MISHNA 2.5

DIeu s’efface devant le mariage

original hébreu

חתן פטור מקרית שמע בלילה הראשון ועד מוצאי שבת, אם לא עשה מעשה. מעשה ברבן גמליאל שנשא, וקרא בלילה הראשון שנשא. אמרו לו, לא לימדתנו שחתן פטור מקרית שמע בלילה הראשון. אמר להם, איני שומע לכם לבטל ממני מלכות שמיים אפילו שעה אחת.

traduction très littérale

Le fiancé (est) exempté accidentel shema dans nuit la première et jusqu'à soir de shabbat, si il ne fit pas acte. acte dans rabban gamaliel que porta, et appellera dans nuit la première que porta. dirent à lui, ne nous a enseigné que fiancé exempté accidentel shema dans nuit la première. dit à eux, je ne entends à vous annuler depuis moi royauté ciels même heure une.

traduction fluide

Le fiancé est exempté exceptionnellement du Shema lors de la première nuit de noces, jusqu’au soir de Shabbat, si il ne consomme pas son union. Pour Rabban Gamaliel cela fut différent : il ne consomma pas son union mais récita le Shema lors de sa première nuit de noces. Ses étudiants lui dirent : ne nous as-tu pas enseigné que le fiancé est exempté exceptionnellement de la récitation du Shema lors de sa première nuit de noces ? Il leur dit : je ne vous écouterai pas me dire d’annuler la souveraineté des cieux ne serait-ce que pour un instant.


Commentaire/Analyse



Cette mishna se lit à l’aune d’une autre mishna qui légifère le cadre du mariage. Ceci se trouve dans le traité Ketoubot (traité relatif au contrat de mariage). Rappelons ici que le mariage juif a deux étapes. La première se nomme Kiddushin, souvent appelé Erusin en contexte halakhique. La deuxième étape est nisuin. Erusin est la première phase où la femme ne peut plus épouser quelqu’un d’autre, et toute relation intime avec quelqu’un d’autre que son mari serait considéré comme un adultère et puni de mort. C’est ce qui s’est sécularisé comme fiançailles. Selon certaines jurisprudence rabbiniques les fiancés ne peuvent pas avoir de relations intimes, mais d’autres le permettent. Pendant Erusin, le fiancé prépare le foyer. Cette phase dure généralement un an. Puis ils passent dans la phase de vie en commun, dans le foyer préparé par le fiancé. Les relations intimes débutent ici. Pour faire un lien avec l’Evangile de Matthieu, vous pourrez le relire en voyant que la grossesse de Marie intervient dans la phase d’Erusin, et ceci explique ce verset : « Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint Esprit, avant qu’ils eussent habité ensemble ». Traduction halakhique : Joseph et Marie étaient dans la phase Erusin de leur union.

Revenons à notre mishna. Les commentateurs expliquent que le cas ici est lorsque le couple passe en « nisuin ». Ils habitent ensemble pour la première fois. Le souci est lorsque la fiancée est vierge, et que le fiancé pourrait découvrir que celle-ci n’est en fait pas vierge, contrairement à ce qui avait été annoncé. Et elle aura donc été « voir ailleurs » et est donc en état d’adultère. Ceci est la première chose qui concentre toute l’attention du fiancé. Les commentateurs imaginent un deuxième cas, où le fiancé se blesse au niveau de la verge en essayant de pénétrer l’hymen de sa fiancée (réellement vierge ici pour le coup). Sans être un grand spécialiste de la résistance des hymens, il me semble que le cas est très hypothétique et relève surtout de l’hypothèse halakhique, pour que le fiancé se retrouve dans une catégorie d’homme sexuellement infirme, pour qui le mariage devient interdit.



Si on prend un peu de hauteur ici on voit qu’il s’agit en fait ici d’un cas classique de priorisation de la mitsva. Nous avons en effet ici deux mitsvas qui se télescopent, et il faut légiférer pour voir laquelle a préséance sur l’autre. La première mitsva est la récitation du Shema, et la seconde est procréation, dont l’acte sexuel est au final le moyen d’obéissance que Dieu a mis à notre disposition. Et bien les rabbins ont légiféré que la procréation a priorité sur le Shema.

On voit donc que la mitsva concerne bien le cas d’une fiancée vierge. Dans le cas d’une veuve ou d’un remariage suite à divorce, il est bien évident que la fiancée n’est pas vierge. Et donc très probablement, elle a déjà rempli sa mitsva de procréation. Ensuite, on pourra considérer que cette mitsva devient prioritaire sur le Shema jusqu’à la naissance du premier enfant. Pourtant, la mishna ne concerne bel et bien que la première nuit ensemble. On voit ici que la vision rabbinique est de dire que la première union pourrait très bien être féconde, et cette première union est l’observance de la mitsva. C’est Dieu qui a souverainement choisi que la femme ne soit pas enceinte suite au rapport. Cette vision montre bien que le fait d’avoir des rapports mais pas des enfants est au final suffisant pour observer la mitsva. Certaines autorités rabbiniques considèrent que cette mishna enseigne au final que le fiancé est dispensé de toutes les autres mitsvas. La mitsva du Shema était la façon de dire : tout le reste.

On remarque aussi que la mishna a une dimension temporelle puisque l’on parle de récitation du Shema par rapport au Shabbat. Nous sommes ici dans le cas où le mariage a été fait le mercredi et le fiancé a donc jusque samedi soir pour « consommer son union ». L’exemption de la récitation du Shema tient sur toutes ces nuits. Pourquoi le mercredi ? Parce qu’aux temps mishnaïques, les mariages étaient faits les lundis et mercredis, et les mercredis étaient précisément réservés aux vierges. Les rabbins considèrent que lorsque le Shabbat s’en va, l’exemption part également. Précisons également que les rabbins considèrent que l’exemption tient pour le Shema du soir. Le Shema du matin n’est pas concerné par cette exemption.

Passons maintenant au cas de Rabban Gamaliel mentionné dans la seconde partie de la Mishna. On comprend donc qu’il avait épousé une vierge. Gamaliel, ayant enseigné cette mishna à ses disciples, on ne peut douter un instant qu’il ne la connaissait pas. Il y a ici une information manquante pour les novices en littérature rabbinique. Généralement, une exemption qui n’est pas respectée, est la marque de quelqu’un de stupide. Le Talmud de Jérusalem a tout un développement expliquant cela. Ainsi, étant donné la stature de Rabban Gamaliel dans la littérature rabbinique, cette mishna sert également à présenter la seule exception à cette perception juive : marquer la souveraineté divine. Si la pratique permet de ne pas marquer la souveraineté divine dans certains cas, il n’est pas vu comme stupide de tout de même vouloir la manifester.

Une dernière remarque. Cette mishna, lorsque l’on prend un peu de hauteur et que l’on oublié les notions de contrôle de virginité, d’exception d’exemption et autres subtilités et aridités rabbiniques, marque le grand respect de Dieu pour le mariage. Regardons le ainsi. Dieu attend de sa créature une participation à son plan, une obéissance à sa grandeur, et une constance liturgique dans l’adoration. Et pourtant Dieu a tellement d’égard pour le mariage qu’il souhaite que le fiancé soit relevé de ses obligations liturgiques lorsqu’il va s’unir pour la première fois à son épouse. Le Christ n’a-t-il pas commencé son ministère public lors d’un mariage ?