Le concile de Constantinople de 381

convocation et présidence du concile

La population de Constantinople demanda à l’empereur que Grégoire devint leur évêque, mais celui-ci refusa et envisagea même de quitter la ville pour éviter de devenir patriarche. Il accepta de rester jusqu’à ce que la place laissée vide par l’ancien évêque arien soit occupée par un autre évêque. C’est pour régulariser la situation de Constantinople que Théodose, le nouvel empereur convoqua un concile, à Constantinople, en 381. Théodose convoqua au total 36 évêques non orthodoxes et 150 évêques nicéens. Il avait pour but de ramener les non orthodoxes à la foi nicéenne. Cela devait être un concile local et aucun évêque occidental ne fut appelé. L’évêque de Rome ne fut représenté par personne.

Le concile fut présidé par Mélèce d’Antioche. Nous rappellerons pour ceux qui s’intéressent aux subtilités du droit canon, que Mélèce avait été ordonné évêque par des ariens. J’ai longuement parlé des conditions de l’élection de Mélèce puis de son parcours. Suivi en son temps par Basile de Césarée, puis lors de ce concile, sa présidence fut acceptée par l’empereur Théodose et par saint Grégoire de Nazianze. Ceci nous enseigne que les circonstances des sacres épiscopaux importent moins que l’orthodoxie véritable de leur doctrine. Les évêques célèbres présents à ce concile furent : Eleuze de Cyzique pour le camp non orthodoxe, Cyrille de Jérusalem, Grégoire de Nysse et Pierre de Sébaste, les deux frères de Basile de Césarée, Diodore de Tarse et bien évidemment Grégoire de Nazianze.

Mélèce mourut peu de temps après que le concile ne débute. C’est donc Grégoire de Nazianze qui lui succède pour présider l’assemblée jusqu’à ce que Nectaire ne soit élu sur le siège de Constantinople et ne prenne donc naturellement la tête du concile. La mort de Mélèce ouvrait la question de la situation compliquée à Antioche, entre partisans de Mélèce, désormais orphelins et partisans de Paulinus autre évêque orthodoxe d’Antioche. Le problème était envenimé par des limitations toutes humaines : l’occident avait soutenu Paulinus et l’orient avait soutenu Mélèce. Les évêques orientaux étaient donc tenté de jouer une partition orient contre occident. L’un des évêques dit à Grégoire : le Christ est né en orient ! Grégoire répondit : c’est aussi en orient qu’on l’a tué ! il appela les évêques à ne pas raisonner sur des bases aussi peu pertinentes ni évangéliques. Le compromis trouvé fut d’élever sur le siège d’Antioche quelqu’un qui pourrait faire l’unanimité : Flavianus, mais malheureusement, les partisans de Paulinus ne reconnurent pas le choix.

Le concile passa ensuite aux questions véritablement théologiques. On travailla sans succès avec les évêques semi-ariens pour qu’ils admettent le omoousios du Credo. Sans succès. Les évêques semi-ariens quittèrent le concile. Les évêques orthodoxes restants, sous l’impulsion de Nectarius, fraichement élu patriarche de Constantinople, prirent l’initiative d’écrire un Tomos, c’est-à-dire un document qui décrivait la foi de l’Eglise. Fort de ce Tomos, il fallait ensuite condamner les hérésies qui étaient en opposition avec l’orthodoxie qui y était professée. Plusieurs hérésies étaient visées. Pour leur répondre, les Pères de Constantinople modifièrent le Credo hérité de Nicée. Voici les modifications :

Évolution du symbole depuis celui de Nicée

Nicée : Nous croyons en un seul Dieu, un, Père tout-puissant créateur de toutes choses visibles et invisibles.
Constantinople : Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et de toutes choses visibles et invisibles.

Nicée : et en un Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, seul engendré du Père et étant de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non crée, consubstantiel au Père, par lequel toutes choses ont été faites, celles qui sont au ciel et celles qui sont sur la terre.
Constantinople : et en un Seigneur, Jésus Christ, fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non crée, consubstantiel au Père, par lequel toutes choses ont été faites.

Nicée : Pour nous hommes et pour notre salut, il est venu, s’est incarné et s’est fait homme.
Constantinople : Qui à cause de nous hommes, et à cause de notre salut, est descendu des cieux, et a été incarné par le Saint-Esprit et par la vierge Marie, et s’est fait homme ;

Nicée : Il a souffert, il est ressuscité le troisième jour, il est monté aux Cieux, et reviendra juger les vivants et les morts.
Constantinople : qui a été crucifié sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli, et qui est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures ; et qui est monté aux Cieux est assis à la droite du Père, et qui de nouveau viendra juger les vivants et les morts et dont le règne n’aura pas de fin.

Nicée : et nous croyons aussi au Saint-Esprit
Constantinople : Et en l’Esprit, Saint, Seigneur, qui donne la Vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes. En l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Je confesse un seul baptême en rémission des péchés. J’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.

Le Père Guettée énumère ainsi : « les additions relatives à l’Incarnation étaient dirigées contre les apollinaristes et contre Marcel d’Ancyre. Les additions relatives au Saint-Esprit l’étaient contre les eunomiens ou macédoniens ».

Pour présenter succinctement ces hérésies, on peut dire :

Les apollinaristes considéraient que le Christ ne pouvait pas avoir d’âme humaine à cause de sa divinité. Apollinaire de Laodicée avait déjà été condamné en occident par le Pape Damase.

Marcel d’Ancyre, dont nous avons déjà parlé, avait des tendance sabelliennes, c’est-à-dire cette tendance à voir les trois personnes de la Trinité comme des manifestations uniques de la même réalité divines, mais sous différents visages.

Le concile ne s’occupa pas uniquement de problèmes de doctrine, mais aussi des problématiques de juridiction. On se souvient que Nicée avait distingué des juridictions particulières pour l’évêque d’Alexandrie et de Rome (canon 6 principalement). La dynamique de l’Eglise suivant celle de l’empire, il convenait de réaliser une actualisation. Nectarius, évêque de Constantinople hérita de la Thrace. Helladios de Césarée du Pont. Grégoire de Nysse de la Cappadoce. Otriios de Mélitine de l’Arménie. Amphilocios d’Icône de l’Asie. Optimus d’Antioche de la Pisidie. Timothée d’Alexandrie de toute l’Egypte. Furent créées deux nouvelles provinces ecclésiastiques : Laodicée et Tarse. L’un des canons, resté fameux, institue Constantinople, deuxième en terme de rang d’honneur, à cause du fait que ce soit la seconde Rome. Nous le verrons plus en détail lors du commentaire des canons.

les canons du concile

La lettre du concile présentant les canons commence ainsi : « Canons des cent cinquante saint Pères réunis à Constantinople, sous le consulat de Flavius Eucherius et de Flavius Syagrius, hommes illustres, le 7 avant les ides de juillet ». Les spécialistes en déduisent que le concile a commencé en mai et s’est fini en juillet 381. Voici les canons :

Canon 1 : « La profession de foi des 318 pères réunis à Nicée en Bithynie, ne doit pas être altérée, mais au contraire conserver toute son autorité, et l’on doit anathématiser toute hérésie, en particulier celle des eunomiens ou anoméens, celle des ariens ou eudoxiens, celle des semi-ariens ou pneumatistes, celle des sabelliens, celle des marcelliens, celle des photiniens et celle des apollinaristes. »

Ce premier canon place le concile directement dans la droite ligne du concile de Nicée. On a vu que les conciles intermédiaires (Sardique, Gangres ou Laodicée) ne procédaient pas de la même façon. Le concile n’avait peut-être pas prévu d’être œcuménique au départ, mais on voit qu’il a rapidement eu conscience de juger des affaires à caractère universel.

Canon 2 : « Les évêques qui sont à la tête d’un diocèse ne doivent pas s’immiscer dans les affaires des Églises qui sont hors de leurs limites, ni jeter par là le trouble dans les Églises. Mais, conformément aux canons, l’évêque d’Alexandrie administrera uniquement les affaires de l’Égypte, les évêques d’Orient gouverneront les Églises du seul Orient, tout en gardant la préséance reconnue par les canons à l’Église d’Antioche, et les évêques du diocèse d’Asie administreront les affaires de l’Asie seule, et ceux du Pont uniquement les affaires du Pont et ceux de la Thrace, les affaires de la Thrace seule. A moins d’être appelés, les évêques ne doivent jamais intervenir hors de leurs diocèses pour des élections d’évêques ou quelqu’autre acte ecclésiastique. Tout en observant au sujet des diocèses la règle prescrite ci-dessus, il est évident que, conformément aux ordonnances de Nicée, le synode provincial décidera des affaires de toute la province. Quant aux Églises de Dieu qui sont parmi les nations barbares, elles doivent être gouvernées selon la coutume établie du temps de nos pères. »

Ce canon rappelle aux évêques les limites respectives de leur diocèse et le fonctionnement hérité de Nicée : un évêque par diocèse. En soi, ce canon est aussi bien une gifle aux prétentions romaines du second millénaire et montre combien cette folie de juridiction suprême et universelle était étrangère à l’Eglise du premier millénaire. Si l’évêque de Rome avait eu cette position qu’il s’est auto-attribué par la suite, ce canon n’aurait jamais été formulé de la sorte.

Canon 3 : « Cependant l’évêque de Constantinople aura la préséance d’honneur après l’évêque de Rome, puisque cette ville est la nouvelle Rome. »

Ce canon montre de façon limpide que la dynamique patriarcale qui organise l’Eglise était absolument calquée sur la dynamique politique. Ce n’est pas parce que saint Pierre ou saint Paul étaient morts suppliciés à Rome que Rome était Rome. C’est parce que l’empereur était à Rome. Et puisque l’empire était administrativement coupé en deux, et qu’il y avait un empereur d’occident et un empereur d’orient, tout naturellement, l’Eglise reconnait le fait que l’empereur d’orient résidait à Constantinople. Répétons-le, si les sièges patriarcaux étaient choisis en fonction de l’importance des événements religieux qui s’y sont déroulés, Constantinople n’aurait jamais eu cette importance seconde. Et la primauté serait d’ailleurs revenue non pas à Rome, mais bien à Jérusalem. Car, aussi important soient les apôtres Pierre et Paul, leur parcours, leur supplice, rien ne peut égaler en importance religieuse, l’endroit où le Christ est ressuscité des morts.

Canon 4 : « Au sujet de Maxime le cynique et des désordres qui se sont produits à cause de lui à Constantinople, (nous déclarons) que Maxime n’a jamais été évêque, et qu’il ne l’est pas même aujourd’hui, ni ceux qui ont été ordonnés par lui, pour quelque degré de la cléricature que ce soit, car tout ce qui s’est fait à son sujet, et tout ce qu’il a fait lui-même est sans valeur. »

Maxime le cynique était un philosophe égyptien. Le terme cynique s’entend ici comme quelque chose de péjoratif sous la plume des saints pères de Constantinople. Ce Maxime avait abusé la confiance de Grégoire de Nazianze et avait été catéchisé et baptisé par lui. Grégoire n’avait malheureusement pas vu le genre de personnage dont il s’agissait. Maxime fit tout ce qui était en son pouvoir pour accéder à l’épiscopat pour devenir patriarche de Constantinople. Il y réussit en corrompant plusieurs personnes. Il joignait l’hérésie à son profil de comploteur. Il partageait en effet les vues des appolinaristes. Le concile prend donc acte que tout ce qui a été fait par lui, et en particulier les ordinations ayant été faits dans le mensonge et l’hérésie, tout devient nul.

Deux choses intéressantes à noter relativement à ce Maxime et à ce canon. Ici le concile donne comme absolument équivalents la nullité sacramentelle et la nullité légale. Tout ce qu’a fait Maxime est comme n’ayant aucune valeur et n’ayant jamais existé. Maxime avait des partisans en occident. Partisans est peut-être un bien grand mot. Disons des gens abusés par ses mensonges et ses manigances. Saint Ambroise de Milan était de ceux-là. Certains en occident demandèrent, sans succès un concile qui laisserait la place à des évêques latins pour défendre la cause de Maxime. Il est intéressant ici de voir que les évêques orientaux ne veulent pas voir d’évêques occidentaux (et c’est encore une fois une des définitions du Pape) interférer dans une élection locale. Un concile local, encore à Constantinople, en 382 défendit l’élection de Nectaire. Théodose enverra à Rome des légats pour soutenir cette position et Rome finira par s’y ranger.

Canon 5 : « Nous référant au tome des occidentaux, nous avons aussi reçu ceux d’Antioche qui professent l’égale divinité du Père, du Fils et du saint Esprit. »

Certains spécialistes prétendent que ce canon ne fut pas édicté en 381, lors de ce concile, mais en 382, également à Constantinople, lors du concile qui confirma envers l’occident, l’élection de Nectaire sur le trône de Constantinople. Il aurait été ajouté plus tard, lors des conciles suivants, comme faisant partie de ce synode. Peu importe. Ce canon est important : il affirme d’une façon solennelle, pour la première fois dans un langage relativement simple et toujours actuel, la croyance de l’Eglise en la Trinité. Je rappelle à nouveau, que la formulation de quelque chose ne signifie pas que cette chose soit nouvelle. Elle est formulée parce qu’attaquée. En cette fin de quatrième siècle, c’est la divinité de l’Esprit qui était attaquée. L’Eglise répond donc à ces attaques par cette formule. Mais sa foi a toujours été trinitaire. Il suffira de relire Saint Irénée de Lyon pour s’en convaincre.

La question que l’on devrait aussi ce poser est : quel est le tomos dont il est fait mention ici ? Il s’agit probablement, mais personne n’a de certitude ici, d’un document rédigé par le Pape Gélase, en 369, qui avait été discuté à Antioche quelque temps plus tard.

Canon 6 : « Comme dans le but de troubler l’ordre de l’Église, plusieurs imaginent, par un esprit de haine et de calomnie, des accusations contre les évêques orthodoxes, chargés du gouvernement de l’Église, ne se proposant par-là, que de porter atteinte à l’honneur du sacerdoce et d’agiter le peuple naturellement amoureux de la paix, le saint concile des évêques réunis à Constantinople a décidé qu’à l’avenir on ne recevra pas les accusateurs sans enquête préalable; et l’on ne permettra pas à tous sans distinction de se porter comme accusateurs contre ceux qui gouvernent les Églises, sans cependant l’interdire à tous d’une manière absolue et sans distinction; mais, lorsque quelqu’un portera contre l’évêque une accusation personnelle, c. à d. privée, soit qu’il ait subi un dommage de la part de celui-ci, soit qu’il ait été traité injustement d’une manière quelconque, on ne doit pas dans les accusations de cette sorte prendre en considération la personne ou la religion du plaignant, car la conscience de l’évêque doit être libérée de l’accusation, et celui qui croit avoir subi un dommage doit obtenir justice, quelle que soit la région à laquelle il appartient. Mais si la plainte portée a trait à des choses de l’Église, il faut alors examiner ce que sont les accusateurs; car il faut éviter avant tout que des hérétiques ne portent contre des évêques orthodoxes des accusations qui concernent les affaires de l’Église; (nous regardons comme hérétiques ceux qui sont déjà depuis longtemps exclus de l’Église et qui ensuite ont été anathématisés par nous; de même, ceux qui professent la foi orthodoxe, mais qui se séparant des évêques en communion avec nous, tiennent des conventicules). En outre, des membres de l’Église, déjà condamnés pour certains motifs ou exclus ou excommuniés, fussent-ils clercs ou laïcs, doivent avant de porter une plainte contre un évêque, se laver eux-mêmes de leurs propres inculpations. De même ceux qui sont sous le coup d’une accusation, ne peuvent à leur tour se porter accusateurs contre l’évêque ou contre d’autres clercs avant d’avoir démontré leur innocence au sujet des imputations portées contre eux. Mais si des personnes qui ne sont ni hérétiques, ni excommuniées, qui n’ont pas subi de condamnation et qui ne sont pas sous le coup d’une accusation, croient avoir à se plaindre de l’évêque dans les choses de l’église, le saint concile leur ordonne de soumettre ces plaintes au jugement des évêques réunis de la province et de prouver par devant eux les accusations portées contre l’évêque incriminé; et si les évêques de la province sont dans l’impossibilité de porter remède aux torts dont l’évêque est accusé, alors les accusateurs s’adresseront au concile plus considérable des évêques de ce diocèse, qui se réunira pour juger cette affaire-là mais ne pourront porter leur plainte à ce dernier, avant d’avoir promis par écrit d’accepter pour eux la peine qui reviendrait à l’accusé convaincu de culpabilité, s’il était prouvé par l’examen de l’affaire que leurs accusations contre l’évêque fussent des calomnies, mais si quelqu’un ne tenant pas compte des présentes prescriptions, ose fatiguer les oreilles de l’empereur ou bien agiter les salles d’audience de l’autorité civile ou bien le concile œcuménique, témoignant par-là du mépris pour les évêques du diocèse, on ne doit pas lui permettre de se porter accusateur, parce qu’il ne tient pas compte des canons et qu’il trouble l’ordre de l’Église. »

Ce long canon est à remettre dans le contexte de tous les déchirements qui ont suivi Nicée. Plusieurs décennies de trahison, de complots, de mensonges, d’accusations mensongères sont à considérer pour bien comprendre ce canon. Être un évêque orthodoxe à cette époque n’était pas de tout repos. Saint Jean Chrysostome témoigne : « un évêque doit se tenir de toute part sur ses gardes, c’est à qui suspectera sa conduite. On l’épie et chacun est prêt à lui porter préjudice. S’il s’apprête à faire quoi que ce soit, tout le bien qu’il a accompli ne le gardera pas contre les langues venimeuses et son entourage immédiat est encore celui dont il faut le plus se défier » (De Sacerdotio I III XIV). On notera que dans les affaires non doctrinales, la religion du plaignant n’est pas prise en compte. Ce n’est que dans le cas d’une accusation doctrinale que l’on se posera la question de la foi de l’accusateur.

Canon 7 : « Ceux qui passent de l’hérésie à l’Orthodoxie et à l’héritage des élus, doivent être reçus de la manière suivante. Les ariens et les macédoniens, les sabbaziens et les novatiens qui se qualifient de pures, et les aristeroi, de même que les tétradites et les apollinaristes, ne doivent être admis qu’après avoir anathématisé par écrit toutes les hérésies qui ne s’accordent pas avec la sainte, catholique et apostolique Église de Dieu, et aussi après avoir été marqués ou oints du saint chrême en forme de croix au front, aux yeux, au nez, à la bouche et aux oreilles; et en les marquant du signe de la croix nous disons : Sceau du don du Saint-Esprit. Quant aux eunomiens qui ne baptisent qu’avec une seule immersion, et aux montanistes que l’on appelle ici phrygiens, et aux sabelliens qui enseignent la doctrine du Fils-égale-Père et commettent d’autres choses abominables, et enfin, pour les autres hérétiques, (et il en existe ici un grand nombre, surtout ceux qui viennent de la Galatie), s’ils veulent passer à l’orthodoxie, nous ne les recevons que comme des païens : le premier jour nous les marquons du signe du chrétien, le second jour nous en faisons des catéchumènes, le troisième jour nous les exorcisons en leur soufflant trois fois sur le visage et sur les oreilles, et nous les instruisons alors et les laissons venir à l’église pendant un an à entendre les saintes écritures, après cela nous les baptisons. »

Le canon fait une distinction entre deux catégories d’hérétiques : ceux qui ont besoin d’un baptême complet, avec le catéchuménat, et ceux qui ne seront soumis qu’à une partie du rituel de baptême, à partir du moment où ils ont abjuré leur hérésie particulière. Il est intéressant de constater que l’Eglise, au quatrième siècle considère qu’un baptême réalisé par certains hérétiques est tout de même valide, tandis que réalisé par d’autres, le baptême ne le serait pas. Le canon nous indique ce qui a permis aux pères de catégoriser différemment. Les eunomiens baptisent par une seule immersion, ce qui est contraire à la triple immersion. Les montanistes et les sabelliens de leur côté sont attaqués comme ne réalisant pas correctement les distinctions entre les Personnes de la Trinité. C’est donc davantage la confusion des personnes que le fait de mal identifier les natures de celles-ci. En effet les ariens distinguaient bien le Père du Fils, mais niaient l’égalité de nature entre les deux. C’est en conservant cette logique canonique finalement assez simple, que l’on va aujourd’hui recevoir dans l’orthodoxie ceux qui viennent d’une forme de catholicisme ou de la cacodoxie sans refaire la triple immersion dans le cas où elle aurait déjà été faite. Mais la personne reçue aura une nouvelle chrismation et la récitation de son Credo vaudra pour abjuration de son ancienne foi.

conclusion

Après avoir élaborés ces canons, les évêques envoient la lettre suivante à l’empereur Théodose : « Conformément à ta lettre nous nous sommes réunis à Constantinople, et, après avoir renouvelé l’union entre nous, nous avons, dans de courts articles, confirmé la foi de Nicée et anathématisé les hérésies qui s’étaient élevées contre elles. En outre nous avons décrété quelques règlements relatifs au bon gouvernement de l’Eglise ; Nous avons joint le tout à cette lettre.

Nous réclamons maintenant de ta bonté de vouloir bien confirmer, par une lettre de ta Piété, les décisions de notre synode, après avoir honoré l’Eglise en le convoquant. »

Théodose y consentit et, le 30 juillet 381, il rendit le décret suivant à Héraclée : « Toutes les Eglises devront être immédiatement remises aux évêques qui croient à l’égale divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et qui se trouvent en communion avec Nectarius de Constantinople; avec Timothée d’Alexandrie pour l’Egypte; avec Pelagius de Laodicée et Diodore de Tarse pour l’Orient; avec Amphilochios d’Icône et Optimus d’Antioche (de Pisidie) pour l’Asie proconsulaire et le diocèse d’Asie; avec Helladios de Caesarée (de Cappadoce), Otriios de Mélitine et Grégoire de Nysse, pour le diocèse du Pont; avec Terentius, évêque des Scythes et Martyrius de Marcianopolis (Preslaw en Bulgarie) pour la Mysie et la Scythie. Tous ceux qui ne seront pas en communion avec ces évêques seront considérés comme hérétiques, et, comme tels, chassés des Eglises. »

Le Père Guettée précise : « Il ne faut pas oublier que les hérétiques s’étaient violemment emparés des Eglises et propriétés ecclésiastiques sous Constantius et Valens. Théodose, par son décret, réparait une flagrante injustice et rendait les biens à leurs légitimes propriétaires. »

On remarque que rien n’est dit pour Antioche. Ceci est dû très probablement à une volonté d’apaisement envers Paulinus qui mourrait ainsi en paix. Mais la succession était scellée à Antioche : elle passait par Mélèce et c’était Flavianus qui serait le patriarche d’Antioche.

Finissons cet exposé par la postérité et l’autorité de ce concile. Il fut immédiatement attaqué en occident à cause du problème à Antioche. On se souvient qu’en occident, c’est Paulinus qui avait les faveurs. Le symbole ne fut pas discuté. Il sera d’ailleurs promulgué de nouveau, à l’identique au quatrième concile œcuménique, quelques décennies plus tard, à Chalcédoine. Les canons furent reçus sans souci, sauf en occident, concernant celui qui conférait à Constantinople le second rang d’honneur. Les papes romains Léon 1er et Grégoire le Grand, quelques siècles plus tard ont eu des termes peu favorables à ces canons. Mais néanmoins, le concile fut rapidement vu en occident comme œcuménique, puisque Grégoire le Grand nomme ce concile parmi les quatre plus grands, dans une image où il réalise un parallèle entre les quatre évangiles et les quatre premiers conciles œcuméniques. Le symbole, de façon étonnante mis un certain temps à s’imposer dans les consciences. En effet, à Ephèse, troisième concile œcuménique, on ne parle pas de Nicée-Constantinople mais bien de Nicée seul. Ce n’est qu’à partir de Chalcedoine que le symbole de Nicée-Constantinople va s’imposer officiellement.