Le concile d'Éphèse : convocation, déroulement et canons (4/4)
Le troisième concile oecuménique : convocation, tenue et canons
L’empereur convoque le concile
C’est Théodose II qui, pour sauver le soldat Nestorius, convoqua le concile d’Ephèse. Nestorius avait demandé un concile pour se défendre des agissements de Rome et d’Alexandrie. Pour l’anecdote, l’empereur invita le fameux Augustin d’Hippone, dont la réputation avait été jusque Constantinople. L’empereur envoya sa convocation en novembre 430, un peu avant l’arrivée de la condamnation et des anathèmes par Cyrille. Augustin était mort en août 430 et Constantinople n’était pas encore au courant. Quelques mois plus tôt et Ephèse eut connu le sommet de l’orient et de l’occident en la personne de Cyrille et d’Augustin. L’empereur envoya en parallèle un courrier à Cyrille l’accusant de semer le trouble dans l’Eglise. Le concile se présentait mal pour Cyrille. On voit par un courrier de l’empereur à Célestin qu’il considérait bien Nestorius excommunié à cause de l’ultimatum des 10 jours posé par Célestin : il demandait si Nestorius pouvait paraître au concile comme membre. Célestin demanda à ce qu’on agisse avec charité afin de laisser à Nestorius une ultime occasion de se repentir de ses erreurs. Le concile était prévu pour la Pentecôte 431 à Ephèse. Célestin choisit de se faire représenter par des légats. Nestorius avait tablé sur le fait que Cyrille n’oserait pas se rendre à quelque chose fait par l’empereur et qui lui était donc favorable en terme d’organisation. Mais une fois Pâques passée, Cyrille se mit en route pour Ephèse. Célestin avait remis les instructions suivantes à ses légats : il leur demandait de s’aligner en tout sur Cyrille. Dans l’ordre de préséance de la pentarchie, Célestin devait parler premier, Nestorius en deuxième s’il choisissait de venir, puis seulement Cyrille. Donc techniquement, si Nestorius venait, en l’absence de Célestin, il devenait président du concile. C’est ce que Célestin évita en cédant sa préséance à Cyrille qui put ainsi présider les débats. Il avait reçu procuration de présidence, mais sans devenir légat.
On doit saluer ici la façon dont l’empereur, bien que Nestorien, organisa le concile. Il était représenté par un officiel auquel il donna le mandat suivant : il lui était interdit de prendre part aux délibérations dogmatiques. Il devait s’assurer que seuls les évêques puissent prendre part à la discussion. Il devait s’assurer que des moines ou des laïcs extérieurs à la liste des convoqués ne viennent semer le trouble et la confusion. Il devait s’assurer que chaque évêque puisse s’exprimer librement. Et enfin il devait empêcher les évêques de quitter le concile avant qu’une conclusion n’ait été trouvée.
Le concile débute sans les antiochiens : Nestorius est anathématisé
Nestorius arriva tôt à Ephèse. Il vint avec seize évêques et beaucoup de gens armés. Cyrille vint avec près de 50 évêques. Lui seul représentait la moitié des votants. Juvénal de Jérusalem arriva un peu en retard. Nombre d’évêques furent en retard, car les distances étaient souvent trop longues pour relier Ephèse en partant de son diocèse après Pâque. Le concile n’était pas vraiment ouvert, mais les premières discussions avaient lieu. Cyrille essayait déjà de gagner des suffrages chez les autres évêques. Nestorius déclara à un moment : « jamais je n’appellerai Dieu un enfant de deux ou trois mois ; c’est pour cela qu’à partir de ce moment je ne communiquerai plus avec vous ». A un autre évêque il déclara : « confessez donc que si le Verbe, seconde hypostase de la Trinité s’est incarné, le Saint-Esprit a du s’incarner également et Dieu le Père lui-même, puisque la Trinité est triple et une dans sa substance ». Les évêques qui l’accompagnaient n’étaient pas plus brillants : « tout en trouvant les Juifs coupables, je ne les condamne pas comme déicides, car ils n’ont pas tué le Dieu mais l’homme seulement » déclara un des seize évêques accompagnant Nestorius. Les témoignages à charge s’accumulaient, mais Jean d’Antioche et ses évêques ne venaient toujours pas. Arrivèrent enfin deux premiers évêques antiochiens, porteurs d’une lettre du patriarche Jean, donnant sa bénédiction pour que le concile démarre sans lui. Il est possible que Jean ne voulait pas assister à la condamnation de celui qui fut un prêtre et un ami. La première session put donc avoir lieu le 22 juin 431. Nestorius refusa de s’y rendre ce qui montre un caractère assez particulier. Le représentant de l’empereur voulut retarder le début du concile pour attendre les antiochiens, mais comme le mandat donné par l’empereur donnait clairement le pouvoir aux évêques, Cyrille, président du concile le déclara ouvert. Le concile démarrait avec 16 jours de retard.
Les évêques procédèrent ainsi : ils lurent le symbole de Nicée Constantinople. Puis ils lurent les lettres que Cyrille avait envoyé à Nestorius pour défendre la position orthodoxe, et les lettres que Nestorius avait envoyé à Cyrille pour défendre sa position. Après les lectures, les évêques se retrouvèrent sur la déclaration suivante : « quiconque n’anathématise pas Nestorius sera lui-même anathème : car il est anathématisé par la vraie foi et le saint concile. Quiconque est en communion avec Nestorius doit être anathème. Nous tous, nous anathématisons la lettre et la doctrine de Nestorius. Nous tous, nous anathématisons l‘hérétique Nestorius et ses partisans ainsi que sa foi impie, et sa doctrine également impie. »
Les lettres de Célestin et Cyrille à Nestorius furent également lues. On fit témoigner des évêques qui avaient interagi avec Nestorius pour le faire changer d’idée. Les deux déclarèrent avoir eu de très récentes conversations qui n’indiquaient aucun changement, aucun doute dans l’esprit de Nestorius. Puis, les Pères d’Ephèse citèrent les nombreux témoignages patristiques illustres qui allaient dans le sens de Cyrille et Célestin. On relut par exemple un anathème que lançait saint Grégoire de Nazianze contre ceux qui refusaient d’appeler Marie Theotokos. Puis les Pères lurent des extraits de sermon de Nestorius qui allaient à l’encontre de toutes les déclarations patristiques. Le synode rédigea alors cette déclaration : « Le saint synode a dit : Le très-impie Nestorius, entre autres griefs qu’on peut lui reprocher, ayant refusé de recevoir les très-pieux évêques que nous lui avons envoyés pour le citer, nous avons été obligés de procéder à l’examen des doctrines impies qui lui étaient imputées ; nous avons découvert dans ses lettres et dans ses discours, et dans les conversations qu’il a eues dans cette métropole, et sur lesquelles on a des témoignages positifs, qu’il a enseigné des doctrines impies ; et nous avons été obligés, conformément aux canons et à la lettre du très-saint Père et collègue Célestin, évêque de l’Eglise des Romains de prononcer contre lui, bien à regret, cette triste sentence : Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, qu’il a blasphémé, décide par ce saint synode que Nestorius est privé de la dignité épiscopale et de toute communion sacerdotale. »
Les 198 évêques du synode signèrent cette déclaration. Tout avait été réglé en une journée, et Nestorius avait choisi de ne pas défendre son point de vue. Cyrille écrivit une lettre à son clergé pour le tenir au courant : « Sachez que le saint synode s’est réuni le 28ème jour du mois Pauni, dans la grande église de la cité d’Ephèse, appelée Marie mère de Dieu. Après une session qui a duré toute la journée, le blasphémateur Nestorius a été condamné sans qu’il ait osé se présenter devant le saint concile , nous l’avons déposé et privé de la dignité épiscopale. Nous étions environ deux cents évêques. Tout le peuple de la cité attendit depuis le matin jusqu’au soir le jugement du saint concile. Dès que l’on connut que le blasphémateur était déposé de sa dignité, tous, d’une voix unanime, commencèrent à louer le saint synode et à glorifier Dieu de ce que l’ennemi de la loi était abattu. Aussitôt que nous sortîmes de l’église, on nous conduisit jusqu’à nos maisons, en nous éclairant avec des torches et des flambeaux. Toute la ville était en fête et illuminée ; des femmes portant des cassolettes ou brillait de l’encens, marchaient devant nous. ».
La sentence fut donnée à Nestorius en ces termes : « Le saint concile assemblé à Ephèse par la grâce de Dieu et par ordre de nos très-pieux empereurs, à Nestorius, nouveau Judas : « Sache que, à cause de tes doctrines impies et ta désobéissance aux canons, tu as été déposé par le saint concile, conformément aux lois de l’Eglise, et déclaré privé de toute dignité ecclésiastique, le vingt-deuxième jour du présent mois de juin. ». La sentence fut publiée par les crieurs et envoyée à Constantinople.
Jean d’Antioche arrive et organise un concile parallèle : Cyrille y est accusé d’hérésie et excommunié
Nestorius prépara sa contre-attaque avec l’aide du légat de l’empereur qui n’avait pas apprécié qu’on démarra sans les antiochiens. C’était également l’angle d’attaque voulu par Nestorius. Une lettre signée par 10 évêques favorables à Nestorius fut envoyée à l’empereur. C’est à ce moment qu’arriva enfin Jean d’Antioche, sept jours après la déposition de Nestorius. Le légat de l’empereur empêcha les évêques du concile qui avaient déposé Nestorius d’en avertir Jean d’Antioche. Celui-ci organisa une sorte de concile parallèle pour condamner Cyrille sur de faux prétextes d’hérésies qu’il déclarait déceler dans les 12 fameux anathèmes. L’empereur, averti par les deux camps de la situation ordonna que tout le monde resta à Ephèse et qu’on puisse enfin tenir une réunion avec tout le monde. La ville d’Ephèse était dans le trouble mais penchait, grâce aux prédications de son évêque dans le sens de Cyrille et Célestin. La déclaration de Jean d’Antioche dans son propre concile était la suivante : « Le saint concile réuni à Ephèse par la grâce de Dieu et par l’ordre du pieux empereur déclare : nous avions désiré pouvoir tenir un concile sans être troublés ; mais comme, poussés par vos sentiments hérétiques, effrontés et opiniâtres, vous avez tenu une assemblée particulière, quoique nous fussions proches ; que vous avez également troublé la ville et le saint concile pour empêcher une enquête sur vos erreurs apollinaristes, ariennes et eunoméennes, et que, dédaignant les exhortations et avertissements de Candidien (c’était le nom du légat de l’empereur), vous n’avez pas voulu attendre l’arrivée des saints évêques de tous les pays ; pour ces motifs, toi Cyrille d’Alexandrie et toi, Memnon évêque de ce lieu, vous apprendrez que vous êtes exclus de toutes les fonctions sacerdotales comme auteurs de tout ce désordre. Vous tous qui leur avez donné votre assentiment, vous êtes excommuniés jusqu’à ce que qu’ayant reconnu votre faute et étant amendés vous ayez reçu de nouveau la loi de Nicée sans altération, jusqu’à ce que vous ayez anathématisé les principes hérétiques de Cyrille et que vous ayez pleinement adhéré aux ordres de l’empereur qui veut une discussion précise et pacifique sur les matières de dogmes ». Ce document fut signé par tous les antiochiens, dont le fameux Théodoret de Cyr. Jean essaya même de faire ordonner un nouvel évêque dans la ville, mais la population l’empêcha. Candidien voulut empêcher Cyrille de célébrer le service divin du dimanche, mais également sans succès.
Cyrille fit tenir une nouvelle session des orthodoxes le 10 juillet. Il lut la lettre suivante qui émanait de Célestin : « «La réunion des prêtres atteste la présence du Saint-Esprit. Si l’esprit de Dieu se trouve au milieu de deux ou trois assemblés en son nom, que doit-on dire d’une réunion où se trouve un si grand nombre de saints? En effet, le concile est saint par la vénération qui lui est due comme représentant une nombreuse assemblée d’apôtres. Le Maître qu’ils devaient prêcher ne les a pas abandonnés; c’est lui-même qui enseignait par eux, car il leur avait dit ce qu’ils devaient enseigner, et qui avait assuré qu’on l’écoutait en écoutant ses apôtres. Cette fonction de renseignement a passé à tous les évêques ; nous l’avons tous reçue comme un héritage, nous qui annonçons, à la place des apôtres, le nom du Seigneur dans les divers pays du monde, selon ce qui avait été dit aux apôtres eux- mêmes : « Allez, instruisez toutes les nations. Votre Fraternité remarque que nous avons reçu un ordre général. Le Christ a voulu que tous nous obéissions à cet ordre qu’il a donné à tous les apôtres en commun ; nous devons suivre les traces de nos ancêtres, et accomplir les mêmes travaux que ceux auxquels nous avons succédé en dignité. »
On remarquera le ton très synodal et pas du tout papiste de la lettre de Célestin. Puis le lendemain eut lieu une troisième session, dans la maison même de Memnon. Ces deux sessions ne firent qu’entériner ce qui avait été décrété auparavant. La quatrième session, est beaucoup plus intéressante. Cyrille, prenant acte de sa déposition par Jean d’Antioche, demande au concile d’examiner son cas. C’est donc Juvénal de Jérusalem qui préside. Le Père Guetté donne l’abrégé suivant du document qui conclue la quatrième session : « Jean d’Antioche, pour se venger de la déposition de son ami Nestorius, a formé un conciliabule avec trente évêques, parmi lesquels plusieurs sont déposés depuis longtemps, et d’autres n’ont pas de siège déterminé. Il prétend nous avoir déposé, comme on l’apprend d’un écrit injurieux qu’il a dressé contre nous, quoique ni les lois de l’Église, ni l’ordre de l’empereur, ni le rang du siège qu’il occupe, ne lui donnent le droit de nous juger. Alors qu’il aurait eu ce droit, il aurait dû l’exercer selon les canons, nous avertir, nous citer avec le reste du concile, et nous permettre de nous défendre. Il a agi contre nous, clandestinement et précipitamment, le jour même de son arrivée à Ephèse, et nous n’en avons rien su jusqu’à ce jour. Il n’aurait pas osé procéder ainsi contre un simple clerc soumis à son autorité. D’après ce qu’il a fait, avec ses complices, nous croyons de notre devoir de vous prier, au nom de la Sainte Trinité, de les citer à venir rendre compte de leur conduite ; quant à nous, nous sommes prêts à prouver qu’elle a été aussi impie qu’illégale. »
Diverses sessions du concile orthodoxe véritable
Le concile orthodoxe envoya donc une délégation de trois évêques pour que Jean d’Antioche puisse venir s’exprimer. Les soldats de Candidien ne leur permirent pas de passer. Jean d’Antioche fit savoir qu’il n’avait rien à dire à des évêques déposés.
En conclusion la quatrième session déclara nulle les sentences ordonnées par Jean d’Antioche.
Un pamphlet distribué en ville par les antiochiens accusa Cyrille d’apollinarisme. Une cinquième session fut donc organisée pour punir cette calomnie. Les orthodoxes décidèrent de retrancher Jean d’Antioche de la communion de l’Eglise. Cinq jours plus tard eut lieu une sixième session. A chaque fois des lettres étaient envoyées à l’empereur pour le tenir informé de la situation. Les évêques orthodoxes le suppliaient de ne pas prêter attention à ce petit groupe séditieux de quelques évêques qui tenait pour nul ce que près de 200 évêques avaient conclus en concile.
La sixième session examina le cas du prêtre Charisius. Ce prêtre lut devant le concile un symbole rédigé par Théodore de Mopsueste, très proche du symbole de Nicée mais qui permettait le maintien d’une théologie nestorienne. Le concile édicta donc un canon qui prohibe toute modification du Credo de Nicée-Constantinople. Puis vint la septième session le 31 juillet. C’est la dernière session du concile. Il s’agissait d’un différent entre Chypre et Antioche. Antioche considérait pouvoir ordonner à Chypre, ce que Chypre contestait en vertu du canon 4 de Nicée : « L’évêque doit être avant tout choisi par tous ceux de la province; mais si une nécessité urgente ou la longueur de la route s’y opposait, trois évêques absolument doivent se réunir et procéder au sacre, munis du consentement écrit des absents. La confirmation de ce qui s’est fait revient de droit dans chaque province à l’évêque métropolitain. » Antioche de son côté invoquait le canon 6 du même concile : « Que l’ancienne coutume en usage en Égypte, dans la Libye et la Pentapole soit maintenue, c’est-à-dire que l’évêque d’Alexandrie conserve la juridiction sur toutes ces provinces, car il y a le même usage pour l’évêque de Rome. On doit de même conserver aux Églises d’Antioche et des autres diocèses leurs anciens droits. ». La question était donc, quels étaient donc ces anciens droits que le canon ne précise pas ? Les chypriotes montrèrent des précédents historiques d’ordinations épiscopales valides sans la participation antiochienne. Le concile trancha donc en faveur des chypriotes.
Canons du concile d’Ephèse
- Canon 1 : Comme il fallait que les évêques qui n'ont pas assisté au concile, mais sont restés dans leur territoire ne soient pas sans savoir ce qui a été décidé, nous faisons savoir à votre sainteté, que : Le métropolitain qui abandonne ce saint et œcuménique concile, pour entrer dans l'assemblée des apostats ou qui y entrera à l'avenir; ou celui qui a partagé les opinions de Célestius ou les partagera à l'avenir, celui-là perd toute juridiction sur les évêques de la province, et est déjà exclu de toute communion et déclaré suspens par le concile. Les évêques de sa province et les métropolitains voisins qui sont orthodoxes doivent veiller à ce qu'il soit entièrement dépossédé du rang d'évêque.
- Canon 2 : Si d'autre part certains évêques suffrageants n'ont pas assisté au saint concile et ont passé à l'apostasie, ou bien cherchent à y passer, ou bien, après avoir signé la déposition de Nestorius, sont ensuite retournés à l'assemblée des apostats, ceux-là suivant la sentence du saint concile, sont exclus du sacerdoce et déchus de leur rang.
- Canon 3 : Si dans une ville ou une campagne quelconque des clercs ont été déposés par Nestorius ou ses partisans, à cause de leurs sentiments orthodoxes, nous avons jugé qu'à juste titre ils doivent être réintégrés dans leurs fonctions. En règle générale nous ordonnons que les clercs, qui reçoivent ce concile orthodoxe et œcuménique ou le recevront maintenant ou après, en quelque temps que ce soit ne doivent être subordonnés en aucune manière et à aucun moment aux évêques qui ont apostasié ou qui apostasieront ou qui vont à l'encontre des saints canons et de la vraie foi.
- Canon 4 : Si certains clercs apostasient et osent prendre parti, secrètement ou publiquement, pour Nestorius, ils sont eux aussi déposés par ce saint concile.
- Canon 5 : Quant à ceux qui ont été condamnés pour des actions coupables par un saint synode ou par leurs propres évêques, et auxquels Nestorius, agissant contre les canons, avec l'indifférence qui le caractérise, ou bien ses partisans ont cherché ou chercheront à rendre la communion ou leur rang, nous avons jugé qu'ils ne doivent retirer aucun profit de ce fait et n'en demeureront pas moins déposés.
- Canon 6 : De même, au sujet de tous ceux qui voudraient renverser d'une manière quelconque les décisions du saint concile à propos d'un chacun, le concile décide que, s'ils sont évêques ou clercs, ils perdront entièrement leur rang, et s'ils sont laïcs, ils seront excommuniés.
- Canon 7 : Le saint concile a décidé qu'il ne sera pas permis de produire en public, d'écrire ou de composer un symbole de foi autre que celui défini par les saints pères réunis à Nicée sous la conduite du saint Esprit. Ceux qui oseront composer un autre symbole, le répandre, ou le présenter à ceux qui veulent se convertir et reconnaître la vérité, venant du paganisme, du judaïsme ou de n'importe quelle hérésie, ceux-là, s'ils sont évêques ou clercs, seront dépouillés, les évêques de l'épiscopat et les clercs de la cléricature; s'il sont laïcs, ils seront anathématisés. De même, si des évêques, des clercs ou des laïcs étaient convaincus d'admettre ou d'enseigner la doctrine contenue dans l'exposé du prêtre Charisius, au sujet de l'incarnation du Fils unique de Dieu, ou bien encore les enseignements impurs et pervers de Nestorius qui y sont adjoints, qu'ils tombent sous le coup de la sentence de ce saint et œcuménique concile, c. à d. que l’évêque soit dépouillé de son épiscopat et soit déposé, et le clerc pareillement soit déchu de la cléricature, et si c'est un laïc, qu'il soit anathématisé, comme il a été dit plus haut.
- Canon 8 : Un fait, qui est une innovation contraire aux coutumes ecclésiastique et une atteinte à la liberté de tous nous a été rapporté par Réginus, l'évêque très aimé de Dieu, et ses compagnons, les très pieux évêques Zénon et Evagre, de la province de Chypre. C'est pourquoi, comme le mal commun a besoin d'une remède d'autant plus fort que sa nuisance est plus grande, vu qu'aucune coutume n'a existé jusqu'ici que l'évêque de la ville d'Antioche sacre des évêques à Chypre, ainsi que les très pieux hommes qui ont eu recours au saint concile nous le prouvèrent par leurs rapports et de vive voix, les chefs des saintes églises de Dieu en Chypre resteront sans être inquiétés ni exposés à la violence, si, observant les canons des saints et vénérés pères, ils procèdent par eux-mêmes, selon l'ancienne coutume, à l'élection des très pieux évêques. Cette même règle sera aussi observée dans les autres diocèses et dans toutes les provinces, en sorte qu'aucun des évêques aimés de Dieu ne s'empare d'une autre province, qui ne fût déjà et dès le début sous son autorité ou sous celle de ses prédécesseurs; et s'il s'en était emparé et par force se la fût assujettie, il la rendra, afin que les canons des pères ne soient pas enfreints, ni que sous le prétexte d'actes sacrés ne s'insinue l'orgueil de la puissance mondaine et que sans nous en rendre compte nous perdions peu à peu la liberté, que nous a donnée par son propre Sang Jésus Christ notre Seigneur, le Libérateur de tous les hommes. Il a été donc décidé par le saint concile œcuménique que soient sauvegardés à chaque province purs et inviolés les droits acquis déjà et dès le début selon l'usage établi depuis toujours et le métropolitain sera autorisé de prendre copie conforme de notre décision pour garantir ainsi la sécurité de sa province. Si quelqu'un produisait une ordonnance opposée à la définition présente, le saint et œcuménique concile tout entier décide que cette ordonnance sera nulle et non avenue.
Commentaire : l’assemblée des apostats désigne ici le petit concile parallèle organisé par Jean d’Antioche. Célestius était un des quatre pélagiens qui avaient trouvé refuge à Constantinople sous le règne de Nestorius.
Commentaire : il faut bien comprendre ici que l’apostasie ne désigne pas la doctrine nestorienne mais bien le fait de s’aligner sur Jean d’Antioche. Être nestorien ou supporter la démarche de Jean d’Antioche entraine les mêmes sanctions canoniques.
L’empereur envoie un nouveau légat qui cherche un accord
Les manœuvres de Candidien montèrent d’un cran. Il fit barrer toutes les routes terrestres et maritimes pour intercepter toute communication entre le concile et Constantinople. Cyrille put faire passer une lettre en secret jusqu’à un archimandrite, Dalmatius, qui put saisir l’empereur, à qui la situation était cachée. Partout dans Constantinople les moines faisaient pousser ce cri au peuple : « Anathème à Nestorius !! ». L’empereur, abreuvé d’informations partielles et contradictoires prit les décisions suivantes : il confirma les dépositions de Nestorius, de Cyrille et de Memnon. C’est-à-dire qu’il tint pour valide, et le concile véritable, et le concile parallèle de Jean d’Antioche. Il ne dit rien sur Jean d’Antioche. Et il envoie un nouvel émissaire : le comte Jean, un trésorier.
Celui-ci essaya de réunir tout le monde dans le lieu qu’il occupait, afin de lire à tous le courrier de l’empereur, mais chaque camp refusait la présence de l’autre, pour cause de déposition. Nestorius et Jean ne voulaient pas voir Cyrille et Memnon déposés par leur concile, et Cyrille et Memnon refusaient de voir Nestorius, dont ils réclamaient l’éloignement, conformément au concile véritable. Jean usa un peu de force pour faire lire la lettre, mais sans que Cyrille ni Nestorius ne soient présents. Jean annonça les dépositions voulues par l’empereur. Memnon, Nestorius et Cyrille furent arrêtés. Les évêques du concile écrivirent une lettre aux deux empereurs d’orient et d’occident. La lettre était ferme. Elle rappelait que l’édit impérial ne voulait que confirmer ce qui avait été décidé en concile. Et que donc cet édit n’était pas conforme à la vérité du concile où jamais Cyrille n’avait été déposé. La lettre rappelait aussi la mauvaise attitude des évêques antiochiens. La lettre demandait de surcroit aux empereurs d’envoyer des ambassadeurs de confiance à Constantinople et à Ephèse, s’ils étaient intéressés par la vérité. Cyrille, depuis sa prison écrivit une lettre au clergé et au peuple de Constantinople, leur demandant de ne pas croire aux mensonges du courrier impérial. Le comte Jean se trouvait dans une position inconfortable. Il essaya de manœuvrer pour que le concile véritable et les antiochiens arrivent à un accord. Le concile exigeait qu’Antioche lance l’anathème sur Nestorius et sa doctrine. Le problème était que les antiochiens eux-mêmes étaient divisés. Cyrille envoyait des lettres régulièrement à Constantinople pour tenir la ville au courant des discussions des antiochiens, et pour empêcher le comte Jean de tromper tout le monde avec de faux rapports.
Cette situation durait depuis trois mois. Les évêques étaient détenus dans des conditions déplorables. Plusieurs moururent d’épuisement. Cyrille envoya une nouvelle lettre au clergé de Constantinople, leur demandant d’intercéder auprès de l’empereur relativement à cette situation. C’est Juvénal, présidant le concile depuis l’incarcération de Cyrille qui signa le document envoyé à l’empereur. Cyrille passait le temps en écrivant pour expliciter la théologie liés aux anathèmes. Les antiochiens essayaient d’abreuver l’empereur de courriers pour expliquer que Cyrille était un hérétique. Ils voulaient le faire passer pour un apollinariste.
L’empereur est obligé de trancher du côté orthodoxe
Théodose le jeune, empereur d’orient, prit alors la décision d’entendre des représentants des deux partis. 8 évêques de chaque camp se présentèrent donc devant l’empereur. Le parti orthodoxe était représenté par les légats du pape, Juvénal de Jérusalem, et d’autres évêques. Cyrille emprisonné n’eut pas le loisir de venir exposer sa doctrine en personne. Côté antiochien, Jean d’Antioche, Jean de Damas et Théodoret de Cyr sont les plus éminents à citer parmi les 8. Théodose les reçut à Chalcédoine, ville voisine de Constantinople mais de l’autre côté du Bosphore. Théodose trancha en faveur du parti orthodoxe contre Antioche. Mais il restait très irrité de la division qui perdurait dans l’Eglise. Cyrille et Memnon furent délivrés de prison, confirmés dans leurs sièges épiscopaux et Nestorius obligé d’entrer dans un couvent. Il fit procéder à l’élection du nouveau patriarche de Constantinople : Maximien puis déclare la dissolution du concile d’Ephèse. Cyrille parvient à Alexandrie le 30 octobre 431 et reçoit une lettre très cordiale de Maximien. Le parti antiochien fut, on l’imagine très amer de l’issue des choses.
Ce parti, ne pouvant admettre sa défaite imagina plusieurs théories absurdes où Cyrille aurait corrompu des gens influents à Constantinople pour emporter la décision impériale. Il vit également en Pulcherie, la sœur de l‘empereur une figure de proue contre Nestorius et les rumeurs les plus négatives circulèrent aussi contre elle à Antioche.
Ainsi se termina le concile d’Ephèse, dans une certaine amertume et division. Le terme Theotokos était devenu au cinquième siècle ce que le terme omoousios avait été au quatrième. J’aimerai préciser pour conclure, qu’il ne faudrait surtout pas croire que l’empereur a fixé la théologie de l’Eglise par son choix. Il n’a fait qu’entériner la décision d’un concile œcuménique. Le Père Wladimir écrit : « Un concile œcuménique ne pouvait non plus, malgré sa déférence pour l’empereur, le prendre pour juge de la doctrine. Théodose le comprit. Il approuva donc la déposition de Nestorius et donna ordre de mettre Cyrille et Memnon en liberté ; » (histoire de l’Eglise du monde t.4 p 377). On ne peut que saluer la sagesse de ce jeune empereur, qui se montra d’une certaine façon plus sage que les évêques des deux partis, car il ne prit aucune mesure contre les antiochiens ce qui favorisa un rapprochement ultérieur.
En effet, Ephèse fut accepté universellement sauf à Antioche. Cyrille écrivit à un évêque antiochien pour lequel il avait du respect, afin de ne pas le laisser à penser qu’il était véritablement apollinarien. Cette lettre permit probablement de clarifier bien des choses. En effet, Jean d’Antioche et ses partisans adressèrent ensuite un courrier à Sixte III, Cyrille d’Alexandrie et Maximianus de Constantinople dans lequel ils reconnaissaient enfin la condamnation de Nestorius, ainsi que l’élection de Maximianus. Il se peut aussi que Nestorius lui-même permit à Jean d’ouvrir les yeux. Dans son couvent il continuait à proférer ses hérésies et maudissait ceux qui l’avaient condamné. Jean le chassa alors d’Antioche et il mourut dans son entêtement, dans les déserts d’Egypte où il se voyait comme un martyr de la foi.
Pour que la clarification et la réconciliation soit totale Cyrille exigea que Jean d’Antioche et ses partisans explicitent ces erreurs de Nestorius qu’ils condamnaient. La lettre reçue fut parfaitement orthodoxe et Cyrille rétablit alors la communion rompue avec Antioche.