texte original

ποιμένες ἄγραυλοι, κάκ᾽ ἐλέγχεα, γαστέρες οἶον,
ἴδμεν ψεύδεα πολλὰ λέγειν ἐτύμοισιν ὁμοῖα,
ἴδμεν δ᾽, εὖτ᾽ ἐθέλωμεν, ἀληθέα γηρύσασθαι.
ὣς ἔφασαν κοῦραι μεγάλου Διὸς ἀρτιέπειαι:
καί μοι σκῆπτρον ἔδον δάφνης ἐριθηλέος ὄζον
δρέψασαι, θηητόν: ἐνέπνευσαν δέ μοι αὐδὴν
θέσπιν, ἵνα κλείοιμι@1 τά τ᾽ ἐσσόμενα πρό τ᾽ ἐόντα.
καί μ᾽ ἐκέλονθ᾽ ὑμνεῖν μακάρων γένος αἰὲν ἐόντων,
σφᾶς δ᾽ αὐτὰς πρῶτόν τε καὶ ὕστατον αἰὲν ἀείδειν.
ἀλλὰ τί ἦ μοι ταῦτα περὶ δρῦν ἢ περὶ πέτρην;

τύνη, Μουσάων ἀρχώμεθα, ταὶ Διὶ πατρὶ
ὑμνεῦσαι τέρπουσι μέγαν νόον ἐντὸς Ὀλύμπου,
εἰρεῦσαι τά τ᾽ ἐόντα τά τ᾽ ἐσσόμενα πρό τ᾽ ἐόντα,
φωνῇ ὁμηρεῦσαι: τῶν δ᾽ ἀκάματος ῥέει αὐδὴ
ἐκ στομάτων ἡδεῖα: γελᾷ δέ τε δώματα πατρὸς
Ζηνὸς ἐριγδούποιο θεᾶν ὀπὶ λειριοέσσῃ
σκιδναμένῃ: ἠχεῖ δὲ κάρη νιφόεντος Ὀλύμπου
δώματά τ᾽ ἀθανάτων. αἳ δ᾽ ἄμβροτον ὄσσαν ἱεῖσαι
θεῶν γένος αἰδοῖον πρῶτον κλείουσιν ἀοιδῇ
ἐξ ἀρχῆς, οὓς Γαῖα καὶ Οὐρανὸς εὐρὺς ἔτικτεν,
οἵ τ᾽ ἐκ τῶν ἐγένοντο θεοί, δωτῆρες ἐάων.
δεύτερον αὖτε Ζῆνα, θεῶν πατέρ᾽ ἠδὲ καὶ ἀνδρῶν,
ἀρχόμεναί θ᾽ ὑμνεῦσι καὶ ἐκλήγουσαι ἀοιδῆς,
ὅσσον φέρτατός ἐστι θεῶν κράτεί τε μέγιστος.
αὖτις δ᾽ ἀνθρώπων τε γένος κρατερῶν τε Γιγάντων
ὑμνεῦσαι τέρπουσι Διὸς νόον ἐντὸς Ὀλύμπου
Μοῦσαι Ὀλυμπιάδες, κοῦραι Διὸς αἰγιόχοιο.

traduction proposée

Bergers résidants dans les champs, misérables honteux, simples ventres, nous pouvons dire des mensonges ayant l’apparence de la vérité. Mais nous pouvons aussi dire la vérité ». Ainsi parlèrent les filles du grand Zeus d’une voix vive, et elles m’offrirent un bâton, un rameau de laurier luxuriant, une chose merveilleuse, et soufflèrent en moi une voix de révélation divine, pour célébrer ce qui sera et ce qui fut. Et elles m’ordonnèrent de chanter la race des dieux bénis, et qui doivent toujours chanter d’eux-mêmes à la fois les premiers et les derniers. Mais qu’est-ce que tout concernant le chêne et la pierre ?

Viens, chantons d’abord les muses qui réjouissent le grand esprit de leur père Zeus dans l’Olympe, en chantant ce qui fut et ce qui sera du flot de leur voix infatigables. De leurs bouches vient la plaisante évocation de Zeus celui dont la voix est le tonnerre, de la déesse à la voix comme une fleur de lys qui résonne sur les neiges de l’Olympe, de la maison des immortels. Et de leurs voix, elles célèbrent la race des dieux dans une première ode sur les origines, ceux que la terre et le large ciel ont engendré les dieux, dont viennent tous les biens. Puis la déesse chante Zeus, le père des dieux et des hommes, et du début à la fin évoquent comment il est le plus brave des dieux et domine sur eux étant le plus grand. Puis elle chantent aussi la race des hommes, des géants puissants et réjouissent le cœur de Zeus, les muses de l’Olympe, les jeunes filles de Zeus le porteur d’Aegis.



Commentaire/Analyse





Ce texte nous montre au moins deux choses. La première est que nous n’avons pas les chants des muses. Il s’agit d’un chant qui parle de chants. Il s’agit presque d’un commentaire. On nous informe simplement que les muses chantent. Elles chantent telle ou telle chose. Mais nous n’avons pas connaissance de ce qu’elles chantent. Que disent les muses à Zeus ? nous ne le savons pas. Est-ce une part de mystère, censée éveiller la curiosité de l’auditeur et favoriser les cultes à mystères qui vont ensuite proposer des réponses à tout ce qui a été laissé en suspens ?

Deuxième information, peut-être décisive pour une lecture chrétienne : le texte d’Hésiode semble faire une distinction entre les hommes, les géants et les dieux. Je ne vais pas l’affirmer avec une assurance péremptoire, mais il me semble que c’est ce qui en ressort. Les géants ne sont pas une partie des hommes, ou une partie des dieux non plus d’ailleurs, mais bien une catégorie particulière. Et en cela, Hésiode rejoint ici une catégorie énoncée ouvertement dans le livre d’Enoch, et implicitement dans la Genèse au chapitre 6. Je redonne le fameux verset : « Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité. ». Nous avons ici l’écho de cette réalité biblique qui, si on l’accepte, structure toute une lecture de l’AT. Si on accepte les traditions chrétiennes les plus antiques et que l’on se laisse guider par le grec de la LXX comme interprétation orthodoxe du « nephilim » hébreu alors on a le tableau suivant :

Dans la Bible :

  • Dieu
  • Les fils de Dieu (à savoir les anges)
  • Les géants
  • Les hommes

Dans la mythologie grecque :

  • Les dieux
  • Les géants
  • Les hommes

Le monde antique grec s’est retrouvé comme un poisson dans l’eau dans la vision chrétienne antique : il suffisait de postuler l’égalité : anges = dieux. La nouveauté chrétienne est que finalement Dieu n’a pas d’équivalent dans la mythologie grecque. Dieu n’est pas un dieu parmi les dieux. Il est Dieu. Tout à fait à part.

La Bible et Hésiode parlent de la même chose. C’est juste le point de vue qui change. La Bible dit la vérité. Comme Hésiode le dit : le narratif mythologique lui, va mélanger vérité et mensonge.