texte original

δευτέρῃ δὲ λέγουσι γενεῇ μετὰ ταῦτα Ἀλέξανδρον τὸν Πριάμου, ἀκηκοότα ταῦτα, ἐθελῆσαί οἱ ἐκ τῆς Ἑλλάδος δι᾽ ἁρπαγῆς γενέσθαι γυναῖκα, ἐπιστάμενον πάντως ὅτι οὐ δώσει δίκας. οὐδὲ γὰρ ἐκείνους διδόναι. οὕτω δὴ ἁρπάσαντος αὐτοῦ Ἑλένην, τοῖσι Ἕλλησι δόξαι πρῶτὸν πέμψαντας ἀγγέλους ἀπαιτέειν τε Ἑλένην καὶ δίκας τῆς ἁρπαγῆς αἰτέειν. τοὺς δέ, προϊσχομένων ταῦτα, προφέρειν σφι Μηδείης τὴν ἁρπαγήν, ὡς οὐ δόντες αὐτοὶ δίκας οὐδὲ ἐκδόντες ἀπαιτεόντων βουλοίατό σφι παρ᾽ ἄλλων δίκας γίνεσθαι.

traduction proposée

Ils disent à la seconde génération après cela, Alexandre, le fils de Priam, qui avait entendu cette histoire, voulut également capturer une femme de Hellas ; il pensait n’encourir aucune sanction. Hélène est donc capturée. L’honneur des grecs leur impose de demander qu’elle soit rendue avec un sacrifice de compensation. A cette proposition, les troyens plaidèrent la prise de Médée et annoncèrent qu’ils demandaient des réparations aux autres, mais sans jamais en faire eux-mêmes, et qu’ils ne renonçaient pas au butin acquis lorsqu’on le leur demandait.



Commentaire/Analyse

Quelques petites précisions de traduction avant de commenter. Le mot « διδόναι » a été une énigme insoluble pour moi. Je me suis donc basé pour cette phrase sur les autres traductions. J’ai laissé « Hellas » pour montrer comment la Grèce parle d’elle-même. Hellas signifie Grèce en grec ancien.

Pour l’histoire proprement dite : les troyens agissent comme les grecs une génération avant. Si on raisonne juste du côté de la justice, on voit apparaître assez facilement les mécanismes : Troie fait une faute de la même façon que les grecs ont fait une faute. Le raisonnement d’Alexandre est donc : comment les grecs pourraient me reprocher ce qu’ils ont fait eux-mêmes il y a 20 ans de cela ? Et donc la pratique de la capture devient une forme de norme. « Tu as capturé, donc tu acceptes de subir la même chose » est la phrase non dite mais pourtant acceptée de tous dans les relations entre Grèce et Troie. Même si la Grèce elle-même disait ne réagir qu’à une histoire plus ancienne (celle de Médée).

Il est étonnant de voir ici une ville, ou presqu’une civilisation entière, réagir comme un individu. Combien de fois avons-nous la pensée de nous autoriser un méfait parce que quelqu’un l’a commis également ? Pourquoi ne pas voler puisque tant de gens volent ? Pourquoi ne pas faire ceci ou cela puisque tant de gens ont fait de même ? Difficile ensuite de dire si tout Troie pensait la même chose, mais on voit ici que la logique tragique (cet inéluctable enchainements de faits qui amène au désastre) se met lentement en place. C’est parce que tous les acteurs de cette tragédie ont fait du péché une norme.