Marie dans la Bible

Le premier passage que je souhaite ramener est le suivant : « Voici de quelle manière arriva la naissance de Jésus Christ. Marie, sa mère, ayant été fiancée à Joseph, se trouva enceinte, par la vertu du Saint Esprit, avant qu’ils eussent habité ensemble. Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle. Comme il y pensait, voici, un ange du Seigneur lui apparut en songe, et dit: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint Esprit; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Tout cela arriva afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous. Joseph s’étant réveillé fit ce que l’ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme avec lui. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » (Mt 1 :18-25). Pour bien comprendre ce passage il faut être familier avec le mariage juif de cette époque. Il y a d’abord une phase qu’on appellera fiançailles pendant laquelle les époux n’habitent pas ensemble. L’homme prépare le foyer. Cela dure environ un an. Pendant ce temps les relations intimes sont possibles et la loi relative à l’adultère est déjà agissante : celui ou celle qui trompe son ou sa fiancée est lapidé. Puis au bout d’un an, lorsque le foyer est prêt, la femme quitte ses parents et va vivre chez son époux. C’est la phase du mariage proprement dite. Le « avant qu’ils eussent habité ensemble » fait donc référence à cette phase des fiançailles. « ne crains pas de la prendre avec toi » que dit l’ange à Joseph fait référence au fait de passer des fiançailles au mariage proprement dit. Matthieu cite ensuite la célèbre prophétie d’Isaïe qui annonce une Vierge qui conçoit et qui enfante. Matthieu exprime ensuite la théologie de l’Eglise sur la virginité perpétuelle de Marie, mais il le fait d’une façon qui est trompeuse pour nous aujourd’hui à cause de la langue française. En effet « il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle eut enfanté » laisse songer qu’après cela est différent. Une fois Jésus né, Joseph et Marie se sont connus charnellement et ont eu d’autres enfants, les fameux frères et sœurs de Jésus que nous verrons dans le passage biblique suivant. Le grec est le suivant : « και ουκ εγινωσκεν αυτην εως ου ετεκεν υιον ». Ce qui nous intéresse ici est l’adverbe ews qui est le « jusqu’à » grec. Voici le premier du psaume 110 : « De David. Psaume. Parole de l’Éternel à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. ». Ici on voit mieux que le ews grec ne véhicule aucune idée de changement ensuite. Le Christ a la droite du Père aura pour toujours ses ennemis comme marchepied. Cela ne changera pas à un moment. C’est le même ews ici. Donc essayons de le lire comme des grecs ou comme des juifs mais pas comme des français : Joseph ne l’a pas connu jusqu’à la naissance, et cela ne dit rien sur la suite, et cela laisse plutôt à penser qu’il ne l’a pas connu du tout. Mais la certitude vient de la liturgie.

Second passage : « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon? et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous? Et il était pour eux une occasion de chute. » (Mc 6 :3). Combiné au verset précédent, nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agit des enfants de Marie et des frères et sœurs de Jésus. Le adelphos grec (ἀδελφός) traduit le אָח hébreu qui signifie frère en premier lieu, mais aussi parent en règle générale. Le terme est utilisé ici « Il ramena toutes les richesses; il ramena aussi Lot, son frère, avec ses biens, ainsi que les femmes et le peuple. » (Gn 14 :16). C’est d’Abraham dont il s’agit. On sait que Lot n’est pas le frère d’Abraham, mais un membre de sa famille. La LXX met αδελφον mais le plus souvent le terme est traduit par neveu et non par frère. Ceci est une illustration concrète du fait que le terme frère est plus large dans la culture juive de l’époque qu’il ne l’est pour nous aujourd’hui. Il faut voir derrière le terme les demi-frères, les cousins, les parents, etc. Philologiquement Jésus n’avait que des parents ici. Historiquement il s’agissait de demi-frères et sœurs. On verra cela un peu plus loin avec la tradition de l’Eglise.

Troisième passage : « Au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie. L’ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi. Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation. L’ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. Marie dit à l’ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? L’ange lui répondit: Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car rien n’est impossible à Dieu. Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta parole! Et l’ange la quitta. » (Lc 1 :26-38) C’est le texte qui fonde ce que nous appelons l’Annonciation. On verra ensuite dans la partie liturgique, qu’il y a une fête dédiée à ce moment crucial de l’histoire. On retrouve bien cette mention de fiancée dont je parlais pour le passage chez Matthieu. On notera l’expression immense en terme de sainteté : « le Seigneur est avec toi ». L’ange note une proximité entre le Créateur et la créature. Saint Irénée de Lyon a expliqué dans son traité contre les hérésies qu’il fallait avoir à l’esprit le récit de la Genèse, où Eve parle avec le serpent. Eve a parlé à un ange, ne s’est pas méfié, et s’est finalement détournée de la volonté divine. Au contraire explique Irénée, Marie ici parle à un ange, mais elle se méfie et reste fidèle à la volonté divine. Son obéissance rachète la désobéissance d’Eve. Ce parallèle biblique explique pourquoi elle est appelée « nouvelle Eve ».

Quatrième passage : « Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t’a porté! heureuses les mamelles qui t’ont allaité! Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent! » (Lc 11 :27-28). Ce passage peut sembler négatif relativement à Marie, au premier abord. Mais il n’en est rien. Il ne faut pas enfermer Marie dans sa virginité ou dans sa maternité. Ce qui est unique chez Marie, c’est sa sainteté. C’est sa sainteté qui l’a élue pour la maternité. Et c’est le sens de la réponse de Jésus si on y pense bien. Il ne faut pas mettre Marie sur un piédestal à cause de sa maternité, mais bien à cause de la pureté de son âme. Marie est une championne pour écouter la parole de Dieu et la garder. Saint Jean Chrysostome explique « Dans cette réponse, il ne cherchait pas à renier sa mère, mais à montrer que sa naissance ne lui aurait servi à rien, si elle n’avait pas été réellement féconde en œuvres et en foi. Mais s’il n’a servi à rien à Marie que le Christ tire sa naissance d’elle, sans la vertu intérieure de son cœur, il nous sera encore moins utile d’avoir un père, un frère ou un fils vertueux, alors que nous sommes nous-mêmes étrangers à la vertu. »

Cinquième passage : « Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là, et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit: Ils n’ont plus de vin. Jésus lui répondit: Femme, qu’y a-t-il entre moi et toi? Mon heure n’est pas encore venue. Sa mère dit aux serviteurs: Faites ce qu’il vous dira. » (Jn 2 :1-5). C’est peut-être le passage qui montre le mieux la qualité d’intercession de la Theotokos. Jésus avait visiblement organisé son ministère autrement. Il n’avait en tout cas pas prévu de commencer lors de ce mariage à faire quoi que ce soit qui sorte de l‘ordinaire. Et si il semble rabrouer sa mère un peu violemment, on voit le résultat : Marie a obtenu ce qu’elle voulait. Jésus réalise un miracle à sa demande. On voit que Jésus est dans une relation filiale, et qu’in fine, il fait ce que sa mère lui a demandé. Et on voit que Marie, reste dans la prière et dans l’obéissance, demandant à tous l’obéissance.

Sixième passage : « Jésus, voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui. » (Jn 19:26-27). A ce moment précis, il se passe de façon simultanée des choses domestiques et pratiques, mais aussi des choses très profondes du point de vue spirituel. Marie est confiée à la garde de saint Jean, qui emmènera la Toute-Sainte à Ephèse. Ceci règle le cas peu envieux d’une veuve bientôt sans enfants, et donc avec personne pour veiller sur elle. Mais du point de vue spirituel, elle devient la mère du disciple. Elle devient donc la mère de tous ceux qui veulent reconnaître en elle une figure maternelle. Et qui mieux qu’une mère peut comprendre, aider, rassurer ceux qui traversent les tribulations ? Ainsi Marie est ici positionnée d’un rôle d’intercession central et universel. Jean, disciple, représente les chrétiens, disciples du Christ. Marie est la bienvenue chez nous. Nos vies doivent donc être adéquates à imaginer la Toute-Sainte chez nous.

On voit de ces 6 passages bibliques que bien que la Bible dise peu de choses sur Marie, ce qu’elle dit est déjà très profond. Perpétuellement vierge, annoncée par les prophètes, élue par Dieu en raison de sa sainteté unique en son genre, elle est celle qui peut tirer une aide précieuse de son Fils, car Il l’a Lui-même mis dans la position d’intercéder.

Le prochain billet traitera de Marie dans la Liturgie orthodoxe (en plusieurs fois probablement, tant il y a à dire)