Les grands saints de l'Eglise : Saint Longin
Saint Longin, fêté le 16 octobre en orient et le 15 mars en occident
Evoquer la vie de Longin c’est revenir à l’Evangile même. En effet, la tradition hagiographique de l’Eglise attribue cette fameuse phrase des récits de la passion « celui-ci était véritablement le Fils de Dieu » à ce saint. Avant d’être saint Longin, il était centurion dans l’armée romaine. C’est lui qui supervisa le bon déroulement de la crucifixion de Jésus et des deux larrons. Certains récits disent qu’il s’agit de celui qui perça le côté de notre Seigneur avec une lance, ouvrant une plaie d’où jaillit du sang et de l’eau comme nous le témoigne le récit de Saint Jean. Certains récits disent qu’il fut et le centurion et celui qui perça le côté de notre sauveur.
Mais revenons quelque peu en arrière. Beaucoup de récits nous disent que Longin venait de Cappadoce. Certains de ces récits nous disent même qu’il fut parmi ceux qui insultèrent et maltraitèrent Jésus la nuit qui précéda sa crucifixion. Certains récits nous disent qu’il est celui qui réquisitionne Simon de Cyrène pour aider Jésus à porter sa croix jusqu’au mot du crâne. En tout cas, s’il a confessé la divinité de Jésus, il semble peu probable au premier abord qu’il lui ait percé le côté avec une lance. Saint Augustin nous aide à comprendre cette apparente contradiction. En s’écriant qu’il s’agissait du Fils de Dieu, il témoignait simplement de sa compréhension de quelque chose d’inhabituel, de surnaturel, d’hors norme. Mais Longin ne confessait pas immédiatement la plénitude de la théologie orthodoxe. Les traditions des synaxaires occidentaux, comme la légende dorée de Jacques de Voragine rapportent que Longin s’est exclamé de la sorte à cause de l’éclipse de soleil et du tremblement de terre. Mais il a également reçu du sang du Christ sur les yeux, ce qui le guérit d’un mal d’yeux persistant. Si c’est bien Longin qui a percé le côté de notre Seigneur, c’est donc lui qui évita que les pieds du Christ ne fussent brisés, contrairement à l’habitude romaine servant à hâter le décès des suppliciés. Il permet donc aux deux prophéties rapportées par Jean de s’accomplir « ses os ne seront pas brisés », mais aussi « ils verront celui qu’ils ont transpercés ». En effet Longin commence à voir le Christ au travers du prisme de la foi. Résonne alors différemment en lui ce pardon donné par le Christ à ceux qui l’ont supplicié « pardonne leur Père, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cette parole est aussi pour Longin.
Les synaxaires grecs rapportent que Longin fut chargé par Pilate de garder le tombeau du Christ. Ainsi, on peut dire qu’il fut témoin de la résurrection et pas seulement de la passion du Christ. Le fait que le tombeau soit vide est terrible pour Longin : il risque la mort du côté romain, pour avoir failli à sa mission. Courageusement, Longin témoigne. Il raconte l’incroyable aux prêtres, aux scribes, aux pharisiens. Ceux-ci veulent le corrompre pour qu’il se taise. Ceci finit d’emporter le changement radical de vie que Longin va prendre : il quitte l’armée et rejoint les chrétiens. Il devient chrétien à Jérusalem puis quitte la Judée pour revenir dans sa Cappadoce natale, avec deux soldats romains démissionnaires comme lui. Il s’établit à Césarée de Cappadoce et vit de façon quasi monastique. Certains textes nous le présentent comme le premier évêque de Césarée de Cappadoce. Il se fait l’infatigable témoin de la résurrection. Il prêche. Il convertit. Il s’attire donc les foudres du gouverneur romain de Césarée de Cappadoce et se voit condamné car refusant de sacrifier aux idoles. Celui-ci trouva approprié de faire arracher la langue et toutes les dents du déserteur romain, mais fut très surpris lorsque Longin parla néanmoins avec les démons présents dans les idoles. Longin s’échappe d’une façon toute inattendue : les démons présents dans les idoles, irrités de la présence du saint sortent des idoles pour occuper le corps des magistrats romains et font libérer notre saint.
Il reprend de plus belle la prédication. Celle-ci est tellement réussie que ses échos parviennent jusqu’aux oreilles des grands prêtres de Jérusalem qui ont ourdi le complot contre Jésus. Ils manœuvrent à nouveau auprès de Pilate. Ils mélangent servilité et menaces comme ils ont si bien su le faire lors de la Passion du Christ. Pilate cède de nouveau et envoie deux soldats ayant pour mission de trouver et tuer Longin. Le hasard, si jamais le hasard eut quelque chose à faire avec ce genre de choses, fait que les deux soldats romains trouvent l’hospitalité chez Longin sans se douter qu’il s’agit de lui et sympathisent avec lui. Mais le saint se doutant de qui ils étaient, et de quelle était leur mission se dévoile simplement à eux : « Je suis Longin que vous cherchez » leur dit-il. Ils ne peuvent y croire, puis une fois que Longin leur eut donné tous les détails nécessaires, ils eurent la plus grade répugnance à récompenser l’hospitalité par le meurtre. Mais c’est Longin lui-même qui les en persuada, pressé de retrouver celui dont il avait percé le côté quelques temps auparavant. Longin et ses deux plus proches amis et disciples purent donc se vêtir de blanc et indiquer le lieu désiré de leur sépulture aux bourreaux. Tous trois moururent la tête tranchée.
Pilate avait demandé la tête du centurion déserteur pour s’assurer de l’accomplissement de la mission des deux assassins. Il la fit dresser sur une pique à l’une des portes de Jérusalem. Mais problème : elle brillait la nuit d’un éclat surnaturel. Les autorités religieuses juives, toujours hostiles au miracle mais jamais à la bassesse, firent jeter la tête de notre saint sur un tas de fumier, le long de la route. Une veuve de Cappadoce, aveugle de son état, et inconsolable de son époux défunt avait entrepris un voyage vers Jérusalem afin de prier Dieu. Le voyage, trop compliqué pour une veuve aveugle, la voyait accompagné de son fils unique. Il se trouva que celui-ci mourut à leur arrivée à Jérusalem, la laissant seule dans une détresse totale. Dans son sommeil, saint Longin lui apparut et lui demanda de sortir sa tête du fumier où elle pourrissait, et qu’en échange il lui montrerait son fils. Il la consola et lui promit en outre qu’elle retrouverait la vue à cette occasion. A son réveil, la femme se fit conduire à l’endroit désigné par le saint dans son rêve et tel qu’il l’avait promis, ses yeux furent guéris. La nuit suivante, saint Longin lui apparut de nouveau, accompagné de son fils, revêtu d’une mystérieuse et éclatante clarté. « Voilà, ô femme, lui dit-il, celui que vous pleurez, consolez-vous en voyant sa gloire et son bonheur ; le Seigneur l’a commis à ma garde, et il a été reçu dans les rangs des saints. Prenez ma tête et ensevelissez-la avec le corps de votre fils ». La femme lui obéit et se consola de savoir que son fils était près du trône de Dieu, au milieu des prophètes et des martyrs. On ne sera pas surpris de savoir que Longin est prié principalement pour tous les maux qui peuvent toucher les yeux.
Une dernière chose le concernant indirectement : le destin de la sainte Lance. Le nom de Longin tient probablement de cette lance qu’on appelle « loginos » en grec. Longin ne serait peut-être qu’un dérivé du nom de la lance, et pas véritablement son nom. Qu’est devenu cet artéfact ô combien précieux ? Les premières mentions de vénération de la relique datent du sixième siècle, mais il ne faut surtout pas confondre mention d’une chose et chose elle-même. Les deux peuvent être assez éloignés dans le temps. Les textes parlent aussi d’invention pour les reliques, ce qui induit une confusion pour les modernes. « invention » signifie « redécouverte » dans ce contexte. L’invention de la Sainte Lance date de 326 lorsqu’Hélène découvre les reliques de la Passion. La mention de vénération dont je faisais mention indique une vénération à Jérusalem. Puis la relique est transférée à Constantinople. Au dixième siècle, elle fait partie des reliques de la Passion. Lors des diverses croisades, la lance devient un enjeu entre orient et occident. On trouvera une trace de cette fascination occidentale dans la « lance sanglante » de l’œuvre de Chrétien de Troyes. Louis IX achète la pointe de la Sainte Lance et les reliques de la Passion en 1244, et les dépose à la Sainte-Chapelle, dans l’île de la cité à Paris. Les germains et les arméniens vont clamer avoir la sainte lance, mais il semble qu’elle soit restée chez les byzantins malgré les pillages ayant eu lieu pendant les croisades. Le sultan ottoman offre la sainte lance exposée à Constantinople au Pape Innocent VIII. Il y a donc aujourd’hui trois saintes lances qui sont exposées comme unique Sainte Lance : celle des allemands exposée à Vienne, celle des arméniens exposée près d’Erevan et enfin celle du Vatican exposée à Saint-Pierre de Rome. La pointe rapportée par Saint Louis a disparu lors de la révolution française. C’est un des nombreux désastres que nous devons à cette hideuse apostasie. Bienvenue dans les catacombes.