à Césarée en 334, mais Constantin le fit annuler. Celui-ci n’était pas dupe de toutes les manœuvres qui avaient lieu contre Athanase. L’empereur fit bâtir la grande basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem, et se fit amadouer par Eusèbe de Nicomédie qui lui susurrait à l’oreille d’accompagner le triomphe de la consécration du bâtiment, avec le triomphe de la paix retrouvée dans l’Eglise, au moyen d’un concile pour mettre les choses à plat. L’empereur consentit donc à la réunion du concile de Tyr en 335. Ce concile ressembla davantage à un traquenard anti Athanase qu’à un véritable concile. En effet, on invita principalement les eusébiens les plus influents et Athanase, afin de s’assurer de la victoire au nombre de votes. Le meilleur moyen de trouver quelqu’un coupable est évidemment de n’inviter que ceux qui pensent de cette façon. Eusèbe de Nicomédie utilisa la même ruse que celle qui lui avait permis de mettre à l’écart Eustathe d’Antioche. Il fit donc témoigner une femme qui accusa Athanase de viol à son encontre. Mais la chose fut tellement mal préparée que la femme ne put convaincre personne. Elle était incapable de décrire ni les lieux, ni les personnes. Le concile ressassa les anciennes accusations : meurtre d’Arsenius, main du cadavre utilisé pour de la sorcellerie. Un autre complot autour d’un certain Ischyras, un homme qui s’était fait prêtre tout seul dans la métropole d’Athanase et que celui-ci avait essayé d’empêcher de célébrer. On accusa Athanase d’avoir utilisé des méthodes très violentes à son encontre. Ceci était également faux, mais les eusébiens faisaient miroiter au dit Ischyras un poste d’évêque pour ses calomnies envers Athanase. Le concile de Tyr tournait en rond. Constantin y adressa même cette lettre, preuve que sa naïveté envers Eusèbe avait ses limites : « Je ne comprends rien à toutes les choses que vous avez décidées dans votre assemblée au milieu de tant d’orages et de troubles. Je crains que la vérité ne disparaisse parmi ces violences… Vous ne nierez pas que je sois un fidèle serviteur de Dieu, puisque c’est grâce au culte que je lui rends que la paix règne sur la terre et que son nom est béni même par les Barbares qui auparavant ignoraient la vérité. Ces Barbares devraient nous servir de modèles, car, par la crainte qu’ils ont de notre puissance, ils observent la loi de Dieu, tandis que nous, qui professons plutôt que nous n’observons la sainte foi de l’Eglise, on dirait que nous ne faisons jamais que les choses qu’inspirent la haine et la discorde et qui tendent à la ruine du genre humain. ». Athanase, pour faire pencher les votes en sa faveur avaient fait venir des évêques égyptiens dont le célèbre Paphnuce qui avait été présent à Nicée. Les évêques égyptiens écrivirent cette lettre qui nous est conservée, qui permet de comprendre l’ambiance générale au concile de Tyr : « De quel droit, écrivaient-ils, ces gens-là (les eusébiens) ont-ils réuni un concile contre nous ? De quel front peuvent-ils appeler concile cette réunion présidée par un comte ; où des appariteurs de justice étaient présents ; où, à la place des diacres de l’Eglise, on voyait des gens de police introduire et faire ranger les assistants, où le comte parlait pendant que les évêques se taisaient et se courbaient sous ses paroles; où ce qui plaisait au commun des évêques était empêché par le magistrat ? Il commandait et des soldats nous faisaient mouvoir… En somme, frères chéris, quelle espèce de concile était-ce là, où la mort et l’exil pouvaient être prononcés contre nous s’il avait plu à César?… S’ils avaient voulu juger en évêques, qu’avaient-ils besoin de comtes et de soldats et des lettres de convocation signées d’un empereur ? ». Le concile prit une telle tournure que l’intégrité physique d’Athanase et sa sécurité personnelle commençait à être en question. Ses partisans le firent partir en bateau pour le mettre en sécurité à Constantinople. Beaucoup d’évêques quittèrent le concile. Ne resta que Marcel d’Ancyre, qui livra une résistance héroïque dans ce traquenard. Athanase fut déposé, avec interdiction de revenir à Alexandrie. Les mélétiens furent admis à la communion de l’Eglise, et Ischyras fut nommé évêque. Une lettre fut adressée aux évêques égyptiens les sommant de rompre toute communion avec Athanase.

Arriva la dédicace du saint Sépulchre à Jérusalem. L’empereur convoqua les évêques qui quittèrent donc Tyr pour Jérusalem et y rejoignirent de nombreux autres déjà présents. De nouveaux réunis à Jérusalem, cette faction eusébienne entama un procès contre Marcel d’Ancyre, qui s’était battu pour Athanase, et qui avait publié un livre dénonçant les positions pro ariennes d’Eusèbe de Césarée. Cette réunion a pris le nom dans l’histoire de Concile de Jérusalem. Y fut décidée principalement la réintégration des ariens à la communion de l’Eglise orthodoxe. Nous sommes en 335. Athanase, à Constantinople, attendait le retour de l’empereur pour évoquer avec lui les infamies du concile de Tyr. En sa présence, il se plaint des irrégularités du concile. Ce point est intéressant, car nous avons ici un évêque qui demande au pouvoir séculier de regarder des choses relatives au domaine ecclésiastique. Nous avons ici une illustration de la symphonie byzantine qui se met en place. Mais attention, Athanase ne demande pas à Constantin de regarder la valeur théologique des choses, mais lui demandait la convocation d’un nouveau concile, davantage équilibré et qui ne soit pas aux mains des eusébiens. L’empereur organisa donc le concile de Constantinople de 335. Rien à voir avec le second concile œcuménique qui aura lieu aussi à Constantinople en 381. Une partie des évêques eusébiens, écœurés par le déroulement du concile de Tyr ne vinrent pas. Seuls vinrent les eusébiens les plus extrémistes. On notera pour la postérité qu’étaient présents les deux Eusèbes (Nicomédie et Césarée), ainsi que Theognis de Nicée. Les accompagnaient les évêques Maris, Patrophile, Ursaee et Valens. Probablement pendant la route de Jérusalem à Constantinople, ils imaginèrent une nouvelle calomnie contre Saint Athanase : on l’imagina coupable d’empêcher le transport annuel des blés d’Alexandrie à Constantinople. L’affaire du calice brisé et l’assassinat d’Arsénius furent abandonnées au profit de cette nouvelle accusation. Celle-ci fonctionna puisque Constantin, probablement pas dupe de la manœuvre un peu grossière, considéra néanmoins qu’il valait mieux exiler temporairement Athanase dans la partie occidentale de l’empire, afin que les esprits se calment. Il envoya donc le héros de Nicée à Trèves, capitale de la Gaule Belgique. D’après Sozomène, historien de l’Eglise, Constantin convainquit Athanase que cela était le seul moyen de rétablir la paix dans l’Eglise. Pour rééquilibrer, Constantin interdit que l’on élise un successeur à Athanase tant qu’il serait en Gaule. Athanase fut reçu à Trèves, de façon bienveillante par Constantin le jeune, le fils de l’empereur. Quant à Marcel d’Ancyre, il fut déposé lors de ce même concile. Le prétexte fut qu’il n’avait pas voulu se rendre à Jérusalem pour y voir le sacre du saint Sépulcre sous la direction d’Eusèbe de Césarée. Les eusébiens transformèrent cette attitude en affront envers l’empereur. Marcel fut renvoyé dans sa province de Galatie, et son ouvrage anti eusèbe fut frappé d’interdit. Il ne faudrait pas croire, via son attitude pro Athanase à Tyr que Marcel d’Ancyre était parfaitement orthodoxe. Saints Hilaire de Poitiers, Basile de Césarée et Jean Chrysostome le considèrent hérétique. D’après Hilaire, Athanase se serait aperçu de soucis dogmatiques et aurait rompu toute communion avec lui dès 349. Il semblerait que cela soit sa doctrine de l’engendrement éternel du Fils qui pose problème. Mais cela n’est pas le sujet de cet exposé. Athanase écarté, Eusèbe de Nicomédie voulu pousser jusqu’à faire communier Arius à Constantinople. Alexandre, évêque de Constantinople était un des évêques du concile de Nicée. Constantin exigea une confession de foi d’Arius. Celui-ci jura qu’Alexandre d’Alexandrie avait travesti ses positions et qu’il était parfaitement orthodoxe. Athanase, informé par des témoins rapporte qu’Arius déclara sous serment que la doctrine qui l’avait vu condamné dix ans plus tôt n’était pas sa doctrine. Constantin lui répondit « si ta foi est orthodoxe, tu as eu raison de jurer ; si elle est impie, que Dieu te juge à cause de tes serments ». Constantin donna alors l’ordre à l’évêque Alexandre de Constantinople de recevoir Arius à la communion. Eusèbe menaça Alexandre de déposition en cas de désobéissance. Le samedi, Alexandre entrant dans l’église où Arius devait communier le dimanche, pria de cette façon : « Seigneur, prenez ma vie, avant qu’Arius n’entre dans ce temple ; ou si vous voulez avoir pitié de votre Eglise, empêchez ce scandale, pour que l’hérésie n’entre pas avec Arius dans l’Eglise ». Le samedi soir, Arius, traversant la ville, ayant à sa suite un nombre important de partisans, fut pris d’un mal subit et violent au moment de soulager un besoin naturel pressant. Il y eut visiblement une rupture intestinale, ou une colique d’une extrême violence. Arius mourut donc ainsi, juste avant de communier. Sa mort et ses circonstances frappèrent évidemment les imaginations. Nombreux furent ceux qui virent un châtiment divin dans cette mort. C’est ainsi que l’Eglise le rapporte évidemment dans ses textes de synaxaires, et Constantin se rangea également à cette opinion. Athanase ajoute que cette mort entraîna la conversation de nombres d’ariens. Arius meurt en 336.





Mort de Constantin - Les eusébiens s'emparent d'Alexandrie

Les partisans d’Athanase se démenaient pour faire revenir leur champion à Alexandrie. Saint Antoine, le célèbre moine du désert égyptien envoya plusieurs lettres en ce sens à l’empereur. Mais Constantin était avant tout soucieux de la paix dans l’Eglise, et pas forcément de la pureté de sa doctrine. C’est pourquoi il envoya aussi en exil Jean Arpach, qu’il jugea trop insistant sur son ambition de monter sur le trône d’Alexandrie. En 337, Constantin tomba malade. Il se rendit dans la ville thermale de Hélénopolis, nommée ainsi en l’honneur de sa mère. Sentant la mort approcher il résolut de demander le baptême. Eusèbe rapporte qu’il avait sans cesse repoussé le moment, afin de le recevoir dans le Jourdain, mais les circonstances politiques l’en avaient empêché. En tout cas, Dieu en décida autrement. Plusieurs évêques vinrent assister à son baptême. Il était tombé malade peu après Pâques et mourut le jour même de la Pentecôte, à midi. Dans la patristique, Constantin est plutôt vu positivement, à part saint Jérôme. Constantin fut dur avec Athanase en l’exilant, mais en politique il a toujours privilégié la paix. On ne peut pas remettre son orthodoxie en doute, puisqu’il a toujours demandé aux différents acteurs de cette histoire de rester fidèles à Nicée. Arius et les deux Eusèbe lui ont menti tout le temps. Sa dernière décision impériale fut de rappeler Athanase d’exil, ce qui peut montrer quel était son état d’esprit.

Le testament de Constantin partageait l’empire de la façon suivante : Constantin, le fils ainé règnerait sur la Gaule, la Bretagne et l’Espagne ; Constance la partie orientale ; Constant l’Italie et l’Afrique ; enfin les deux neveux Dalmatius et Annibalianus reçurent la Thrace, la Macédoine, l’Illyrie et l’Achaïe pour le premier et le Pont ainsi que les pays limitrophes pour le second. Les deux neveux furent rapidement massacrés, probablement à l’initiative de Constance. Les trois fils se réunirent en Pannonie en 338 pour organiser entre eux la succession. Ce n’est qu’à ce moment précis que Constance officialisa la fin de l’exil d’Athanase, via un courrier que son père Constantin lui avait remis avant de mourir. Grégoire de Nazianze rapporte qu’Athanase arriva à Alexandrie en novembre 338 et fut accueilli par une liesse populaire immense, que seuls peuvent connaître les empereurs.

On ne sera pas surpris d’apprendre que les eusébiens virent dans la mort de l’empereur le moment idéal pour donner à l’Eglise une doctrine arienne, une bonne fois pour toute. Constantin avait toujours considéré Nicée comme son œuvre, et de son vivant il était impossible d’attaquer le concile, ni la doctrine orthodoxe qui en était issu. Au plus avaient-ils réussi à persuader Constantin, qu’Athanase était un ami des conflits et des divisions, un fanatique dangereux pour la paix de l’empire. Les historiens de l’Eglise rapportent unanimement, comment les partisans de l’arianisme gagnèrent la cour de l’empereur d’orient à leur cause. Les eusébiens firent déposer le patriarche Paul de Constantinople, et c’est le fameux Eusèbe de Nicomédie qui lui succéda sur le trône de Constantinople. Au même moment, toujours en 338 donc, Eusèbe de Césarée meurt. Il reste comme un grand historien de l’Eglise. Du point de vue théologique, les choses sont moins à son avantage. Il est déclaré hérétique par Athanase, Epiphane, Jérôme et Photius, ce qui suffit à prouver la chose. Le parti eusébien et arien attaque Athanase de tout bois. Ils reprennent les calomnies. Sozomène rapporte par exemple comment ils l’accusèrent d’être rentré sans fondement canonique, de bloquer de nouveau le blé égyptien en direction de Constantinople, d’infliger des sévices à la population qui lui serait hostile. Pourtant, l’évêque de Rome, Jules, avait réalisé une enquête en 338 pour vérifier les allégations des eusébiens. Toutes les conclusions avaient été en faveur d’Athanase : ce qui passait pour du vol de blé était des distributions aux pauvres qui ne mettaient pas du tout en danger Constantinople. Il n’y avait aucune persécution d’aucune sorte contre les eusébiens ou les ariens, à part l’excommunication bien sûr, et la population avait un amour et un respect immense pour son patriarche. Les eusébiens à Rome demandèrent un nouveau concile. L’évêque Jules acquiesça à leur demande. Athanase se rendit à Rome pour visiter l’évêque Jules. Les eusébiens manœuvrèrent en son absence pour faire nommer un certain Grégoire de Cappadoce à sa place. Le peuple d’Alexandrie réagit de manière violente. Les églises furent bloquées et envahies pour empêcher qu’elles ne soient saisies par les ariens. Tout ceci eut lieu pendant le carême de Pâques. Athanase rentré en hâte fut presque arrêté par le préfet de police égyptien qui avait organisé toute la manœuvre. Il parvint à s’enfuir in extrémis, 4 jours avant que Grégoire de Cappadoce n’arrive de sa région à Alexandrie, le Vendredi Saint. De nombreuses situations d’affrontements, de dégradations et voir même de profanations nous sont rapportés par les récits des historiens ecclésiastiques. Nombre de personnes, dont de nombreux nobles furent fouettés en public pour leur opposition à Grégoire. L’Eglise universelle est alors en émoi des événements d’Alexandrie. L’évêque de Rome en témoigne : « Athanase fut déposé à Antioche par les eusébiens; le Cappadocien fut, contre toutes les règles, sacré évêque et envoyé à Alexandrie avec une escorte militaire. ». Ces événements ont probablement eut lieu à la Pâques 339. L’allusion du Pape Jules à la ville d’Antioche nous indique, que les eusébiens se sont probablement réunis à Antioche pour fomenter tout cela. Mais cela n’a rien à voir, bien évidemment avec le concile d’Antioche qui va clore cet exposé.

Athanase trouve refuge à Rome - L'empire romain se scinde en deux

L’attitude d’une partie de la population d’Alexandrie peut être un formidable enseignement, pour les orthodoxes aujourd’hui tentés de rejoindre les paroisses de l’orthodoxie officielle, en attendant d’avoir des prêtres rattachés à un évêque véritablement orthodoxe. Ce peuple fidèle d’Alexandrie refusa toute communication avec Grégoire l’usurpateur. Il refusa tout secours spirituel prodigué par les ariens. Beaucoup restèrent sans baptême, les malades agonisaient sans prêtres. En effet Grégoire avait interdit aux orthodoxes d’exercer leurs fonctions. Fort du soutien du préfet de police, il étendit son emprise sur toute l’Egypte. Il exila les évêques récalcitrants. Il fit même flageller un martyr survivant de la persécution chrétienne de Licinius, qui mourut peu de temps après, des blessures reçues. Une lettre du Pape Jules aux eusébiens nous apprend tous les mauvais traitements et vexations qu’ont eu à subir les évêques, prêtres, moines et moniales orthodoxes qui ne se pliaient pas à l’autorité de Grégoire. La tante d’Athanase mourut et on ne lui donna pas de sépulture. Même Saint Antoine le Grand, le père des moines fut menacé physiquement. Athanase trouva refuge à Rome chez le Pape Jules.

En 340, Constantin le jeune, le fils du défunt empereur fut à son tour tué par ses deux frères qui se partagèrent ainsi l’empire : Constant héritait de la partie occidentale avec Rome pour capitale et Constance (Constantius en latin) hérita de la partie orientale avec Constantinople comme capitale. Constantin était le seul qui fut partisan d’Athanase. Constance est enclin à croire les accusations des eusébiens concernant le blé, et Constant devient quant à lui carrément arien. Parallèlement, Jules fit tenir à Rome un concile pour examiner les dépositions d’Athanase et de Marcel d’Ancyre. Très logiquement, le concile conclut à la non validité de leur déposition par le parti eusébien et les admit solennellement à la communion. Jules avait tout de même fait attendre Athanase 18 mois, que les eusébiens se présentent à ce concile. Ceux-ci, toujours prompts à demander la tenue d’un concile avaient plusieurs fois retardé leur venues pour des motifs tous plus faux les uns que les autres. Jules avait donc finalement tenu le concile sans eux, comprenant qu’ils ne viendraient jamais dans un concile dont ils n’auraient pas la conduite.

Tenue du concile d'Antioche

En 341, Constance termina la construction d’une grande église à Antioche, surnommée « église d’or ». La coutume voulait qu’un concile accompagne la consécration de bâtiments de cette importance. L’événement attira 97 évêques. Le concile eut lieu quelque part entre le 22 mai et le 1er septembre 341. Saint Augustin nomme ce concile le concile de la dédicace, ce qui est un synonyme de consécration pour une église. Hilaire se souvient de cette assemblée comme d’un concile de saints. C’est Flacillius, évêque d’Antioche alors qui présida, en présence de l’empereur Constance. La plupart des évêques étaient antiochiens bien évidemment. Mais quelques évêques extérieurs à la métropole antiochienne étaient aussi présents, tels que le fameux Eusèbe de Nicomédie, alors patriarche de Constantinople en titre. On note la présence de Jacques de Nisibe par exemple. Maxime de Jérusalem, qui avait été présent à Tyr en 335, préféra ne pas venir, pensant que le concile serait un nouveau traquenard contre Athanase. Aucun évêque ne représentait le Pape Jules, et aucun latin n’était présent. Maxime de Jérusalem ne se trompa pas, car le concile, induit en erreur par les mensonges et les manipulations des eusébiens, déposa de nouveau Athanase, et proposa pour lui succéder un certain Eusèbe d’Emèse. Celui-ci refusa et ce fut le fameux Grégoire de Cappadoce, présent au concile en tant que Grégoire d’Alexandrie qui se vit conforté sur son trône. Le concile réussit à accoucher d’une formulation qui laissait de côté le fameux omoousios, tout en réfutant officiellement Arius, ce qui était probablement un des objectifs des eusébiens.


Premier symbole d'Antioche

Voici le texte : « Nous n’avons jamais été sectateurs d’Arius. Comment nous évêques, aurions-nous été sectateurs d’un prêtre ? Nous n’avons jamais embrassé d’autre foi que celle qui a été enseignée dès le commencement. Établis juges de la foi d’Arius, nous avons écouté ses explications, et nous l’avons reçu plutôt que suivi. Vous le comprendrez facilement d’après ce que nous allons dire : Nous avons appris des anciens à croire en Dieu, un, créateur et conservateur de toutes les choses spirituelles et corporelles; et en son Fils unique, seul engendré, existant avant tous les siècles, et demeurant avec le Père qui l’a engendré; par lequel toutes les choses visibles et invisibles ont été faites; qui, dans ces derniers temps, selon la volonté du Père, est descendu, et a pris un corps de la sainte Vierge; lequel, après avoir accompli entièrement la volonté de son Père, a souffert, est ressuscité, est retourné au ciel, et siège à la droite du Père. Il viendra un jour pour juger les vivants et les morts; et il est roi et Dieu pour l’éternité. Nous croyons aussi au Saint-Esprit; et, s’il est nécessaire de le déclarer, nous croyons aussi à la résurrection de la chair et à la vie éternelle. ». Ce premier texte est attribué à Eusèbe de Nicomédie. On voit qu’il s’agit d’un texte ayant expurgé le mot qui assure l’égalité de nature du Père et du Fils. Certains évêques le rejetèrent. Ils conçurent donc ce second texte qui préservait plus clairement la divinité du Fils.


Second symbole d'Antioche

« Nous croyons, selon la tradition évangélique et apostolique, en Dieu, un, Père Tout-Puissant, auteur, Créateur et conservateur de toutes choses ; Et en un Seigneur Jésus-Christ son Fils, Dieu, seul engendré, par lequel tout a été fait; engendré du Père avant les siècles, Dieu de Dieu, Tout de Tout, seul de seul, parfait du parfait, roi de roi, Seigneur de Seigneur, Verbe vivant, sagesse Vivante, vraie lumière, voie, vérité, résurrection, pasteur, porte, non soumis au changement et aux vicissitudes, image absolument semblable de la divinité du Père, de sa substance, de sa sagesse, de sa puissance et de sa gloire; premier-né de toute créature, qui était en Dieu au commencement; Dieu Verbe, selon cette parole de l’Evangile: et le Verbe était Dieu; par lequel toutes choses ont été faites; dans lequel toutes choses subsistent; lequel, dans ces derniers temps, est descendu des cieux, est né de la Vierge selon les Ecritures, et a été fait homme ; médiateur de Dieu et des hommes, apôtre de notre foi et auteur de la vie, comme il l’a dit lui-même : Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé; qui a souffert pour nous, et est ressuscité le troisième jour; puis est monté au ciel et est assis à la droite du Père; et, de nouveau, viendra, avec gloire et puissance, juger les vivants et les morts. - Nous croyons au Saint-Esprit qui a été donné aux croyants comme consolation, sanctification et initiation, selon que Notre Seigneur Jésus-Christ l’a prescrit à ses apôtres : Allez, instruisez tous les peuples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; c’est-à-dire du Père qui est véritablement Père, du Fils qui est véritablement Fils, du Saint-Esprit qui est véritablement Saint-Esprit. Ces noms n’ont pas été placés ainsi sans raison et sans but, mais pour signifier la personne, l’ordre et la gloire de ceux qui sont nommés; de sorte que, quant à la personnalité, ils sont trois; et, quant à l’union, un seul. Professant cette foi, et la conservant du commencement à la fin en présence de Dieu et du Christ, nous frappons d’anathème toute doctrine perverse et hérétique. Et si quelqu’un, contrairement à la foi saine et droite des Ecritures, dit qu’il fut un temps, une époque, un siècle qui existait avant que le Fils fut engendré, qu’il soit anathème! Si quelqu’un dit que le Fils a été créature, ou une des créatures, ou une des choses engendrées, ou un ouvrage, ou un des ouvrages, et ne professe pas tout ce qui a été exposé ci-dessus conformément aux saintes Ecritures; s’il enseigne ou prêche quelque chose, autre que ce qui a été reçu, qu’il soit anathème ! car nous croyons et nous suivons tout ce qui est enseigné dans les Ecritures, tant par les prophètes que par les apôtres. »

Antioche, un concile orthodoxe ?

Une question vient peut-être tout de suite à l’esprit de celui qui voit cette théologie qu’on pourrait à la fois recevoir comme orthodoxe car tout ce qui est dit est vrai, et également qualifier de douteuse puisqu’hostile au homoousios de Nicée : comment ce concile peut-il être reçu comme un concile de saints par Hilaire ? comment les canons de ce concile ont-ils été conservés précieusement par les synodes ultérieurs comme des joyaux d’orthodoxie ? Comment entériner de la sorte un concile qui déposa Athanase, le champion de l’orthodoxie ? Et bien c’est très simple. Le concile a d’abord édicté les 25 canons qui se trouvent plus bas.

A ce moment du concile les orthodoxes étaient majoritaires. Puis la plupart sont partis. C’est de cela que parle Hilaire. C’est cela que conserve les recueils canoniques de l’Eglise. Puis sont restés les eusébiens. Et c’est là qu’ils ont déposé Athanase et rédigé ces textes cherchant à se distancier de Nicée sans admettre leurs tendances ariennes. Pour l’anecdote, Hilaire, commentant ce second symbole d’Antioche le trouve parfaitement orthodoxe, Athanase également mais avec quelques réserves. Plus tard, les évêques antiochiens produiront même un troisième puis un quatrième symbole que nous verrons dans un prochain texte, puisqu’il a une importance historique plus tardive.

Canons du concile d'Antioche


1. De ceux qui agissent contre les ordonnances de Nicée au sujet de la fête de Pâques.

Tous ceux qui oseront enfreindre le décret du grand et saint concile assemblé à Nicée, en l’auguste présence de l’empereur Constantin aimé de Dieu, touchant la sainte et salutaire solennité de la pâque, doivent être excommuniés et rejetés de l’Église, s’ils s’obstinent par esprit de dispute à s’élever contre ces sages décisions. Et cela pour les laïcs. Quant aux supérieurs ecclésiastiques, évêques ou prêtres ou diacres, si après le présent décret quelqu’un ose se singulariser en célébrant la Pâque avec les Juifs, le saint concile le tient dès lors pour séparé de l’église; car non seulement il commet une faute, mais il devient pour beaucoup une cause de trouble et de perdition; de tels clercs seront dépouillés de leur office, eux et ceux qui resteront en communion avec eux après la déposition. Les clercs déposés seront privés des honneurs extérieurs auxquels ont droit ceux qui sont inscrits au saint canon du clergé et le divin sacerdoce

2. De ceux qui méprisent la prière de la liturgie à l'église et de ceux qui communient avec les excommuniés dans la prière.

Ceux qui viennent à l’église et écoutent la lecture des saints livres, mais ne veulent pas prendre part à la prière liturgique avec le peuple, ou qui par une sorte d’indiscipline se détournent de la communion à l’eucharistie, tous ceux- là doivent être exclus de l’église, jusqu’à ce qu’ayant reconnu leur faute, ils aient fait les pénitences canoniques, produit des fruits de repentir et pu obtenir par leurs prières le pardon. Il n’est pas permis d’être en communion avec ceux qui sont exclus de l’église, ni d’aller prier dans les maisons de ceux qui évitent de prier avec l’église, ni de recevoir dans une église ceux qui ont été exclus d’une autre. S’il est prouvé qu’un évêque, un prêtre, un diacre ou un autre clerc reste en communion avec les excommuniés, il doit être excommunié lui-même, parce qu’il bouleverse la discipline ecclésiastique.

3. De ceux qui s'établissent dans un diocèse autre que le leur sans le consentement de leur propre évêque.

Si un prêtre, un diacre ou tout autre clerc, laisse sa paroisse pour aller dans une autre, puis quittant complètement son domicile, tente de séjourner longtemps dans une autre paroisse, il ne pourra plus exercer son ministère; notamment, s’il a refusé d’obéir au rappel de son évêque et à l’ordre d’avoir à réintégrer sa propre paroisse, mais s’obstine dans son indiscipline, il doit être dépouillé complètement de ses fonctions ecclésiastiques sans espoir de réintégration. Si un autre évêque accepte un clerc déposé pour ce motif, il sera puni par un synode commun, comme transgresseur des ordonnances ecclésiastiques.

4. Des clercs supérieurs déposés qui osent célébrer.

Si un évêque déposé par un concile, ou un prêtre ou un diacre déposés par leur évêque, osent continuer quelques-unes de leurs fonctions, l’évêque, selon la coutume qui a prévalu jusqu’ici, et aussi le prêtre et le diacre, qu’aucun d’eux n’espère obtenir sa réintégration par un autre synode, ni même avoir la faculté de se défendre; et de plus, ceux qui resteront en communion avec eux seront exclus de l’église, surtout s’ils osent le faire après connaissance de la sentence portée contre les susdits. Commentaire : c’est ce canon qui permettra de confirmer la sentence contre saint Athanase, et qui sera utilisé plus tard contre saint Jean Chrysostome. Ce n’est pourtant pas un mauvais canon en soi. Il fut juste instrumentalisé par des conciles frauduleux.

5. De ceux qui se retirent des assemblées liturgiques de l'église et célèbrent en particulier.

Si un prêtre ou un diacre, ne faisant aucun cas de son évêque, se sépare de l’église, forme une communauté à part, érige un autel et refuse d’écouter les avertissements de son évêque, ne veut aucunement prêter l’oreille, ni obéir à ses appels répétés une et deux fois, il sera déposé complètement, n’aura plus d’espoir de rémission, ni ne pourra recouvrer sa dignité. S’il continue à causer des troubles et des séditions dans l’église, qu’on le fasse revenir à l’ordre, comme un factieux, par le pouvoir séculier.

6. Des excommuniés, qu'il est interdit de les recevoir.

Celui qui a été excommunié par son propre évêque ne peut être admis par un autre évêque, avant sa réintégration par le sien propre, à moins que, se présentant au synode réuni il ne se défende et convaincant le synode il n’obtienne une autre décision à son sujet. Ce décret vaut pour les laïcs et les prêtres et les diacres, et tous ceux inscrits sur la liste du clergé.

7. Qu'il ne faut recevoir aucun clerc étranger sans lettres de recommandation de son évêque.

Aucun clerc étranger ne sera reçu sans lettres de recommandation.

8. Des lettres de recommandation données par les prêtres et les évêques de campagne.

Les prêtres de la campagne ne peuvent donner des lettres canoniques, sauf d’adresser ces lettres aux seuls évêques voisins. Tandis que les chorévêques irréprochables peuvent délivrer des lettres de recommandation.

9. Des métropolitains de chaque province.

Les évêques de chaque province doivent savoir que l’évêque qui préside à la métropole est chargé du soin de toute la province, car c’est à la métropole que se rendent de toutes parts ceux qui ont des affaires à traiter. En conséquence, il a été statué qu’il occupera aussi le premier rang pour les honneurs et que les autres évêques, conformément à la règle ancienne établi par nos pères, ne pourront rien faire sans lui, sinon administrer leur ville avec sa campagne; chaque évêque en effet est maître de son diocèse, il doit l’administrer avec religion et veiller sur les campagnes qui dépendent de sa ville épiscopale; il doit de même ordonner des prêtres et des diacres, et faire toutes choses avec discernement. Mais en dehors de cela il ne peut rien faire sans l’assentiment de l’évêque de la métropole, comme lui non plus ne doit rien décider sans l’avis des autres évêques.

10. De ceux qu'on appelle chorévêques et des ordinations qu'ils font.

Ceux qui, résidant dans les campagnes et les bourgs, portent le titre de chorévêque, bien qu’ils aient reçu la consécration épiscopale, doivent selon la décision du saint concile, connaître les limites de leurs facultés et administrer les églises dont ils ont la juridiction et y limiter leurs soins et leur vigilance, y ordonner des lecteurs, des sous-diacres et des exorcistes, mais se contenter de ces promotions, et ne point oser ordonner des prêtres et des diacres sans l’assentiment de l’évêque, sous la juridiction duquel se trouve placé le chorévêque lui-même et son territoire. Si quelqu’un ose outrepasser ces ordonnances, qu’il soit déposé et privé de sa dignité. Le chorévêque doit être nommé par l’évêque de la ville dont dépend la campagne.

11. De ceux qui recourent à l'empereur sans le consentement du métropolitain.

Si un évêque ou un prêtre ou n’importe quel autre clerc ose recourir à l’empereur sans avoir l’assentiment ou des lettres des évêques de la province et surtout de l’évêque de la métropole, il doit être condamné et privé non seulement de la communion, mais encore de la dignité qu’il possède, parce qu’il a osé importuner notre empereur aimé de Dieu, contrairement aux règles de l’Église. Si toutefois une affaire importante l’oblige de recourir à l’empereur, il doit le faire avec l’avis et le consentement de l’évêque de la métropole et des autres évêques de la province, et ne se mettre en route que muni de leurs lettres.

12. Des clercs déposés qui recourent à l'empereur

Si un prêtre ou un diacre déposé par son évêque, ou un évêque déposé par un synode, ose aller importuner l’empereur, et alors qu’il eût dû porter sa cause devant un plus grand synode, exposer ses raisons devant un nombre plus considérable d’évêques et se soumettre à leur enquête et leur décision, lui, faisant peu de cas de ces moyens, insiste auprès de l’empereur, un tel ne sera digne d’aucun pardon, n’aura plus la faculté d’exposer sa défense et doit perdre tout espoir de réintégration. Commentaire : ce canon met en place les façon recevables de faire appel d’une décision canonique de déposition. Il ne faut pas y voir quelque chose d’instrumentalisé, car il reprend au final les conclusions du 28ème canon apostolique.

13. De ceux qui venant d'une autre province osent faire des ordinations.

Aucun évêque ne doit oser passer de sa province à une autre, y ordonner et établir des desservants dans des église, pas même s’il était accompagné d’autres évêques; à moins d’y avoir été invité par des lettres du métropolitain et de ses suffragants, dont il traverse le territoire. Si, contrairement à l’ordre établi, il s’y rend et procède à des ordinations et à d’autres affaires ecclésiastiques qui lui sont étrangères, ses actes seront frappés de nullité et lui-même subira la peine de son désordre et de sa démarche inconsidérée, en restant déposé par le fait même, selon la décision du saint synode.

14. Du désaccord sur la sentence contre des évêques en accusation.

Lorsqu’un évêque est accusé de diverses fautes et que les évêques de la province sont partagés à son sujet, les uns déclarant l’accusé innocent, les autres coupable, pour dissiper toute incertitude il a paru bon au saint synode que l’évêque de la métropole convoque d’autres évêques de la province voisine, pour qu’ils servent d’arbitres et dissipent le doute, portant par eux et ceux de sa province un jugement certain sur l’affaire.

15. Des évêques condamnés unanimement par ceux de la province.

Lorsqu’un évêque a été accusé de diverses fautes et que tous les évêques de la province ont été unanimes à porter sur lui un jugement défavorable, il ne pourra plus se présenter devant un autre tribunal, mais la décision des évêques de la province restera irrévocable.

16. Des évêques libres qui s'emparent d'un évêché vacant.

Si un évêque sans diocèse s’introduit dans un diocèse vacant et s’empare du siège épiscopal sans l’autorisation d’un synode complet, il doit être déposé, quand même il serait parvenu à se faire élire par tout le peuple de l’Église qu’il a occupée par intrusion. Un synode complet est celui auquel assiste le métropolitain.

17. Des évêques nommés qui donnent leur démission une fois ordonnés.

Si après avoir reçu la consécration épiscopale et le pouvoir de juridiction sur un diocèse, un évêque ne remplit pas son ministère et s’obstine à ne point se rendre dans l’église pour laquelle il a été ordonné, il doit être excommunié jusqu’à ce qu’il se voie dans la nécessité d’accepter ce qui lui a été destiné, ou que le synode complet des évêques de la province statue sur son cas.

18. De ceux qui ont été nommés à un évêché, mais n'y ont pas été acceptés.

Si après avoir reçu la consécration épiscopale un évêque ne peut se rendre dans l’église qui lui a été destinée, non par sa faute, mais parce que son peuple refuse de le recevoir, ou pour tout autre motif indépendant de sa volonté, il conservera sa dignité et les honneurs qui y sont attachés; il aura seulement soin de ne pas s’ingérer dans les affaires de l’église où il célèbre, et il attendra la décision que le synode complet de la province prendra en examinant son cas.

19. Des ordinations des évêques d'une province.

Un évêque ne peut être élu sans synode et sans la présence du métropolitain; en plus de la présence indispensable de celui-ci, il serait certes souhaitable que fussent présents, tous les comministres de la province, que le métropolitain devra convoquer par lettre. Si tous viennent, ce sera pour le mieux; si cela est difficile, il faut que la majorité des évêques soit absolument présente ou qu’elle envoie par écrit son assentiment à l’élection, en sorte que l’ordination ait lieu soit en présence de la majorité soit avec son approbation écrite. Si l’on contrevient à cette ordonnance, l’ordination n’aura aucune valeur; si au contraire, tout se passe selon cette ordonnance, et que quelques-uns s’y opposent par esprit de contradiction, le vote de la majorité l’emportera.

20. Des synodes que les évêques d'une province doivent tenir deux fois par an.

Pour les nécessités de l’église et la solution des affaires contestées il a semblé bon que deux fois par an les évêques de la province se réunissent en synode; la première fois après la troisième semaine qui suit pâques, de manière à célébrer le synode dans la quatrième semaine de la pentecôte, le métropolitain doit rappeler cela aux évêques de la province; le second synode se tiendra aux ides d’octobre, c’est à dire le quinze du mois d’hyperbérétée. A ces synodes pourront comparaître les prêtres et les diacres et tous ceux qui se prétendent lésés et le synode examinera leur cause. Il n’est pas permis aux évêques de tenir synode entre eux, sans la présence des métropolitains.

21. Qu'en aucune manière on ne doit faire des transferts d'évêques.

Un évêque ne doit pas passer d’un diocèse dans un autre, s’y introduire de son propre gré ou forcé par le peuple ou contraint par les autres évêques. Il doit s’attacher à l’église pour laquelle il fut choisi par Dieu dès le début, et ne point l’abandonner, selon l’ordonnance déjà portée auparavant à ce sujet.

22. Qu'on ne doit pas ordonner des clercs dans un diocèse étranger.

Un évêque ne doit pas s’introduire dans une ville qui n’est pas soumise à sa juridiction, ni dans un territoire de campagne qui ne lui appartient pas pour y faire une ordination; il ne doit pas établir des prêtres et des diacres dans des localités soumises à un autre évêque, sinon avec le consentement de cet évêque. Si donc quelqu’un osait transgresser cette ordonnance, les ordinations faites seront nulles et lui-même sera puni par le synode de la province.

23. Que personne ne doit se nommer un successeur.

Il n’est pas permis à un évêque même au terme de sa vie, d’établir un autre évêque à sa place comme son successeur. Si le cas se présentait, l’institution serait nulle. Il faut observer la coutume ecclésiastique qui prescrit de n’instituer des évêques que par un synode et avec le consentement des évêques, qui après la mort du titulaire ont le droit de présenter celui qu’ils jugent digne.

24. Des biens appartenant à l'église et de biens personnels de l'évêque.

Les biens appartenant à l’église doivent être en bon état et conservés avec un grand soin et une conscience scrupuleuse et aussi avec la pensée que Dieu voit et juge tout; on doit les administrer sous la surveillance et l’autorité de l’évêque à qui sont confiés le peuple et l’âme des fidèles. Les prêtres et les diacres qui entourent l’évêque doivent avoir une connaissance claire et précise des propriétés de l’église, de manière à savoir et ne pas ignorer ce qui appartient à l’église. Ainsi à la mort de l’évêque, ce qui appartient à l’église étant clairement connu, rien ne s’égarera ni se perdra, et le patrimoine de l’évêque ne souffrira point de dommage sous prétexte qu’il fait partie des biens ecclésiastiques. Il est juste en effet et agréable à Dieu et aux hommes que l’évêque dispose à son gré de ses biens propres, et aussi que les intérêts de l’église soient sauvegardés. L’église ne doit subir aucun dommage ni la chose de l’évêque aucune confiscation en faveur de l’église, ou que ses héritiers soient impliqués dans un procès, d’où la mémoire de l’évêque serait en butte à des bruits infamants.

25. Que l'évêque a le pouvoir d'administrer les biens de son église.

L’évêque a la disposition des biens de l’église pour les dépenser en faveur des indigents, avec discernement et crainte de Dieu. Il peut en user pour lui- même, s’il le faut, pour ses propres besoins et pour les frères qui reçoivent l’hospitalité chez lui et qui ne doivent jamais manquer du nécessaire, selon la parole du divin apôtre : “Ayant la nourriture et le vêtement, nous devons être satisfaits”. Mais si, non content de cela, l’évêque emploie ces biens à ses affaires privées, s’il ne gère pas les revenus de l’église et le produit des biens fonds selon l’avis des prêtres et des diacres, s’il les livre à gérer à ses proches ou à ses parents, à ses frères, à ses fils, de façon qu’insensiblement un préjudice réel soit porté par ces gens à l’administration de l’église, l’évêque devra rendre compte de sa gestion au synode de la province. Si d’autre part il est accusé lui ou ses prêtres, qu’ils accaparent à leur profit les revenus de l’église provenant de biens fonds ou de toute autre source, de façon à porter tort aux pauvres et à exposer aux accusations et à la diffamation l’administration et les administrateurs, à cela aussi il faudra mettre de l’ordre, par les mesures que le synode jugera bon de prendre.