Réfutation du Torahisme : partie 3 sur 4 (actualisation du shabbat, fêtes juives et commandements)

Les limites sur l’imitation de Jésus
Souvent les torahistes utilisent la rhétorique suivante : Jésus a observé scrupuleusement la Loi de Moïse. Jésus est notre modèle parfait. C’est donc lui désobéir que de ne pas faire de même. Nous n’allons bien évidemment pas nier que Jésus a observé la Loi mosaïque. Aucun souci là-dessus. En orthodoxes conséquents nous ne le reconnaitrions pas comme Messie s’il avait choisi de ne pas vivre sous le joug de la Loi.
Mais constater en lisant les Evangiles que Jésus a respecté la Loi et en déduire qu’il nous faut faire de même est une toute autre histoire. Les Evangiles contiennent des passages prescriptifs mais aussi des passages descriptifs. Faire une confusion entre ces deux domaines est absurde. Lorsque l’Ecriture dit « Pierre et Jean montaient ensemble au temple, à l’heure de la prière: c’était la neuvième heure. » (Act 3:1) devons-nous aller au temple de Jérusalem à cette heure-là ? devons-nous y aller chaque jour ? Vu qu’il n’y a plus de Temple à Jérusalem, c’est compliqué. Mais disons que vous donniez le droit de considérer que l’on puisse remplacer le Temple de Jérusalem par l’église de notre Paroisse. Doit-on aller à l’Eglise, chaque jour comme Pierre et Jean ? Lorsque l’Ecriture dit « A Icone, Paul et Barnabas entrèrent ensemble dans la synagogue des Juifs, et ils parlèrent de telle manière qu’une grande multitude de Juifs et de Grecs crurent. » (Act 14:1) est-ce que vous nous demandez d’aller dans les synagogues pour y prêcher ? Est-ce juste à Icone ou dans toutes les synagogues ? Je pourrai multiplier les exemples.
Quand l’Ecriture rapporte que Jésus fait quelque chose, ce n’est pas forcément prescriptif non plus. Est-ce qu’on doit tous être physiquement crucifiés ? Jean nous dit ce que nous devons faire : « Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même. » (1 Jn 2:6). Il faut ici comprendre ce que Jean entend par « marcher » comme Jésus. Est-ce que cela signifie que comme lui nous devons avoir un travail manuel qui nous permette de vivre ? Est-ce que cela veut dire que comme lui nous devons chasser les démons, guérir les malades, adopter un mode de vie de prêcheur itinérant allant à pied de ville en ville ? Devons-nous marcher sur l’eau ? combattre les élites religieuses corrompues de notre temps ? Devons-nous fréquenter les pécheurs jusqu’à partager leur table mais en ne pêchant jamais nous-mêmes ? Devons nous pousser l’obéissance au Père jusqu’à la mort la plus affreuse possible ? Devons-nous nous abstenir du mariage ?
Les commandements du Christ
Les torahistes, sans que je connaisse leur vie, font déjà le tri dans tout ce que j’ai rappelé de la vie de Jésus. Ils font un tri, qu’ils s’autorisent donc à faire, mais voient les tris des autres comme problématiques. Pour comprendre ce que dit saint Jean dans son épitre, il convient de remonter quelques versets en arrière, et tout devient lumineux : « Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l’avons connu. Celui qui dit: Je l’ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est véritablement parfait en lui: par là nous savons que nous sommes en lui. Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même. » (1 Jn 2:3-6). Jésus l’avait d’ailleurs dit lui-même très clairement : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. » (Jn 14:15). Il nous faut donc répondre à la question : quels sont les commandements que Jésus a édictés ? Les torahistes, et c’est presque pavlovien ici, vont dire : et bien il s’agit des commandements de la Torah. Si c’est de cela dont il était question, Jésus et Jean auraient dit « il faut garder LES commandements ». Certes Jésus, en tant que Dieu a donnés ces commandements de la Torah à Moïse sur le Sinaï. Mais ici, lorsque Jésus parle de « mes » commandements et que Jean évoque « ses » commandements en parlant de Jésus, nous voyons bien que nous désignons un autre ensemble de commandements. Le piège dans lequel tombe les torahistes, est que certains de ces commandements vont bien sûr être des renouvellements de certains commandements de l’ancienne alliance. Mais il faut bien comprendre que Jésus a opéré sur ceux-ci une relecture, un approfondissement et une reformulation. Je vous renvoie à la distinction entre loi et principe du début de mon exposé.
Si on regarde ce que Jésus ordonne très clairement dans le NT, on a les douze catégories suivantes :
- l’amour avec ses trois variations : Dieu, le prochain, les ennemis
- le pardon : nécessaire dans l’acte liturgique, nécessaire car étalon de la relation à Dieu
- service et humilité : être grand c’est servir les autres et ce qui élève c’est l’abaissement
- paix et non-violence : il nous demande d’aller jusqu’à la non résistance au mal
- pureté intérieure : le cœur doit rester pur pour la vision des réalités divines, et la colère et la haine doivent être bannis
- la mission : nous devons être une lumière pour le monde et convertir le monde en faisant partout des nouveaux disciples
- intégrité et vérité : toujours dire la vérité, être fidèle dans les petites choses pour l’être dans les grandes
- renoncer à soi-même : porter sa croix et suivre Jésus, renoncer aux richesses de ce monde.
- prier : la prière doit être incessante, et pleine de foi
- être fidèle dans le mariage : éviter la convoitise qui est en soi un adultère et rester dans le mariage
- avoir de la vigilance spirituelle
- être généreux : donner sans rien attendre en retour et aider les plus faibles
Voilà, de façon synthétique ce que Jésus a enseigné comme étant des commandements dans le NT. C’est en faisant cela que l’on marche comme lui et qu’on attire sa sympathie sur nous. La Loi de Moïse était une phase préparatoire avant cela. Une compétition départementale avant les jeux olympiques. L’échafaudage autour du bâtiment avant que le bâtiment achevé n’apparaisse dans sa splendeur. Comme l’explique très bien Solberg dans son ouvrage, les torahistes ne veulent pas voir le bâtiment et considèrent l’échafaudage comme sacré. Il utilise aussi l’image très parlante de la course de relai. On a tous vu dans une épreuve de 4 fois 100 mètres, comment les coureurs se donnent le bâton. Moïse a passé le bâton à Jésus. Sa course est finie ; il a fait sa partie. Et c’est là où l’image est très pertinente : lorsque le coureur donne le bâton au suivant, il court encore quelques instants, entraîné par son élan. Si on se concentre quelques instants juste sur cette séquence, on a l’impression que les deux coureurs courent de façon parallèle. Mais si on regarde la séquence plus longuement, et si on comprend les motivations de chacun, alors tout devient plus clair. Effectivement, pendant quelques temps, les juifs de l’Eglise primitive ont continué à observer ici et là certains préceptes mosaïques, mais cette période n’a pas duré. On peut même la quantifier très précisément : 40 ans. Entre la Passion et la destruction du Temple, qui marque de façon très claire la fin de la Loi pour l’Eglise, il y a un moment de flou historique, culturel, religieux sur la place de la Loi dans la vie des chrétiens. C’est bien normal. On n’efface pas 15 siècles de traditions en un instant. Dieu a considéré de le faire en 40 ans. Ainsi a-t-il fait l’homme. On remarquera d’ailleurs bibliquement combien de fois cette occurrence de 40 est annoncée. La Loi cessant d’être contraignante, il est normal qu’elle s’estompe petit à petit. Il fallait un délai néanmoins. C’est le coureur de relai qui est entraîné par son élan mais qui va s’arrêter.

Les 40 années avant la destruction du Temple et le silence de Dieu dans les sources rabbiniques
Les juifs eux-mêmes ont gardé la trace de ces quarante ans qui furent très particuliers. Dans le Talmud de Babylone, traité Yoma, page 39B, on peut lire : « Pendant le mandat de Shimon HaTsaddik, le sort pour Dieu se levait toujours dans la main droite du Grand Prêtre ; après sa mort, cela ne se produisit que rarement ; mais pendant les quarante années qui précédèrent la destruction du Second Temple, le sort pour Dieu ne se leva jamais dans la main droite du Grand Prêtre. De même, la bande de laine rouge attachée à la tête du bouc envoyé à Azazel ne blanchit pas, et la lampe la plus à l’ouest du candélabre ne brûla pas continuellement. ». Des phénomènes surnaturels qui avaient pour but de voir l’assentiment de Dieu sur la conduite d’Israël, avaient inexplicablement cessés pendant 40 ans avant la destruction du Temple. On se demande bien ce qui avait pu se passer en l’an 30 pour que Dieu arrête de se manifester ainsi totalement. La cécité juive est un phénomène toujours fascinant à constater. Mais ce n’est pas le sujet du propos. Donnons les éléments nécessaires à éclairer ce texte qui va peut-être laisser certains de marbre. Shimon HaTsadik, ou Shimon le juste, était grand prêtre et membre du Sanhedrin vers -300 à -250 av JC. Il est connu pour avoir préservé la foi juive à une époque de grande instabilité politique, culturelle, et religieuse. Pendant qu’il était là et agissait, Dieu a systématiquement manifesté son approbation par ces trois vecteurs : le sort pour Dieu dans la main droite, la bande de laine cramoisie qui devenait blanche et la Menorah du Temple qui brulait sans fin. Après Shimon, cela dépendait des années. Des fois les phénomènes se produisaient et des fois pas. Puis, entre la Passion du Christ et la destruction du Temple, pendant précisément 40 ans, ces trois phénomènes ont totalement cessé. Voyons ces trois phénomènes, qui ne sont peut-être pas bien connus d’un public chrétien. Le premier, est lié à la fête de Yom Kippour, la fête de la grande expiation. Pendant la cérémonie dans le Temple, le grand prêtre tirait au sort entre deux boucs : l’un était destiné à Dieu (symboliquement, il était sacrifié), et l’autre était envoyé dans le désert, à Azazel (connu comme le “bouc émissaire”, renvoyant les péchés d’Israël dans le désert). Le tirage au sort se faisait avec deux lots, l’un marqué “pour Dieu” et l’autre “pour Azazel”. Le tirage au sort pour Yom Kippour se déroulait de manière assez précise. Voici comment cela se passait concrètement :
- Le grand prêtre se tenait devant deux boucs identiques. Il y avait une urne contenant deux lots, c’est-à-dire deux petites plaques en bois ou en métal : un marqué "pour Dieu" (ליהוה) et l'autre "pour Azazel" (לעזאזל).
- Le grand prêtre plongeait ses mains dans l'urne et en sortait un lot dans chaque main.
- Traditionnellement, il était vu comme un signe favorable si le lot marqué "pour Dieu" se retrouvait dans sa main droite. La main droite, dans la symbolique biblique et rabbinique, est généralement associée à la bénédiction, la force et le bon présage.
Ce n’était pas un choix intentionnel du grand prêtre, mais plutôt une question de hasard lors du tirage. Cependant, le fait que le sort “pour Dieu” apparaisse dans la main droite de Shimon HaTzaddik à chaque fois était perçu comme une sorte d’intervention divine ou de miracle, montrant que Dieu était satisfait du peuple et du service du Temple. Après sa mort, cet événement se produisait de manière aléatoire, et durant les 40 années précédant la destruction du Temple, ce tirage favorable n’arrivait plus, ce qui était vu comme un mauvais signe.
La bande de laine cramoisie est liée au même rituel de Yom Kippour. Elle était attachée autour de la tête du bouc émissaire, celui qui était envoyé à Azazel dans le désert. Selon une tradition, si les péchés d’Israël étaient pardonnés, la bande de laine devenait miraculeusement blanche, symbolisant la purification et le pardon divin. Ce passage du Talmud rapporte que, pendant les quarante dernières années avant la destruction du Second Temple, cette bande de laine n’a plus blanchi, un signe interprété comme indiquant que le pardon divin n’était plus garanti. Nous n’avons pas de précisions très sures concernant le moment et la rapidité du blanchiment. Certaines sources disent après la mort du bouc qui chutait d’une falaise, tandis que d’autres disent progressivement pendant le rituel, avant la mort. A noter que le blanchiment n’est pas lié à une disparition d’un sang imbibé dans la laine, mais plutôt à celui d’une teinture qui avait été mise sur le bouc. Le prophète Isaïe fait une allusion très claire à ce rituel dans sa prophétie, et la signification que cela a pour Dieu : « Venez et plaidons! dit l’Éternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; S’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. » (Is 1:18).
Le troisième signe surnaturel fait référence à la ménorah (le chandelier à sept branches) du Temple. La lampe la plus à l’ouest, située à l’extrémité du chandelier, était censée brûler en permanence, même après que les autres lampes s’éteignaient. Cela était perçu comme un signe de la présence continue de Dieu dans le Temple. Le Talmud mentionne ici que cette lampe s’éteignit durant les quarante dernières années avant la destruction du Second Temple, un autre signe de la rupture de la relation privilégiée entre Israël et Dieu. Il est important de noter que cet événement est différent de la fête de Hanoukah, qui célèbre un miracle lié à l’huile de la ménorah, mais dans un autre contexte.
Souvent le public chrétien, quand il voit se genre de choses en conclut assez rapidement à la colère divine contre le peuple d’Israël. Cela n’est pas l’unique lecture que l’on peut faire. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de colère, mais dans ce silence, Dieu communique plusieurs choses. Il communique bien évidemment sa colère, mais il explique également la transition de la Loi de Moïse à l’alliance dans le sang du Messie. Il est révélateur qu’il le fasse dans deux miracles liés à la fête de Yom Kippour. Cette fête était la fête de l’expiation. Le sang du bouc rachetait les péchés du peuple. Mais une fois le sang de Jésus répandu, ce sacrifice devenait totalement inutile. Donc Dieu a signifié pendant 40 ans, non pas que les péchés n’étaient plus expiés, mais bel et bien qu’ils étaient expiés d’une autre façon : permanente et ô combien supérieure. Par la ménorah éteinte il a signifié qu’il avait déserté le Temple et qu’il était maintenant présent selon les modalités de l’Alliance en Christ.
Témoignage scripturaire de l’abandon de l’observance de la Loi
Considérons ce passage du livre des Actes : « Quand ils l’eurent entendu, ils glorifièrent Dieu. Puis ils lui dirent: Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi. Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes. Que faire donc? Sans aucun doute la multitude se rassemblera, car on saura que tu es venu. C’est pourquoi fais ce que nous allons te dire. Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un vœu; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu’ils se rasent la tête. Et ainsi tous sauront que ce qu’ils ont entendu dire sur ton compte est faux, mais que toi aussi tu te conduis en observateur de la Loi. A l’égard des païens qui ont cru, nous avons décidé et nous leur avons écrit qu’ils eussent à s’abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l’impudicité. » (Act 21:20-25). Le contexte est le suivant : Paul rentre à Jérusalem et rencontre les autres apôtres. Et ceux-ci lui déclarent avoir entendu ce qu’il faisait, comment il prêchait. On voit bien que les apôtres ici disent à Paul qu’ils constatent que Paul invitait les juifs à abandonner l’observance mosaïque. Et ceci n’est pas inséré dans un reproche. Il me semble donc, qu’avec toutes les explications plus ce passage des Ecritures, on peut légitimement conclure que si les apôtres ne l’ont pas reproché à saint Paul, nul ne peut reprocher à quiconque de ne plus observer les commandements mosaïques. Et donc marcher comme Jésus recouvre un certain nombre de choses, mais certainement pas l’observance mosaïque.

Le tri dans les commandements
Passons maintenant à une accusation classique des torahistes, faite aux chrétiens en général : nous ferions une sorte de tri sélectif dans la Loi de Moïse, triant entre les commandements selon notre bon vouloir. En effet lorsque Dieu déclare « Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination. » (Lev 18:22) il déclare aussi « Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n’ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux et tout ce qui est vivant dans les eaux, soit dans les mers, soit dans les rivières. Vous les aurez en abomination, vous ne mangerez pas de leur chair, et vous aurez en abomination leurs corps morts. Vous aurez en abomination tous ceux qui, dans les eaux, n’ont pas des nageoires et des écailles. » (Lev 10:10-12). Les militants des droits des homosexuels à finir en enfer utilisent souvent cette proximité philologique pour dire que manger des nourritures interdites est finalement semblable à la pratique sexuelle de l’homosexualité masculine. Les torahistes eux nous disent que nous mangeons ce qui est interdit mais que nous continuons de condamner la pratique sexuelle de l’homosexualité masculine. Nous serions donc des hypocrites. Le seul problème de la position torahiste est que le raisonnement est faux. Déjà parce que Saint Paul condamne explicitement la pratique sexuelle de l’homosexualité masculine : « C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes: car leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature; et de même les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes, » (Rm 1:26-28).
Il n’y a donc ici aucune forme de préférence personnelle : le NT montre bien l’évolution des lois alimentaires mais réaffirme la chose concernant la sexualité. Après on pourra légitimement se demander quelle est la logique divine dans la conservation de telle prescription et l’abolition de telle autre. Première chose que l’on constate : Jésus et les apôtres font perdurer ce qui définit les notions de bien et de mal. Tout ce qui est le fait de promouvoir le bien et de condamner le mal est maintenu : il était mauvais sous Moïse de tuer, de voler, de commettre l’adultère, de se parjurer, etc. Cela est toujours mauvais sous Jésus. En fait cela est universellement mauvais et identifié comme tel. C’est pourquoi, même si ces expressions de catégories ne sont pas présentes dans la Bible, il est dit que les chrétiens conservent la partie morale de la Loi, et abolissent la partie cérémonielle de la Loi, celle qui n’a pas à voir avec la morale (alimentation, gestion du temps, cycle de fêtes, etc). Et la condamnation de la pratique sexuelle de l’homosexualité est insérée dans ce qui est encore majoritairement reçu dans notre société comme condamnable : zoophilie, inceste, etc. En fait Dieu ici fait une distinction très simple à reconnaître : en dehors de l’inceste qui pourrait être fécond mais qui ne le doit pas, Dieu condamne toute forme de sexualité qui n’est pas féconde. Dieu ne fait aucune distinction entre sexualité et procréation. Une sexualité potentiellement non féconde est condamnée. Il existe aujourd’hui des forces très puissantes qui essaient de faire bouger la perception des gens sur l’homosexualité. Un regard orthodoxe sérieux restera fixé sur le livre du Lévitique et devra toujours considérer cela comme une abomination. Et je parle bien ici de la pratique sexuelle de la personne, et pas de la personne. Si vous détestez les homosexuels et les amalgamez à leur pratique, alors c’est vous qui êtes abominable à Dieu.
Les fêtes d’Israël : survol et observance
La même accusation revient concernant les fêtes. Les torahistes nous reprochent de commettre un grave péché lorsque nous ne respectons pas les fêtes instituées par Dieu pour Israël. Le chapitre 23 du Lévitique offre un bon survol de ce qui devait être observé. Mais une nouvelle fois, « Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats: c’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. » (Col 2:16-17). De plus l’Eglise n’est pas une machine à convertir les païens en juifs, et ce sont des fêtes juives. L’époque de grande confusion que représentait pour certains la haute antiquité, est maintenant passée, et je pense que nous n’encourrons pas les graves réprimandes et condamnations que lançait saint Jean Chrysostome aux chrétiens de son époque qui allaient aux fêtes juives plutôt qu’aux fêtes chrétiennes. Il me semble que par curiosité, si vous connaissez des juifs ouverts prêts à vous accueillir pour une fête, ne manquez pas cette expérience. Mais bien évidemment ne le faites pas au détriment des fêtes chrétiennes et surtout n’y voyez aucune dimension liée au salut. Voyez-le comme le fait d’aller fêter le nouvel an chinois avec des amis chinois, mais avec une dimension biblique et historique plus affirmée. Profitons de l’occasion pour rappeler les 7 fêtes de la tradition juive, puisque ces fêtes, le Christ et ses apôtres, en tant que juifs, les ont fêtées.
La première est Pesa’h, que nous connaissons sous le nom de Pâque. Cette Pâque se souvient de la sortie d’Egypte et bien évidemment pas de la résurrection du Christ qui viendra plus tard. La fête juive est scripturaire, au douzième chapitre du livre de l’Exode. Dieu indique comment quitter l’Egypte et en même temps il institue la fête qui va commémorer le souvenir de cette libération. Le sang de l’agneau est une jonction importante puisque Jean rapporte dans le livre de l’Apocalypse « Ils l’ont vaincu à cause du sang de l’agneau et à cause de la parole de leur témoignage, et ils n’ont pas aimé leur vie jusqu’à craindre la mort. » (Apo 12:11). Cette fois c’est Jésus qui est notre agneau et c’est son sang qui nous protège. Saint Paul nous rappelle comment Jésus a proclamé la réalité liturgique de son corps devenu pain « c’est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit: Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous; faites ceci en mémoire de moi. » (1 Co 11:23-24). Cette fête est tout de même compliquée à observer pour un orthodoxe, car elle va toujours tomber pendant le grand carême, et parfois pendant la Grande Semaine, et vous aurez mieux à faire que d’aller fêter la sortie d’Egypte chez vos amis juifs. Vous serez à l’Eglise en train de préparer la Pâque véritable.
Après Pâques, que certains considèrent comme faisant encore partie de Pâques, commence la fête des pains non levés. Pendant sept jours, les Juifs ne mangent pas de pain levé. Puis vient le jour des premiers fruits, Yom Habikkurim, où les prémices des récoltes sont offertes à Dieu. Yom Habikkurim tombait le lendemain du Shabbat de Pâque, soit le troisième jour après Pâque. Ainsi, nous comprenons mieux la signification particulière de ce verset de saint Paul : “Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts.” (1 Co 15:20). Au troisième jour, Christ est devenu les prémices de la grande récolte des âmes que Dieu attend, tout comme les prémices des récoltes annonçaient la moisson à venir. Une précision technique : le Shabbat de Pâque n’est pas nécessairement le Shabbat hebdomadaire (le samedi), mais il s’agit du premier jour de Pâque, qui est également appelé un Shabbat, bien qu’il diffère du Shabbat hebdomadaire en termes d’obligations religieuses. Cette notion de shabbat qui ne tombe pas forcément samedi pour Pâque permet d’ailleurs de régler cette étrangeté des différents calendriers de la mort de Jésus entre Jean et les synoptiques. Je referme la parenthèse. Puis 49 jours après, donc après une semaine de semaines, venait la fête de Shavou’ot, appelée pour cette raison la fête des semaines. Au cinquantième jour venait la Pentecôte qui venait se souvenir du don de la Loi à Moïse sur le mont Sinaï. Regardons les parallèles merveilleux que nous avons : Jésus a été crucifié à la Pâque, comme l’agneau avait été sacrifié. Il est enterré lorsque les juifs ne mangent plus de pain levé. Puis le troisième jour il ressuscite pour le premier jour des prémices. Et enfin le Saint-Esprit descend sur les apôtres le jour où Israël se souvient que Dieu l’a gratifié du don de la Loi. Il n’y a évidemment pas de hasard là-dedans. On voit que le Christ est la réalité vers laquelle tendaient toutes les figures contenues dans ces fêtes.
Dieu a également donné à Israël la fête des tentes, Sukkot. Pour se souvenir de la traversée du désert, chaque juif doit construire une soukka, une tente, ou un tabernacle selon les expressions. Cette fête a une dimension prophétique indéniable puisque Zacharie annonce « Tous ceux qui resteront de toutes les nations venues contre Jérusalem monteront chaque année Pour se prosterner devant le roi, l’Éternel des armées, Et pour célébrer la fête des tabernacles. » (Za 14:16). Nous avons en Christ le tabernacle, l’abri pour traverser la grande tribulation de l’histoire humaine avant d’arriver au Royaume.
Dieu a également institué la fête des trompettes, Yom Teru’ah, commençant par Rosh Hashannah qui marque le début de la nouvelle année, sur le calendrier lunaire juif. Cela dure dix jours puis vient le jour de l’expiation, Yom Kippour qui est aujourd’hui la fête la plus importante. C’est ce jour là que deux boucs étaient sacrifiés : un au Temple et un envoyé au désert. C’était le seul jour de l’année où le grand prêtre avait le droit d‘entrer dans le saint des saints, la pièce la plus sainte du Temple. Jésus accomplit cela de plusieurs façons : à la Transfiguration il apparaît comme un grand prêtre, vêtu de blanc. Et il est également l’agneau sans tâche qui est offert. Il est le prêtre du sacrifice et l’animal sacrifié. Une fois de plus le système de fêtes organisé dans l’Ecriture était préfiguration de ce que le Christ a réalisé. Une fois que ceci est bien compris, on peut maintenant analyser le rapport que les torahistes entretiennent avec les fêtes de l’AT.
Comme ils pensent être sous la Loi de Moïse, ils sont très critiques avec les chrétiens qui ne se soumettent pas à cette organisation particulière du temps. Pourtant, l’apôtre Paul leur adresse, depuis l’Ecriture, cet avertissement : « Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats: c’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. » (Col 2:16-17). Tout le chapitre 10 de la lettre aux hébreux explique très clairement que la Loi n’était que l’esquisse des choses à venir. Une fois la chose venue, ceci n’a plus de sens. Dans l’Eglise, nous avons tout un cycle de fêtes qui pointent non pas sur la chose à venir, mais bien sur la chose accomplie et réalisée. Un cycle de 12 fêtes entourant la grande célébration pascale, offre au chrétien qui veut bien suivre cette organisation précise, un panorama complet de ce que Jésus a accompli et de ce que cela signifie pour nous aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans le « un jour, viendra le Messie et il nous apportera ceci et cela », mais dans le « Jésus est venu, il a dit ceci, commandé cela, et nous a délivré de cette façon ». La seule objection qui serait un peu digne d’intérêt serait celle relative à Zacharie. La prophétie eschatologique de Zacharie parle d’une fête de l’AT, observée par les nations, à la fin des temps. Mais, cela n’est pas sérieusement équivalent, à tous les chrétiens, tous les ans. La grande tribulation finale arrive, elle ne tardera plus, mais nous n’y sommes pas encore. Il n’y a donc aucune raison solide d’observer les fêtes de l’AT et surtout aucun motif sérieux de ne pas suivre les merveilleuses fêtes que nos pères dans la foi ont institué pour nous guider. On pourra me répondre que si rien ne le demande ou l’exige, on pourrait tout de même le faire, par une certaine forme de piété. Si les saints Pères n’avaient pas légiféré contre, je vous dirai : pourquoi pas, si cela vous amuse. Mais dans l’Eglise, et ceci me semble valable pour chaque autre domaine d’ailleurs, on ne peut sérieusement pas faire comme si le passé n’avait pas existé. Les torahistes font comme si le leg de 2000 ans d’Eglise était inexistant. A plusieurs reprises, les évêques des siècles précédents ont prohibé la pratique mosaïque dont les fêtes sont finalement un élément. Ainsi, nous sommes tenus, aussi par cela. Dans leur sagesse, ils ont considéré que le seul moyen d’éviter que les gens ne se laisse pas abuser par les torahistes, c’était d’interdire purement et simplement la chose. Soit. La seule option qui reste est donc l’étude biblique et historique de ces fêtes, et de se rendre compte comment elles annonçaient Jésus. Et c’est cela le principal.

Les chrétiens sont-ils tenus au shabbat ?
La chose se crispe davantage lorsque nous parlons du Shabbat. Le développement historique des choses fait que le jour principal pour les chrétiens est devenu le dimanche, alors que chez les juifs il est du vendredi soir au samedi soir. Les torahistes rappellent que le péché est tellement grave que la Torah le sanctionne de la peine de mort. De plus, il est vrai, que rien dans les Ecritures ne dit de passer du samedi au dimanche. Notre but ici ne sera pas de diminuer ce qu’est le Shabbat dans l’AT. Commandement très clair, il est même lié à la création dont il est le point culminant. Dans le NT, lorsque Jésus choisit de rendre tout à fait public son ministère, il est dans la synagogue de Nazareth et il lit la prophétie d’Isaïe. Luc le rapport ainsi dans son évangile : « et on lui remit le livre du prophète Ésaïe. L’ayant déroulé, il trouva l’endroit où il était écrit: L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur. Ensuite, il roula le livre, le remit au serviteur, et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue avaient les regards fixés sur lui. » (Lc 4:17-20). L’année de grâce est une mention explicite au jubilé. Le jubilé est le shabbat suprême dans le sens qu’il a lieu tous les 50 ans. C’est un shabbat sur cycle annuel, mais qui vient au bout de 7 cycles d’années. Tous les 7 ans il y a un an sabbatique et toutes les 7 années sabbatiques il y a le Yovel, le jubilée. Tout ceci est institué dans le Lévitique et c’est donc tout aussi biblique que le Shabbat hebdomadaire qui rythme la vie d’Israël. A chaque Jubilé on remet les dettes, on libère les esclaves et on restitue les terres. C’est donc une libération d’une très grande amplitude. Jésus se présente comme un jubilé vivant, un jubilé personnel.
Dans l’AT, le Shabbat est très clairement présenté comme un signe relatif à l’alliance mosaïque : « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur: Vous ne manquerez pas d’observer mes sabbats, car ce sera entre moi et vous, et parmi vos descendants, un signe auquel on connaîtra que je suis l’Éternel qui vous sanctifie. » (Ex 31:13). Et nous avons vu que cette alliance était abolie, remplacée par l’alliance en Christ. Si on se tourne vers le NT, et que l’on considère les choses relativement aux 10 commandements, puisque le Shabbat est un de ces 10 commandements, que constate-t-on ? Et bien tous les commandements, à l’exception de celui du Shabbat sont redonnés ou paraphrasés dans le NT. Et si les torahistes proclament qu’il n’est nul besoin d’expliquer le Shabbat à des juifs, nous pouvons répondre avec assurance, qu’au moment où la loi est censée s’universaliser, pourquoi ne jamais mentionner cet aspect particulièrement structurant de celle-ci ?
Le premier commandement de n’avoir pour Dieu que Dieu est redonné en Matthieu 4:10 et en Luc 4:8 « Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! Car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. ». Le commandement de ne pas faire d’idoles est la conclusion que donne saint Jean à sa première épître : « C’est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle. Petits enfants, gardez-vous des idoles. » (1 Jn 5:21) et ce commandement est réitéré par Paul aux corinthiens : « Ne devenez point idolâtres, comme quelques-uns d’eux, selon qu’il est écrit: Le peuple s’assit pour manger et pour boire; puis ils se levèrent pour se divertir. » (1 Co 10:7)
Ne pas invoquer le Nom de Dieu en vain est en tout simplicité la première chose que Jésus exige de nous dans le Notre Père : « que ton Nom soit sanctifié » : « Voici donc comment vous devez prier: Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié; » (Mt 6:9)
Se souvenir du Shabbat et le garder saint n’est dit ou paraphrasé nulle part dans le NT.
Honorer son père et sa mère est rappelé ici dans une controverse avec des pharisiens et des scribes : « Car Dieu a dit: Honore ton père et ta mère; et: Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. » (Mt 15:4)
Ne pas assassiner est rappelé ainsi : « Et Jésus répondit: Tu ne tueras point; tu ne commettras point d’adultère; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère; » (Mt 19:18)
Ne pas commettre d’adultère est rappelé ainsi : « Vous avez appris qu’il a été dit: Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. » (Mt 5:27-28)
Le divin Paul rappelle ainsi de ne pas voler : « Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres; car celui qui aime les autres a accompli la loi. En effet, les commandements: Tu ne commettras point d’adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu’il peut encore y avoir, se résument dans cette parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait point de mal au prochain: l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Rm 13:8-10). On voit que Paul ne conçoit ici que les commandements relationnels. Le Shabbat n’est pas un commandement relationnel qui pointe vers l’amour et qui trouve sa résolution dans l’amour.
L’interdiction du faux témoignage est rappelée entre autre ainsi : « Car c’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies. Voilà les choses qui souillent l’homme; mais manger sans s’être lavé les mains, cela ne souille point l’homme. » (Mt 15:19-20)
Et enfin le problème de la convoitise est rappelé ici « Puis il leur dit: Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d’un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l’abondance. » (Lc 12:15)
Aucun enseignement de Jésus sur le Shabbat n’a été rapporté par les évangélistes ou apôtres. Dans tous les moments clés de son enseignement, les béatitudes, le sermon sur la montagne, le plus grand commandement, les paraboles, etc, il n’est jamais question du Shabbat. Pour un élément dont on essaie de nous dire qu’il est ultra structurant c’est tout de même étonnant. Plus intéressant encore, les seules mentions du Shabbat dans le NT sont des moments d’affrontement à son propos face à d’autres mouvements religieux. Là où ses adversaires sont obnubilés par le fait de l’observer le plus correctement possible, Jésus n’a de cesse que de pointer vers sa signification profonde : « Puis il leur dit: Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. » (Mc 2:27-28)
Le seul moment où Jésus parle du Shabbat de façon non polémique avec des ennemis est ici : « Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là! Priez pour que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni un jour de sabbat. Car alors, la détresse sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. » (Mt 24:19-20). Ceci n’est en rien un ordre d’observer le Shabbat. Il s’agit plutôt d’être marquant pour un auditoire juif au moment où Jésus délivre son discours apocalyptique. Ainsi, on peut conclure très simplement : Jésus n’a jamais enseigné à quiconque d’observer le Shabbat. Celui-ci était le signe de l’alliance avec Moïse : « Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur: Vous ne manquerez pas d’observer mes sabbats, car ce sera entre moi et vous, et parmi vos descendants, un signe auquel on connaîtra que je suis l’Éternel qui vous sanctifie. » (Ex 31:13). Ce signe avait une centralité que nul ne peut nier dans l’ancienne alliance. Ainsi Ezekiel de proclamer la parole divine : « Je leur donnai mes lois et leur fis connaître mes ordonnances, que l’homme doit mettre en pratique, afin de vivre par elles. Je leur donnai aussi mes sabbats comme un signe entre moi et eux, pour qu’ils connussent que je suis l’Éternel qui les sanctifie. Et la maison d’Israël se révolta contre moi dans le désert. Ils ne suivirent point mes lois, et ils rejetèrent mes ordonnances, que l’homme doit mettre en pratique, afin de vivre par elles, et ils profanèrent à l’excès mes sabbats. J’eus la pensée de répandre sur eux ma fureur dans le désert, pour les anéantir. » (Ez 20:11-13)
Dans toute la dynamique d’abolition que nous essayons de mettre en lumière ici, n’est-il pas absolument logique qu’une alliance abolie voit son signe principal également aboli ? C’est l’évidence même. C’est ce qui permet à Paul d’écrire aux Colossiens : « Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats: c’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. » (Col 2:16-17)

Abolition du sabbat mais continuation du repos, cette fois en Christ
En fait, ce qui est aboli, c’est le principe des régulations dans le cadre de la loi mosaïque. Mais le principe d’un repos dans la dimension immuable de la loi divine reste lui toujours présent. Paul dans le début du quatrième chapitre aux hébreux explique ainsi : « Craignons donc, tandis que la promesse d’entrer dans son repos subsiste encore, qu’aucun de vous ne paraisse être venu trop tard. Car cette bonne nouvelle nous a été annoncée aussi bien qu’à eux; mais la parole qui leur fut annoncée ne leur servit de rien, parce qu’elle ne trouva pas de la foi chez ceux qui l’entendirent. Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos, selon qu’il dit: Je jurai dans ma colère: Ils n’entreront pas dans mon repos! Il dit cela, quoique ses œuvres eussent été achevées depuis la création du monde. » (Heb 4:1-3). Si je puis le paraphraser dans le sujet qui nous intéresse il dit : « dans l’ancienne alliance ils ont échoué à observer Shabbat et à gagner ce repos en Dieu. Ne faisons pas la même erreur pour espérer bénéficier de cette promesse de repos ». Il est vital ici de voir que Paul pose les choses non pas sur une dimension d’obéissance mais sur une dimension de foi. On notera avec attention qu’il écrit « pour nous qui avons cru » et pas « pour nous qui avons observé correctement le shabbat ». Il est toujours question de ce repos qui sous-tend cette idée de Shabbat, mais selon un nouveau paradigme. Le repos aujourd’hui c’est Jésus. Avant Jésus nous pouvions légitimement croire que c’était une sorte d’Eden accessible après la mort. Mais depuis Jésus, tout chrétien a compris que Jésus est devenu ce que l’Eden représentait auparavant. Avant Jésus, l’Eden était une sorte de point culminant du plan de Dieu dans la création. Jésus est le point culminant de Dieu dans le plan de salut de l’homme. Dieu avait terminé la création et avait choisi de se retirer, de se reposer pour ne plus jamais la reprendre car cela était accompli. Jésus est monté pour siéger à la droite du Père après être mort sur la Croix en disant que tout était accompli. Dieu avait créé l’Eden, ce lieu privilégié et spécifique pour établir une relation d’amour avec le sommet de sa création : l’humanité. Dieu a envoyé le Christ pour sauver sa création dans un plan spécifique. Eden a été créé sans que nous soyons consultés. Jésus nous a offert un salut sans que nous soyons consultés. Eden a été offert par le Père, au travers de son amour, de façon souveraine. Christ a été offert par le Père, au travers de son amour, de façon souveraine. Christ est le nouvel Eden. Et cela change totalement le rapport aux œuvres de la Loi. Le Christ l’enseigne Lui-même en Jean : « Ils lui dirent: Que devons-nous faire, pour faire les œuvres de Dieu? Jésus leur répondit: L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » (Jn 6:28-29). C’est Jésus qui observe le Shabbat pour nous, et nous, notre mission c’est d’avoir une confiance totale dans le fait qu’il a parfaitement observé le Shabbat. Pas de l’observer nous-même.
Paul dans son épître aux Romains nous rappelle sans aucune ambiguïté que la mort du Christ nous a délivré de la Loi : « Ignorez-vous, frères, -car je parle à des gens qui connaissent la loi, -que la loi exerce son pouvoir sur l’homme aussi longtemps qu’il vit? Ainsi, une femme mariée est liée par la loi à son mari tant qu’il est vivant; mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Si donc, du vivant de son mari, elle devient la femme d’un autre homme, elle sera appelée adultère; mais si le mari meurt, elle est affranchie de la loi, de sorte qu’elle n’est point adultère en devenant la femme d’un autre. De même, mes frères, vous aussi vous avez été, par le corps de Christ, mis à mort en ce qui concerne la loi, pour que vous apparteniez à un autre, à celui qui est ressuscité des morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu. Car, lorsque nous étions dans la chair, les passions des péchés provoquées par la loi agissaient dans nos membres, de sorte que nous portions des fruits pour la mort. Mais maintenant, nous avons été dégagés de la loi, étant morts à cette loi sous laquelle nous étions retenus, de sorte que nous servons dans un esprit nouveau, et non selon la lettre qui a vieilli. » (Rm 7:1-6). Le propos peut être un peu complexe pour certains. Je l’explique donc brièvement. Dans le cadre du mariage, la mort de l’un des deux libère l’autre de toutes ses obligations. La mort du Christ a eu cet effet d’annulation sur la loi mosaïque. Ce qui avant aurait été considéré criminel ne l’est plus, à cause de la mort du Christ. C’est maintenant au Christ ressuscité que nous sommes liés. Et en lui, les choses changent. Paul plus loin explique les dispositions nouvelles de ce paradigme : « Ne devez rien à personne, si ce n’est de vous aimer les uns les autres; car celui qui aime les autres a accompli la loi. En effet, les commandements: Tu ne commettras point d’adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu’il peut encore y avoir, se résument dans cette parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait point de mal au prochain: l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Rm 13:8-10). Ce que Dieu attend de nous ne réside plus dans des interdits alimentaires, dans la circoncision, dans le respect du Shabbat, ou dans d’autres aspects marquants de la loi mosaïque. Cela réside uniquement dans la qualité de la relation à l’autre. Une relation marquée par la patience, le pardon, la douceur, et toutes les autres facettes de l’amour. La grâce de Dieu est tout ce dont nous avons besoin, comme en témoigne Paul aux corinthiens : « Trois fois j’ai prié le Seigneur de l’éloigner de moi, et il m’a dit: Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » (2 Co 12:8-9)
D’un point de vue chrétien il est important de parler du jour du Seigneur, en relation justement avec le Shabbat. Jésus est ressuscité un Dimanche, et pas un Samedi. La descente de l’Esprit-Saint sur les apôtres est également advenue un Dimanche, et pas un Samedi. L’Apocalypse de saint Jean introduit cette notion de jour du Seigneur : « Je fus ravi en esprit au jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, comme le son d’une trompette » (Apo 1:10). Ainsi, le Shabbat n’a pas cette importance absolue que peut avoir le Dimanche pour un chrétien bien formé et conscient de sa tradition. Le Christ est ressuscité un Dimanche. La résurrection est l’événement central, l’événement le plus important de toute l’histoire humaine. Dieu a choisi que cela se produise non pas Shabbat, mais bien un autre jour. C’est cela que les chrétiens honorent en en faisant le jour le plus important de la semaine, le jour dédié à Dieu. Il est crucial d’ailleurs de saisir que le Dimanche chrétien ne remplace pas le Samedi des Juifs. Les deux ne peuvent pas se comparer. On ne compare pas la statue avec sa maquette.