Les canons du concile du Gangres

Arrêtons un moment le flot de l’histoire qui nous amène jusque Constantinople. Le Concile de Gangres a eu lieu en actuelle Turquie, entre 340 et 355 selon les spécialistes qui ont du mal à s’accorder. Nous choisissons arbitrairement d’en faire mention à ce moment précis de l’histoire. Certains donnent Osius comme président du concile, mais les documents à notre disposition ne confirment pas cela. Il a été simplement dans les destinataires des décisions du concile. Le concile se réunit principalement pour répondre à un certain Eustathe, dont les partisans sont appelés eustathiens. Il y a deux Eustathe dans cette période : Eustathe d’Antioche et Eustathe de Sébastée. Le premier, Eustathe d’Antioche, adversaire de l’arianisme mort quelques années plus tôt vers 337, 338 est un grand saint, dont Jérôme loue les immenses connaissances, et ce n’est pas lui ni ses partisans qui furent condamnés au concile. Le second, Eustathe de Sébastée est celui qui est concerné, mais il convient ici de comprendre qu’il s’agissait davantage de certains partisans exaltés que de sa propre personne. Les deux Eustathes se connaissaient car Eustathe d’Antioche avait refusé d’ordonner Eustathe de Sébastée à la prêtrise, le soupçonnant d’être un arien. Mais revenons aux partisans d’Eustathe de Sébastée : ceux-ci entrèrent dans l’histoire à cause des condamnations de ce concile. Eustathe de Sébastée semble avoir été en accord avec tous les canons de ce concile et s’y conforma sans rien y redire. Il fut d’ailleurs longtemps un ami de Basile de Césarée, mais il se séparèrent lorsqu’il défendit des positions pneumatomaques. Il sera définitivement condamné sur ce point au concile de Constantinople que nous verrons plus tard. Le concile vient dénoncer les erreurs des eustathiens. Le document d’ouverture précise les griefs contre les eustathiens et la nécessité du concile :

  • ils condamnent le mariage
  • Leur attitude à conduit plusieurs personnes à créer des assemblées sans communion avec l’Eglise
  • Ils ont des usages vestimentaires étranges qui les différencie des autres
  • Les esclaves abandonnent les maîtres
  • Les femmes s’habillent comme des hommes
  • Ils jeûnent le dimanche et mangent normalement les jours de jeûne
  • Ils s’abstiennent totalement de viande
  • Ils refusent de prier et de participer à des eucharisties dans les maisons de gens mariés
  • Ils méprisent les prêtres mariés
  • Ils n’ont aucun égard pour les prières faites aux saints.
  • Ils pensent que les riches qui ne donnent pas l’intégralité de leurs biens hypothèquent leur destination céleste.

Le concile déclare les gens du parti eustathien immédiatement anathèmes. Puis il édicte les canons suivants :

Canon 1 : « Si quelqu’un blâme le mariage et déteste ou blâme celle qui en étant par ailleurs chrétienne et pieuse dort avec son mari, comme ne pouvant entrer dans le royaume de Dieu, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Notons comment l’apôtre Paul avait vu ou prévu cela, comme il l’écrivait à Timothée : « Mais l’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience, prescrivant de ne pas se marier, et de s’abstenir d’aliments que Dieu a créés pour qu’ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité. » (1 Tim 4:1-3). Le mariage n’a cessé d’être attaqué par les gnostiques tout au long de l’histoire, et ceci en est une énième manifestation.

Canon 2 : « Si quelqu’un condamne celui qui étant par ailleurs chrétien et pieux, mange de la chair, à l’exception du sang, des mets immolés aux idoles et des animaux impurs, comme s’il perdait par cela tout espoir de salut, qu’il soit anathème. »
Commentaire : Ces deux canons montrent chez les eustathiens des tendances ascétiques excessives et inutiles, mais surtout des positionnements crypto-gnostiques. On voit ici un dégoût de la matière et une incompréhension complète de la notion de sanctification de la matière. Les eustathiens n’avaient pas compris la nature du monde et le rapport du chrétien au monde.

Canon 3 : « Si quelqu’un sous prétexte de piété enseigne à un esclave de mépriser son maître et de quitter son service et de ne pas le servir avec toute la bienveillance et l’honneur, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Ce canon est connu et sert aux détracteurs du christianisme à montrer que la religion chrétienne ferait soi-disant la promotion de l’esclavage. Le contexte est donc ici de condamner ceux qui motivent les esclaves à abandonner leur maître pour devenir moines. Deux versets de l’Ecriture viennent éclairer ce canon : « Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés. » (1 Tm 6:1) et « Exhorte les serviteurs à être soumis à leurs maîtres, à leur plaire en toutes choses, à n’être point contredisants, à ne rien dérober, mais à montrer toujours une parfaite fidélité, afin de faire honorer en tout la doctrine de Dieu notre Sauveur. » (Tit 2:9-10).

Le piège ici est de regarder ce canon avec des yeux modernes. Aujourd’hui, l’esclavage nous semble quelque chose de parfaitement abject, mais il faut voir que le christianisme s’inscrit dans un monde donné. Et c’est ce donné qu’il transforme, pour faire advenir la totalité du Royaume. Et ceci est quelque chose qui se passe en ce moment même. Il est donc normal de voir des choses relatives à l’esclavage, puisque l’esclavage faisait partie de ce qu’était le monde antique. Ensuite, les belles âmes voudraient probablement que les évêques aient édictés un canon qui appelle les esclaves à la révolte, et à prendre une posture abolitionniste. Mais il faut comprendre que le christianisme n’appelle pas à la révolte dans les rapports économiques et sociaux, pour prendre un langage moderne, mais appelle à une insurrection de l’amour. Ce que le christianisme attend, est que le maître aime l’esclave et que l’esclave aime le maître. L’on attend ici des deux, mais cela est plus simple pour le maître, de comprendre que cette relation maître esclave est particulièrement peccamineuse. Mais la prise de conscience de cela ne peut pas venir d’une révolte. La dimension relative au monachisme est importante aussi pour comprendre les Pères du concile : la vocation monastique ne peut pas venir d’une envie d’échapper à l’esclavage. La vocation monastique ne peut venir que d’un amour particulier pour Dieu.

Canon 4 : « Si quelqu’un juge qu’il ne doit pas prendre part à la communion pendant la Liturgie célébrée par un prêtre marié, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Enième preuve à tous les impétrants théologiens : les prêtres étaient mariés depuis toujours. L’Eglise a toujours considéré que le mariage n’était pas un empêchement à la prêtrise. Penser cela est même prohibé par le droit canon de l’Eglise. On ne sera pas surpris, qu’en occident, une fois cette folie du célibat des prêtres devenu la norme, ce canon précis soit effacé des recueils canoniques.

Canon 5 : « Si quelqu’un enseigne qu’on peut mépriser la maison de Dieu et les offices qui s’y célèbrent , qu’il soit anathème »

Commentaire : L’apôtre Paul nous appelle à prier partout, en toutes circonstances, mais cela ne peut signifier que nous devions pas prier en église.

Canon 6 : « Si quelqu’un célèbre des offices religieux en privé hors de l’église paroissiale, et méprisant l’église veut faire ce qu’elle seule a le droit de faire, sans la présence du prêtre agréé par l’évêque, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Prolongement du canon 5, ce qui semble attaqué par les eustathiens et donc défendu par les Pères de Gangres, ce sont les réunions privées, les domus ecclesiae, les maisons où se réunissaient les chrétiens autour d’un prêtre pour célébrer les divins mystères. Les eustathiens, si on regarde la lettre d’introduction du concile, méprisaient ces réunions, si jamais elles se tenaient autour d’un prêtre marié. Attention ici à ne pas faire de confusion et penser que l’Eglise condamne les réunions privées. Elle condamne celles qui ne se font pas avec la bénédiction de l’évêque ou d’un de ses prêtres. Les eustathiens, dans un esprit de supériorité de type cathare, se réunissaient sans certains prêtres, s’arrogeant ainsi les prérogatives de l’évêque, pour décider qui est digne ou pas de la prêtrise, selon de faux prétextes.

Canon 7 : « Si quelqu’un veut recevoir des dons offerts à l’église ou en faire indépendamment de l’église, sans l’assentiment de l’évêque ou de celui qui est préposé à ce service, ou s’il ne veut pas agir avec l’agrément de celui-ci, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Le pedalion précise le contexte de ce canon : il s’agit de dons faits à l’Eglise en général, mais envers une paroisse en particulier, paroisse sous la coupe d’eustathiens qui détournaient les dons pour eux-mêmes en raison de leur prétendue sainteté.

Canon 8 : « Si quelqu’un fait des dons pour les pauvres ou en reçoit sans l’assentiment de l’évêque ou de celui qui est chargé de l’administration de la bienfaisance, celui qui donne et celui qui reçoit sont également frappés d’anathème. »

Commentaire : Ce canon est le corollaire du précédent. Il ne faut plus donner si l’on sait que cet argent aide les eustathiens. Si l’on peut actualiser ce canon aujourd’hui, on pourra rappeler que financer la fausse orthodoxie, financer ces gens qui violent les canons, c’est participer soi-même à soutenir cette fausse orthodoxie et toutes ses transgressions.

Canon 9 : « Si quelqu’un garde la virginité ou la continence, quittant le siècle par mépris pour le mariage et non pas à cause de la beauté et de la sainteté de la virginité, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Quelle sagesse dans ce canon ! La virginité ne doit pas venir d’un dégoût pour quelque chose, le mariage en l’occurrence, mais doit venir d’un appel pour la beauté intrinsèque du monachisme. Il y a ici en condensé, l’exposition des deux voies que propose l’Eglise, sans que l’une puisse se vanter d’une supériorité sur l’autre : le mariage et le monachisme, deux voies que l’Eglise met à notre disposition pour sanctifier nos existences. Clément de Rome, s’adressant aux corinthiens, et Ignace d’Antioche écrivant à Polycarpe ont tout deux rappelés que la virginité sans humilité n’était d’aucun mérite.

Canon 10 : « Si quelqu’un de ceux qui gardent la virginité pour l’amour du Seigneur se montre plein d’orgueil vis-à-vis de ceux qui sont mariés, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Ce canon fait écho au précédent et n’a pas besoin de commentaire additionnel. On se souvient comment saint Jean, dans sa première lettre expliquait qu’aimer le Seigneur sans aimer son prochain était ne pas vivre dans la lumière de Dieu, mais bel et bien dans les ténèbres.

Canon 11 : « Si quelqu’un méprise ceux qui avec esprit de foi offrent des repas aux pauvres et y invitent leurs frères en l’honneur du seigneur, et s’il ne répond pas à ces invitations parce qu’il regarde la chose comme de peu d’importance, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Il faut probablement comprendre ici non pas les repas eucharistiques de l’Eglise primitive mais plutôt des repas de charité offerts aux nécessiteux. On a du mal à comprendre que quelqu’un puisse mépriser le bien fait aux pauvres, mais les canons viennent corriger des situations pratiques. Il ne s’agit pas de spéculations intellectuelles sur des situations hypothétiques. Il y a donc eu, et probablement de façon répétée, des choses méprisantes, de la part des eustathiens, pour cette mission sociale de l’Eglise. Le Pedalion précise que ces banquets suivaient de près les fractions eucharistiques. On voit donc ici qu’à l’orgueilleux sentiment de supériorité sur une théologie fausse, se mêlait aussi une sorte de faux sentiment aristocratique tout à fait méprisable.

Canon 12 : « Si sous prétexte d’ascétisme un homme revêt le manteau des philosophes et se croyant juste par ce fait même, il méprise ceux qui vivant dans la piété portent la bure romaine et s’habillent comme tout le monde, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Ce canon, suite du précédent nous fait descendre un peu plus dans les mœurs, les logiques, les raisonnements et les pensées de ces eustathiens. Et ce qu’on constate est tout de même assez minable. Ce canon est véritablement le canon qui fut paraphrasé de façon célèbre : « l’habit ne fait pas le moine ». Pour ce qui est de l’habit, il s’agit du peribolaia, un manteau simple et grossier qui affiche clairement un mépris pour tout espèce de luxe. La tradition de l’Eglise rapporte qu’Eustathe portait typiquement ce vêtement et prescrivait aux eustathiens de le porter également : on retrouve bien cette tendance que le Christ rapporte des pharisiens, qui ont une pratique visible, une dévotion publique. Ce trait psychologique narcissique transcende donc le temps et l’espace pour toucher aussi bien les juifs pharisiens du premier siècle que les hérétiques eustathiens du quatrième siècle. C’est une constante de l’hypocrisie religieuse, et le vêtement en est un marqueur fort.

Canon 13 : « Si sous prétexte d’ascétisme une femme change ses habits et au lieu des habits habituels de femme prend des habits d’homme, qu’elle soit anathème. »

Commentaire : Le Deutéronome (22:5) interdisait aux hommes de s’habiller en femme, et aux femmes de s’habiller en homme. Mais cela était pour les juifs puisque dans le Pentateuque. Nous avons ici l’énième confirmation que pour tout ce qui concerne de près ou de loin la morale sexuelle, les commandements ont été universalisés par les apôtres. L’Eglise a tout d’abord lutté contre ceci chez les acteurs, mais aussi pour éviter les comportements liés à la débauche. Ici les eustathiens montrent qu’ils sont de piètres ascètes, voulant montrer par l’extérieur ce qu’ils pensent être à l’intérieur. L’Eglise ici met le doigt sur la fausse ascèse.

Canon 14 : « Si une femme abandonne son mari et veut quitter le siècle par mépris de l’état de mariage, qu’elle soit anathème. »

Commentaire : Ici on arrive à des dérives graves des eustathiens, où l’on voit que les sottises théologiques peuvent avoir des conséquences terribles dans la vie des gens. Il faut bien comprendre également que le problème est le mépris du mariage. Prenons le cas hypothétique du mari et de la femme, au sein du couple, qui au fil du temps, découvrent que l’état monastique leur convient davantage, tout ceci doit se régler avec l’évêque, avec le père spirituel, mais certainement pas via de fausses représentations de l’ascèse, ou via de fausses doctrines religieuses.

Canon 15 : « Si quelqu’un abandonne ses enfants et ne les élève pas, s’il ne leur inspire pas autant qu’il est en son pouvoir la piété qui leur convient, mais sous prétexte d’ascétisme il les néglige, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Conséquence du canon précédent, si Dieu a envoyé un enfant au couple, sa mission première est de s’en occuper, et d’en faire un bon chrétien. Négliger cet enfant pour des prétextes religieux doit être particulièrement abject aux yeux de Dieu.

Canon 16 : « Si des enfants, particulièrement des enfants de parents chrétiens, quittent le siècle et ne rendent pas à leurs parents l’honneur qui leur est dû, donnant par-là la préférence à la piété envers Dieu, qu’ils soient anathème. »

Commentaire : Canon en miroir du précédent. Le Pedalion commente particulièrement ce canon pour rappeler que même si les parents ne sont pas chrétiens, sont hérétiques ou autres, il convient de leur rendre l’honneur qui leur est dû. Le seul cas théorique où l’on peut être délivré de cette obligation morale élémentaire, est si les parents font tout pour que leur enfant ne puisse pas être chrétien, ni ne puisse pas se comporter en chrétien. Nous chrétiens orthodoxes véritables, devons aimer nos parents qui ne le sont très probablement pas, indifféremment de leur vision du monde.

Canon 17 : « Si sous prétexte d’ascétisme une femme se coupe les cheveux que Dieu lui a donnés pour lui rappeler sa dépendance, vu qu’elle énerve par là le précepte de l’obéissance, qu’elle soit anathème. »

Commentaire : Canon à bien comprendre et à bien contextualiser. Les femmes eusthatiennes, lorsqu’elles quittaient leurs maris, se coupaient les cheveux, afin de montrer qu’elles n’étaient plus sous aucun joug. C’était, comme pour les vêtements masculins, un autre signe extérieur d’une forme d’accomplissement spirituel et ascétique, accomplissement soi-disant. Dans sa première aux Corinthiens, saint Paul disait que cela était honteux qu’une femme soit tondue. Il faisait ici allusion aux règles de bienséances de cet endroit à cette époque, où les prostituées avaient comme signe distinctif d’être tondues ou avec des cheveux très courts. Aujourd’hui, le rapport à la chevelure est différent, et il n’est pas scandaleux pour une femme d’avoir des cheveux courts. Une fois encore, il faut voir ici que ce qui est visé c’est le faux ascétisme, les fausses marques de supériorité spirituelle. Il convient néanmoins, en église, pour les assemblées de prières, que comme l’a demandé saint Paul, la femme se couvre la tête. Ici on pourra voir chez celles qui savent mais qui viennent tout de même tête nue, une lointaine parenté avec les eustathiennes. Pour les autres, qui ne sont pas couvertes et sans savoir que cela est demandé : sachez que vous devriez être couvertes.

Canon 18 : « Si quelqu’un sous prétexte d’ascétisme jeûne le dimanche, qu’il soit anathème. »

Commentaire : La lettre synodale précise bien le point ici. Les eustathiens avaient institué le dimanche comme jour de jeûne, alors qu’il s’agit d’un jour de joie. La discipline de l’Eglise qui arrive parfois à des dimanches jeûnés n’est pas ici visée, bien entendu. En effet, avec les carêmes des apôtres, de la dormition, de la nativité et de Pâques, plus certains jours particuliers, il y a des dimanche où l’on jeûne. Mais ceci n’a rien à voir.

Canon 19 : « Si sans nécessité corporelle, mais seulement par orgueil un ascète n’observe pas les jeûnes, prescrits au peuple chrétien par la tradition et observés par l’Église, avec la pensée secrète qu’il a atteint le rang des parfaits, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Canon logique avec le précédent. L’orthodoxe est appelé à suivre la discipline alimentaire de l’Eglise. Le piège spirituel ici visé par rapport au jeûne, est celui qui consiste à se dire que comme on est un grand ascète, alors on a plus besoin du carême. Ces deux canons nous montrent à quel point les eustathiens faisaient tout à l’envers. C’est assez fascinant à voir.

Canon 20 : « Si quelqu’un sous le coup de l’orgueil ou de l’aversion critique les assemblées auprès des tombeaux des martyrs, ou les services divins qui s’y célèbrent et les mémoires des martyrs, qu’il soit anathème. »

Commentaire : Certains canonistes discutent pour savoir si les eustathiens avaient un problème avec les martyrs, ce qui peut sembler étonnant, même si avec les hérétiques tout est possible, mais s’il ne s’agit pas plutôt de voir ici un refus de prier pour les morts. Chose que l’on retrouve aujourd’hui dans le protestantisme qui ne comprend pas qu’il est absolument et nécessaire et traditionnel de prier pour les morts.



Voici donc pour les vingt canons de ce concile. Les pères du concile ont jugé nécessaire d’ajouter la mention suivante : « Nous avons rédigé cet écrit, non pour exclure ceux qui dans l’église de Dieu veulent pratiquer l’ascétisme conformément aux règles de l’écriture sainte, mais pour exclure ceux qui n’ayant que leur orgueil pour ascétisme, veulent s’élever au-dessus de ceux qui mènent une vie ordinaire, et introduire des nouveautés également opposées à l’écriture sainte et aux canons ecclésiastiques. Pour notre part, nous éprouvons de l’admiration pour la virginité unie à l’humilité et nous admettons la continence jointe à la piété et à la modestie. Nous admirons le fait de s’éloigner des affaires du monde par humilité; nous honorons l’état de mariage rempli de modestie et ne méprisons pas la richesse qu’accompagnent la justice et la bienfaisance. Nous louons la modestie et la simplicité des habits, qui sans trop d’artifices servent à couvrir le corps, mais nous rejetons les modes dans les habits, qui favorisent la mollesse et le luxe. Nous honorons la maison de Dieu et saluons comme saintes et profitables les assemblées qui s’y tiennent; sans confiner cependant la piété dans ces maisons, nous honorons, au contraire, tout lieu sur lequel on a bâti en l’honneur du nom de Dieu. Nous approuvons l’assemblée religieuse qui se fait dans l’église (paroissiale) pour le bien de la communauté. Nous n’avons que des louanges pour la grande bienfaisance des frères à l’égard des pauvres, qui s’exerce par l’intermédiaire de l’Église, comme le veut la tradition. Pour tour dire en un mot, nous souhaitons que l’on fasse dans l’Église ce qui nous a été transmis par les saintes écritures et les traditions apostoliques. »

Eustathe était évêque de Sébastée en Arménie, et le concile adresse très logiquement sa lettre et ses décisions aux évêques arméniens.