Staniloae : Philocalie - Saint Antoine : apophtègme 6 : l'épreuve de la richesse
Philocalie volume 1
Les Apophtègmes de Saint Antoine le Grand
cu cît cineva are viața mai măsurată, cu atît e mai fericit, că nu se grijește de multe : de slujitori, de lucrători, de pămînturi și de avuția dobitoacelor. Căci țintuindu-ne de acestea ne vom îneca în greutățile legate de ele și vom învinui pe Dumnezeu. Iată cum din pofta noastră cea de voie se adapă moartea și cum rătăcim în întunericul unei vieți cu păcate, necunoscîndu-ne pe noi înșine.
traduction proposée
Plus l’on a une vie mesurée, plus on est heureux, en ne nous inquiétant pas de tout cela : les serviteurs, les travailleurs, les terres et les richesses des troupeaux. Car nous coinçant par cela nous nous noierons dans les difficultés qu’ils entraînent et nous blâmerons Dieu. Voilà comment de notre appétit, celui que nous voulons, s’abreuve la mort et comment nous nous égarons dans l’obscurité d’une vie de péché, ne nous connaissant pas nous-même.
Commentaire/Analyse
Saint Antoine dresse ici le portait des soucis qu’entraîne la richesse. En effet à son époque, qui a des serviteurs, des travailleurs, des terres et des troupeaux, sinon les plus riches ? Même si Antoine le Grand a vécu bien après Job, on reconnaît les traits par lesquels la Bible nous décrit la richesse de Job : les troupeaux, les domestiques, etc. Il considère que la richesse va conduire à blâmer Dieu. Il considère également dans son propos final, que la richesse nous fait passer dans une obscurité de péchés, et empêche la connaissance de soi. Analysons les propos dans l’ordre. Pourquoi les soucis de la richesse nous feraient blâmer Dieu. N’étant pas riche, je conjecture. On peut aisément imaginer que cette richesse et sa préservation va devenir l’alpha et l’oméga de la vie du riche. Et évidemment, cette préservation n’est pas acquise. Elle demande des compétences et du travail. Elle n’est pas de tout repos. Et parfois, elle amène des situations compliquées, stressantes. Mais est-ce que le riche va pour autant blâmer Dieu pour des revers de fortune ? L’affirmation est étonnante. Antoine semble nous dire que les riches considèrent la richesse acquise grâce à Dieu, consciemment ou pas. Peut-être le grand inspirateur des moines veut nous enseigner que les riches se considèrent élus à la richesse par la providence. Ce qui est une approche théologique, déviante certes mais existante. On la trouve dans le judaïsme, dans le calvinisme et dans certains courants évangéliques américains sous le vocable de « prosperity gospel » (Evangile de la prospérité). Antoine nous enseigne ici, que cette vision déviante existait déjà à son époque (quatrième siècle).
Nous voyons qu’Antoine est en opposition radicale avec cette position, car il enseigne que la richesse est une forme d’obscurité. Les choses font écran avec l’essentiel. Les choses font écran avec la rationalité (voir posts précédents) à laquelle Antoine appelle chacun. En cela, Saint Antoine, le père des moines est dans la plus classique tradition orthodoxe. Saint Jean Chrysostome enseignait que la richesse est la plus grande des épreuves spirituelles. Il enseignait également qu’il n’existe pas de richesse sans crime. A la racine, à la création de la richesse, il y a toujours quelque chose qui pose problème à la justice divine. L’orthodoxie est donc relativement radicale sur ces choses-là. En même temps, ne sommes nous pas disciples de quelqu’un qui n’a jamais eu d’argent ? Mais en quoi alors la richesse nous empêche de nous connaître nous-même ? Elle nous polarise sur l’avoir alors que nous sommes appelés à être.