Saint Julien du Mans, fêté le 27 janvier en occident

La tradition de l’Eglise nous a laissé plusieurs juliens à fêter. Mais c’est du premier évêque du Mans dont il sera question dans ce billet. Certaines traditions identifient notre Julien avec Simon le lépreux, un acteur des récits évangéliques que nous retrouvons chez Matthieu et Marc. Pour les données plus nombreuses de la Tradition de l’Eglise, notre Julien serait né à Rome, dans une famille patricienne. Les patriciens étaient la classe supérieure de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie romaine, avec des fonctions politiques ou religieuses. La société romaine se composait des patriciens, minoritaires et puissants, et des plébéiens, majoritaires et sans réel pouvoir, si ce n’est celui du nombre.

Il est fait évêque par Saint Clément de Rome avec pour mission d’évangéliser la tribu gauloise des Cénomans. Cette tribu a donné son nom à l’actuelle ville du Mans. Clément lui adjoint le prêtre Thuribe et le diacre Pavace. A l’époque, la ville du Mans était bien évidemment plus petite, et portait le nom de Suindinum. La place forte était fermée, car redoutant une attaque ennemie et Julien doit commencer son apostolat par la campagne environnante, où il commence les conversions. Suindinum n’a pas de source d’eau, et les militaires sortent régulièrement pour le ravitaillement de cette denrée capitale. Profitant de la présence de quelques soldats à l’extérieur, justement pour ces questions de ravitaillement, Julien réalise un prodige qui sidère les soldats gaulois : il fait jaillir une fontaine en frappant la terre de son bâton. Cette fontaine, aujourd’hui à l’intérieur de la ville du Mans, porte naturellement le nom de fontaine Saint-Julien. On peut voir sur le bas-relief qui en fait l’ornement, Julien en nouveau Moïse, faisant jaillir l’eau avec son bâton.



Julien est invité à l’intérieur de l’enceinte fortifiée et peut commencer sa prédication dans la ville où il reçoit, on l’imagine, un très bon accueil. Mais sa prédication, si elle trouve l’approbation populaire, se heurte au mode de vie corrompu des personnages riches et puissants, qui commencent à le persécuter. Heureusement, le dignitaire militaire le plus influent est fasciné par Julien et le protège. Ce militaire habitait dans la hauteur de la ville, à l’endroit même de l’actuelle cathédrale Saint Julien du Mans. Julien rend la vue à un aveugle devant lui, et ceci finit d’emporter sa réflexion. Le chef militaire de la ville demande le baptême pour lui et toute sa famille. Il offre la plus grande pièce de sa maison, pour qu’elle devienne une église. Elle sera d’abord dédiée à la Mère de Dieu et à Saint Pierre, puis sera plus tard consacrée à Saint Julien.

La prédication de Julien s’accompagne de miracles extraordinaires. Le plus marquant reste indéniablement la résurrection d’un enfant mort que ses parents confièrent au soin de notre saint. Lorsqu’ils purent de nouveau serrer leur enfant dans les bras, toute leur maison demanda le baptême. Les rares partisans de la religion romaine dans la cité furent rapidement convertis. Julien s’attaqua naturellement au druidisme, majoritaire dans ces terres. La lutte contre cette religion était plus compliquée. Les druides célébraient en forêt et avaient leurs adeptes dans les campagnes, ce qui ne permet pas une prédication aussi simple que dans la ville. Les miracles accompagnant la prédication eurent néanmoins un effet redoutable. Julien fondait des églises un peu partout. On imagine l’effet que peut avoir un ressuscité qui sort de son trépas pendant son cortège funèbre, et qui s’exclame à toute l’assistance médusée : « Il est vraiment grand le Dieu que Julien annonce. Nous adorions des démons ; je les ai vus en enfer, où ils souffrent des tourments éternels ». Julien guérissait les infirmes, chassaient les démons. Il est compréhensible que venaient à lui tous les malades, tous les souffrants, cherchant la guérison.



Une autre scène impressionnante qu’on ne peut pas ne pas relater. Persécuté par des idolâtres opiniâtres, Julien, qui n’avait peur de rien, entre dans leur temple. Une simple prière réduit leur idole en poussière. Il en sort un serpent qui se jette alors immédiatement sur les idolâtres et en tue un grand nombre. Certains, comprenant alors comment ils ont été trompés par le démon, supplient Julien. Il intercède et le démon est chassé. C’est la foule toute entière, qui témoin de la scène a elle-même détruit ce temple d’idolâtrie. Les récits de miracles et de conversion sont innombrables. Il serait sans fin de les relater tous ici.

Peu avant sa mort, Julien retourna à Rome pour rendre compte de sa mission. Devant le succès de celle-ci, Rome lui confia des aides supplémentaires. Julien devait probablement penser à la suite. Parfois les saints ont la prescience de leur naissance au ciel. Julien supervisait en personne l’enseignement de son clergé dans une sorte d’école qu’il créa à cet effet. Mais c’est à Thuribe, le prêtre qui l’accompagna depuis le départ qu’il confia la succession de sa mission. Il se retira dans la solitude dans l’actuel Saint-Marceau, au nord du Mans et mourut quelque temps après, entouré de ses disciples. Julien meurt le 27 janvier 117, après un épiscopat de 43 ans. Il est souvent représenté lors de son miracle avec la fontaine, au tout début de son ministère, ou chassant un dragon, symbolisant l’idolâtrie. Saint Julien écrivit quelques textes concernant Dieu, les anges et la liturgie eucharistique. Mais ils ne nous sont plus accessibles aujourd’hui, car détruits par les protestants et les révolutionnaires dans les diverses exactions qu’eurent à souffrir les trésors du christianisme français lors des guerres de religion et de la révolution française. Saint Julien n’est pas un saint de premier plan dans la conscience chrétienne. Il n’a pas l’aura d’un Saint Basile de Césarée dans l’histoire de l’Orthodoxie, ou la même importance qu’un saint Martin pour l’histoire du christianisme en France. Néanmoins, on voit que Dieu l’avait doté de talents tout à fait extraordinaires. On comprend que les chrétiens du Mans restent attachés à sa personne. Saint Julien fait partie de cette église primitive qui a fait des Gaules une terre chrétienne. Les français doivent comprendre que la christianisation de la France remonte au tout départ de l’histoire chrétienne, et n’est pas un phénomène tardif et secondaire. Se réapproprier cette histoire moins connue est une tâche importante. Bienvenue dans les catacombes.