Définition préliminaire de l’économie : 

Définition préliminaire de l’économie « l’économie et le travail »

L’économie comme action

Tout acte économique représente une certaine œuvre subjective, une sortie actuelle de l’homme dans le monde extérieur et une action au sein de celui-ci. Cette action est appliquée au monde des choses et à des choses. Qu’il s’agisse de l’agriculteur, de l’ouvrier, du mécanicien, de l’ingénieur, du chercheur scientifique, ou bien de celui qui conçoit une usine avec division du travail ou du commerçant avec ses calculs, l’économie est en tout cas faite d’actions objectives, c’est-à-dire sur des choses. Im Anfang war die That, dit la pratique de l’économie. Et ce n’est pas par hasard qu’au centre de la doctrine du matérialisme économique, Marx fait ressortir la Praxis[24], c’est-à-dire cela même que nous appelons ici action objective. Toute l’économie représente une telle activité objective qui suppose évidemment une réalité objective elle aussi. C’est une action de l’économe, du sujet de l’économie (peu importe pour l’instant si ce sujet est individuel ou collectif), constamment exercée sur les choses (la nature ou la matière, qu’elle qu’en soit ensuite la conception philosophique), c’est-à-dire sur l’objet de l’économie. Et tout acte économique réalise une certaine conjugaison du sujet et de l’objet, une insertion de celui-là dans celui-ci, une subjectivation de l’objet ; ou encore une sortie du sujet dans le monde des choses, dans l’objet, c’est-à-dire une objectivation du sujet. En ce sens, quels que soient sa forme ou son contenu, et malgré tout leur différence, l’économie est une activité subjective et objective ensemble, une unité actuelle du sujet et de l’objet. Le sujet agit selon ses fins, il n’est guidé que par sa finalité, tandis que l’objet, la nature, le monde des choses, est déterminé par des lois mécaniques, par le lien insécable des causes et des effets. En tout acte économique, dans son champ, téléologie et mécanisme se rejoignent jusqu’à s’interpénétrer : sans cesser d’être un mécanisme, la nature devient anthropomorphe dans les limites de l’acte ; De même, dans les organes de notre corps, le mécanisme n’entre pas en contradiction avec la finalité fonctionnelle, il s’y conjugue. En ce sens, on peut définir l’acte économique comme une réunion ou une identification partielle du mécanisme de la nature avec la téléologie de l’homme, comme la transformation du mécanisme des causes en celui des fins ou comme un télé-mécanisme. C’est ce que l’on appelle maîtriser la nature[25].

[24] : Dans ses thèses sur Feuerbach (1845), annexés par Engels à sa brochure : Ludwig Feuerbach und der Ausgang der klassichen deutschen Philosophie. Mit Anh. Marl Marx über Feuerbach von Jahre 1845 (Stuttgart, 1888), thèses remarquables par leurs allusions à la nouvelle théorie du pragmatisme. Elles posent nettement, encore que très succinctement, le problème de la philosophie de l’économie.

[25] : l’idée de finalité n’exclut nullement celle de mécanisme au sens d’une causalité résultant de la nature des choses. Elle ne signifie pas du tout une absence de causalité ou, plus exactement, de nature, où les propriétés des choses seraient abolies. Par opposition à la téléologie, le mécanisme signifie simplement quelque chose qui reste étranger aux buts de l’homme et dont les fins échappent à celui-ci. Ce n’est en général qu’un moyen d’action, son comment et non son quoi. Il peut fonctionner sans but réel ou apparent, ou encore en contrecarrant directement celui de l’homme. Cela ne veut cependant pas dire que son idée même contredit une téléologie. On peut au contraire le considérer comme une notion coordonnée avec celle de fin : toute fin nécessite une mécanique des moyens. Le mécanisme est donc un facteur pour parvenir à des fins. Cela étant, de même que peuvent être diverses les fins, de même il peut y avoir des degrés différents de coordination avec elles du mécanisme des causes. En allant plus loin, disons que la notion d’un mécanisme absolu, sans relation aucune avec une finalité, est même inconcevable. En réalité, nous pensons toujours téléologiquement et, consciemment ou inconsciemment, nous supposons toujours des fins à la nature. C’est même à partir de celles-ci que nous interprétons son mécanisme. En ce sens, toute la science naturelle est téléologique : la lutte darwinienne pour la vie, la théorie de l’origine des espèces, etc. Téléologique (inconsciemment) est toute l’économie politique, même dans ses tendances les plus objectives (par exemple, dans le matérialisme économique). Sur la question de la fin de l’économie, v. l’étude considérable de R. Stolzmann, Der Zweck in der Volkwirtschaft. Die Volkswirschaft als social-ethisches Zweckgebilde, Berlin, 1909.





Commentaire/Analyse

La partie la plus intéressante à commenter me semble être le début de ce texte assez dense. Tout acte économique représente une action de l’homme dans le monde, action qui va transformer le monde. C’est ce que postule le Père Serge ici. Est-ce exact ? Il semble bien que oui. Il ne s’agit pas ici de dire que seul les actes dans le cadre économique ont une action sur le réel, mais bien de considérer la particularité des actes qui s’inscrivent dans l’économique : ils posent une valeur sur un acte. La transformation du monde, le Père Serge la présente comme faisant partie des choses objectives, et cette affectation de valeur, il la présente comme subjective. C’est la subjectivité de notre monde qui veut que la valeur marchande d’une prestation dans un acte médical soit bien inférieure à la valeur marchande d’une prestation dans un acte bancaire. Dieu a-t-Il voulu cela ?

On peut sans trop craindre de dire une sottise : la réponse est non. L’acte médical a évidemment plus de valeur que l’acte bancaire. Même si l’acte bancaire peut de façon très indirecte contribuer à un acte médical (les transactions de constructions d’un hôpital par exemple). Mais la question n’est pas ici dans cette mauvaise affectation de valeur. La question est : que pense Dieu de l’affectation de valeur en soi ? S’il est difficile de cerner la pensée divine, on peut néanmoins observer le Christ relativement à ces questions. Le Christ n’a jamais possédé d’argent, a enseigné que servir l’argent est l’exact opposé de servir Dieu. Certes il a donné de nombreux enseignements liés à des contextes de dettes pour enseigner sur les péchés, mais l’on doit lire ceci dans un registre pédagogique. De la même façon il a enseigné beaucoup de fois dans un registre agricole pour être compris de son auditoire. Mais cela ne signifie pas qu’il validait pour autant le recours à l’argent. Il parlait aux gens de façon à être compréhensible. Le Christ n’était pas un philosophe allemand au langage obscur et sinueux. La seule affectation de valeur reconnue dans le Royaume c’est l’amour. La seule monnaie valable dans le Royaume c’est l’amour. Comme le disent les Pères, faire des actes charitables ici-bas c’est notre seule façon de faire des économies concrètes pour l’autre monde. L’argent gagné ici bas reste ici-bas. Les richesses matérielles restent du domaine matériel.

Prenons l’exemple d’une mère qui allaite son nourrisson. Elle ne le fait pas parce qu’elle touche éventuellement une allocation quelconque dans les pays développés amateurs de ce genre de dispositif. Elle ne le fait même pas par devoir. Elle le fait par amour. Elle aime son enfant et le nourrit selon les modalités que Dieu a voulu au travers de la nature. Est-ce qu’elle transforme le monde ? Oui, bien sûr ! Elle participe à la croissance d’un nouvel être vivant. Celui-ci va ensuite lui-même transformer le monde quand il en aura les capacités. Mais pourtant, aucune transaction n’existe ici sur cet acte. Ainsi, l’économie devrait davantage être définie comme un sous ensemble de toutes les actions que l’homme exerce dans et sur le monde. Le principe de l’extension de l’économie est d’arriver à positionner une transaction sur tout. Son rêve est que tout devienne comptable. Son but est que tout soit marchandise… Visiblement c’est l’exact opposé de ce que voulait Dieu : que tout soit basé sur l’amour et le don…