Le concile de Sardique de 345

Dans le dernier billet de droit canon j’ai donné la lettre que le Pape Jules Ier envoya aux eusébiens. Eusèbe de Nicomédie mourut peu de temps après avoir reçu cette lettre. L’Eglise de Constantinople chercha à rappeler son évêque légitime, Paul, car vous vous souvenez qu’Eusèbe avait également usurpé le trône de Constantinople. Mais les évêques ariens de son parti manœuvrèrent pour faire élire un certain Macédonius. Ceci provoqua de violentes émeutes dans la ville. Lorsque le préfet de l’empereur, Hermogène, fit chasser Paul par la force militaire, la foule le lyncha. La réaction de l’empereur fut de confirmer l’exil de Paul mais également de ne pas accepter l’élection de Macedonius.
Paul de Constantinople alla également trouver refuge à Rome, où il put donc côtoyer Marcellus et surtout Athanase. La lettre de Julius, aussi puissante et exacte fut elle, n’eut aucun impact en orient. Les évêques orthodoxes n’osaient pas bouger face à ces évêques ariens qui jouissaient des faveurs de l’empereur. Julius avait également donné aux orientaux qui se trouvaient à Rome, des lettres de communion qui les rétablissaient dans leurs fonctions légitimes et condamnant tous ceux qui leur feraient opposition. Les évêques orientaux avaient choisis un moment d’ignorer ce que disait l’évêque de Rome, ce qui était contraire à la règle de l’unité. Les évêques eusébiens avaient même écrits ainsi à Julius : « Nous savons bien que l’Eglise des Romains s’est toujours glorifiée de son importance, et prétend avoir été, dès l’origine, la demeure des apôtres, la source et la métropole de la piété; cependant, les docteurs de la foi lui sont venus d’Orient. Mais, alors que nous serions vaincus en nombre et en magnificence, nous n’en serions pas moins supérieurs en vertu. En communiquant avec Athanase, disaient-ils à Julius, vous avez méprisé notre concile et votre procédé est aussi injuste que contraire aux règles ecclésiastiques. Cependant nous ne refusons pas d’être en communion avec vous, mais à condition que vous ne prendrez pas le parti des expulsés, que vous reconnaîtrez ceux qui ont été mis à leur place, et reconnaîtrez la légalité de nos décisions ». Cette lettre nous provient des recueils de l’historien Socrate. Athanase retourna à Alexandrie mais ceci provoqua des émeutes entre ses partisans et ceux de l’usurpateur Grégoire. Paul retourna de son côté à Constantinople et la conséquence fut la même. Une émeute épouvantable éclata entre ses partisans et ceux qui soutenaient le faux évêque Macédonius. Les historiens rapportent environ 3500 morts. Macedonius, soutenu par le pouvoir impérial entre finalement dans la cathédrale et Paul est de nouveau exilé à Thessalonique, sa ville natale, avec interdiction de voyager. L’empereur, pour solenniser sa victoire fit agrandir l’Eglise, jusqu’ici dédiée à la paix, et la fit dédicacer à la sagesse : c’est ainsi que naquit la cathédrale Sainte-Sophie : dans les complots, les mensonges et les trahisons. Fort de cette sagesse céleste, l’empereur fit condamner à mort Athanase qui parvint à s’enfuir, de nouveau à Rome chez son ami Julius. Paul fit de même. Les trois évêques adressèrent alors une requête à l’empereur d’occident : Constant. Constant, qui avait gardé un bon souvenir d’Athanase accepta de s’occuper de cette problématique. Il demanda à son frère de lui envoyer trois évêques ayant entériné les dépositions de Paul et d’Athanase. Les ariens, peut-être par esprit de contradiction en envoyèrent quatre. Ces tristes sires sont restés dans l’histoire pour cette forfaiture : Théodore d’Héraclée, Maris de Chalcédoine, Marc d’Arethuse en Syrie, et Narcissus de Néroniade. Ils se rendirent à Trèves où résidait l’empereur d’occident. Ils refusèrent de rencontrer Athanase, arguant que le concile d’Antioche avait réglé la chose de façon définitive. Ils exposèrent aussi le quatrième symbole de foi rédigé à Antioche, arguant qu’il s’agissait du texte qui faisait consensus et qui respectait le mieux la foi de l’Eglise. On rappelle que ce texte fut rédigé après le départ de tous les orthodoxes ayant rédigé les 25 canons d’Antioche.

Voici cette quatrième profession de foi : « Nous croyons en Dieu, un, Père Tout-Puissant, créateur de toutes choses, et duquel toute paternité provient au ciel et sur la terre ; Et dans son Fils unique, Notre Seigneur Jésus Christ, né du Père avant tous les siècles; Dieu de Dieu, lumière de lumière; par lequel toutes choses ont été faites dans les cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles; qui est Verbe, Sagesse, puissance, vie et vraie lumière ; qui, dans ces derniers temps, a été fait homme à cause de nous, est né de la sainte Vierge, a été crucifié, est mort, a été enseveli; qui est ressuscité des morts le troisième jour, est monté au ciel, et est assis à la droite du Père. A la fin du temps, il viendra juger les vivants et les morts, et rendre à chacun selon ses Œuvres; et son règne restera sans fin dans les siècles infinis; car il sera assis à la droite du Père, non-seulement pendant ce temps, mais dans le temps futur.
Nous croyons aussi au Saint-Esprit, c’est-à-dire au Paraclet qu’il avait promis à ses apôtres, et qu’il leur envoya après son ascension au ciel pour les instruire et leur révéler toutes choses; par cet Esprit sont sanctifiées les âmes de ceux qui ont cru sincèrement au Fils.
Quant à ceux qui disent que le Fils est venu de choses non existantes, ou d’une autre substance, et non de Dieu, l’Eglise catholique les reconnaît comme des étrangers. »

La situation resta bloquée jusqu’en 345. De leur côté, les évêques eusébiens qui avaient rédigés le symbole à Antioche après avoir déposé Athanase, se réunirent de nouveau à Antioche pour composer un nouveau symbole. Le Père Guettée témoigne qu’il est d’une longueur incroyable, quasiment un traité de théologie trinitaire, mais toujours sans le fameux omoousios, le leg théologique de Nicée. Cet interminable symbole fut envoyé aux évêques occidentaux qui déclarèrent vouloir en rester à Nicée. La situation était donc totalement bloquée, entre un occident nicéen et un orient crypto-arien. Les deux empereurs Constant et Constantius s’entendirent alors pour la tenue d’un grand concile réunissant orient et occident, pour sortir de l’impasse. Paul, malheureusement pour lui, mourut juste avant que le concile ne débute. Vous l’aurez compris, ce concile orient-occident est le concile de Sardique. Cette ville se trouve en Illyrie antique, et n’est nulle autre que notre Sofia, actuelle capitale de Bulgarie. La date avancée de 345 n’est pas certaine. Certains voient 343. D’autres 347.

Athanase témoigne de 170 participants environ. Les occidentaux étaient représentés par le fameux Osius de Cordoue et n’avaient amenés aucun officier civil. Les orientaux, de leur côté avaient deux officiers impériaux de haut rang. Ils comptaient vraisemblablement sur cela pour l’emporter. De nombreux orientaux firent pression pour qu’Athanase soit écarté du concile et ne puisse entrer dans l’Eglise. Ils exigèrent également que la communion des occidentaux avec Athanase soit rompue, conformément avec les décisions d’Antioche. Les occidentaux, Osius en tête, répondirent que la lettre de Julius voyait cette déposition comme invalide, et qu’ils se tiendraient à cet avis. L’ambiance était tellement délétère, qu’occidentaux et orientaux ne communiquaient plus directement, mais uniquement de façon épistolaire. Beaucoup rapportent 76 évêques eusébiens. Donc nous avons une courte majorité orthodoxe de 94 évêques. Julius était absent et représenté par deux prêtres. C’est Osius qui présida le concile, probablement auréolé de son ancienneté et de sa présence à Nicée. Saint Athanase dira « les Pères de Sardique eurent Osius pour père ».
Lorsqu’il fut acquis que le jugement serait purement ecclésiastique, et que donc les deux officiers impériaux n’auraient aucun impact sur les décisions du concile, plusieurs évêques orientaux envoyèrent des témoignages aptes à confondre les eusébiens et leurs turpitudes. Ceux-ci évaluèrent très correctement le danger d’être confondus et demandèrent à quitter le concile, prétextant la victoire militaire de Constantius sur les perses, les obligeant à le rejoindre pour la célébration. Osius leur adressa la missive suivante : « Venez vous purger des accusations élevées contre vous, des calomnies qui vous sont reprochées, ou, sachez que le concile vous condamnera comme coupables, et déclarera innocents Athanase et ceux qui sont avec lui. ». Mais les eusébiens fuirent tout de même Sardique et se constituèrent ensemble en concile à Philoppopolis, avec les décisions suivantes : confirmation des sentences contre Athanase, Paul, Marcellus et Asclépas, déposition de Julius de Rome et Osius de Cordoue pour avoir communié avec des excommuniés, et de tous les évêques ayant communié avec Athanase, Paul, Marcellus et Asclépas. Ils condamnèrent précisément le terme omoousios et préconisèrent le terme opposé, avomoios. Les décisions de leur concile fut envoyé de façon universelle à tous les évêques. La fourberie supplémentaire de cette communication, est qu’elle fut faite au nom du concile réuni à Sardique.
L’existence même du concile de Sardique, est intéressante à analyser du point de vue de la synodalité orthodoxe et de la primauté romaine. En effet, si nous avions une organisation pyramidale, avec l’évêque de Rome en maître incontesté de cette structure ecclésiale, le concile de Sardique n’aurait aucun sens. Pourquoi réunir un concile, encore un, pour discuter de la décision de Julius Ier avec les évêques orientaux ? Julius, premier sans égal, aurait infailliblement dit ce qui doit être compris, et Athanase aurait été réintégré. Nul besoin de faire un concile pour valider une parole infaillible du vicaire du Christ. Et pourtant, que constate-t-on ? L’Eglise se réunit en concile à Sardique, sur la requête des deux empereurs romains d’orient et d’occident, et demande à un synode d’évêques de venir à une conclusion. Cet épisode est tout à fait représentatif de ce qu’est l’Eglise dans sa conciliarité avec Rome. Rome n’est pas tout, mais Rome n’est pas rien. Une lettre de l’évêque de Rome aux évêques créé la discussion. Une lettre de Rome aux évêques stabilise une situation canonique qui débouche sur un concile. Ce n’est pas rien. Mais ce n’est pas tout. Les décisions de Philoppopolis n’étaient une fois de plus qu’orientales. La solution devait être universelle. C’est la catholicité de l’Eglise qui devait s’exprimer.
Les évêques réunis à Sardique examinèrent d’abord les situation d’Athanase d’Alexandrie, de Marcellus d’Ancyre et d’Asclépas de Gaza. Le concile de Tyr fut reconnu comme un complot, une machination anti-Athanase et ses décisions furent reconnues comme nulles. Asclépas de Gaza avait été déposé de son siège ; il présenta la procédure de son métropolitain, Eusèbe de Césarée qui validait sa réintégration. Le concile de Sardique excommunia naturellement les évêques, entre guillemets, siégeant à Gaza et à Alexandrie, à la place d’Asclépas et Athanase. Furent anathématisés les évêques eusébiens qui avaient manœuvré contre Athanase depuis des années. Le concile considéra également de revenir à la formulation de Nicée et refusa purement et simplement de recourir à une nouvelle formulation à définir. Il circula un moment une légende d‘un symbole de Sardique, mais l’on découvrit un manuscrit des actes de Sardique, qui montre que le symbole de Nicée fut commenté à Sardique, mais qu’aucun nouveau symbole ne fut rédigé. Sardique est la continuité de Nicée.



Les canons du concile de Sardique

Canon 1

Texte : « Osius évêque de la ville de Cordoue dit : Autant la mauvaise habitude que la très pernicieuse corruption des affaires d’église doivent être arrachées avec leurs racines, en sorte qu’il ne soit permis à aucun évêque d’être transféré d’une ville peu importante à une autre; le motif en effet que cache le prétexte pour entreprendre cela est évident, car il ne s’est trouvé jusqu’ici aucun évêque, qui se soit empressé de se faire transférer d’une ville importante à une autre moins importante; d’où il ressort que ces personnes-là brûlent d’une ardente avidité, plutôt esclaves de leur orgueil, afin de paraître armés d’une plus grande autorité. Si donc cela plaît à tous, châtions plus sévèrement une telle effronterie; je pense que de telles personnes ne doivent pas même être admises à la communion laïque. Tous les évêques dirent : Cela plaît à tous. »

Commentaire : ce canon est une redite du concile de Nicée sur le canon 15. On se souvient qu’Eusèbe de Nicomédie de triste mémoire était coutumier du fait. Il semblerait que les eusébiens, en règle générale, passaient assez facilement d’un diocèse à l’autre, cherchant des postes de plus en plus importants. La dernière phrase doit se comprendre comme suit : même sur son lit de mort, l’évêque qui s’est rendu coupable de cela ne sera pas admis à la communion.

Canon 2

Texte : « Osius évêque dit : Si cependant il se trouvait quelqu’un d’insensé ou d’effronté au point de penser trouver une excuse en pareille affaire, en affirmant qu’il a reçu une lettre de la part du peuple, il est évident qu’un petit nombre corrompus par des cadeaux et des récompenses a pu former un parti dans l’église en question pour prétendre qu’ils le voulaient pour évêque. Il faut donc une fois pour toutes déclarer inacceptables de telles machinations et ruses; bien même les punir, je pense, en sorte qu’un tel sujet ne puisse être admis à la communion laïque pas même à la fin de sa vie. Si donc ma proposition vous plaît, dites-le. Tous répondirent: Vos propositions nous plaisent. »

Commentaire : Ce canon poursuit directement le précédent. Il prend acte du fait qu’ariens et eusébiens ont créé des petites cabales pour faire élire des évêques qui empoisonnent l’Eglise, leur conférant un poids illégitime. Les instigateurs de ce genre de procédés, ceux qui aident les hérétiques à devenir évêque, se voient donc privés également de communion.

Canon 3

Texte : « Osius évêque dit : Il faut absolument ajouter aussi, que nul évêque ne se rende d’une province à une autre province où résident des évêques, à moins qu’il n’y soit invité par ses frères dans l’épiscopat, auquel cas nous ne devrions pas avoir l’air de fermer les portes de la charité fraternelle. Il faut de même décider, que si dans une province un évêque avait une plainte contre son frère dans l’épiscopat, aucune des deux parties ne doit faire venir des évêques d’une autre province pour arbitrer le différend. Si cependant un évêque pense qu’il fut condamné pour une affaire, qui à son avis n’est point mauvaise, mais bonne, en sorte que le jugement doive être révisé, s’il plaît à votre charité, honorons la mémoire de l’apôtre Pierre, et que les juges eux- mêmes écrivent à Jules, évêque de Rome, afin que le tribunal, le cas échéant, soit à nouveau constitué par les évêques de la province voisine et que lui-même envoie des arbitres; mais si un pareil tribunal ne peut être constitué -car c’est à lui de décider si l’affaire a besoin d’être révisée -, ce qui fut déjà décidé ne doit pas être remis en question et le décret rendu sera confirmé. »

Commentaire : ce canon reprend le treizième canon du concile d’Antioche de 341 pour la première qui interdit aux évêques de passer d’un diocèse à l’autre sans invitation explicite. Antioche précisait le cas où l’évêque nomade réalisait des ordinations, mais on comprend bien qu’il s’agit de ce cas ici, sinon on ne comprend pas trop à quoi cela pourrait faire allusion autrement. On peut également trouver une réminiscence du canon 8 de Nicée qui affirmait aussi cette évidence : un évêque par diocèse.

La deuxième partie du canon, est d’une importance canonique, théologique et historique majeure. En effet, il institue l’évêque de Rome comme pouvant être un juge appelé à trancher les conflits entre évêques. Avant le concile de Sardique, un évêque destitué par d’autres, comme le fut Athanase n’avait aucun recours. Sardique institue donc le principe de la cour d’appel pour que l’évêque se retrouvant dans cette inconfortable position puisse néanmoins faire valoir son bon droit. On notera que le concile institue Julius. Si c’est Julius qui reçoit du concile, cela veut bien dire que l’évêque de Rome est inférieur au concile. On honore ici la mémoire de Saint Pierre, un des fondateurs de l’Eglise à Rome. Le Père Guettée commente dans son ouvrage : « Le canon du concile de Sardique prouve avec évidence que, dans l’Eglise, vers le milieu du IVème siècle, on avait pas la moindre idée de ce pouvoir que l’on a appelé depuis la papauté ».
Le canon est vague sur le fait de savoir si c’est Julius seul, ou bien toute personne portant la charge d’évêque de Rome qui reçoit cette prérogative de cour d’appel canonique.

Canon 4

Texte : « Gaudentius évêque dit : Si cela semble bon, il est nécessaire d’ajouter à cette décision pleine de charité que vous avez prononcée, que si un évêque est déposé par le jugement des évêques de la province voisine et prétend avoir à ajouter encore autre chose à sa défense, un successeur à son siège ne devrait pas lui être donné, avant que l’évêque de Rome n’ait connu de son affaire et n’ait prononcé sa sentence. »

Commentaire : Gaudentius était évêque en Dacie, actuelle Roumanie. La mention « évêque romain » semble accréditer que ce n’est pas Julius qui bénéficie de la compétence, mais bien le siège romain. L’ajout de cet évêque est pertinent, car la procédure pouvait être longue, et les factieux et hérétiques pouvaient très bien occuper un siège épiscopal pendant de longs mois avant que Rome ne fasse son enquête et ne rende ses conclusions.

Canon 5

Texte : « Osius évêque dit : Si un évêque est dénoncé et que les évêques de la même province réunis le déposent de sa dignité et que lui interjetant un appel, recourt au bienheureux évêque de l’église de Rome, si celui-ci veut bien l’entendre et estime juste de renouveler l’examen de l’affaire, qu’il daigne écrire aux évêques de la province voisine d’examiner avec soin et exactitude toute chose et d’exprimer leur vote sur l’affaire en toute vérité.
Si cependant quelqu’un prétend que sa cause doive être à nouveau entendue et sur sa prière l’évêque de Rome juge bon d’envoyer des prêtres de son entourage, il faudra ajouter qu’il sera au pouvoir de ce même évêque de Rome, dans le cas où il le jugera bon et décidera de devoir le faire, d’envoyer les personnes qui munies de l’autorité de celui qui les a envoyées, jugeront de l’affaire avec les évêques de l’endroit; et s’il estime que ce qui a été fait suffisait pour connaître et décider de l’affaire de l’évêque en question, il agira comme il semblera bon à sa très sage volonté.
Les évêques répondirent : Ce qui a été dit nous plaît. »

Commentaire : le troisième canon seul, permettait à Julius de réunir un second concile local pour juger de l’évêque. Ici Osius ajoute à l’évêque de Rome la possibilité de faire venir des légats de confiance. Cela permet de rééquilibrer les synodes infiltrés d’hérétiques et de factieux. Ainsi, au vu des canons 3, 4 et 5, on peut conclure qu’une procédure d’appel suit les étapes suivantes :

  • si un évêque est déposé à tort par un concile local, il peut faire appel à Rome.
  • Si Rome juge l’appel sérieux, elle peut demander un second concile local pour examiner le cas de nouveau. Rome peut choisir de nouveaux évêques voisins de l’évêque déposé.
  • Rome peut même choisir de faire participer des légats romains qui vont alors avoir un poids certains dans l’organisation du concile local.
  • pendant toute la procédure, le siège est vacant et nul évêque ne peut être nommé de nouveau.

Canon 6

Texte : « Osius évêque dit : S’il arrive que dans une province qui comprend plusieurs évêchés il ne reste qu’un seul évêque et que celui-ci par négligence ne veuille se rendre à l’assemblée d’électeurs et donner son approbation à l’élection de nouveaux évêques, tandis que les populations dans leurs réunions réclament l’institution de l’évêque désigné par elles, il faut en premier lieu qu’il soit rappelé par une lettre à cet évêque resté seul dans la province par l’exarque de la province, (je veux dire par l’évêque de la métropole), que les populations réclament qu’on leur donne un pasteur; je pense qu’il est juste d’attendre que cet évêque aussi arrive. Mais si après cette réclamation par lettre il n’arrivait point, ni ne répondait à la lettre, il faut satisfaire à la volonté de la population. Quant à l’institution de l’évêque de la métropole, il faut aussi faire venir les évêques de la province avoisinante.
Qu’il ne soit pas permis d’autre part d’établir un évêque dans un village ou une petite ville, qu’un seul prêtre suffirait à régir; il n’est pas nécessaire d’y établir des évêques, afin de ne pas avilir le nom et l’autorité de l’évêque. Les évêques de la province doivent, comme je l’ai dit, établir des évêques dans les seules villes, où jusque-là il y en avaient. Si cependant il se trouvait qu’une ville vît sa population augmenter au point d’être digne de devenir ville épiscopale, qu’elle reçoive un évêque.
Cela plaît-il à tous ? Tous répondirent : Oui. »

Commentaire : si on peut résumer ce canon, il s’agit de dire que si des gens demandent un évêque, il faut leur en accorder un. Et ceci ne doit se faire que pour une zone dont la population est en adéquation avec une demande raisonnable. Il ne serait pas sérieux de donner un évêque à un bourg de 200 âmes. Ceci nous ramène à une pratique un peu différente de nos paroisses aujourd’hui, où la figure centrale est le prêtre, et l’évêque un personnage lointain et dont la venue est presque un accident. On retrouve d’ailleurs cette problématique de la différence de la liturgie pontificale, qui devrait être la norme mais qui est l’exception aujourd’hui, par rapport à la liturgie avec uniquement prêtre et diacre, qui est ce que les fidèles ont l’habitude de célébrer. On peut imaginer au travers de ce canon qu’il y avait davantage d’évêques au quatrième siècle.

Canon 7

Texte : « Osius évêque dit : L’inopportunité, la trop grande fréquence et le mal fondé de nos prétentions ont fait que nous n’avons plus la faveur et la liberté de parler que nous aurions dû avoir; en effet beaucoup d’évêques, surtout ceux d’Afrique, ne cessent de se rendre à la cour, qui, comme nous l’apprend notre cher frère dans l’épiscopat Gratus, n’écoutent pas ses conseils salutaires, bien au contraire ils les méprisent au point qu’une seule personne apporte à la cour un grand nombre de suppliques variées, qui ne sauraient avoir pour objet l’utilité de l’église; certains même n’ont en tête que dignités et affaires profanes, au lieu de venir en aide aux pauvres et aux laïcs et aux veuves, comme cela se doit et convient. Une telle effronterie cause du désappointement contre nous, non sans scandale et critique. J’estime qu’il est plus convenable qu’un évêque donne son aide à celui qui souffre violence de la part de qui que ce soit, ou à la veuve traitée injustement, ou encore à l’orphelin dépouillé de ses biens, si toutefois même ces personnes possèdent de justes titres de réclamation. Donc, mes chers frères, si tous sont de cet avis, décrétez qu’aucun évêque ne doit se présenter à la cour, sauf ceux que notre très pieux empereur convoque lui-même par écrit.
Cependant, vu que souvent des personnes dignes de pitié cherchent asile dans une église, après avoir été pour leurs fautes condamnées à la prison ou à l’exil sur une île ou condamnées en justice pour n’importe quelle autre raison, il ne faut pas refuser notre aide à ces personnes, mais sans retard et sans hésitation demander le pardon pour elles. Si donc cela aussi vous plaît, votez avec moi dans ce sens.
Tous répondirent : Que cela aussi soit décidé. »

Commentaire : le Gratus dont il est question ici était évêque de Carthage. Il constatait ce à quoi on pouvait malheureusement s’attendre. Les empereurs devenus chrétiens, certains évêques se révélaient courtisans. Nous avons ici un canon tout à fait éloquent sur le fait que l’épiscopat était déjà touché. Il ne faut pas avoir une image déformée des évêques de tout temps. Il ne faut pas tomber dans l’écueil de croire qu’avant tous étaient saints, et qu’aujourd’hui ce sont des crapules. Les évêques, dans les périodes hors de toute persécutions, ont souvent été des courtisans. Le sergianisme que nous constatons actuellement dans le monde officiel, n’est jamais que l’actualisation moderne de cette tendance misérable. Certains évêques font des carrière dans l’Eglise comme d’autres font des carrières dans l’armée, dans le spectacle ou dans la politique. Mais à côté de cela, il y a ce qui fait véritablement l’Eglise : les saint Ambroise de Milan, les saint Athanase d’Alexandrie, qui se battent uniquement pour la vérité, au mépris de tous les dangers. C’est l’inertie et la lâcheté des autres, et surtout leur nombre qui fait que parfois on entre dans des périodes de crise. Aujourd’hui, la crise est énorme, mais pas plus qu’à certaines époques.

Canon 8

Texte : « Osius évêque dit : Que votre prudence se prononce sur ce point aussi : puisque il a été décidé qu’un évêque ne devait point s’exposer au danger d’encourir la critique en se rendant à la cour, si des évêques avaient des suppliques à présenter dans le genre de celles mentionnées plus haut, qu’ils les envoient par leurs diacres; car la personne du serviteur excitera moins l’envie et celui-ci sera en état de rapporter plus promptement les faveurs accordées.
Tous répondirent : Que cela aussi soit décidé. »

Commentaire : conséquence pragmatique et pratique du canon précédent. Un évêque pouvait parfois avoir à parler à l’empereur. Pour éviter les logiques de courtisans, c’est le diacre de l’évêque qui se chargeait d’aller voir l’empereur pour lui porter la supplique. Il est intéressant de voir qu’Osius propose ces canons, lui qui avait les faveurs de l’empereur Constantin, mort quelques années auparavant. Il avait su créer une relation de confiance avec l’empereur, mais contrairement à Eusèbe de Nicomédie, il n’avait pas agi comme un courtisan. Il était donc parfaitement légitime pour édicter des canons de ce genre.

Canon 9

Texte : « Osius évêque dit : J’estime aussi qu’il est raisonnable, dans le cas où des évêques de n’importe quelle province voudraient envoyer des suppliques par l’intermédiaire de leur frère dans l’épiscopat, que ce soit l’évêque de la ville principale, celui de la métropole, qui envoie son diacre avec les suppliques, y ajoutant des lettres de recommandation dans ce sens à nos frères dans l’épiscopat, qui demeureraient en ce temps-là dans les villes, d’où notre très pieux empereur gouverne la chose publique. Si cependant quelque évêque avait des amis à la cour et voulait par eux demander quelque chose de très convenable, qu’il ne soit pas empêché de le faire par son diacre et d’en charger ceux dont il pense avoir le bienveillant appui à sa demande.
Quant à ceux qui se rendent à Rome, ils doivent, comme je l’ai dit remettre à Jules, notre cher frère dans l’épiscopat, les suppliques à présenter, afin que celui-ci examine d’abord si certaines d’entre elles ne dépassent pas les bornes, et qu’il puisse alors les envoyer à la cour munies de sa protection et de son aide.
Tous les évêques répondirent que cela leur plaisait et que cet avis était très convenable.
Alypius évêque dit : S’ils se sont exposés aux fatigues du voyage pour défendre les causes certes non-injustes des orphelins et des veuves en peine, ils seront justifiés; tandis qu’ils ne pourront se rendre à la cour, s’ils sont surtout porteurs d’une requête, qui ne ferait qu’attirer l’envie et le blâme général.»

Commentaire : ce neuvième canon est le second à préciser les modalités du canon 7. On a bien compris que la volonté d’Osius et du synode en général était d’empêcher au maximum les évêques de voir l’empereur. Ici est donc ajouté une barrière supplémentaire : toute volonté de voir l’empereur passera d’abord par le filtre du métropolitain du lieu où se trouve l’empereur. C’est donc ce dernier qui enverra le diacre. Ceux qui veulent atteindre l’empereur d’occident doivent alors naturellement passer par Julius. Alypius, qui était évêque de Mégaris en Achaïe, une province grecque rappelle qu’un voyage peut être entrepris s’il est guidé par des buts liés à la charité et à la miséricorde pour les orphelins et les veuves. Il ne fallait pas que les dispositifs visant à contrer les manœuvres d’alcôves des carriéristes empêchent finalement l’expression de l’action sociale positive de l’Eglise dans la société d’alors.

Canon 10

Texte : « Osius évêque dit : J’estime aussi la mesure suivante nécessaire à examiner avec exactitude et soin: que si un homme riche ou un juriste du forum prétendait à l’épiscopat, qu’il ne soit pas ordonné avant d’avoir rempli les fonctions de lecteur, de diacre et de prêtre, afin que d’une promotion à l’autre, s’il en est jugé digne, il puisse passer au sommet de l’épiscopat. La promotion dans chaque ordre aura évidemment une durée, pas la moindre, afin que par là sa foi, l’honnêteté de ses mœurs, sa fermeté et sa bonté puissent se faire bien connaître et qu’ainsi, estimé digne du divin sacerdoce, il puisse jouir de ce très grand honneur. Il ne convient pas, en effet, et ni la discipline de l’église ni le bon sens ne le tolèrent, de procéder avec une telle audace et légèreté, et d’ordonner témérairement un évêque, un prêtre ou un diacre; avec raison un tel pourrait être qualifié de néophyte et surtout parce que même le très bienheureux apôtre, qui fut le maître des nations, interdit clairement de procéder rapidement à des ordinations; car l’épreuve d’un très long laps de temps saura naturellement faire apparaître la conduite et les mœurs de chacun.
Tous dirent que cela leur plaisait et que personne ne devait point agir à l’encontre de cela. »

Commentaire : ce canon renvoie au canon 2 de Nicée qui lui-même renvoyait au canon 80 des apôtres. Il est difficile de savoir si beaucoup d’évêques furent nommés dans des conditions quelque peu douteuses, afin de permettre à un notable, à un membre d’une famille influente, de parvenir à une position encore plus éminente via l’épiscopat. Difficile à envisager quelques décennies auparavant à cause des persécutions, on comprend bien dans un empire devenant chrétien jusqu’au sommet de l’appareil politique, que la position d’évêque suscite des convoitises. Wladimir Guettée dans son commentaire historique, choisit de le relier avec le canon suivant.

Canon 11

Texte : « Osius évêque dit : Nous devons aussi décider que, lorsqu’un évêque se rend d’une ville à l’autre ou d’une province à l’autre, poussé par la vanité de recueillir des louanges plutôt que par le motif d’un vœu religieux, et veut y demeurer assez longtemps et que l’évêque de cette ville ne soit pas très versé dans l’art de la parole, il ne devra pas l’en mépriser et prêcher trop souvent, dans l’intention de faire mépriser et d’avilir la personne de l’évêque du lieu, - ce qui a servi jusqu’ici de prétexte à bien des troubles -, et ne s’efforcera pas par cette ruse de gagner le siège d’autrui et de se l’attacher, sans hésiter à abandonner l’église qui lui fut confiée pour passer à une autre.
Il faut donc fixer un temps pour le séjour, puisque ne pas accueillir un évêque serait considéré comme une chose inhumaine et grossière. Souvenez-vous d’autre part que dans le passé nos pères avaient décidé, que si un laïc demeurant dans une ville ne prend pas part aux assemblées des fidèles pendant trois dimanches en trois semaines consécutives, il soit excommunié; si donc telle fut la décision pour les laïcs, il ne faut, ni ne convient, ni n’est avantageux qu’un évêque, à moins de se trouver dans une nécessité bien grande ou une situation difficile, s’absente très longtemps de son église et attriste le peuple qui lui est confié.
Tous les évêques dirent : Nous décidons que cet avis aussi est très convenable. »

Commentaire : le contexte est ici le suivant ; un évêque habile en rhétorique va prêcher avec éloquence dans un diocèse dont l’évêque n’a pas la même maîtrise de l’art oratoire. L’évêque humilié, perdrait ainsi de son influence. Osius peut ici sous-entendre que l’évêque en déplacement ne serait pas seulement guidé par son zèle religieux, mais aurait d’autres arrière-pensées. Ce canon veut ainsi empêcher un évêque de mettre la main sur un autre diocèse.
Le concile Quinisexte a repris ce principe mais pour l’étendre aux diacres et aux prêtres.

Canon 12

Texte : « Osius évêque dit : Puisqu’il ne faut rien omettre, nous devons nous prononcer sur la chose suivante aussi. Quelques-uns de nos frères dans l’épiscopat pensent qu’ils possèdent très peu de biens dans les villes où ils sont établis évêques, alors qu’ils ont ailleurs des possessions importantes, grâce auxquelles ils sont justement en état de venir en aide aux pauvres. C’est pourquoi j’estime qu’il faudra leur permettre dans le cas où ils se rendraient à leurs possessions pour y faire la récolte, de rester dans leurs propriétés trois dimanches, c’est-à-dire trois semaines, et de prendre part aux offices et célébrer dans l’église du voisinage où célèbre un prêtre, afin de ne pas paraître privés de la célébration, sans se rendre cependant trop souvent à la ville, où réside l’évêque. De cette façon, leurs propres affaires ne subiront point de dommage par leur absence, et ils montreront qu’ils évitent l’accusation d’orgueil et de superbe.
Tous les évêques dirent : Cette proposition aussi nous plaît. »

Commentaire : ce canon adoucit le précédent pour les gens de bonne foi. Inutile de punir les bons à cause des mauvais. Le principe ici est de permettre à un évêque ayant des possessions dans un autre diocèse, d’aller venir les chercher. Ces actions logistiques peuvent parfois être lourdes, et il s’agit de ne pas pénaliser inutilement un évêque qui voudrait transférer des biens. On notera cette durée de trois semaines qui est également la durée pour laquelle une personne s’abstenant de toute communion eucharistique alors qu’ayant une paroisse à sa disposition, se verrait de facto excommuniée, s’il lui prenait l’envie de s’abstenir volontairement de toute présence à l’église.

Canon 13

Texte : « Osius évêque dit : Que l’on veuille bien décider ceci aussi, que si un diacre ou un prêtre ou l’un des clercs est déclaré excommunié et cherche refuge auprès d’un autre évêque qui le connaît et qui sait qu’il a été excommunié par son propre évêque, celui-ci ne doit pas, au mépris de son frère dans l’épiscopat, le recevoir dans sa communion; s’il osait faire cela, qu’il sache qu’il aura à en rendre compte devant les évêques réunis.
Tous les évêques dirent : Cette décision sauvegardera pour toujours la paix et conservera la concorde entre tous. »

Commentaire : ce canon est très simple et se passe de tout commentaire. On notera que dans l’affaire ukrainienne, et j’entends par là, la création par Constantinople en 2018 d’une structure dans le territoire canonique ukrainien qui est censé appartenir au patriarcat de Moscou, que cette création se fit entre autre avec des gens excommuniés par Moscou des années auparavant. Ceci sert à vérifier, s’il le fallait, la non canonicité des actions du patriarcat de Constantinople.

Canon 14

Texte : « 0sius évêque dit : Je ne dois pas passer sous silence ce qui m’a toujours préoccupé. S’il se trouvait quelqu’évêque irascible, chose qui ne devrait pas apparaître dans la conduite d’un homme de cet état, et qu’emporté vivement contre un prêtre ou un diacre, il voulût l’exclure de l’église, il faudra pourvoir à ce que le clerc en question ne soit pas brusquement condamné et privé de la communion.
Tous les évêques dirent : Que l’excommunié ait le droit de recourir à l’évêque de la métropole et si celui-ci est absent, au métropolitain le plus proche, et réclamer que son affaire soit examinée avec exactitude; car il ne faut pas refuser l’audience à ceux qui la demandent. L’évêque qui a excommunié à raison ou à tort un tel clerc doit souffrir en toute sérénité que l’examen de l’affaire ait lieu et que sa décision soit ou confirmée ou corrigée. Mais avant que toute chose ne soit examinée avec soin et foi, celui qui fut privé de la communion ne doit pas revendiquer la communion pour soi avant le complet éclaircissement de l’affaire. Si dans leurs réunions les membres du clergé remarquent son orgueil et son insoumission, comme il ne convient pas de supporter qu’à tort on insulte à l’autorité ou qu’on s’en plaigne, ils doivent le reprendre avec des paroles un peu sévères et graves, par hommage et déférence envers celui qui préside au bien; car de même que l’évêque se doit de témoigner de l’affection sincère et de la bienveillance à ses ministres, de la même manière les subordonnés doivent s’acquitter de leur service envers l’évêque sans arrière-pensée.
Janvier évêque dit : Que votre sainteté veuille bien statuer de même sur ceci, qu’il ne soit permis à aucun évêque de solliciter à son service le clerc d’un autre évêque et de l’ordonner pour son diocèse. Tous dirent : Cela nous plaît, car de ces dissentiments naît d’habitude la discorde et pour cette raison la sentence générale interdit qu’on ose le faire. »

Commentaire : ce canon est une sorte de corollaire du précédent. Certes un clerc excommunié ne peut être reçu à la communion, mais cette sentence d’excommunication doit pouvoir être examinée, car les conséquences sont terribles. Ce canon reste dans la logique du canon 5 de Nicée qui disait un peu la même chose. La mention de l’évêque Janvier ne se trouve que dans les recueils latins. Elle est absente des recueils grecs. Janvier était évêque dans la région italienne de la Campanie (autour de Naples).

Canon 15

Texte : « Osius évêque dit : Décidons aussi tous ensemble, que si quelque évêque voulait conférer une ordination quelconque à un clerc étranger venant d’un autre diocèse, sans le consentement de son propre évêque, qu’une telle ordination soit considérée comme infirmée et invalide. Si quelques-uns se permettaient de faire cela, ils doivent être rappelés à l’ordre par les évêques nos frères et s’en corriger.
Tous dirent : Que cette décision aussi demeure inébranlable. »

Commentaire : ce canon reprend exactement l’ajout de l’évêque Janvier à la fin du canon 14. Ici le grec le pose en canon 15 et le latin se répète. Les canonistes latins disent qu’il y a tout de même une nuance : le canon 14 vise les cas volontaires de nuisance et le canon 15 les cas involontaires de nuisance.

Canon 16

Texte : « Aétius évêque dit : Vous n’ignorez pas la nature et la grandeur de la métropole de Thessalonique. Or, il y arrive souvent des prêtres et des diacres d’autres diocèses, qui, ne se contentant pas d’un bref séjour, y restent et y passent tout leur temps, ou ce n’est qu’après un long temps qu’on arrive enfin à les forcer de retourner à leurs églises. Il faut par conséquent prendre une décision à leur sujet.
Osius évêque dit : Que les décisions prises à l’égard des évêques soient aussi observées à propos de ces personnes. »

Commentaire : Osius semble vouloir appliquer ici immédiatement ce qu’il a préconisé au canon 11. La durée de séjour ne peut pas excéder 3 semaines.

Canon 17

Texte : « Osius évêque dit : Sur la suggestion de notre frère Olympius il nous a plu aussi, que si un évêque subissant violence est chassé de son diocèse injustement, pour la discipline ou pour la confession de la foi de l’église catholique ou pour la défense de la vérité, et fuyant le péril de sa vie, alors qu’il est innocent et pieux, il arrive dans une cité épiscopale, qu’il ne soit pas empêché d’y demeurer tout le temps, jusqu’à ce qu’il puisse retourner chez lui ou qu’on ait pu le libérer de l’injustice qui lui fut faite; ce serait en effet cruel et insupportable qu’un homme exilé injustement ne fût pas accueilli par nous, car c’est avec bonté et bienveillance qu’un tel doit être reçu.
Tous dirent : Cela aussi nous plaît. »

Commentaire : l’Eglise dans sa sagesse différencie naturellement les séjours pour des motifs mondains et les séjours qui sont des exils d’un quelconque danger. Le cas particulier d’Athanase a du sembler très marquant pour tous les évêques assemblés en concile.

Canon 18

Texte : « Gaudentius évêque dit : Tu sais, mon frère Aétius, que depuis que tu as été établi évêque, la paix a dès ce moment régné dans ton diocèse. Afin qu’il ne reste point de traces de discorde dans la discipline ecclésiastique, il me semble bon de recevoir à la communion ceux qui furent établis par Muséus et par Eutychianus, car il n’y a rien à leur reprocher. »

Commentaire : je propose de le commenter après avoir pris connaissance du canon 19.

Canon 19

Texte : « Osius évêque dit : Voici l’avis de mon humble personne: Bien que nous devions être calmes et patients et avoir toujours de la pitié pour tous; ne pas recevoir à l’avenir, ceux qui jadis furent promus à l’état ecclésiastique par certains de nos frères, s’ils ne veulent pas retourner aux églises auxquelles ils avaient été nommés. Quant à Eutychien, il ne doit revendiquer pas même le titre d’évêque, Muséus non plus ne doit pas être considéré comme évêque; tandis que s’ils réclament pour eux la communion laïque, il ne faut pas la leur refuser.
Tous dirent : Tel est notre avis. »

Commentaire : le concile de Sardique tranche ici dans ces deux canons 18 et 19 les troubles qui agitèrent le diocèse de Thessalonique. L’évêque Alexandre à l’issue du concile de Tyr avait pris le parti d’Athanase. Après sa mort, les eusébiens avaient manœuvré et le diocèse s’était retrouvé avec plusieurs évêques, et donc une hiérarchie de clercs parallèles. Il semble qu’il y eut en même temps les évêques Museus, Eutychianus et Aétius. Chacun avait donc établi des clercs puis Aétius s’était finalement retrouvé seul évêque véritable. La situation de Thessalonique avait d’ailleurs été un des sujets de communication des eusébiens réunis dans le faux concile de Philippopolis dont nous avons déjà parlé. Le faux concile s’opposait évidemment à Aétius. La question ici était donc de savoir quoi faire des clercs ordonnés par Muséus et Eutychianus. Le canon 18 appelait à la clémence et à la miséricorde pour des clercs qui pouvaient être de bons pasteurs en dehors des jeux politiques de ceux qui les avaient ordonnées. Osius tranche qu’ils ne doivent plus être considérés clercs mais pas privés de la communion laïque pour autant. Par contre Muséus et Eutychianus sont déposés avec un traitement particulier chacun, décrit par le canon sans avoir besoin de le commenter davantage. Osius semble avoir considéré qu’être ordonné par des gredins était un manque de discernement suffisant pour ne pas avoir le bon sens nécessaire à la cléricature, mais qu’il ne s’agissait pas d’un crime suffisant pour entraîner une excommunication.

Canon 20

Texte : « Gaudentius évêque dit : Toutes ces décisions salutaires et raisonnables et dignes de notre rang d’évêques, et agréables à Dieu et aux hommes, ne sauraient obtenir force et autorité, si une certaine crainte n’accompagne les sentences prononcées; nous savons en effet nous aussi que très souvent à cause de l’effronterie d’un petit nombre le divin et vénérable nom d’évêque a été blâmé. Si donc quelqu’un ose faire quelque chose contre les décisions prises par tous, cherchant à plaire à son orgueil et son insoumission plus qu’à Dieu, qu’il sache dès maintenant qu’il se met dans l’obligation de se justifier et qu’il perd l’honneur et la dignité d’évêque.
Tous répondirent : Une telle décision convient et nous plaît. »

Commentaire : Il fallait bien, pour que ce concile ait une autorité, que des peines n’accompagnent la non observance des canons qui en étaient issus. Comme il s’agit d’un concile qui essaie de réguler les dérives de l’épiscopat, nous avons donc une sanction somme toute prévisible : le récalcitrant se trouve déchu de sa qualité d’évêque.

Canon 21

Texte : « Gaudentius évêque dit : Une telle attitude deviendra manifeste et sera prévenue, si chacun de nous qui sommes constitués évêques des villes de passage de navires, je veux dire sur le détroit, voyant arriver un évêque, lui demande la raison de son passage et où il va; et s’il découvre que l’évêque s’en va à la cour, qu’il lui pose les questions exposées plus haut; et s’il s’y rend sur invitation, qu’il n’y mette point d’obstacle; mais si c’est par ostentation, selon que votre charité l’a dit, ou bien s’il se rend à la cour pour satisfaire à l’ambition de certains, qu’on ne souscrive point à ces lettres d’introduction auprès de l’empereur, ni qu’on entre en communion avec un tel.
Tous dirent : Que cela aussi soit décidé.
Osius évêque dit : Cependant, mes très chers frères, il faut procéder avec modération, car il est à craindre que des évêques, ignorant encore ce qui a été décidé dans ce synode se présenteront bientôt dans les cités qui se trouvent sur le détroit. C’est pourquoi l’évêque même de la cité maritime doit conseiller et instruire l’évêque arrivant, pour qu’il envoie de là-même son diacre; quant à l’évêque instruit sur les décisions du synode, il rentrera dans son diocèse. »

Commentaire : le laïus final d’Osius est intéressant car il témoigne de la difficulté de communication de l’époque, en regard de notre monde où nous pouvons savoir très vite ce qu’il se passe à l’autre bout du monde. C’est ce qui rend d’autant plus impardonnable toutes les fautes canoniques dont se rendent coupables les évêques aujourd’hui qui participent à l’œcuménisme et aux prières communes.

Voilà pour les canons. Le concile de Sardique fit encore une déclaration concernant la date de Pâques, qui fut un gros sujet lors du concile de Nicée. Saint Athanase nous rapporte que « à Sardique, on parvint à s’entendre au sujet de la Date de Pâques. On décida que pendant cinquante ans les Romains et les Alexandrins annonceraient partout, selon l’usage, le jour de la fête de Pâques ». Le souci était le suivant : Nicée disait que l’on se basait sur l’équinoxe de printemps. Mais les romains la fixaient au 18 mars et les alexandrins au 21 mars. Nicée avait tranché de façon partielle en laissant à Alexandrie le fait de choisir la date et à Rome la publication. Sardique voulait donc avancer dans une uniformisation nécessaire. Les témoignages historiques nous montrent que cela fut un échec sur ce point, car Rome et Alexandrie ne se sont pas accordés pour les années 350, 360 et 368.



Les documents du concile de Sardique

La lettre encyclique du concile de Sardique

Le concile de Sardique nous a laissé trois documents. Le premier est la lettre encyclique que nous avons par Saint Athanase en grec et Saint Hilaire en latin. Voici la traduction française que l’on peut trouver : « Les pieux empereurs ont convoqué le concile de Sardique pour trois motifs, et les évêques orientaux (les eusébiens) s’y sont rendus pour montrer leur obéissance aux ordres des empereurs, et faire la preuve des accusations portées auparavant contre Athanase et contre Marcel. Mais lorsqu’ils ont appris la présence de ces deux évêques et celle d’Asclépas, évêque de Gaza, ils n’ont plus osé s’engager dans une enquête, quelque pressantes sollicitations que I’on ait faites pour les y amener. Ce qui les effrayait plus encore, c’est que plusieurs évêques et plusieurs prêtres maltraités par eux étaient venus en personne porter leurs accusations, ou bien avaient fait appel à leurs connaissances ou à leurs amis; ils voulaient même montrer les chaînes qu’ils avaient portées. La fureur (des eusébiens) avait été si loin que plusieurs évêques, entre autres Théodule (probablement l’évêque de Trajanopolis), n’avaient pu échapper à la mort que par la fuite. Des députés de plusieurs diocèses s’étaient également rendus à Sardique pour faire comprendre au concile les actes de violence qui avaient accompagné l’expulsion des évêques orthodoxes et l’installation des évêques et des prêtres intrus, et ariens. Les Orientaux, jugeant leur cause insoutenable, avaient quitté Sardique; néanmoins le concile avait examiné toute l’affaire avec grand soin, et les actes avaient prouvé que les Orientaux n’étaient que d’adroits calomniateurs et de faux témoins : on y avait vu qu’Arsène vivait encore, qu’on n’avait jamais brisé de calice et le cas qu’il fallait faire des procès-verbaux de l’enquête dans la Maréotide. L’orthodoxie de Marcel demeurait indemne et l’innocence d’Asclépas attestée précisément par les accusations de ses adversaires. En revanche, la preuve était faite du rétablissement sur leurs sièges épiscopaux des évêques jadis déposés pour cause d’hérésie; bien plus ils avaient été élevés à de plus hautes dignités. Les principaux chefs de ce parti étaient Théodore d’Héraclée, Narcisse de Néronias, Etienne d’Antioche, Georges de Laodicée, Acace de Césarée, Ménophante d’Ephèse, Ursace de Singidunum et Valens de Mursa, qui, en faisant route vers Sardique, avaient tenu des conciliabules et empêché les autres Orientaux de se réunir au concile, ainsi que l’ont attesté Macaire et Astérius, leurs compagnons de route. Après leur départ de Sardique, leur culpabilité a été prouvée dans les crimes dont on les accusait, les calomnies, les actes de violence, les lettres falsifiées, les coups, les emprisonnements, le viol des vierges consacrées, la destruction des églises, etc. Ils ont été convaincus, ce qui était pire, d’avoir réveillé l’hérésie d’Arius ; aussi le concile a-t-il déclaré innocents Athanase, Marcel et Asclépas, excommunié les chefs des eusébiens. On ne devra donc plus communiquer avec eux, et chaque évêque signera les actes de Sardique, comme s’il avait assisté en esprit à leur rédaction, afin que l’union règne entre tous les serviteurs du sanctuaire. »

Lettre du concile à l’Eglise d’Alexandrie

Le second document est une lettre adressée à l’Eglise à Alexandrie. Le document commence ainsi : « Les amis de l’arianisme avaient été empêchés par leur mauvaise conscience de prendre part au concile, et celui-ci avait ratifié le jugement porté en faveur d’Athanase par le pape Jules, jugement fondé sur les dépositions de quatre-vingts évêques. Tous les membres du concile de Sardique avaient reconnu qu’il était légal d’être en communion avec Athanase, tandis que les eusébiens avaient refusé de prendre part au concile, si on ne commençait par en éloigner Athanase. Quant aux actes de la Maréotide, ils étaient faux et rédigés d’une manière partiale; Ischyras en avait lui-même dévoilé la fausseté. » La lettre montrait ensuite que l’accusation au sujet d’Arsène avait été trouvée également fausse, mais les ennemis d’Athanase n’en avaient pas moins imaginé d’autres perfides accusations. Athanase et le concile avaient réclamé une enquête, mais les accusateurs avaient fui, laissant voir ainsi la fausseté de leur conscience. Les Alexandrins, déjà tant éprouvés pour la bonne cause, devaient continuer à montrer la même fermeté, dussent-ils être de nouveau poursuivis par les ariens. De son côté, le concile faisait en leur faveur tout ce qui était en son pouvoir. Il avait écrit aux empereurs pour la délivrance des inculpés et faire porter défense à tout fonctionnaire civil de juger les affaires religieuses et de molester quelqu’un pour un motif religieux. Le concile priait instamment les Alexandrins de ne pas reconnaître Grégoire qui n’avait jamais été l’évêque légitime et que le concile de Sardique avait déposé : il leur demandait de recevoir avec joie Athanase à son retour parmi eux. Le concile déclarait que les prêtres Aphton, Athanase le fils de Capito, Paul, et Plution chassés par les eusébiens, avaient été reçus par le concile et déclarés innocents, on pouvait donc les accueillir. Quant au décret contre les eusébiens, ceux-ci pouvaient en avoir connaissance, en consultant la pièce supplémentaire (c’est-à-dire la lettre encyclique).

Le concile envoya des lettres analogues aux autres Eglises dont les évêques avaient été trouvés innocents, et qui, par ordre de l’assemblée, devaient être rétablis sur leurs sièges. Cette lettre n’est présente que chez Athanase et nous ne l’avons pas chez Hilaire.

La lettre envoyée à tous les évêques

« Le saint concile réuni à Sardique, par la grâce de Dieu, de la ville de Rome, d’Espagne, de Gaule, d’Italie, de Campanie, de Calabre, d’Afrique, de Sardaigne, de Pannonie, de Mœsie, de Dacie, de Dardanie, de l’autre Dacie, de Macédoine, de Thessalie, d’Achaïe, d’Epire, de Thrace, de Rhodope, d’Asie, de Carie, de Bythinie, de Hellespont, de Phrygie, de Pisidie, de Cappadoce, de Pont, de l’autre Phrygie, de Cilicie, de Pamphylie, de Lydie, des îles Cyclades, d’Egypte, de Thébaïde, de Lybie, de Galatie, de Palestine, d’Arabie, aux évêques de toutes les Eglises, nos collègues de l’Eglise catholique et apostolique, nos frères bien-aimés, salut dans le Seigneur. Les hérétiques partisans d’Arius ont commis de nombreux attentats contre les serviteurs de Dieu, fidèles à la vraie foi. Pour répandre leur mauvaise doctrine, ils ont essayé de chasser les orthodoxes. Ils se sont élevés avec tant de violence contre la foi, que les empereurs eux-mêmes n’ont pu ignorer plus longtemps leurs actions. C’est pourquoi, avec le secours de la grâce de Dieu, ces très-religieux empereurs nous ont eux-mêmes réunis des diverses provinces et cités, et nous ont accordé de tenir ce saint synode dans la ville de Sardique, dans le but de mettre fin à toute discussion, de condamner toute mauvaise doctrine, et de faire régner partout la piété envers le Christ. Obéissant aux exhortations des pieux empereurs, des évêques se sont rendus aussi en cette ville dans le but d’examiner, comme ils l’avaient eux-mêmes si souvent demandé, leurs accusations contre nos frères et collègues bien-aimés Athanase, évêque d’Alexandrie, et Marcellus, évêque d’Ancyre en Galatie. Leurs calomnies sont peut-être parvenues jusqu’à vous; peut-être ont-ils cherché à vous tromper par ces calomnies, afin de détourner votre attention de leurs mauvaises doctrines. Mais cette manière d’agir ne peut durer plus longtemps, car le Seigneur protège les Eglises, lui qui est mort pour elles et pour nous tous, et nous a ouvert par ses mérites l’entrée du ciel. Lorsque ceux qui adhéraient à Eusèbe eussent écrit à notre collègue Julius, évêque de Rome, contre nos collègues Athanase, Marcellus et Asclépas, d’autres évêques de diverses contrées écrivirent également pour prouver l’innocence d’Athanase, affirmant que les accusations d’Eusèbe et de ses partisans étaient calomnieuses et mensongères. Eusèbe et ceux qui étaient avec lui prouvèrent eux-mêmes qu’il en était ainsi en refusant de se rendre à l’invitation de notre bien-aimé et collègue Julius, comme cela est prouvé par la lettre de Julius lui-même. Ils se fussent rendus en effet à cette invitation, s’ils avaient cru fondés les reproches qu’ils adressaient à nos collègues. Mais leur conduite pendant ce saint et grand synode a mieux prouvé encore leur mauvaise foi. En arrivant à Sardique, ayant vu que nos frères Athanase, Marcellus et Asclépas s’y trouvaient, ils n’osèrent affronter la discussion et refusèrent de se rendre aux invitations nombreuses qui leur furent adressées par nous tous, évêques assemblés, et par Osius, ce vieillard vénérable, confesseur de la foi pendant la persécution, et qui, par son âge et ses grandes actions, est digne de respect. En refusant la discussion, ils prouvèrent qu’ils étaient calomniateurs. Mais ce n’était pas seulement l’impossibilité , de prouver leurs mensonges qui les empêcha de se rendre au concile , ils craignaient les révélations qui seraient faites sur leurs propres crimes. On voyait au concile un grand nombre de leurs victimes, et en particulier un évêque qui montrait la chaîne dont on l’avait chargé. On leur reprochait même des meurtres. Ils en étaient venus à cet excès de démence qu’ils voulaient tuer les évêques qui leur résistaient; ils les auraient tués en effet si ceux-ci ne s’étaient soustraits par la fuite à leur fureur. Ils sont certainement coupables de la mort du bienheureux évêque Théodulos, qui fut tué lorsqu’il s’enfuyait pour échapper à une sentence capitale qu’ils avaient obtenue contre lui. Parmi leurs victimes présentes à Sardique, les uns montraient les cicatrices des coups d’épée qu’ils avaient reçus; les autres se plaignaient d’avoir été privés de nourriture, par suite de leurs persécutions. Les accusateurs n’étaient pas des hommes sans notoriété, mais des Eglises entières ou leurs délégués qui nous faisaient connaître leurs victimes. On nous a lu des lettres que Theognis avait écrites aux empereurs pour les exciter contre nos collègues Athanase, Marcellus et Asclépas, et l’authenticité de ces écrits nous a été certifiée par ceux qui alors étaient diacres de Theognis. Il faut ajouter à ces violences des vierges violées, des églises incendiées, des ecclésiastiques jetés en prison, et toutes les abominations habituelles à l’hérésie arienne. Ne voulant ni avouer ces crimes, ni essayer de prouver leurs calomnies, ils prirent le parti de quitter Sardique; mais leur fuite elle-même est un aveu des crimes qui leur étaient reprochés. Les principaux chefs du parti, après Eusèbe, sont : Théodore, de Héraclée; Narcissus, de Néroniade, en Cilicie; Etienne, d’Antioche; Georges, de Laodicée; Acacius de Caesarée, en Palestine; Ménophantis, d’Ephèse, en Asie; Ursace, de Singidunum, en Maesie; Valens de Mursia, en Pannonie. Ce sont eux qui ont empêché les évêques qui étaient venus d’Orient avec eux de se rendre au saint concile et de s’unir à l’Eglise de Dieu. En se rendant à Sardique, ils tenaient çà et là des assemblées, et ils s’engageaient à ne point permettre de jugement lorsqu’ils seraient arrivés à Sardique, de ne point s’unir au saint concile et de se retirer aussitôt après avoir signifié leur arrivée. Nous avons appris ces détails de nos collègues Macarius, évêque en Palestine, et Asterius, évêque en Arabie, lesquels, après être venus avec eux, s’en séparèrent à cause de leur mauvaise foi. S’étant présentés au concile, ils se sont plaints de la violence qu’on leur avait faite et attestèrent que les évêques nommés ci-dessus n’agissaient point sincèrement; qu’ils avaient empêché les évêques orthodoxes de se rendre au concile, et avaient fait des menaces à ceux qui voulaient les abandonner. C’est pour cela qu’ils avaient pris leurs mesures pour que tous les orientaux demeurassent ensemble et qu’aucun d’eux ne pût échapper à leur continuelle surveillance. Bien-aimés, dit le concile en terminant, gardez-vous bien de leur écrire et de recevoir leurs lettres. Veuillez au contraire, frères et collègues, être présents en esprit à notre concile et ajouter votre suffrage en signant nos actes, afin que la concorde soit conservée par tous nos collègues en tous lieux. Que la divine Providence vous garde dans la sainteté et la joie, frères bien aimés »

La lettre est signée par Osius, d’Espagne; Julius, de Rome, représenté par les prêtres Archidamus et Philoxenus; Protogènes, de Sardique. Saint Athanase nomme ensuite soixante-quinze évêques sans désigner leurs sièges. Parmi eux sont Athanase lui-même, Marcellus, d’Ancyre, et Asclépas, de Gaza. Il en compte trentre-quatre de la Gaule; trente-six de l’Afrique; quatre-vingt-quatorze d’Egypte; quinze d’Italie; douze de Chypre; quinze de Palestine.

Au total, soixante-trois évêques de Phrygie et d’Isaurie se joignirent pour signer ce document, soit 347 évêques. On sait qu’une lettre, malheureusement aujourd’hui perdue fut adressée aux deux empereurs Constans et Constantius. Il est évident que le document comportait les décrets rendus contre les principaux dirigeants du mouvement semi-arien. Finissons en expliquant pourquoi Sardique n’est pas un concile œcuménique. Certes Athanase le nomme « grand concile ». Certes il réunit orientaux et occidentaux. Certes il est convoqué par les empereurs romains d’orient et d’occident. Certes il cherche à répondre à une crise qui empoisonne la vie de l’Eglise.

Mais il n’est jamais que la résistance d’hérétiques et d’affairistes à une décision de Nicée. Le débat porte sur homoousios, et les attaques qui se concentrent sur Athanase n’existent que parce qu’il est un partisan déterminé de la définition rendue à Nicée. Sardique est donc un écho de Nicée. Il n’adresse pas de « nouveau » problème comme les conciles œcuméniques suivants. C’est pour cela que le concile In Trullo ne le classe pas dans les conciles œcuméniques, mais le tient néanmoins en haute estime puisqu’il intègre ses canons dans la liste des canons à conserver et observer. On pourra rajouter que les deux empereurs n’ont pas forcément donné à Sardique la publicité et le poids que Constantin avait donné à Nicée. Un exemple marquant : Augustin attaque Sardique en le déclarant non orthodoxe. En effet il fait référence à la réunion de Philippopolis, qui est le concile parallèle des eusébiens ayant fuis Sardique et ayant fait leur propre concile, avec leurs propres conclusions et qui ont communiqué dessus avec la mention « Sardique ». C’est ce document que fustige Augustin.