Les interdits alimentaires : Marc 7 articulé avec Actes 10

Presqu’aussi structurant que le Shabbat pour la pratique juive, nous avons les interdits alimentaires. L’interdit emblématique est celui du porc, que la France connait bien depuis la récente invasion musulmane. Les tenants du torahisme font généralement un savant melting pot d’appel à l’obéissance mais aussi de diététique et de nutrition. Mais la Bible, lorsqu’elle énumère ses dispositions alimentaires ne parle jamais de santé. Je rappelle que nous venons d’un début où Dieu avait dit que tout était bon. Nous n’étions pas encore dans une nécessité pour Dieu de parler d’animaux purs et impurs. La résurrection du Christ a rétabli les choses dans leur dimension première : « Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience; car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme. » (1 Co 10:25-26). Même si nous voyons sous Noé les premières distinctions entre animaux purs et impurs, Noé a le droit de manger de tout : « Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture: je vous donne tout cela comme l’herbe verte. » (Gn 9:3). Noé peut manger de n’importe quel animal. Le texte est parfaitement clair.

Puis vient la loi mosaïque. Ici, à nouveau, Dieu établit une distinction très claire. Israël n’aura pas le droit de manger tout un ensemble de nourriture que les gentils auront toujours le droit de manger. L’interdit n’est pas universel. C’est un interdit de séparation. Le lévitique commande « Vous observerez la distinction entre les animaux purs et impurs, entre les oiseaux purs et impurs, afin de ne pas rendre vos personnes abominables par des animaux, par des oiseaux, par tous les reptiles de la terre, que je vous ai appris à distinguer comme impurs. Vous serez saints pour moi, car je suis saint, moi, l’Éternel; je vous ai séparés des peuples, afin que vous soyez à moi. » (Lv 20:25-26). Ceci introduit une séparation très claire entre les Juifs et les autres. Mais depuis Christ, cette séparation a été abrogée : « Il n’y a aucune différence, en effet, entre le Juif et le Grec, puisqu’ils ont tous un même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent. » (Rm 10:12).

Il y a en tout cas deux textes qui posent un défi exégétique relativement à cette problématique des interdits alimentaires. Il s’agit de Marc 7 et de Actes 10. Dans Mc 7, vous avez ce long passage où Jésus semble abolir les interdits alimentaires : « Ils virent quelques-uns de ses disciples prendre leurs repas avec des mains impures, c’est-à-dire, non lavées. Or, les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé soigneusement les mains, conformément à la tradition des anciens; et, quand ils reviennent de la place publique, ils ne mangent qu’après s’être purifiés. Ils ont encore beaucoup d’autres observances traditionnelles, comme le lavage des coupes, des cruches et des vases d’airain. Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent: Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures ? Jésus leur répondit: Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu’il est écrit: Ce peuple m’honore des lèvres, Mais son cœur est éloigné de moi. C’est en vain qu’ils m’honorent, En donnant des préceptes qui sont des commandements d’hommes. Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. Il leur dit encore: Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition. Car Moïse a dit: Honore ton père et ta mère; et: Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Ce dont j’aurais pu t’assister est corban, c’est-à-dire, une offrande à Dieu, vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère, annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup d’autres choses semblables. Ensuite, ayant de nouveau appelé la foule à lui, il lui dit: Écoutez-moi tous, et comprenez. Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende. Lorsqu’il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l’interrogèrent sur cette parabole. Il leur dit: Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller? Car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments. Il dit encore: Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme. » (Mc 7:1-23). Et quand je dis « semble abolir », en fait c’est ce que disent les Pères de l’Eglise : Chrysostome, Irénée, Augustin, Basile le Grand. Même Origène le comprend ainsi !! Donc c’est bien ce que cela signifie. Néanmoins, si à la suite de cet épisode, le collège apostolique s’est mis au rôti de porc, alors, comment et pourquoi Pierre peut-il encore dire en Acte 10, qui a lieu après la scène de Marc 7, qu’il n’a jamais rien mangé d’impur : « Le lendemain, comme ils étaient en route, et qu’ils approchaient de la ville, Pierre monta sur le toit, vers la sixième heure, pour prier. Il eut faim, et il voulut manger. Pendant qu’on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il vit le ciel ouvert, et un objet semblable à une grande nappe attachée par les quatre coins, qui descendait et s’abaissait vers la terre, et où se trouvaient tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel. Et une voix lui dit: Lève-toi, Pierre, tue et mange. Mais Pierre dit: Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et pour la seconde fois la voix se fit encore entendre à lui: Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé. Cela arriva jusqu’à trois fois; et aussitôt après, l’objet fut retiré dans le ciel. » (Act 10:9-16).

Tout d’abord la révélation fut progressive pour les apôtres. La plupart des enseignements du Christ n’ont pas été compris dans leur plénitude. Ce passage du livre des Actes montre concrètement l’ouverture aux païens, qui passe par un changement radical des habitudes alimentaires. Les Pères expliquent que les apôtres sont restés attachés à ces coutumes alimentaires d’un point de vue culturel plus que religieux. Jésus a invité ses disciples à un changement de perspective. Jésus a mis au premier plan la pureté du cœur, avant celle des aliments. Une fausse lecture de Marc 7 serait de considérer que Jésus a déclaré pure la nourriture présente, qui était alors casher. Il semble un peu absurde de considérer qu’il a déclaré pur ce qui était pur. Même si la controverse démarre sur le fait de respecter les traditions pharisiennes humaines sur les ablutions, Jésus élargit et montre que l’on peut se passer de ces traditions humaines, et qu’il ne faut pas considérer la nourriture comme étant la première source d’impureté. C’est avant tout ce qui réside dans notre cœur qui induit notre niveau de pureté. Mais il est bien évident, que même si Jésus a invité ses disciples à ne pas considérer impur quelqu’un mangeant un ragout de lapin, il n’a lui-même jamais désobéi de la sorte à la loi. Il a donné ici un enseignement en préparation au caractère universel de son église.

Si Marc 7 peut avoir cette ambiguïté, surtout pour ceux qui ne s’adossent pas aux Pères de l’Eglise, normalement le passage en Actes 10 devrait leur indiquer que les interdits alimentaires sont abolis. Mais non. Ils ont inventé toute une petite mécanique exégétique pour considérer que c’est en fait une parabole délivrant un message sur les gentils. Tout en rappelant que Dieu ne peut pas mentir « il est impossible que Dieu mente » (Heb 6:18) et que Dieu n’est pas un Dieu de confusion : « car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. » (1 Co 14:33), Solberg imagine un petit dialogue savoureux entre saint Pierre et un disciple, pour lui expliquer que la vision qu’il a eu et qui est rapportée par le livre des Actes ne parle pas de nourriture, mais bien de la place des païens dans l’Eglise. Le voici traduit :

Disciple : « Waouh, Pierre ! Dieu t’a montré que toute nourriture est désormais pure ? »
Saint Pierre : « Eh bien, non. La vision concernait la consommation de nourriture impure, mais cela signifiait seulement que les Gentils étaient désormais les bienvenus dans le peuple de Dieu. »
Disciple : « Oh ! Donc, dans la vision, Dieu a dit que les Gentils étaient désormais les bienvenus ? »
Saint Pierre : « Pas exactement. Il m’a juste montré un tas de nourriture impure et m’a dit de la manger. Mais je savais qu’il voulait dire que les Gentils étaient désormais les bienvenus. »
Disciple : « Attends. Alors, qu’est-ce que Dieu a dit exactement dans cette vision ? »
Saint Pierre : « Il a dit : ‘Lève-toi, Pierre, tue et mange’. »
Disciple : « Tuer et manger les Gentils ?! »
Saint Pierre : « Non ! Il parlait des animaux. »
Disciple : « Dieu t’a ordonné de manger des animaux impurs ? »
Saint Pierre : « Oui. »
Disciple : « Mais tu dis que la vision n’enseigne pas que toute nourriture est désormais pure ? »
Saint Pierre : « C’est ça. C’était juste une analogie. »
Disciple : « Donc, tu n’as pas réellement mangé d’animaux impurs dans la vision ? »
Saint Pierre : « Non ! J’ai dit à Dieu que je n’avais jamais rien mangé de souillé ou d’impur. »
Disciple : « Il devait être fier de toi pour avoir respecté les lois sur la nourriture casher ! »
Saint Pierre : « En fait, Il a dit : « Ce que Dieu a rendu pur, ne le considère pas comme souillé. »
Disciple : « Mais Il a dit cela à propos de la nourriture, pas des Gentils, n’est-ce pas ? »
Saint Pierre : « C’est ça. »
Disciple : « Laisse-moi bien comprendre. Dans la vision, Dieu a dit qu’Il avait rendu toute nourriture pure et que vous ne deviez pas la qualifier de souillée. Mais Il ne voulait pas vraiment dire que toute nourriture est pure ? »
Saint Pierre : « C’est ça. »
Disciple : « Donc… Dieu a menti dans la vision ? »
Saint Pierre : « Non ! Pas vraiment. Il utilisait simplement la nourriture comme exemple. »
Disciple : « Donc, même si Dieu a déclaré toute nourriture pure, toute nourriture n’est pas pure ? »
Saint Pierre : « Maintenant, tu comprends. »

On voit bien que tout ceci est totalement absurde. Les torahistes font rentrer des ronds dans des carrés.





La loi a changé et le nier est une doctrine peut-être démoniaque

Il est à espérer pour eux qu’ils soient simplement stupides dans leur zèle, et que Paul n’ait pas prophétisé sur eux lorsqu’il écrivait à Timothée : « Mais l’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience, prescrivant de ne pas se marier, et de s’abstenir d’aliments que Dieu a créés pour qu’ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité. Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien ne doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne avec actions de grâces, parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière. » (1 Tm 4:1-5)

Les torahistes qui affirment que la loi n’a pas changé ont-ils lu ce que dit l’auteur de l’épître aux Hébreux lorsqu’il écrivait : « Car, le sacerdoce étant changé, nécessairement aussi il y a un changement de loi. » (He 7:12). Ce changement sacerdotal est simple à constater. Avant, du temps de Moïse et jusqu’au Christ, les prêtres étaient de la tribu de Levi, les descendants d’Aaron. Mais si cela est éternellement vrai, pourquoi Pierre écrit-il à l’ensemble de l’Eglise « Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d’offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus Christ. Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, » (1 Pi 2:4-5 et 9). Maintenant tout le monde, et pas seulement les descendants d’Aaron, a accès au sacerdoce. Solberg conclue très justement sur ce point : « Prétendre que les lois sacerdotales mosaïques sont toujours en vigueur revient à saper le sacerdoce de la Nouvelle Alliance sous Jésus. » (Solberg, R. L. . Torahisme : les chrétiens sont-ils tenus de respecter la loi de Moïse ? (p. 266). Williamson College Press).





Le troisième temple et la problématique de l’expiation

Les torahistes sont partisans de la construction du troisième temple et de la reprise des sacrifices animaux pour l’expiation des péchés. Mais en ce cas que devient cet enseignement de l’épître aux hébreux : « C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes. » (Heb 10:10). S’il faut reprendre les sacrifices, était-ce vraiment une fois pour toutes ? A quoi a servi le passage du Christ sur la Croix ? Pour Paul, c’est très clair : « Or, là où il y a pardon des péchés, il n’y a plus d’offrande pour le péché. » (Heb 10:18). Pour les torahistes, c’est moins clair… ils veulent revenir au sang des taureaux et des boucs. C’est une insulte à l’unique expiation nécessaire, celle du Christ.

Pourtant le Christ a enseigné tout ceci à la samaritaine. Une nouvelle façon de prier, un nouveau standard d’adoration si l’on peut s’exprimer ainsi, qui remplace le géographique par l’intention : « Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité. » (Jn 4:21-24)

Les torahistes répondent immanquablement de la sorte à ce genre d’argumentaire que les prophètes ont eu des visions sur un temple qui n’était ni le premier, ni le second. Nous, chrétiens non torahistes, ne concluons pas que les visions prophétiques concernent la construction du temple qui serait normatif du point de vue liturgique, visions que l’on peut lire chez Isaïe, Jérémie, Ezekiel, Zacharie et Malachie. Nous ne concluons pas de la sorte. Ces prophéties sont mystérieuses et complexes à appréhender. L’apocalypse de Jean a aussi des visions d’un temple. Le plus probable est que nous verrons tout ceci à la fin des temps, et que ceci ne nous concerne probablement pas.

La logique interne de l’hérésie face au passé

Penchons-nous maintenant sur les affirmations non bibliques des torahistes. Ce sont le plus souvent des affirmations historiques. Comme tous les hérétiques, ils affirment la corruption du christianisme. Le plus souvent, c’est l’empire romain et l’empereur Constantin qui font figure de coupable idéal dans cette sinistre entreprise. Affirmation classique pour tous ceux qui se frottent avec les phénomènes d’hérésie. C’est exactement la même dynamique que les musulmans. La foi a été corrompue mais la vraie foi est accessible, et il suffit de bla bla bla. Mais à cela on répondra immanquablement : « mais si cela est vrai, pourquoi pendant des siècles personne ne l’a vu ? ». C’est le talon d’Achille des hérétiques. Et plus ils sont récents, plus ils sont fragiles. On peut demander aux témoins de Jéhovah : mais si c’est vrai, pourquoi personne n’a été témoin de Jéhovah avant que votre fondateur ne vienne prêcher votre doctrine ? De même aux mormons. De même aux musulmans. De même aux torahistes. Et à chaque fois on nous invente un christianisme antique, persécuté, qui avait la même doctrine. On a donc une antiquité compatible, puis une longue traversée du désert puis l’irruption de la vérité, plus ou moins tardive, selon la vérité.

Le torahisme voit le christianisme authentique comme tri-théiste

Première affirmation non biblique au sujet de Dieu (je la tire d’un site de nazaréen) : « Nous proclamons que Dieu est « une personne » se révélant à sa création à travers « trois manifestations » appelées Père, Fils et Saint Esprit tel que décrit dans la Bible, dans l’ancienne tradition mystique juive, et la tradition chrétienne originelle (doctrine de l’unité). Nous rejetons à la fois les définitions unicitaire de la tradition talmudiste et tri-théiste de la tradition chrétienne. »

Tous ceux qui connaissent la tradition chrétienne savent à quel point cette affirmation est fausse nous concernant. Nous ne sommes pas tri-théistes. Il suffit de lire les Pères de l’Eglise pour s’en convaincre. Clément d’Alexandrie et Origène le disent déjà avant Nicée, mais on pourra voir chez saint Athanase d’Alexandrie qui contre les ariens proclame “Nous ne confessons pas trois Dieux, mais un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’unité.” (Contre les Ariens, III, 15). Saint Basile à qui nous devons la distinction terminologique fondamentale, décisive, que nous utilisons encore aujourd’hui, entre nature et hypostases : “Un, Dieu le Père; un, le Fils seul-engendré; un, le saint Esprit. Chacune des hypostases s’énonce isolément, et s’il est besoin de les connumérer, nous ne nous laissons pas entraîner, par une stupide manière de compter, à une conception qui serait polythéiste.” (Sur le Saint-Esprit, 18). En occident, il n’y a pas de différence. Augustin explique la même chose en latin : “Il ne s’agit pas de trois substances, mais d’une seule, dans laquelle les trois subsistent.” (De Trinitate, VII, 4). Saint Irénée de Lyon, aussi avant Nicée expliquait la même chose, mais avec un vocabulaire moins chirurgical : « Le Verbe et l’Esprit sont en toute vérité les ministres du Père, sans être séparés de lui. » (livre 4 de contre les hérésies). Ainsi, l’accusation de tri-théisme ne résiste pas à un examen patristique élémentaire.





Les affirmations bibliques fausses des torahistes

Les torahistes ont également une approche biblique erronée : « Nous proclamons que toute la Bible, de Genèse à Apocalypse, dans son texte original hébreu (texte massorétique) et araméen (Peshitta), est la parole inspirée de Dieu (nous utilisons avec prudence les traductions grecques). ». En effet, cela considère que seul le texte massorétique aurait une valeur spirituelle véritable, mais la massora date de bien après le christianisme, et absolument rien ne prouve que les massorètes ont transcris ce que Moïse a reçu. Ensuite, si vraiment les versions grecques sont problématiques, pourquoi, à plusieurs endroits du Nouveau Testament, Matthieu, ou Paul privilégient les formulations septantologiques vis-à-vis des textes que les massorètes nous ont transmis ? En Hébreux 10:5 Paul écrit « Tu m’as formé un corps » comme dans le psaume 39:7 de la LXX, alors que le texte massorétique parle d’oreilles. Matthieu, reprend la version grecque d’Isaïe pour qualifier Marie de Parthenos et non d’Alma. Les exemples sont nombreux. Ici les nazaréens confondent langue et théologie. De plus ils font confiance à des gens qui refusent Jésus en tant que Christ et Dieu. C’est une faute méthodologique élémentaire.

Ils affirment également : « Nous proclamons qu’elle ne peut être correctement comprise qu’éclairée à la fois par le Saint Esprit et par une étude profonde dans ses contextes historique, culturel, religieux et linguistique hébraïco-araméen (le Saint Esprit ne peut pas contredire la Bible sinon c’est un esprit de mensonge, nous rejetons donc la pratique consistant à remplacer l’étude de la Bible par les soi-disant signes spirituels). ». J’espère ne pas me méprendre concernant ces « signes spirituels », mais disons qu’ils se distancient des lectures subjectives, émotionnelles. En ce cas, on peut aisément affirmer qu’une lecture qu’ils jugeront sérieuse et contextualisée n’est pas non plus exempte d’un danger de subjectivité. Leur lecture découle de leurs postulats, dont on a vu à quel point ils sont faux. Ils pourront nous répondre que leur subjectivité n’est pas moins douteuse que la nôtre. Sauf que dans l’Orthodoxie, il n’y a pas de subjectivité. Nous restons dans les fourches caudines de la lecture patristique, c’est-à-dire des disciples les plus éminents des apôtres. Nous affirmons avec sérénité que notre lecture est la bonne, non pas parce que c’est notre lecture, mais bien celle des Pères.

Ils affirment aussi, et c’est également un problème biblique : « Nous proclamons qu’aucun des commandements de la Torah n’a été aboli par Rabbi Yéshoua, ni par aucun Apôtre, et qu’aucun ne peut être aboli par qui que ce soit. Tous les commandements doivent donc être pratiqués encore aujourd’hui. ». J’ai répondu longuement plus avant et je ne vais pas me répéter. Jésus a aboli la Torah en l’accomplissant sur la Croix.

Ils affirment aussi : « Nous proclamons qu’aucun des livres et versets de la Bible n’a été aboli ou ne doit plus être lu, cru ou pratiqué aujourd’hui. ». Cela prolonge l’affirmation précédente et le problème. Le chrétien peut très bien aujourd’hui étudier les commandements de la Torah. C’est tout de même un artefact de pensée divine. Mais cela ne nous concerne pas aujourd’hui. Il est crucial de comprendre comment le plan de salut divin se déploie dans le temps et l’espace.

Ils affirment : « Nous proclamons qu’aucune partie de la Bible ne se contredit (nous tenons compte des niveaux d’écriture), n’a été irrémédiablement falsifiée (nous tenons comptes des erreurs scribales), ou n’est supérieure ou inférieure à une autre. ». Pas de souci avec ça. Il y a d’ailleurs beaucoup de joie à découvrir une contradiction apparente et la résoudre. Dieu a laissé beaucoup de matière pour réfléchir.

Ils affirment : « Nous proclamons que la Bible est l’autorité ultime dans les domaines des doctrines et des pratiques au-dessus des opinions personnelles, des traditions religieuses et des lois humaines. ». Ceci est absolument faux. L’autorité ultime c’est l’Eglise. Lorsque le NT n’était pas finalisé dans son canon, les apôtres faisaient la prédication, créaient des assemblées, etc. On imagine que Mathieu faisait une prédication plutôt basée sur son évangile. Imagine-t-on quelqu’un oser lui dire que son enseignement est bancal ou incomplet parce qu’il manque certains textes qui feront plus tard autorité ? Et pour l’apôtre Philippe par exemple ? imagine-t-on des disciples lui demander d’écrire un évangile pour être pris au sérieux ? C’est l’Eglise, au sens de la réalité divino-humaine et pas des bâtiments bien sûr, qui est l’autorité ultime du point de vue doctrinal. C’est elle qui a gardé la doctrine et aucune de ses traditions n’est en contradiction avec ce que le Christ nous a donné.

Les torahistes affirment enfin à propos de la Bible : « Nous proclamons que les traditions hébraïques de l’époque du second Temple (surtout décrites dans la Mishnah et éventuellement dans les manuscrits de Qumran) qui ne transgressent pas la Bible et qui ne sont pas inutilement trop lourdes à porter, doivent être observées (au cas par cas). » et là c’est extrêmement problématique. La Mishna, c’est un recueil de traditions orales antérieures au Christ mais mises par écrit 200 ans après l’ère chrétienne. C’est la base du Talmud. C’est donc étonnant de voir les nazaréens se distancier du Talmud tout en validant la Mishna. Les nazaréens ici essaient de croire à un judaïsme du second temple validant la messianité du Christ. Mais c’est beaucoup plus compliqué que cela. Effectivement, l’Eglise est issue du judaïsme du second temple mais seulement d’une partie de celui-ci. C’est toujours la même erreur chez ceux qui se penchent de façon erronée sur cette période. Le judaïsme du second temple était très pluriel, et la mishna n’en est qu’une expression, comme Qumran à sa façon propre. Ce qui était bon dans ce judaïsme intertestamentaire a été intégré dans les enseignements de l’Eglise. Il n’est pas nécessaire de faire appel à la mishna, qui est l’expression de ceux qui plus tard allaient dire non à Jésus. De plus on voit que le « inutilement trop lourdes à porter » est vague, totalement subjectif, et contradictoire avec la promesse du Christ, dont le joug est léger.



La vision torahiste du salut et du Royaume

Les torahistes ont ensuite des affirmations au sujet du salut : « Nous proclamons que vivre une vie de sanctification maximale est obligatoire après la justification. La sanctification est le fruit de l’obéissance à tous les commandements divins contenus dans la Torah, et que sans sanctification suffisante, nul ne peut entrer dans le Royaume des Cieux car une vie volontaire de péchés annule la justification (absence de repentance sincère). ». Voilà une superbe, mais classique, annulation de la Croix. Saint Paul l’a pourtant expliqué en long, en large et en travers : rien de ce que nous pouvons faire en obéissant aux commandements de Moïse ne va nous rapprocher du paradis. C’est le sang de Jésus qui réalise cette expiation. Pas la qualité de nos shabbats ou notre scrupuleux respect de la cacheroute.

Ils affirment aussi concernant le salut : « Nous proclamons que l’obéissance à tous les commandements de la Torah selon l’exemple de l’Evangile est une obligation pour tous les humains quel que soit leur origine ethnique. ». Je l’ai déjà expliqué et je n’y reviens pas. Ces commandements ne concernaient que les hébreux, entre la sortie d’Egypte et la Passion du Christ.

Les torahistes ont ensuite des affirmations au sujet du Royaume : « Nous proclamons que Rabbi Yéshoua n’est pas venu pour créer une nouvelle religion, mais pour enseigner le véritable culte authentique et éternel de Dieu, et que ce culte est le « Nazaréisme » enseigné par les Evangiles et les Apôtres. Tout autre culte est donc au moins partiellement incorrect. ». Le problème de ce « nouvelle religion » est qu’elle nous met sur le même plan que les autres religions. Le Christ est d’une certaine façon dans le post religieux. Le concept de religion est trop étroit pour lui. Mais aujourd’hui, dans la compréhension culturelle et sociale du terme « religion », il y a la religion chrétienne orthodoxe authentique. C’est la seule vraie, et tout le reste est plus ou moins faux.

Naturellement, ils affirment aussi : « Nous proclamons que pour les Nazaréens, les seules autorités légitimes en matière d’enseignements doctrinaux et de pratiques sont des enseignants professant la foi nazaréenne. Toute « autorité » rejetant la Torah et/ou l’Evangile, même partiellement, n’est pas considérée légitime. ». Je vous laisse méditer sur le problème d’œuf et de poule de la chose, sachant que les apôtres n’ont pas enseigné ce que disent les nazaréens. Le premier à avoir enseigné ce que disent les torahistes aujourd’hui, de qui tire-t-il sa légitimité ? Mon évêque lui, a été fait évêque par des évêques, dans une logique remontant jusqu’au Christ. C’est un peu plus sérieux.

Ils affirment ensuite : « Nous proclamons que Dieu n’a qu’un seul peuple appelé « l’Assemblée d’Israël », et que ce peuple est composé de disciples juifs descendants de la Maison de Judah, de disciples éfraïmites descendants de la Maison d’Israël, et de disciples des nations, et qu’ils sont tous égaux dans la communauté. ». Ils essaient ici de résoudre des problèmes qui ne se posent plus aujourd’hui. Le NT se fait l’écho des tensions au tout début entre juifs et gentils dans cette assemblée. Aujourd’hui ces tensions n’existent plus. C’est un non sujet.

Ils affirment ensuite : « Nous proclamons que l’actuel « Etat d’Israël » n’est pas le rétablissement prophétique du Royaume d’Israël sur terre, mais une tentative humaine et laïque d’accomplir certaines prophéties de la fin des temps. En effet, cet Etat ne respecte pas les conditions de l’Alliance divine telles que définies dans la Torah (respect national des commandements), ce qui est la véritable source de ses difficultés. Nous prions donc pour sa conversion, mais nous ne pouvons pas le soutenir. ». C’est un sujet complexe, qui dépasse un peu le cadre de cette vidéo, et qui est vraiment très très périphérique.

Conclusion

Le moment est venu de conclure cette série de billets. Résurgence périodique des erreurs liées à une mauvaise compréhension du plan de salut et de la place d’Israël dans celui-ci, cette hérésie peut toucher ceux qui n’ont pas été correctement catéchisés au sein de l’Eglise. J’espère que nous avons fournis ici les éléments les plus décisifs pour orienter, répondre et convaincre. L’apôtre Paul nous a enseigné « Galates 5:4 : « Vous êtes séparés du Christ, vous tous qui cherchez la justice dans la Loi, vous êtes déchus de la grâce. » . Ce verset est l’ultime mise en garde. Ce n’est pas nous, mais l’Apôtre Paul lui-même, qui déclare que vouloir revenir à la Loi de Moïse comme norme de justice, c’est se couper de la grâce du Christ. Et il n’y a pas de salut en dehors de cette grâce. Voilà pourquoi le torahisme, sous toutes ses formes, ne peut être une voie chrétienne. Bienvenue dans les catacombes.