Patristique (Saint Clément de Rome : comm 10) : le péché de l'autre
Patrologie grecque
Saint Clément de Rome : première aux corinthiens - chapitre 7
Ταῦτα, ἀγαπητοί, οὐ μόνον ὑμᾶς νουθετοῦντες ἐπιστέλλομεν, ἀλλὰ καὶ ἑαυτοὺς ὑπομιμνήσκοντες·ἐν γὰρ τῷ αὐτῷ ἐσμὲν σκάμματι, καὶ ὁ αὐτὸς ἡμῖν ἀγὼν ἐπίκειται.διὸ ἀπολίπωμεν τὰς κενὰς καὶ ματαίας φροντίδας, καὶ ἔλθωμεν ἐπὶ τὸν εὐκλεῆ καὶ σεμνὸν τῆς παραδόσεως ἡμῶν κανόνα, καὶ ἴδωμεν, τί καλὸν καὶ τί τερπνὸν καὶ τί προσδεκτὸν ἐνώπιον τοῦ ποιήσαντος ἡμᾶς. ἀτενίσωμεν εἰς τὸ αἷμα τοῦ Χριστοῦ καὶ γνῶμεν, ὡς ἔστιν τίμιον τῷ πατρὶ αὐτοῦ,ὅτι διὰ τὴν ἡμετέραν σωτηρίαν ἐκχυθὲν παντὶ τῷ κόσμῳ μετανοίας χάριν ὑπήνεγκεν. διέλθωμεν εἰς τὰς γενεὰς πάσας, καὶ καταμάθωμεν ὅτι ἐν γενεᾷ καὶ γενεᾷ μετανοίας τόπον ἔδωκεν ὁ δεσπότης τοῖς βουλομένοις ἐπιστραφῆναι ἐπ᾿ αὐτόν.
Νῶε ἐκήρυξεν μετάνοιαν, καὶ οἱ ὑπακούσαντες ἐσώθησαν. Ἰωνᾶς Νινευίταις καταστροφὴν ἐκήρυξεν· οἱ δὲ μετανοήσαντες ἐπὶ τοῖς ἁμαρτήμασιν αὐτῶν ἐξιλάσαντο τὸν θεὸν ἱκετεύσαντες καὶ ἔλαβον σωτηρίαν, καίπερ ἀλλότριοι τοῦ θεοῦ ὄντες.
Traduction fluide
Par tout ceci, bien-aimés, nous ne faisons pas que vous conseiller par l’envoie de cette lettre, mais nous nous en rappelons nous-mêmes, car nous sommes dans la même arène et allons au même combat. C’est pourquoi, délaissons les préoccupations vaines et inutiles et revenons à la règle sainte et glorieuse de notre sainte tradition. Voyons ce que celui qui nous a fait approuve, et trouve beau et plaisant. Fixons nous sur le Sang du Christ et sachons comme il est précieux à son Père, qui l’a répandu dans le monde entier et a offert la grâce du repentir. Allons vers toutes les générations, et découvrons que pour chaque génération, le maître a laissé la place à la repentance pour ceux qui voulaient revenir à lui. Noé proclama la repentance, et ceux qui obéirent furent sauvés. Jonas annonça la ruine aux ninivites ; ceux-ci se repentirent de leurs péchés et Dieu se laissa apaiser, et il leur offrit le salut bien qu’ils avaient d’autres dieux.
Commentaire/Analyse : Le péché de l’autre
Ce chapitre 7 de la lettre de Clément aux Corinthiens est remarquable d’habileté pastorale. Il est difficile de savoir comment réagissait les hommes de l’antiquité face à des reproches et à des accusations, mais il est fort à parier, que tout comme nous modernes : ils n’appréciaient guère. Et pourtant c’est bien une lettre de reproches et d’accusations qu’envoie ici Saint Clément. Son habileté pastorale s’exprime dans le fait qu’il ne dit pas « moi qui suis bon, je vois le mal en toi », mais il dit plutôt « moi qui suis à la merci du même mal que toi, je vois le mal en toi et je te préviens ». Beaucoup de chrétiens sont englués dans un sentimentalisme niais qui a hypertrophié le passage où Jésus dit qu’il ne faut pas juger. Ceci érigé en absolu, parce qu’en phase avec le grand dieu actuel de la tolérance indifférenciée, rend impossible, aujourd’hui, le fait de tenir ce genre de discours d’une paroisse à une autre. Car Clément juge que l’attitude de certains à Corinthe n’est pas conforme à ce qu’enseigne le Christ à son Eglise. Car au contraire, lorsque l’on prend les Ecritures de façon holistique, c’est-à-dire de façon ensembliste, comme un grand tout, on voit bien que les passages montrant que les croyants se corrigent les uns les autres sont plus que nombreux et sans équivoques. Ainsi il convient d’aller voir les commentaires patristiques sur le passage où Jésus dit de ne pas juger pour comprendre comment intégrer ceci dans le tout de l’enseignement chrétien. Et une partie de cet enseignement patristique pointe exactement ce que fait Clément ici : lorsque tu reprends un frère sur son péché, regarde d’abord si tu n’as pas le même travers, ou une déviance encore pire.
Mais il est parfaitement clair que cette tolérance actuelle du péché dans le christianisme au sens large, et plus rarement (heureusement !) dans ce qui est l’Eglise véritablement aujourd’hui, est tout à fait préjudiciable. En effet, l’Ecriture est relativement claire sur ce qui peut coûter le Royaume : hérésie, manque de miséricorde, impureté sexuelle, etc. Cette tolérance du péché, qu’on habille sous le vêtement de l’amour est un acte d’autant plus lâche, que l’on envoie la personne en enfer. Or, le pécheur n’a pas besoin qu’on lui dise qu’on l’aime avec son péché, mais il a besoin qu’on lui dise qu’il doit absolument lutter contre son péché, justement parce qu’on l’aime. Clément nous montre que l’on doit dire des choses, mais avec des gants, et surtout ne pas oublier que le péché n’attaque pas que les autres…