Le troisième concile oecuménique

Introduction

Cette période est également l’ascension spirituelle et intellectuelle de deux des plus grands génies que l’Eglise ait eu dans ses rangs. En occident c’est Augustin, le disciple d’Ambroise de Milan qui éclipsait tout le monde par son génie théologique. Sulpice Sévère, le biographe et disciple de saint Martin soumettra ses questions les plus pointues sur la prédestination, le libre arbitre et la grâce à Augustin pour s’assurer de rester dans l’orthodoxie de la doctrine.

les ennemis de saint Jean Chrysostome

En orient c’est saint Jean Chrysostome qui donne le la. Chrysostome, pour ceux qui le découvrent signifie « bouche d’or ». Il s’agissait par ce titre de remarquer l’incroyable éloquence, les dons exceptionnels d’orateur qui étaient les siens. Mais Chrysostome n’était pas qu’un orateur génial, c’était aussi un évêque qui tranchait et édictait des canons. En 400 il préside deux conciles : un à Constantinople pour déposer Antonin l’évêque d’Ephèse, et un à Ephèse pour élire son successeur en la personne d’Héraclide. C’est en tant que patriarche de Constantinople que saint Jean Bouche d’or intervient ici à Ephèse, chose qui pourra surprendre au premier abord, d’un point de vue canonique et des différents pouvoirs juridictionnels. La première crise origéniste et le destin de saint Jean Chrysostome sont liés. Pour comprendre cette crise il faut avant tout comprendre, que Chrysostome avait un ensemble d’ennemis puissants. Ces ennemis étaient l’impératrice Eudoxie et Théophile le patriarche d’Alexandrie. Des ressorts psychologiques aussi puissants que connus étaient à l’œuvre dans cette haine hélas bien classique. D’un côté, l’impératrice, l’épouse du fils de Théodose sur la partie orientale de l’empire : Arcadius. Celui-ci était un homme faible et influençable et il n’a pas su ou n’a pas voulu savoir que certains de ses enfants n’étaient pas les siens. Eudoxia, impératrice volage, libertine, ivre de pouvoir avait un caillou dans la chaussure : saint Jean Chrysostome qui incarnait dans sa vie et dans sa prédication tout ce qu’elle ne devait pas être. Elle le haïssait pour cela et fédérait sans relâche tous ceux que Chrysostome irritait par sa perfection. Pour ce qui est de Théophile d’Alexandrie, si l’on peut trouver un côté comique à l’affaire, c’est qu’il était origéniste à l’origine. Il avait même ciblé les moines du désert de scété, moines anti-origénistes. Puis, s’étant brouillé avec un prélat, l’archiprêtre Isidore, pour une obscure affaire d’argent, il se retourna contre lui. Celui-ci étant auparavant son allié dans la lutte pour l’origénisme, il bascula sans trop de problème de conscience du côté anti-origéniste, et s’allia avec ses anciens ennemis, les moines du désert de Scété. Les moines origénistes qui étaient auparavant ses alliés furent chassés sans ménagement. Certains moines, nommés « Grands frères » ou « longs frères » selon les traductions, furent comptés parmi les hérétiques excommuniés par Théophile. Ils cherchèrent asile auprès de saint Jean Chrysostome. Celui-ci les accueillit mais à cause de la sentence d’excommunication qui pesait sur eux, ne les reçut pas chez lui, ne les reçut pas à communion, et les fit loger dans une église particulière. Il leur promit un nouveau concile pour examiner leur affaire.

le concile du chêne

Du point de vue canonique, on voit que les moines ont fait appel à Constantinople du jugement d’Alexandrie. Chrysostome écrivit la lettre suivante à son homologue d’Alexandrie : « Ils sont venus, dit-il, pour porter leur cause devant l’empereur. Je les en ai détournés, mais j’ai peur qu’ils ne reviennent à leur première idée. Je les ai interrogés sur leur foi et je n’ai rien trouvé d’hétérodoxe dans leur doctrine. Pardonnez-leur et levez l’excommunication lancée contre eux. On obtiendra ainsi la paix. Dans le cas où vous ne jugeriez pas à propos de faire ce que je vous demande, ne vaudrait-il pas mieux traiter la chose dans une assemblée épiscopale que je convoquerais, plutôt que délaisser la chose aller au tribunal de l’empereur? Je vous consulte sur ce point, et je demande votre avis.»

Théophile répondit : « Je ne croyais pas que tu pusses ignorer les canons du concile de Nicée, qui défendent aux évêques de juger des causes en dehors des limites de leur juridiction. Si tu les ignores, je t’engage à les étudier ; alors tu ne recevras pas de requête contre moi. Dans le cas où je devrais être jugé, je devrais l’être par les évêques d’Egypte et non par toi, qui es éloigné d’ici de soixante-quinze journées. ».

La situation s’envenimait jour après jour. Théophile faisait relayer des accusations de magie contre les moines exilés. Ceci était puni de mort. Eux répondirent en proférant de graves accusations contre Théophile. Les grands frères avaient mis Chrysostome dans une situation impossible. Il ne pouvait pas, depuis Constantinople, juger le patriarche d’Alexandrie. Le sujet arriva donc devant l’empereur. Chrysostome répondit inflexiblement qu’un concile devrait juger l’affaire. Théophile arrive à Constantinople avec de nombreux évêques choisis pour leur docilité et leur obéissance. Avec le soutien de l’impératrice qui souhaitait la perte de Chrysostome, Théophile rencontra secrètement tous les ennemis que Chrysostome avait dans l’Eglise, et ils étaient nombreux. Le plan de Théophile était de faire condamner les « longs frères » pour origénisme, mais aussi de faire tomber Chrysostome pour le même motif, en y ajoutant la violation canonique pour Chrysostome de prétendre à juger des évêques hors de son diocèse. La première attaque de Théophile fut d’envoyer Epiphane de Salamine, pour porter cette accusation d’origénisme. Celle-ci ne donne rien, et pour l’anecdote, Epiphane mourra en rentrant à Chypre. Le Père Guettée écrit très justement à ce propos : « Sa sainteté incontestable ne l’avait pas mis à l’abri de passions injustes et d’erreurs nombreuses. Son voyage à Constantinople ne lui fait pas honneur, et il est heureux pour lui d’être mort assez tôt pour ne pas se trouver mêlé aux injustices dont le grand évêque de Constantinople fut victime ». L’empereur, manipulé une fois de plus par sa femme fait tenir le concile que tous les ennemis de Jean attendent. Il aura lieu à Chalcédoine pour couper Jean de son soutien populaire. Le concile où Jean devait examiner la sentence de Théophile se transforme en concile où Jean est jugé pour origénisme. Celui-ci s’adjoint les complicités de deux diacres déposés par Chrysostome (l’un pour adultère et l’autre pour homicide) et leur promet appui en échange de témoignages. Le concile débute en juillet 403. Les évêques sont soit égyptiens et à la solde de Théophile, soit de Constantinople mais ont peur de l’empereur. Les accusations portées sont au nombre de 29 et la calomnie le dispute au dérisoire. Par exemple :

  • 12 : il ne priait pas ni à l’entrée ni à la sortie de l’église
  • 15 : il recevait des femmes en visite sans témoin
  • 25 : il mangeait seul et d’une façon immodérée
  • 28 : il s’habillait et se déshabillait sur le siège épiscopal et y mangeait une pastille de miel

Mais ceci n’était qu’un amuse-bouche qui dura néanmoins 12 séances. On en vint ensuite, lors de la treizième session à l’accusation qui était recherchée : l’ami de Chrysostome, Héraclide, depuis peu évêque d’Ephèse, fut accusé d’origénisme, et comme Chrysostome était naturellement en communion avec lui, cela suffirait à emporter le point. Le concile vota la déposition de saint Jean Chrysostome à l’issue de cette ultime session. Ce synode entrera dans l’histoire sous le nom de « concile du chêne », car il se tint dans la « villa du chêne » qui appartenait au préfet Rufin qui la mit à disposition pour l’occasion. Théophile notifia le pape Innocent qui refusa la décision du synode. Arcadius exila Jean qui dut partir secrètement pour éviter que n’éclate une émeute. Il partit dans un premier temps pour la Bythinie, région du nord de la Turquie. Mais cette manœuvre de Théophile ne resta pas sans faire des remous dans l’Eglise. Théophile reçut cette lettre des évêques de Constantinople : « Cesse de diviser l’Église; si, au mépris des canons de Nicée, tu veux juger en dehors des limites de ta juridiction, viens toi-même vers nous, dans cette ville de Constantinople, afin que nous te jugions d’abord ; car nous avons contre toi des mémoires dans lesquels tu es accusé de soixante-dix crimes notoires ; notre concile est plus nombreux que le tien ; vous n’êtes que trente-six et vous ne représentez qu’une province ; nous sommes quarante, réunis de diverses provinces, et nous avons parmi nous sept métropolitains. Nous avons sous les yeux ta lettre dans laquelle tu déclares à notre confrère Jean qu’il ne faut pas être juge en dehors des limites de sa juridiction. ». Son exil ne dura qu’un jour. Un tremblement de terre frappa Constantinople aussitôt Jean parti. De plus la situation était très instable dans la ville, car les égyptiens de Théophile et leurs complices prenaient les églises pour expliquer au peuple l’exil de Jean. Le peuple réagissait très négativement à ces manœuvres et beaucoup parlaient de jeter Théophile à la mer. Arcadius et son épouse, impressionnés par le séisme firent revenir Chrysostome à la hâte.



le retour d’exil et la mort de saint Jean Bouche d’Or

Mais la trêve entre le saint et la famille impériale ne dura que deux petits mois. En effet, une statue fut érigée en l’honneur de l’impératrice, juste en face de la basilique sainte Sophie. Les festivités qui entourèrent cette inauguration ne peuvent pas vraiment être décrites comme chrétiennes. Vous pourrez voir les détails chez Sozomène. Chrysostome, visé par cela répondit par une homélie particulièrement violente où il attaquait l’impératrice à mots voilés. Il choisit en effet de parler d’Hérodiade dansant pour demander la tête de Jean (le Baptiste). Tout le monde comprit le parallèle, d’autant plus que Chrysostome se prénommait lui-même Jean. L’empereur demanda à Théophile de revenir pour un nouveau synode. Mais Théophile, connaissant la population de Constantinople préféra s’en abstenir et envoya simplement trois évêques à lui avec des instructions. Il s’agissait de perdre Chrysostome via un canon qu’Athanase avait rédigé en son temps pour lutter contre les ariens : un des canons stipulait qu’un évêque déposé par un synode ne pouvait pas reprendre ses fonctions sans avoir été réhabilité officiellement. Du strict point de vue canonique, Jean avait été exilé par l’empereur et jamais formellement déposé. C’est un notaire impérial qui avait signifié son exil à Jean et pas un dignitaire ecclésiastique. Jean fut exilé à la Pentecôte 404 après une période d’instabilité pleine de violences entre les fonctionnaires impériaux et la population. Durant un long et lent exil Chrysostome écrivit des lettres à tous les évêques des sièges principaux, afin de leur expliquer la situation, ce qui permit à l’Eglise universelle de mettre à jour les manœuvres de Théophile. Il meurt peu de temps après, affaibli par cet exil épuisant. Le Seigneur le rappelle à lui en 407.

le concile africain sur le donatisme

Du côté occidental, principalement en Afrique, pendant que les ennemis de Chrysostome réussissaient leur odieuse cabale, l’actualité principale comportait les essais infructueux de réunion avec les donatistes. Augustin participa à quelques conciles en ce sens. Le plus important eut lieu en 411. L’empereur Honorius, l’un des deux fils du défunt Théodose, exigea des donatistes et des orthodoxes qu’ils se réunissent. Les donatistes vinrent avec 279 évêques, ce qui montre l’importance de leur nombre en Afrique à cette époque. Les orthodoxes avaient de leur côté plus de 400 évêques mobilisables. Rappelons que le donatisme est une variante africaine du novatianisme, qui se caractérise par le refus de réintégrer les lapsi, ces chrétiens qui avaient failli lors des persécutions.

On notera aussi, au niveau des grandes tendances historiques, que le pape Innocent, qui fut impeccable sur toute la séquence entre Théophile et Chrysostome, commença, dans des réponses canoniques à se positionner pour le célibat des prêtres et contre le divorce, même en cas d’adultère. Cette pratique occidentale, très différente de l’approche orientale, si elle doit être datée, devrait l’être ici. Ce même pape Innocent, a une lettre très intéressante, la lettre à Decentius, que le Père Guettée met en avant dans son histoire de l’Eglise. Innocent se montre dans cette lettre, comme la tête des églises d’Italie, de Gaule, de l’Espagne, de l’Afrique et de la Sicile. C’est-à-dire, probablement, raisonne-t-il en terme d’origine apostolique. Effectivement, Rome, dans toutes ces églises est la seule à pouvoir se prévaloir d’une origine apostolique. Il ne revendique rien concernant Alexandrie ou Antioche. Plus intéressant encore, il ne revendique rien sur Constantinople, dont l’origine apostolique est moins évidente et immédiate du point de vue de l’histoire. En effet Constantinople aime à se raconter comme une église fondée par l’apôtre André.

la crise du pélagianisme

Mais la grande affaire qui devait secouer l’occident sera sans nul doute le pélagianisme. Pélage, de ce que nous ont laissé les saints Pères, était originaire de Grande-Bretagne. Si Jérôme le considère comme quelqu’un sans capacité intellectuelle, Augustin lui reconnait une subtilité de raisonnement et ne se laisse pas aller aux facilités de Jérôme. Il aurait vécu à Rome assez longuement. Il serait aussi entré en contact avec Chrysostome, qui évoqua un certain Pélagius dans sa quatrième épitre. Il se lança dans un travail de commentaire des Ecritures, et c’est dans son commentaire de saint Paul que son hérésie est la plus manifeste : il y nie la déchéance humaine et affirme que l’homme peut pratiquer les vertus sans le secours de la grâce. Marius Mercator, un auteur ecclésiastique latin proche d’Augustin synthétisa le pélagianisme selon les 6 propositions suivantes :

  1. Adam serait mort même s’il n’eut pas pêché
  2. Le péché d’Adam n’a nuit qu’à son auteur et non pas à l’humanité
  3. Les enfants nouvellement nés sont dans l’état où était Adam avant sa chute
  4. Il n’est pas exact que toute l’humanité soit soumise à la mort à cause de la mort et de la chute d’Adam, et il n’est pas plus exact que toute l’humanité ressuscite à cause de la résurrection du Christ
  5. La Loi de Moïse conduit au ciel, tout comme l’Evangile
  6. Avant l’arrivée du Seigneur, il y a eu des hommes sans péché

Ces six propositions émanaient d’un ouvrage d’un certain Célestius, proche de Pelagius. Un premier concile eut lieu à Jérusalem en 415. Il est intéressant de noter que le premier concile sur ce sujet a lieu à Jérusalem. L’évêque de Jérusalem, Jean, renvoie les participants à la référence théologique sur le sujet : Augustin dans son traité De nature et gratia. Pélage, convoqué devant le concile, sommé de répondre aux arguments d’Augustin, répondra avec impertinence : « Eh ! que m’importe à moi cet Augustin ! ». On se croirait dans un institut de théologie parisien bien connu, grand promoteur et défenseur de cette hérésie, enseignée comme étant le point différentiant d’avec le catholicisme romain. La façon dont Jean et ses évêques prenaient Augustin comme référence permet également de relativiser les pseudos théologiens modernistes comme Jean Romanides qui veulent voir en Augustin et sa doctrine du péché originel, le grand initiateur du schisme de 1054. Un concile à Carthage en 416 confirma la sentence prononcée à Jérusalem. En 417, un nouveau Pape Zosime, se laisse abuser par Célestius et Pélage, qui réussirent habilement, avec des propos ambigus à le convaincre de leur orthodoxie.

le concile de Carthage et la position de l’Eglise sur la doctrine de Pélage



Ceci provoqua la tenue d’un nouveau concile à Carthage, en 418. Ce concile réunit 200 évêques. Il établit les canons suivants :

Canon 1 : quiconque dit qu’Adam a été créé mortel, en sorte que pécheur ou non il serait mort ; ainsi que sa mort n’a pas été le salaire du péché, mais une nécessité de la nature ; qu’il soit anathème.

Canon 2 : Quiconque dit qu’il n’est pas nécessaire de baptiser les nouveau-nés, ou que, si on doit les baptiser, ce n’est que pour la rémission des péchés, car ils n’ont pas en eux le péché originel transmis d’Adam à ses descendants, lequel péché originel serait lavé par le bain de la renaissance, si bien que, pour les enfants, la formule du baptême « pour la rémission des péchés » n’aurait pas de sens proprement dit, ou aurait un sens impropre, que celui-là soit anathème : car d’après l’épitre aux Romains la faute d’Adam est imputable à tous ses descendants

A signaler ici, que dans certains codex canoniques s’intercale un troisième canon qui stipule la chose suivante : « quiconque dit que, dans le royaume des cieux, ou ailleurs il existe un lieu intermédiaire où les enfants morts sans baptême vivent heureux, tandis que sans le baptême ils ne peuvent pas entrer dans le royaume des cieux, c’est-à-dire dans la vie éternelle, qu’il soit anathème ».

Canon 3 : Quiconque dit que la grâce de Dieu, qui justifie l’homme par Jésus-Christ procure la rémission des fautes déjà commises, mais ne fait pas éviter les fautes à venir, que celui-là soit anathème.

Canon 4 : quiconque dit que cette grâce ne nous guide vers l’impeccabilité, que parce qu’elle nous procure une intelligence plus claire des commandements divins, et nous fait mieux voir ce que nous désirons et voulons éviter, mais qu’elle ne nous donne aucune force pour pratiquer ce que nous savons être bon, qu’il soit anathème.

Canon 5 : quiconque dit que la grâce de justification nous a été uniquement donnée pour que nous puissions faire avec plus de facilité ce que nous sommes tenus de faire avec les forces de la seule volonté libre, si bien que, sans la grâce, nous pourrions remplir, quoique avec plus de difficulté, les commandements divins, qu’il soit anathème.

Canon 6 : quiconque entend ces paroles de l’apôtre : « lorsque nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est pas en nous » dans ce sens que c’est par pure humilité que nous devons nous reconnaître pécheurs, tandis que nous ne le sommes pas en réalité, qu’il soit anathème.

Canon 7 : quiconque dit que les saints ne prononcent pas pour eux ces paroles du Pater : « pardonnes nous nos péchés » parce qu’il n’ont pas besoin de faire cette prière pour eux, mais seulement pour les autres, et que c’est pour cela qu’il y a « pardonne-nous », et non pas « pardonne-moi », qu’il soit anathème.

Canon 8 : quiconque dit que les saints prononcent ces paroles : « pardonnes-nous nos offenses » par pur sentiment d’humilité, et non pas dans toute la vérité du mot, qu’il soit anathème.

Les canons suivants concernent le donatisme ou des sujets généraux, et nous ne les reproduisons donc pas. Cette condamnation africaine fut relayée à Rome, qui envoya à toutes les églises une lettre rappelant les points de doctrine orthodoxe et les divers points reprochés aux hérétiques. L’Eglise universellement répondit en s’alignant, unanime, sur la condamnation.


explication de la doctrine de la grâce et la position d’Augustin par le père Guettée

Le Père Guettée, constatant la permanence de cette hérésie chez certains individus isolés rappelle ceci dans son histoire de l’Eglise : « Comme ces erreurs ont toujours eu des partisans et que, jusqu’à nos jours, le nom d’Augustin et les doctrines qu’il a soutenues ont été l’objet de vives discussions, nous devons présenter, dans leur ensemble, les principes dont il a été le défenseur le plus zélé et le plus savant. Le principe de la déchéance étant admis, la nature humaine a besoin d’un moyen immédiat de régénération et de réhabilitation. Ce moyen n’existe pas en elle ; il ne peut lui venir que de Dieu ; on l’appelle grâce. La grâce est communiquée gratuitement à la nature humaine ; elle lui est communiquée par son sauveur et rédempteur, Jésus-Christ, et par l’intermédiaire de rites divins et mystérieux qui sont les moyens de salut. La grâce ne détruit pas les suites de la déchéance ; elle ne donne pas à l’homme une nouvelle nature ; mais elle l’aide à rectifier les défauts qui sont la suite de la déchéance.

Dans l’état primitif où il avait été créé, l’homme jouissait d’une liberté entière, de sorte que, en vertu de son libre-arbitre, il pouvait choisir, d’une manière absolue, entre le bien et le mal. Après sa déchéance, sa liberté ne fut pas détruite ; cependant, il eut pour le mal un penchant qui l’empêchait de faire le bien que ses lumières naturelles lui découvraient. Il fallait donc à son libre-arbitre un secours pour remédier au penchant mauvais et le rétablir dans un état où il pourrait faire le bien aussi facilement que le mal. Ce secours, c’est la grâce, qui, au lieu de nuire au libre-arbitre, le rétablit dans son état normal et donne à l’homme la liberté entière du bien. Cette grâce est donnée à tous les hommes régénérés en Jésus-Christ. Mais, en vertu de la liberté qui leur est laissée, les uns doivent en suivre plus ou moins parfaitement les mouvements et les inspirations ; les autres doivent abuser de leur liberté et faire le mal. Dieu, dans sa prescience infinie, connaît ceux qui doivent faire un bon usage de leur liberté et ceux qui doivent en abuser. Par suite de cette prescience, il prédestine, les uns au salut, les autres à la damnation, et attribue à chacun d’eux le rôle qu’il aura à remplir dans la société chrétienne. Cette prédestination est le résultat de lois générales établies par Dieu ; mais ces lois n’étant appliquées que subséquemment aux actes prévus, au bon usage ou à l’abus de la liberté individuelle, la prédestination n’est pas un décret qui enlève à l’homme sa liberté ; elle n’est, au contraire, que la conséquence de l’usage bon ou mauvais de la liberté, usage prévu par Dieu, mais non imposé par lui. En partant du principe absolu de la déchéance, il est bien évident que la grâce prévient tout mérite de l’homme. Les pélagiens voulaient que la grâce fut la conséquence du mérite et sa récompense. Aussi niaient-ils absolument la déchéance de la nature. Cette nature était telle qu’elle avait été créée, et Jésus-Christ avait eu pour but, non pas de la régénérer, mais seulement de l’élever à un état plus parfait. Les rites sacrés, y compris le baptême, n’avaient donc été institués que pour perfectionner la nature, la rendre plus agréable à Dieu. C’est pourquoi Augustin, pour les réfuter, s’étend particulièrement sur le vice originel de la nature ; sur la nécessité de la grâce pour la régénérer et rendre à l’homme son libre-arbitre pour le bien ; sur la nécessité du baptême comme moyen de salut; sur la gratuité du secours divin que l’homme déchu ne pouvait mériter ; sur la prédestination, comme conséquence des actes libres prévus par Dieu.
» (p 277-279)