Texte originel grec

ὣς ἔφατ᾽, ἔδεισεν δ᾽ ὃ γέρων καὶ ἐπείθετο μύθῳ:
βῆ δ᾽ ἀκέων παρὰ θῖνα πολυφλοίσβοιο θαλάσσης:
πολλὰ δ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπάνευθε κιὼν ἠρᾶθ᾽ ὃ γεραιὸς
Ἀπόλλωνι ἄνακτι, τὸν ἠΰκομος τέκε Λητώ:
κλῦθί μευ ἀργυρότοξ᾽, ὃς Χρύσην ἀμφιβέβηκας
Κίλλάν τε ζαθέην Τενέδοιό τε ἶφι ἀνάσσεις,
Σμινθεῦ εἴ ποτέ τοι χαρίεντ᾽ ἐπὶ νηὸν ἔρεψα,
ἢ εἰ δή ποτέ τοι κατὰ πίονα μηρί᾽ ἔκηα
ταύρων ἠδ᾽ αἰγῶν, τὸ δέ μοι κρήηνον ἐέλδωρ:
τίσειαν Δαναοὶ ἐμὰ δάκρυα σοῖσι βέλεσσιν.
ὣς ἔφατ᾽ εὐχόμενος, τοῦ δ᾽ ἔκλυε Φοῖβος Ἀπόλλων,
βῆ δὲ κατ᾽ Οὐλύμποιο καρήνων χωόμενος κῆρ,
τόξ᾽ ὤμοισιν ἔχων ἀμφηρεφέα τε φαρέτρην:
ἔκλαγξαν δ᾽ ἄρ᾽ ὀϊστοὶ ἐπ᾽ ὤμων χωομένοιο,
αὐτοῦ κινηθέντος: ὃ δ᾽ ἤϊε νυκτὶ ἐοικώς.
ἕζετ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπάνευθε νεῶν, μετὰ δ᾽ ἰὸν ἕηκε:
δεινὴ δὲ κλαγγὴ γένετ᾽ ἀργυρέοιο βιοῖο:
οὐρῆας μὲν πρῶτον ἐπῴχετο καὶ κύνας ἀργούς,
αὐτὰρ ἔπειτ᾽ αὐτοῖσι βέλος ἐχεπευκὲς ἐφιεὶς
βάλλ᾽: αἰεὶ δὲ πυραὶ νεκύων καίοντο@2 θαμειαί.
ἐννῆμαρ μὲν ἀνὰ στρατὸν ᾤχετο κῆλα θεοῖο,
τῇ δεκάτῃ δ᾽ ἀγορὴν δὲ καλέσσατο λαὸν Ἀχιλλεύς:
τῷ γὰρ ἐπὶ φρεσὶ θῆκε θεὰ λευκώλενος Ἥρη:
κήδετο γὰρ Δαναῶν, ὅτι ῥα θνήσκοντας ὁet deρᾶτο.
οἳ δ᾽ ἐπεὶ οὖν ἤγερθεν ὁμηγερέες τε γένοντο,
τοῖσι δ᾽ ἀνιστάμενος μετέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς:
Ἀτρεΐδη νῦν ἄμμε παλιμπλαγχθέντας ὀΐω
ἂψ ἀπονοστήσειν, εἴ κεν θάνατόν γε φύγοιμεν,
εἰ δὴ ὁμοῦ πόλεμός τε δαμᾷ καὶ λοιμὸς Ἀχαιούς:
ἀλλ᾽ ἄγε@P δή τινα μάντιν ἐρείομεν ἢ ἱερῆα
ἢ καὶ ὀνειροπόλον, καὶ γάρ τ᾽ ὄναρ ἐκ Διός ἐστιν,
ὅς κ᾽ εἴποι ὅ τι τόσσον ἐχώσατο Φοῖβος Ἀπόλλων,
εἴτ᾽ ἄρ᾽ ὅ γ᾽ εὐχωλῆς ἐπιμέμφεται ἠδ᾽ ἑκατόμβης,
αἴ κέν πως ἀρνῶν κνίσης αἰγῶν τε τελείων
βούλεται ἀντιάσας ἡμῖν ἀπὸ λοιγὸν ἀμῦναι.

traduction proposée

Ainsi il parla. Le vieillard craintif et obéissant à l’ordre
marchait doucement sur le rivage de la mer retentissante.
Le vieillard adressa de nombreuses prières au puissant
Apollon, le fils de Leto à la belle chevelure.

« entends moi, toi à l’arc d’argent, qui entoure Chryse
et de Cilla toute sacrée, toi qui gouverne puissamment Tenedos
et Sminthe, j’ai couvert ton temple de façon gracieuse,
j’ai immolé le gras des taureaux et des boucs, exauce mon désir :
paie les Danéens de tes flèches afin qu’ils pleurent comme moi »

Il pria de la sorte, et Phoebus Apollon l’entendit.
Le cœur enflammé de colère il marche depuis l’Olympe,
avec son arc sur les épaules et doublement protégé de son carquois
ses flèches produisent un son perçant sur ses épaules.
Il s’avance comme s’il était semblable à la nuit ;
S’approche des navires et lâche un trait empoisonné,
provoque un fracas horrible avec son arc d’argent.
Il s’attaque aux mules et aux chiens de l’Argos,
puis il s’attaque aux hommes avec les mêmes flèches perçantes.
Les buchers funéraires sont bondés de cadavres.

Les flèches du dieu volent sur l’armée pendant neuf jours.
Le dixième jour Achille convoque l’assemblée du peuple :
Ils virent dans les entrailles la déesse Héra à l’arme blanche
troublée par la mort des Danéens.
Ils s’assemblèrent tous et Achille aux pieds rapide se leva et déclara :

« Atréides, j’ai moi-même maintenant peur que nous soyons refoulés
et que nous retournions, et que nous n’échappions à la mort
car la guerre et la peste ensemble veulent maîtriser les achéens.
Demandons à un devin dans un temple de nous interpréter un rêve,
car les rêves viennent aussi de Zeus, que nous sachions
Pourquoi Phoebus Apollon est irrité, s’il punit une prière par une hécatombe,
et si nous lui sacrifions les agneaux et les boucs gras
il peut nous préserver de la destruction. »




Dans les billets précédents consacrés à Homère j’avais montré quelques ponts et parallèles avec le monde biblique : le fait que l’archéologie était une « science » très peu fiable pour conclure quoi que ce soit, que la critique historique qui voit interpolations, modifications, superpositions et collages partout avait attaqué aussi bien la Bible qu’Homère sous les mêmes prétextes fallacieux, et que les écrivains bibliques de langues grecques (que ce soit les sages de la LXX ou les écrivains du NT) utilisaient le terme grec Hadès pour désigner l’enfer, alors qu’ils auraient pu translittérer Sheol ou Gehinom.

Poursuivons ici ces ponts concernant la structuration du texte et son exégèse.

La structuration du texte : aujourd’hui, lorsque l’on consulte l’Iliade, on voit que tout est organisé selon des chants. Il y a 24 chants. Dans la Bible, inutile de rappeler l’organisation en livre, chapitre, verset. Eustathe de Thessalonique, qui fut métropolite de la ville jusqu’à sa mort en 1198, un des hommes les plus savants de son époque, spécialiste d’Homère nous apprend dans son commentaire encyclopédique que les deux poèmes étaient à l’origine une suite ininterrompue du début jusque la fin. Ce sont les grammairiens d’Alexandrie, plusieurs siècles plus tôt, qui organisèrent un chapitrage en 24 chants différents, chacun nommé par une des lettres de l’alphabet grec (qui compte 24 lettres). Jean Baptiste Dugas-Montbel, le célèbre helléniste du XIXème siècle explique « pour les ouvrages d’un poète qui doit être considéré comme le principe de tout, il n’était pas de désignation plus convenable que les éléments mêmes du langage » (observations sur le premier chant de l’Iliade p1). Chaque partie des 24 formant le tout était désigné sous le nom de Rhapsodie. Ce terme renvoie spécifiquement à de la poésie chantée. Il est intéressant de voir comment se faisaient les citations, avant que les grammairiens d’Alexandrie n’amènent cette savante organisation qui nous est restée. Hérodote parle d’un passage « à l’endroit où il est question de la valeur de Diomède » ; Platon ne parle pas de la onzième odyssée, mais indique « à l’endroit de l’évocation des morts ». Les titres qui introduisent aujourd’hui un chant donné ne sont également pas d’origine.

L’exégèse du texte : les spécialistes d’Homère ont cherché à percer les mystères du texte, persuadés qu’il était possible d’en faire une exégèse. On voit bien ici à nouveau, que nous sommes face à des phénomène religieux ou pseudo-religieux. Pourquoi faire une exégèse si l’on ne pense pas qu’il y a un sens caché aux choses, et donc un message ? On sait que l’hébreu est vu comme une langue qui est porteuse de l’essence même des choses. Le nom d’une chose en hébreu désigne sa nature profonde. C’est pourquoi le nom de Dieu est quelque chose de sacré et de profond. Les exégètes d’Homère ont, pour certains, abordés le texte exactement de la même façon. Par exemple, ils ont voulu voir dans le nom Achille, l’essence profonde de son être. Une école de pensée a ainsi postulé que le A était le « a privatif » grec et que la suite était une allusion à xeilé qui signifié « lèvre ». Achille voudrait donc dire sans lèvres, « parce que ses lèvres ne pressèrent jamais de mamelles, et qu’il fut nourri par le centaure Chiron avec des entrailles de lion et de sangliers et de la moelle d’ours » (ibid p 4). On voit donc dans cette exégèse qu’Achille n’a pas été élevé par n’importe qui ni de façon classique. Pour continuer de nous faire abonder dans le sens d’une sorte de Bible grecque alternative, rappelons que saint Justin déclarait qu’Homère avait pris son premier vers à Orphée de Thrace dans un poème sur Cérès. Inutile de rappeler combien les récits liés à Orphée étaient les supports des religions à mystères grecques.

Nous sommes moins devant de la poésie que de la religion. Ou si l’on veut pouvoir mêler les deux, alors ce sont des psaumes.