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Lorsque l’on regarde superficiellement des choses dans l’enseignement théologique orthodoxe en France, on pourrait penser qu’il existe deux possibilités : l’institut Saint-Serge et le centre Dumitru Staniloae. Les deux sont assez semblables dans le sens qu’ils enseignent une théologie non orthodoxe mais malheureusement hérétique. Les deux cursus se rejoignent sur le modernisme et sur le péché originel.

Commençons par le modernisme : les deux sont rattachés à des « églises » pratiquant l’œcuménisme, ayant une pensée du monde. Si le centre Dumitru Staniloae fut dirigé par le regretté Père Jean Boboc, qui n’était pas le moins du monde moderniste, sa naissance au ciel le 4/4/19 laisse maintenant les coudées franches aux modernistes (concordisme, relations bienveillantes avec la science, etc). On pourra dire : on peut très bien connaître ces biais, et venir étudier néanmoins dans une de ces deux structures les matières neutres que sont la dogmatique, la patristique, l’histoire de l’Église, les Saintes Écritures, etc. Mais c’est une chose qui n’est pas possible à cause de la seconde ligne de fracture dans l’orthodoxie aujourd’hui : le péché originel.

En effet, le modernisme (sergianisme, œcuménisme et nouveau calendrier) n’est pas la seule ligne de démarcation servant à reconnaître qui est faussement orthodoxe et qui l’est vraiment. Il existe une seconde ligne de fracture, même à l’intérieur de l’orthodoxie traditionaliste, et qui a, me semble-t-il totalement gagné le monde moderniste : le péché originel. J’ai fait un billet sur cette problématique au sens théologique pour ceux qui veulent voir les données bibliques, patristiques, liturgiques et canoniques. Ainsi, et cela est triste à dire, même dans le monde orthodoxe traditionaliste, il y a des gens qui se réfèrent à une vision erronée du péché originel, vision enseignée par ces deux instituts, ou par des théologiens en vue, tel que Jean Claude Larchet.

Par exemple, ce dernier disait, dans une interview donnée à orthodoxie.com sur la crise du coronavirus : « Selon la conception orthodoxe (qui diffère sur ce point de la conception catholique du péché originel) la faute même d’Adam et d’Ève est personnelle et ne se transmet pas à leurs descendants ; seuls ses effets se transmettent. Cependant leurs descendants, depuis les origines jusqu’à nos jours, ont, comme le dit saint Paul dans le chapitre 5 de l’épître aux Romains, péché d’une manière semblable à celle d’Adam, se sont faits ses imitateurs, et ont confirmé son péché et ses effets par leurs propres péchés. ». Voici une belle déclaration dont on peut dire mille choses, mais pas qu’elle est orthodoxe du point de vue dogmatique. Et pourtant, elle pourrait être signée par les personnes chargées d’enseigner la dogmatique au centre Dumitru Staniloae et Saint Serge. Sur un point aussi central, cela jette tout de même une ombre sur tout le travail théologique de la personne…

Ici, je pense que beaucoup de lecteurs pourraient être tentés de penser : « mais pour qui se prend ce Laurent Kloeble, pour considérer hérétique sur le problème du péché originel des personnes éminentes comme Jean Claude Larchet, les professeurs de dogmatique des instituts Saint Serge et du centre Dumitru Staniloae ? Il n’a qu’une licence et eux sont docteurs !!! ». Je trouve cette pensée tout à fait légitime. Je tiens à signaler ici qu’il ne s’agit pas d’une vendetta personnelle. Rien n’est ici motivé par un quelconque esprit de revanche. J’admets un sentiment de colère, car j’ai reçu moi-même cet enseignement déviant, et j’ai donc aussi été hérétique pendant des années. Cela n’aura eu d’utilité, seulement si aujourd’hui, je peux éviter à des orthodoxes de bonne foi de croire dans la même hérésie.

Mais je voudrais finalement m’effacer devant deux noms illustres de la théologie moderne : Dumitru Staniloae et Justin Popovich. En effet, si je veux bien reconnaître que je ne suis rien face à des auteurs, à des gens « reconnus » dans le petit monde orthodoxe francophone, je pense qu’eux même ne sont rien devant devant ces deux géants de la théologie orthodoxe contemporaine. Car, si au centre de théologie orthodoxe Dumitru Staniloae, ils ont astucieusement choisis de se mettre à l’ombre du grand théologien roumain, ils en trahissent en fait l’enseignement, et cela est absolument sidérant quand on y pense, de se référer à un théologien prestigieux tout en enseignant une théologie contraire à la sienne. De la même façon, si Jean Claude Larchet est un auteur reconnu, auteur de nombreux livres, j’aimerai que vous puissiez librement voir le décalage abyssal existant entre ce que dit Larchet et ce que disait Popovich. Vous serez alors en mesure de vous faire, tout seul, une bonne idée de l’étendue du problème.



Commençons, par le théologien roumain, Dumitru Staniloae : il écrit dans sa dogmatique en trois volumes, dans le tome III, en page 62 :

Necesitatea absolută a Botezului pentru mântuire și Botezul copiilor.

Dacă Botezul produce, prin unirea cu Hristos, desființarea păcatului originar al despărțirii de Dumnezeu, imprimată în firea noastră, și dăcă fără această unire cu Hristos nu se poate intra în Împărăția lui Dumnezeu, evident că Botezul ne este absolut necesar pentru mântuire (In 3,3). EL este absolut necesar și pentru copii, căci și ei au această stare de despărțire de Dumnezeu, prin nașterea lor din trup, și deci și ei trebuie să treacă de la starea de născuți din trup și destinați pierzaniei la starea de născuți de apă și din Duh și, prin aceasta, de mântuiți (In 3:5-6). Întrucât nimeni nu e curat de întinăciune chiar dacă viața lui de pe pământ ar fi de o singură zi (Iov 14:4), evident că această întinăciune o au și copiii, nu prin păcătuire personală, ci prin naștere. Numai Hristos Se deosebește de noi ca om în privința aceasta, căci S-a făcut întru toate asemenea nouă afară numai de păcat (Evr. 4:15). Sfântul Apostol Pavel socotește pe toți trebuie să îngroape în Botez pe omul cel vechi al păcatului, pentru a se naște ca oameni noi în Hristos. Faptul că moartea domnește peste toți este pentru el un semn că peste toți domnește păcatul și osânda lui, căci moartea e plata păcatului : „Precum printr-un om a intrat păcatul în lume, și prin păcat moartea, așa la toți oamenii moartea a trecut, întrucat în acela toți au păcătuit” (Rom. 5 12). El le spune creștinilor : „Așa și voi socotiți-vă pe voi morți păcatului și vii lui Dumnezeu întru Hristos Iisus, Domnul nostru” (Rom 6 11). Prin botez „s-a stricat trupul păcatului” (Rom 6 6). Acum chiar dacă murim fizic, nu mai suntem supuși morții eterne. „Că de am murit împreună cu Hristos, credem că vom și viețui împreuna cu El” (Rom 6 8). Vom viețui împreună cu Hristos, pe Care moartea nu-L mai stăpânește (Rom 6 9).

Ce que je propose de traduire ainsi :

La nécessité absolue du Baptême pour le salut et le baptême des enfants.

Si le Baptême produit, par l’union avec Christ, l'anéantissement du pêché originel de la séparation de Dieu, imprimé dans notre nature, et si sans cette union avec Christ il n’est pas possible d’entrer dans le Royaume de Dieu, il est évident que le Baptême nous est absolument nécessaire pour le salut (Jn 3,3). Il est absolument nécessaire aussi pour les enfants, parce qu’eux aussi ont cet état de séparation de Dieu, par leur naissance corporelle, et ainsi eux aussi doivent passer de l’état de nés de corps et destinés à la perdition, à l’état de nés d’eau et d’Esprit et sauvés par cela (Jn 3:5-6). Car nul n’est pur de souillure même si sa vie sur terre fut ne serait-ce que d’un seul jour (Job 14:4), et cette souillure, bien évidemment ils l’ont également, non pas par un pêché personnel, mais par la naissance. Seul le Christ se différencie de nous en tant qu’homme relativement à ce sujet, car il s’est fait en toute chose à notre ressemblance à l’exception du pêché (Heb 4:15). Le Saint Apôtre Paul considère que tous doivent enterrer le vieil homme du péché dans le Baptême, pour naître en homme nouveau en Christ. Le fait que la mort règne sur tous est pour lui le signe que le péché et sa condamnation règnent sur tous, car la mort est le salaire du pêché : « De même que par un seul homme le pêché est entré dans le monde, et par le pêché la mort, de même la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché à travers celui-là » (Rom 5:12). Il dit aux chrétiens « Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au pêché, et comme vivants pour Dieu en Jésus Christ, notre Seigneur. » (Rm 6:11) Par le Baptême « s’est brisé le corps du péché » (Rm 6:6). Maintenant même si nous mourrons physiquement, nous ne sommes plus soumis à la mort éternelle. « Or, si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui » (Rom 6:8). Nous vivrons ensemble avec le Christ, sur Qui la mort ne règne plus (Rom 6:9)



Vous serez d’accord je pense pour dire, que cela est tout à fait semblable à la version catholique romaine ou protestante du péché. Cette vision du péché originelle dispensée au centre Dumitru Staniloae n’a donc rien à voir avec la théologie du théologien Dumitru Staniloae. L’escroquerie est ici manifeste.

Mais le Père Dumitru Staniloae était mesuré dans ses propos. Le Père Justin Popovich était bien plus pessimiste, bien plus augustinien, si j’ose cette provocation. Saint Augustin, est d’ailleurs reconnu comme docteur de l’Église, par le cinquième concile œcuménique aux côtés d’Athanase d’Alexandrie, Hilaire de Poitiers, Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Ambroise de Milan, Théophile d’Antioche, Jean Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie, Proclus de Constantinople, Léon de Rome ». Pourquoi provocation ? Car le point commun des tenants de cette hérésie concernant le péché originel, est de considérer que c’est Augustin, tout seul dans son coin, qui a divagué théologiquement sur ce point de doctrine. Le cinquième concile œcuménique montre qu’Augustin ne souffre d’aucune solitude tragique, mais fait partie du panthéon théologique de l’orthodoxie.



Mais, revenons-en au Père Justin Popovich : qu’écrivait-il ? Premièrement, il développe le concept de diabolo-humanité, en miroir de la divino-humanité : « Avec la chute, l’ordonnancement divino-humain de la vie a été ruiné et rejeté, c’est un ordre diabolo-humain qui a été inauguré, car en transgressant volontairement le commandement de Dieu, les premiers hommes ont manifesté qu’ils désiraient atteindre à la perfection divine, devenir ‘comme des dieux’ sans l’aide de Dieu mais avec l’aide du Diable, c’est à dire : à côté de Dieu, sans Dieu et contre Dieu. » (p 298). Plus loin, il poursuit sur cette idée « le péché est ainsi devenu un principe créateur dans leur nature, un principe anti-naturel, et anti-Dieu, un principe d’amour du mal et diabolo-centrique. » (p 302). D’une clarté biblique, le Père Justin précise dans un paragraphe nommé « Hérédité du péché des ancêtres » : « Comme les hommes tirent leur tous leur origine d’Adam, le péché de nos ancêtres a passé et s’est communiqué par voie de succession à tous les hommes. C’est pour cela que le péché des ancêtres est également un péché héréditaire ; recevant d’Adam la nature humaine, nous avons tous reçu avec elle la corruption du péché. ». Il explique ensuite que pour Adam il s’agit d’un péché personnel (lié au libre-arbitre) tandis que pour nous, ses descendants, il n’y a pas de péché personnel. Mais, bien qu’exempts de ce péché personnel, parlant des descendants : « puisqu’ils tirent leur origine d’Adam déchu, de sa nature pécheresse ils ont reçu comme héritage lors de leur génération, l’état de sa nature pécheresse, en laquelle réside de le péché, comme un principe vivant qui agit et pousse à accomplir le péché comme Adam » (p 311). Puis, comme le fait Macaire Boulgakov dans sa dogmatique, Justin Popovich cite la confession de la foi orthodoxe, article 1, question 24 : « puisque tous les hommes étaient en Adam dans l’état d’innocence, dès qu’Adam eut péché, ils ont péché tous avec lui et sont entrés dans l’état de péché, soumis non seulement au péché, mais au châtiment du péché ».

Tout ceci me semble relativement clair. Ainsi, ce n’est pas moi qui parle ici, mais deux des plus grands théologiens, qui sont pourtant des références dans le monde officiel. Vous savez quelle est l’arnaque dont nous sommes victimes dans ces instituts de théologie ? On nous dit des choses, et nous ne les vérifions pas. Barrière de la langue, à priori de confiance, temps limité, etc. Mais quand on commence à retourner aux textes, c’est comme la pilule rouge entre Néo et Morphéus.

Ces deux instituts sont des synagogues de Satan. Je fais ici référence à ce passage de l’Écriture où Saint Jean écrit aux églises de Smyrne et de Philadelphie de se méfier des faux juifs. Méfiez vous des faux orthodoxes !!! L’orthodoxie, c’est avant tout une doctrine. Ne vous laissez pas avoir par la taille de la barbe ou la dimension ascétique que vous croirez percevoir ici ou là. N’étant pas orthodoxes, et étant disqualifiés par Augustin, le docteur du péché originel, ils ont cru bon d’inventer cette faribole : Saint Augustin, origine du schisme entre orient et occident. Mais, si vous regardez bien, vous verrez que le péché originel n’a jamais été une pomme de discorde entre orient et occident. Jusque récemment, nous étions tous d’accord au moins sur point là. Ensuite, ces affabulateurs de St Serge et de Dumitru Staniloae se sont dit que personne n’irait vérifier. Et bien si !!! l’un des meilleurs signes de la bonne santé orthodoxe en France serait que ces deux instituts ferment. Si quelque chose de véritablement orthodoxe doit renaître un jour, il me semble que cela ne devra certainement pas s’enseigner dans un cadre académique.

Maintenant que vous ai dit de ne pas étudier là, que faire ? Je ne vais certainement pas vous vendre quelque chose en substitut, car je n’ai pas la prétention de vouloir définir un cadre quelconque. Je ne peux qu’y aller de quelques conseils :

  • les langues : apprenez à traduire grec, latin et hébreu. Il ne s’agit pas de devenir bilingue, mais d’être autonome pour pouvoir aller directement au texte. C’est le premier prix à payer pour ne pas se faire tromper de nouveau par un loup déguisé en brebis.
  • la liturgie : apprenez à composer les offices de vêpres, de matines et les liturgies. Voyez ce que vos prêtres coupent ou gardent. Voyez ce qu’on vous dit par rapport à ce qu’on est censé vous dire. N’oubliez pas que la doctrine est véhiculé par la liturgie. Pendant des années j’ai subit des offices incomplets, où les choses tabous pour la néo-orthodoxie n’étaient jamais dites. Lorsque vous allez aux textes, dans le triode, dans le pentecostaire, dans l’octoèque, dans les ménées, vous voyez ce qui manque. Tirez en les conclusions qui s’imposent…
  • les Pères de l’Église : lisez les, non pas via le prisme déformant des modernistes, mais allez au texte vous même, en langue originale, si possible. Toute la patristique est disponible gratuitement sur internet. Il existe néanmoins, pour certains passages, de bonnes traductions, en français (au cerf généralement) et en anglais. En ce cas, c’est avec les notes critiques qu’il faut avoir une certaine distanciation.
  • la Bible : faites en votre nourriture principale. Idéalement mémorisez des passages et étudiez là en original avec une traduction à côté. Ayez plusieurs traductions.
  • la dogmatique : prenez une dogmatique de référence. Je conseille celle que j’ai découverte récemment et que j’espère commenter dans ce blog, celle en deux volumes, disponible en français, de Macaire Boulgakov.


    J’aimerai aussi adresser quelques mots aux gens à Saint Serge, chez qui j’ai passé ma licence, qui lisant ces lignes, pourraient se sentir blessés. Il n’est question ici que de théologie et de vérité. Vous n’avez même pas pris la précaution de dire que votre vision du péché originel était une opinion théologique non majoritaire et non traditionnelle. Vous avez sciemment modifiés et menti sur l’histoire de l’Église, sur le patrimoine patristique, liturgique, biblique et théologique. Vous avez tout déformé pour créer artificiellement une identité orthodoxe non catholique parfaitement factice. C’est une distorsion qui s’apparente à une trahison de l’Esprit Saint, inspirateur de tout cet enseignement. Ainsi, votre attitude n’est pas pardonnable.

    Enfin, j’aimerai également adresser quelques mots à tous ceux qui veulent étudier la théologie, qui reçoivent ces quelques conseils, et qui ont l’impression d’être au pied de l’Everest. Vous avez compris qu’il ne fallait aller dans ces faux instituts, étudier de fausses théologies avec de faux dogmaticiens. Mais vous vous dites que tous seuls, vous n’arriverez à rien de bon. Pourtant, vous n’avez pas vraiment le choix que d’étudier. Vous avez des conjoints, enfants, parents, voisins, collègues, amis qui sont en demande, assoiffés spirituellement. Et le peu que vous aurez appris vous même, peut déjà être transmis. Vous n’êtes pas obligés d’aller en haut de l’Everest pour enseigner l’alpinisme !! Vous croyez que les guides de haute montagne ont tous gravis l’Everest ? Bien sûr que non… Bien évidemment, c’est beaucoup plus dur, sans professeurs « professionnels ». Mais il faudra faire sans. Il faudra peut-être aider à rebâtir quelque chose si Dieu le veut. Le moment n’est pas à se désoler que rien ne soit là, mais plutôt à s’exalter que tout soit à construire !!!