Voici le texte étudié dans ce billet

6 Mais une vapeur s’éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.
7 L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant.
8 Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé.
9 L’Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
10 Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
11 Le nom du premier est Pischon; c’est celui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l’or.
12 L’or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d’onyx.
13 Le nom du second fleuve est Guihon; c’est celui qui entoure tout le pays de Cusch.
14 Le nom du troisième est Hiddékel; c’est celui qui coule à l’orient de l’Assyrie. Le quatrième fleuve, c’est l’Euphrate.

traduction très littérale de l’hébreu qui pourrait être :

Et une vapeur s’élevait de la terre, elle abreuvait toute la face du sol.
YHWH-Elohim forma l’homme, poussière du sol, il insuffla dans ses narines un souffle de vie, l’homme fût âme vivante.
YHWH-Elohim planta un jardin en Eden, vers l’orient, il y plaça l’homme qu’il forma.
YHWH-Elohim fit pousser du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Et un fleuve sortait de Eden pour arroser le jardin. Et de là il se divisait, formait quatre bras.
Le nom du premier Pichon. Il [est celui] qui entoure tout le pays de Havilà où est l’or.
Et l’or de ce pays là [est] bon. Là [est] le Bdellium et la pierre de Choham.
Et le nom du fleuve le deuxième : Gui’hon. Il [est celui] qui entoure tout le pays de Kouch.
Et le nom du fleuve le troisième : ‘Hiddeqel. Il [est celui] qui coule à l’orient d’Ashour. Et le fleuve le quatrième Perath [Euphrate].

L’anthropologie biblique.

Nous avons ici le second récit de la création de l’homme. Il ne s’agit pas d’une autre création, mais bien de détails apportés au premier récit que l’on avait vu dans la fin du chapitre premier, lors du sixième jour. Nous apprenons ici qu’Adam a été modelé depuis la terre et qu’il a reçu la vie lorsque Dieu a soufflé sur lui. Qu’est-ce que l’anthropologie biblique ? C’est la réponse que Dieu fait via Moïse aux hommes qui se posent cette question légitime : que suis-je ? Le serpent par la bouche de la fausse science académique répond ceci : l’homme est le produit d’une lente évolution s’étalant sur des millions d’années, depuis une cellule originelle. Cette évolution est le fruit du hasard via d’aveugles mutations. Nous sommes le résultat d’une sélection naturelle cruelle sans aucun but. Inutile de décrire ceci davantage, je pense que vous connaissez tous cette vision fausse et mortifère qui, bien que n’ayant aucune base scientifique sérieuse, est enseignée à nos enfants dans les écoles aujourd’hui même. Moïse nous donne une tout autre version, Ô combien plus fiable, puisqu’elle lui est donnée par l’auteur des cieux et de la terre.

La vision matérialiste est qu’il n’y a que la matière qui se complexifie avec le temps, et que de cette lente sophistication émerge la conscience. La vision qu’on appellera « spirituelle », qui essaie de voir plus loin que cette étroite vision matérialiste, introduit le concept d’âme. L’anthropologie de la plupart des courants spirituels énonce que l’homme est composé d’un corps et d’une âme, et que tant que les deux sont unis, il y a la vie, et que lorsque l’âme quitte le corps, c’est la mort qui survient. L’anthropologie biblique reprend cette dichotomie mais ajoute une dimension dynamique dans la distinction de l’âme et de l’esprit, ce que certains ont appelé anthropologie tripartite. En effet, Saint Irénée de Lyon écrit dans son traité contre les hérésies, livre 5 chapitre 6 :

« La chair modelée à elle seule, n’est pas l’homme achevé : elle n’est que le corps de l’homme, donc une dimension de l’homme. L’âme à elle seule n’est pas davantage l’homme : elle n’est que l’âme de l’homme, donc une dimension de l’homme. L’Esprit non plus n’est pas l’homme : on lui donne le nom d’Esprit, non celui d’homme. C’est l’union, dans la communion, de ces trois réalités qui constitue l’homme achevé ». La clé de compréhension de ce passage ici, est, « homme achevé ».
Saint Paul parle ainsi de l’Esprit de Dieu : « l’Esprit en personne peut se joindre à notre esprit, pour attester que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8 :16). Le Saint Apôtre reprend cette anthropologie tripartite dans sa première épitre aux Thessaloniciens : « Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l’esprit, l’âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus Christ! » (1 Th 5 :23). La Très Sainte Mère de Dieu réalise aussi cette distinction entre âme et esprit au début de son magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur, » (Lc 1 :46-47). Ne croyons pas que la Theotokos, âgée de 14, 15, 16 ans fasse ici de la poésie un peu naïve et adolescente. Quand elle prononce ces paroles, elle est remplie de l’Esprit Saint, et le Christ grandit déjà dans sa matrice. Ce qu’elle dit concerne donc davantage les choses théologiques les plus vraies et les plus précises.
Alors on me dira, comme on me dit toujours lorsque j’aborde ce sujet : mais quelle est la différence entre l’âme et l’esprit ? A vrai dire je n’en sais rien. Je me contente de rapporter le fait. L’anthropologie qui ne voit l’homme que comme une opposition corps et âme, est un dualisme anthropologique. Ce dualisme anthropologique est la conception de l’homme chez les philosophes grecs. Ce n’est pas celle de la Bible. Si vous voulez être orthodoxe, ne reprenez pas des concepts extérieurs à la tradition orthodoxe. C’est la vision des philosophes grecs que de voir une opposition corps et âme, qui les a conduits à avoir un mépris du corps. Ce mépris n’a rien de chrétien. L’anthropologie biblique et chrétienne ne marque pas une opposition, mais elle est le plus souvent double et plus rarement tripartite. Comme expliquer ces deux approches ? Comme on va le voir dans le verset 7, l’homme est créé corps et âme, mais la Bible révèle toute une dynamique où il y a une émergence de l’esprit chez ceux qui accueillent une partie de la divinité en eux. Ainsi, l’être non accompli serait double, et l’accompli serait trine. En cela il serait bien évidemment une image de la Sainte Trinité. C’est pourquoi la Theotokos fait la distinction entre l’âme et l’esprit, comme Saint Paul s’adressant à des chrétiens accomplis, ou encore Irénée décrivant cette anthropologie de l’homme achevé. L’homme commence psychique, et fini spirituel, pneumatisé pour reprendre un néologisme grec souvent utilisé en théologie. Ceux qui veulent creuser ce sujet théologique particulier peuvent consulter l’incontournable dogmatique de Macaire Boulgakov qui expose tout ceci en détail dans son tome 1.


Mais revenons au texte. Le verset 7 est d’une insondable profondeur. On nous dit que l’homme est formé de la poussière de la terre. L’hébreu fait une distinction entre deux mots « terre » : Eretz et Adamah. Eretz Israël est l’expression en hébreu pour la terre l’Israël. Eretz Kn’aan, pour la terre de Canaan. Mais ici, c’est le terme Adamah : הָ֣אֲדָמָ֔ה qui est utilisé. Adam est façonné à partir d’Adamah et pas à partir d’Eretz. On dira spontanément : il a reçu le nom d’Adam ( אָדָ֗ם ) parce qu’il est tiré d’Adamah ( הָ֣אֲדָמָ֔ה ). C’est parfaitement logique !! Et pourtant on voit bien dans ce verset que l’homme n’est pas seulement fait uniquement de cet argile premier mais aussi de ce souffle de vie. Alors pourquoi lui donner le nom d’Adam uniquement ? Est-ce que le fait qu’il soit façonné d’après cette terre est plus important ? Continuons notre analyse du verset avant de répondre. En hébreu, Dieu insuffle le souffle de vie dans les narines, et en grec il souffle sur son visage. C’est la seule distinction entre les deux versions : il s’agit dans les deux d’un souffle de vie. נִשְׁמַ֣ת חַיִּ֑ים (nishmat ‘hayim) En hébreu et πνοὴν ζωῆς (pnoène zoes) en grec. Le résultat de cela est que l’homme devient une âme vivante. Un נֶ֥פֶשׁ חַיָּֽה (néfesh ‘haya) en hébreu et un ψυχὴν ζῶσαν (psuken sosav) en grec. Je reviens à mon problème de pourquoi Adam s’appelle Adam. Si on l’a nommé à partir de ce qui le compose, il ne peut pas s’appeler simplement Adam. Ce serait une vision bien matérialiste des choses finalement. Rien sur l’âme et rien sur l’esprit. Juste le corps. Le rêve satanique de Darwin devenu réalité !!! Dieu préserve !!! En hébreu, le verbe ressembler est domé. Adam et Domé ont la même racine. Adam c’est celui qui a l’aptitude de Domé, de ressembler. Adam est celui qui peut ressembler. Souvenez vous qu’il a été créé ainsi : à l’image et à la ressemblance. Sa vocation est de ressembler. Sa liberté est de répondre, ou pas, à cet appel à la ressemblance. Le Christ, en s’incarnant, a rendu cette possibilité de ressemblance divine beaucoup plus palpable puisqu’il est l’image et la ressemblance parfaite du Père. En nous servant de lui comme modèle, nous pouvons réaliser ce potentiel adamique qui est en nous. Les saints sont cette grande chaîne de ressemblance qui nous relie au Christ.

Sur ce verset, nous avons donc un corps, tiré de la glaise, et nous sommes une âme vivante. Le verset ne dit pas que nous avons une âme, mais que nous sommes une âme. C’est une distinction très subtile qu’il convient de noter, même si la tradition considère qu’à ce moment précis Adam reçoit une âme.

Les commentaires patristiques sur ce récit de la création de l’homme sont nombreux, mais celui de Saint Jean Damascène est sans conteste le plus important. Il est même absolument décisif : dans son exposé sur la foi orthodoxe il écrit : « Il a modelé le corps en même temps que l’âme et non celui-là d’abord et celle-ci ensuite, comme le veulent les délires origéniens. ». Cet enseignement est vital, car une fois de plus, bien souvent, de nombreux chrétiens, et les orthodoxes ne font pas exception, ont une vision héritée de la philosophie grecque : le corps est créé avant, et une âme, pré-existante et attendant on ne sait où un signal, descendrait dans le corps après sa création. Il serait donc un temps pendant lequel le corps n’aurait pas d’âme. Superbe façon de justifier l’avortement n’est-ce pas ? La version moderne de cela est que l’humain au tout début est un amas de cellules sans conscience, sans capacité cognitive, sans intelligence, et pour certains donc, sans âme. Ainsi l’orthodoxie par la plume d’un de ses plus grands dogmaticiens répond non : il n’y a pas de corps sans âme. Cela n’existe pas. Aussitôt l’être conçu par ses parents, il dispose d’un corps et d’une âme. L’âme est considérée par la Tradition de l’Eglise comme immortelle. Par contre, tous les Pères ne sont pas en accord sur la nature de cette immortalité : les uns pensent qu’elle est immortelle par nature, tandis que les autres beaucoup plus nombreux et avec un plus grand poids dans la tradition de l’Eglise pensent qu’elle est immortelle par grâce.

Avant de passer au jardin d’Eden, voyons quelques versets qui montrent la cohérence de l’Ecriture avec elle-même. Ici, le texte nous dit que l’homme est pris de la poussière de la terre. Il est donc tout à fait cohérent d’entendre Dieu dire un peu plus loin « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. ». Elihu, dans le livre de Job déclare en 33 :4 « L’esprit de Dieu m’a créé, Et le souffle du Tout Puissant m’anime. ». Le psalmiste dit dans le psaume 103/102 : « Comme un père a compassion de ses enfants, L’Éternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière. » (102 :13-14). Finissons cette analyse de la création de l’homme du chapitre 2, par un extrait fameux de la première au Corinthiens : « 42 Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible; il ressuscite incorruptible; 43 il est semé méprisable, il ressuscite glorieux; il est semé infirme, il ressuscite plein de force; 44 il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. 45 C’est pourquoi il est écrit: Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant. 46 Mais ce qui est spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est animal; ce qui est spirituel vient ensuite. 47 Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre; le second homme est du ciel. » (1 Co 15 :42-47)



Le jardin d’Eden.

La question que se pose tout lecteur peu averti de la Tradition de l’Eglise est de savoir si le jardin d’Eden est un lieu mythique, symbolique ou bien un lieu réel. Ne laissons pas le suspense plus longtemps : il s’agit bien d’un lieu réel, sur la terre. C’est son emplacement géographique qui est plus incertain. On remarquera qu’Adam n’a pas été créé dans ce paradis terrestre, mais qu’il y a été placé une fois créé. Le message biblique est simple et beau : Dieu a placé Adam dans les meilleures conditions possibles. Ephrem le syrien dans son commentaire de la Genèse avance que ce paradis terrestre fut créé le troisième jour. Dieu avait donc tout préparé pour la création de l’homme. Il n’y a pas de consensus patristique sur la localisation du jardin d’Eden.

La description faite par Moïse des quatre fleuves se veut une confirmation de la réalité terrestre de ce jardin merveilleux. Deux des quatre fleuves, le Tigre et l’Euphrate sont encore aujourd’hui facilement localisables. Mais pour ce qui est des deux autres, les choses sont assurément plus complexes. Pichon et Guihon sont plus difficiles à localiser. Le premier réflexe sera de prendre en compte le déluge. Le cataclysme décrit aux chapitre 6 à 8 aura fait disparaître deux des quatre fleuves. Mais le problème de cette approche est que Moïse écrit au temps présent. Il ne dit pas que tel fleuve était là. Il écrit, pour son temps, c’est-à-dire environ 1200 ans avant la naissance du Seigneur. Il donne des détails qui devaient faire sens pour les lecteurs de son époque dans une lecture littérale.

Reprenons d’ailleurs la lecture à ce niveau littéral. Il y a un territoire appelé Eden. Dans ce territoire il y a le fameux jardin. Tout ceci se passe à l’est par rapport à Moïse. Dans ce territoire un fleuve irrigue le jardin. Puis il se sépare en quatre bras. Le premier est Pichon, qui va entourer un pays nommé Havila, un pays visiblement renommé pour son or, son bdellium et sa pierre de Choham à l’époque de Moïse. Autant d’indices qui ne nous aident pas vraiment. Nous ne savons pas ce qu’est le pays de Havila. Le bdellium serait une sorte de résine à l’odeur semblable à la myrrhe, qu’on trouve en inde, en Afrique et en arabie. La pierre de Choham est mieux connue sous le nom de pierre d’Onyx. C’est une pierre semi-précieuse. La LXX traduit cette pierre par πράσινος qu’on peut comprendre par émeraude. On voit donc que ce territoire d’Havila dispose de ressources précieuses. Mais cela ne nous dit toujours pas où il se trouve. Saint Ambroise de Milan déclare du fleuve Pichon qu’il s’agit du Gange et Havila est donc très probablement l’Inde. Saint Jean Damascène énonce la même identification Pichon – Gange. Flavius Josèphe disait déjà cela dans ses antiquités judaïque. Pour le Guihon Saint Ambroise affirme qu’il s’agit du Nil, qui s’écoule depuis l’Ethiopie jusqu’en Egypte, ce qui correspond bien au texte puisque le pays de Kouch est le nom biblique pour l’éthiopie. Saint Jean Damascène donne également le Nil pour Guihon. Le troisième fleuve Hiddeqel est universellement rendu par le Tigre et le quatrième est l’Euphrate ce qui ne pose pas de problèmes. A noter que les rabbins identifient le Nil non pas avec Guihon mais avec Pichon.

Si on essaie de voir sur une carte du monde actuel le Nil, le Gange, le Tigre et l’Euphrate il semble bien délicat de voir pour ces quatre fleuves les 4 bras d’un premier fleuve qui se séparerait. Il est donc encore plus compliqué de dire avec certitude où se trouvait le jardin d’Eden. Vouloir trouver une cohérence géographique aujourd’hui c’est là que réside l’écueil. En effet depuis plus de 3000 ans, la géographie a bien évolué, ne serait-ce que pour les parties émergées, immergées. A cette époque là, le golfe persique n’était pas immergé, et la manche quasi inexistante. Il est donc bien difficile de se baser sur la géographie actuelle pour tenter quoi que ce soit de pertinent.

Le plus probable est une localisation quelque part vers la Mésopotamie, mais rien qu’on ne puisse affirmer avec une certitude absolue. Tout ce que nous pouvons est lire et relire ce que nous avions et avons perdu avec cette terrible chute. Comme le dit Saint Jean Damascène, Dieu « établit d’abord un royaume pour qu’il y passât une vie bienheureuse de félicité. C’était le divin paradis, planté par la main de Dieu en Éden, dépôt de toute délice et de toute joie du cœur (Éden veut dire volupté). Il était à l’Orient dans la région la plus élevée de la terre ; l’air y était le plus doux, le plus léger et le plus pur. Orné de plantes perpétuellement en fleurs et au parfum exquis, baigné de lumière, il dépassait en beauté toute idée qu’on puisse s’en faire avec nos sens ; contrée réellement divine, c’était le pays digne de celui qui était l’image de Dieu, où ne séjournait nul être dénué de raison mais seulement l’homme façonné par les mains divines. »

Pour ceux qui sont familiers de la Bible, il y a certains passages qui rendent ce jardin encore plus mystérieux en en faisant une montagne. Saint Jean Damascène répond partiellement dans ce passage que je viens de vous lire. Il s’agissait alors de la région la plus élevée de la terre. Prenez Ezekiel 28 qui contient une prophétie mentionnant l’Eden d’une façon étonnante : «13 Tu étais en Éden, le jardin de Dieu; Tu étais couvert de toute espèce de pierres précieuses, De sardoine, de topaze, de diamant, De chrysolithe, d’onyx, de jaspe, De saphir, d’escarboucle, d’émeraude, et d’or; Tes tambourins et tes flûtes étaient à ton service, Préparés pour le jour où tu fus créé. 14 Tu étais un chérubin protecteur, aux ailes déployées; Je t’avais placé et tu étais sur la sainte montagne de Dieu; Tu marchais au milieu des pierres étincelantes. » Bien qu’adressée au roi de Tyr, cette prophétie s’adresse en réalité à celui anime le roi de Tyr, l’accusateur, l’adversaire : Satan. Le verset 13 nous décrit quelque chose relatif au jardin d’Eden. Jusque là tout va bien. Mais le verset 14 nous montre finalement une montagne. Il n’y a pas de contradiction ici, mais bien une précision. Ce jardin était dans les hauteurs, au sommet d’une montagne. Il ne faut donc pas se l’imaginer en plaine. On a souvent voulu faire un rapprochement entre le récit de la Genèse et d’autres récits antiques de cette région, en montrant que la Genèse est finalement un texte très classique. J’aimerai finir ce billet en adressant cette accusation facile.

Il est vrai que nous avons des récits antiques qui présentent très souvent les dieux dans des jardins et sur des montagnes. L’approche rationaliste sera de dire que les dieux sont à la conjonction de deux problématiques très humaines : le jardin luxuriant et bien irrigué fait écho à la difficulté de la vie dans ces régions chaudes et arides. La montagne fait écho à cet éloignement divin dans les hauteurs. On pensera plus spontanément au mont Olympe dans notre culture occidentale, le mont Olympe étant la demeure des dieux dans la mythologie grecque. Lorsque l’on comprend, comme l’affirme la Bible, que les autres dieux sont des démons, et que le démon ne cesse de vouloir imiter et parodier Dieu, alors tout devient beaucoup plus clair. Puisque l’Eden était sur une montagne et que Satan fut chassé au bas de cette montagne, il n’a de cesse de vouloir reconstruire des montagnes dont il sera le dieu. C’est ainsi que l’on doit voir pyramides, ziggourats et autres constructions du genre. Les textes dont on parle sont des pastiches de la Bible, qui n’ont jamais été passé au crible de la critique textuelle et historique, de la comparaison de manuscrits et de tout ce genre de disciplines qui cherchent à invalider la Bible en permanence. On a à chaque fois un pauvre exemplaire, dont la découverte est récente. Production de culte idolatre et donc démoniaque, ou bien faux réalisé par un pseudo-scientifique en mal de reconnaissance et de fortune. Le but du stratagème est de vous faire croire que le Dieu de la Bible est un Dieu d’un classicisme étroit et sans imagination qui reprend tous les codes antiques. Rien de neuf sous le soleil.

Ce qu’il faut, c’est laisser toute cette littérature probablement fausse et forgée par des linguistes, comme quelque faux trésor d’égyptologues, et voir les caractéristiques de l’Eden, de ce jardin, de cette montagne et voir comment l’Ecriture résonne vis-à-vis de cela. Ce fleuve qui irrigue le jardin par exemple, il ne faut pas le sous-estimer. Lorsque Saint Jean déclare dans l’apocalypse en 22 :1 « Et il me montra un fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l’agneau. » il s’agit probablement d’une restauration edénique. Au verset 17 du même et dernier chapitre il écrit « Et l’Esprit et l’épouse disent: Viens. Et que celui qui entend dise: Viens. Et que celui qui a soif vienne; que celui qui veut, prenne de l’eau de la vie, gratuitement. ». Cette eau qui n’est plus limitée comme celle que nous avons, comme l’expliquait Jésus à la Samaritaine, cette eau, est peut-être celle de ce fleuve qui traverse ce nouvel Eden.

Je laisse volontairement de côté pour un autre billet la problématique de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car c’est une problématique que je préfère traiter avec le commandement que Dieu pose à Adam.